Éducateurs français et étrangers : Ulrich Zwingli

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Éducateurs français et étrangers : Ulrich Zwingli
Revue pédagogique, second semestre 1887 (p. 341-349).

ÉDUCATEURS FRANÇAIS ET ÉTRANGERS


ULRICH ZWINGLI


Au seizième siècle, lorsqu’un habitant de la bonne ville de Zurich avait fait une cure de bains, l’usage voulait que ses amis lui offrissent, à son retour, quelques menus cadeaux en guise de bienvenue. Était-ce pour compenser les dépenses, déjà considérables, d’une villégiature dans une station de bains ? Était-ce pour fêter le nouveau bail avec la vie conclu par l’heureux mortel sous l’influence des eaux bienfaisantes ? L’explication de la coutume n’est pas acquise et ne nous importe guère. Qu’il nous suffise de savoir que c était un usage de bonne société, et que nous lui devons la composition d’un petit traité pédagogique, vénérable par son âge et digne d’intérêt à cause de la notabilité historique de l’auteur.

Au mois de juillet 1523, le jeune Gerold Meyer von Knonau, fils de feu Hans Meyer et d’Anna Reinhart, de noble famille zuricoise, étudiant en belles-lettres à Bâle sous la direction de l’humaniste Glareanus, venait de rentrer dans sa ville natale après avoir fait une saison de bains dans la coquette ville de Baden, en Argovie. C’était au lendemain des premiers triomphes de la Réformation à Zurich, à l’époque où la parole ardente d’Uirich Zwingli entrainait ses concitoyens à l’émancipation du joug de la tradition ecclésiastique. Déjà le nom du savant prédicateur, destiné à prendre place dans l’histoire à côté de Luther et de Calvin, commençait à se répandre au dehors, et déjà la grave responsabilité d’une réforme plus radicale, plus démocratique, plus moderne que celle de Luther absorbait toutes les forces morales et intellectuelles du hardi champion de la renaissance religieuse. Néanmoins Zwingli désirait, lui aussi, apporter son cadeau de bienvenue au jeune homme ; car il l’avait suivi depuis plusieurs années dans ses études, poussé tout d’abord par l’intérêt général qu’il éprouvait pour tous ses pupilles, et bientôt par l’intérêt tout spécial que lui avait inspiré Anna Reinhart, la mère de Gerold, celle qu’il devait associer officiellement à son existence, dès que les progrès de la réforme permettraient au premier prédicateur de la cathédrale de contracter mariage. En ce temps, en effet, on tolérait volontiers le concubinage des prêtres, mais le mariage leur était interdit.

Après réflexion, il lui parut qu’il ne pouvait pas offrir à l’étudiant de présent plus utile qu’un traité succinct sur l’éducation des jeunes gens. Telle fut l’origine de l’opuscule intitulé : Quo pacto ingenui adolescentes formandi sunt (de la méthode qu’il convient d’employer pour former les jeunes gens de condition), qui parut à Bâle en 1523, par l’entremise de Jacques Ceporin, hébraïsant distingué, et qui fut publié une seconde fois à Augsbourg en 1524 avec les Elementa puerilia de Mélanchthon. Ces deux écrits sont les deux premiers traités de pédagogie inspirés par l’esprit protestant[1].

Que l’on ne s’attende pas à trouver dans les neuf pages in-4° de cette rapide composition un exposé méthodique et complet de l’éducation populaire ou un programme d’études détaillé. L’auteur s’est borné à tracer une esquisse des conditions essentielles à toute bonne éducation. Il ne s’occupe pas des enfants, mais des jeunes gens, comme le voulait l’âge du destinataire. Il ne s’attache pas à l’énumération des connaissances que ceux-ci doivent acquérir, mais aux principes qui doivent les guider et aux qualités morales qui doivent les orner. On voit bien, à le lire, que Zwingli a charge d’âmes plutôt que mission professorale ; il a fait œuvre d’éducateur plutôt que d’instructeur, quoiqu’il fût l’un des hommes les plus instruits de son temps. N’est-ce pas le fait de tous les hommes vraiment instruits de comprendre que la science, surtout la science élémentaire, sans l’éducation morale, est un cadeau toujours dangereux, souvent funeste pour l’individu comme pour la société ?

On ne s’étonnera pas de ce qu’un traité écrit par l’un des fondateurs des églises protestantes ait un caractère religieux très accentué ni qu’il porte l’empreinte fortement marquée de la théologie de l’auteur. La première partie, comme de juste, est consacrée à l’éducation religieuse des jeunes hommes ; la seconde partie traite de la formation du caractère, et la troisième résume les qualités qu’il faut développer chez le jeune homme en vue de la vie sociale.

Dans la pensée de Zwingli, la première partie est la plus importante, puisqu’elle pose les principes en dehors desquels toutes les recommandations ultérieures resteront vaines. Zwingli est rigoureusement déterministe et partisan de la prédestination. Il n’admet pas le libre arbitre chez l’homme ; tout ce qu’il y a de bon dans un individu est l’œuvre de l’esprit de Dieu en lui. Il faut que le fidèle vive en Dieu et que Dieu vive en lui, cette substitution de l’esprit divin à l’esprit charnel impuissant de l’homme est le propre de la foi, non pas de la foi intellectuelle, mais de la foi mystique et morale, qui fait que l’homme, se détournant du mal auquel le pousse sa nature charnelle, aspire de toutes les forces de son âme à la vérité, au bien, à la sainteté, au divin. Mais cette foi même, cette transformation intérieure de l’être charnel en être spirituel, cette consécration absolue à Dieu et à sa volonté, l’homme n’y parvient pas en vertu de son propre mérite ai par ses propres efforts. Cela même est l’œuvre de Dieu en lui. Dieu communique son esprit aux uns, par l’Écriture sainte et par une sorte d’inspiration intérieure, mais il le refuse aux autres en vertu de sa toute-puissance et de sa liberté absolue. Ce système, d’une haute valeur philosophique et dont les points de contact avec le déterminisme scientifique moderne n’échapperont pas aux yeux clairvoyants, était le produit de la réaction contre la doctrine du salut gagné par les œuvres ou acheté à prix d’argent, c’est-à-dire du salut extorqué à Dieu moyennant des procédés mécaniques. Mais il semble renfermer en germe la condamnation même de toute espèce d’éducation. La première condition du développement spirituel et moral étant la foi (au sens indiqué plus haut), la foi étant un don gratuit de Dieu sans secours de l’homme, il semble parfaitement inutile de travailler à l’éducation de la jeunesse, puisque nul ne peut changer le sort qui lui est réservé.

Cette considération n’a jamais retenu les partisans de la prédestination, pas plus Zwingli que ses successeurs. L’action divine, en effet, ne peut s’accomplir que par l’intermédiaire des moyens humains ; ainsi la foi naît à la lecture et la méditation de l’Écriture sainte. Comme nul ne peut déterminer quels sont ceux auxquels Dieu donne la foi et ceux auxquels il la refuse, il faut mettre l’Écriture sainte à la portée de tout le monde. C’est ’elle qui doit être la première institutrice de la jeunesse. Les élus de Dieu seuls en profiteront, sans doute ; mais tous doivent être mis à même d’y puiser les principes indispensables de la vie spirituelle. En même temps il faut leur faire connaître l’univers, c’est-à-dire les initier aux sciences naturelles et physiques, pour que la vue des œuvres divines les amène également à Dieu. Par cette double instruction les jeunes gens apprendront à reconnaître la Providence universelle, c’est-à-dire le gouvernement absolu et immuable de toutes choses par Dieu, et l’unité fondamentale sous la diversité des formes passagères. Ces connaissances leur feront estimer les vicissitudes de la vie à leur juste valeur et les porteront à ne rien désirer de contraire à la volonté de Dieu. La conscience de leur impuissance humaine, la confiance entière dans la bonté du Père céleste et dans le sacrifice régénérateur du Christ, achèveront d’en faire des créatures nouvelles, les enfants d’une nouvelle naissance spirituelle, pleins de force, d’énergie et d’activité, parce qu’ils se sentiront les organes de l’esprit de Dieu, des hommes de la justice, de la foi et de la miséricorde, parce qu’ils auront fait l’expérience de la valeur souveraine de ces attributs en Dieu.

Ainsi le principe même de la prédestination amène Zwingli à recommander aux jeunes gens la méditation des livres sacrés et l’étude de la nature. La seconde partie du traité, consacrée à la formation de l’esprit et du caractère, nous montre dès le début une autre conséquence non moins féconde du même principe. Les livres sacrés, où l’on croyait trouver la parole même de Dieu, sont écrits en grec et en hébreu. Pour les bien comprendre, il faut autant que possible les lire dans le texte original, afin d’échapper au danger, fort réel, des traductions altérées dans un but intéressé. L’étude des langues anciennes, de l’hébreu, du grec et du latin, est donc indispensable à la jeunesse qui veut s’instruire. Nul ne pouvait s’en rendre compte mieux que Zwingli, l’un des meilleurs élèves des philologues de la Renaissance.

Toutefois l’exemple d’un grand nombre des plus brillants humanistes était trop actuel pour que notre réformateur ne prit pas tout de suite ses précautions, en rappelant à la jeunesse que l’étude de l’antiquité ne doit pas aboutir à la glorification de tout ce qu’elle nous a laissé. Il ne veut pas de ces esprits lettrés, fins et délicats, mais avides d’esthétique plutôt que de morale. Il y a bien des choses, dit-il, qu’il faut apprendre, non pour s’en inspirer, mais pour s’en garder. L’étude des langues, à ses yeux, ne doit servir qu’à faire mieux comprendre le Christ et à lui ramener les âmes. C’est le Christ qui est le modèle parfait ; c’est de lui que le jeune homme doit s’inspirer. Et l’’énumération des vertus que le Christ a incarnées ne se fait pas attendre. Mais, par un singulier contraste, le disciple de la Renaissance, perçant à travers le réformateur, trahit malgré tout, dans ce développement, l’influence de la morale grecque. Non seulement, en effet, il invoque à l’appui de ses préceptes l’autorité des anciens ; c’est la détermination même des vertus réclamées qui est toute conforme à la conception de la belle époque philosophique de la Grèce : point d’exagération dans aucun sens ; la vertu, telle que la veut Zwingli, est également éloignée de l’ascétisme comme de la dissipation ; elle est mesurée et harmonieuse, « elle est dans la modération », suivant la belle expression d’Aristote. Il faut, dit-il, apprendre aux jeunes gens à être réfléchis, réservés dans leurs paroles et dans leurs manières, sobres, ennemis du luxe ; il faut les mettre en garde contre l’amour de l’argent et l’amour de la gloire, ces deux fléaux qui ont tant fait de mal à l’humanité. Il faut qu’ils cultivent avec modération les connaissances qui ne contribuent pas à former l’âme, telles que les mathématiques et la musique, sciences d’agrément qui ne sont pas nécessaires. Il faut leur apprendre à tous un métier qui les mette en état de gagner leur vie et qui les arrache à l’oisiveté, « ce séminaire de lasciveté ».

Sur un point cependant la morale chrétienne reprend entièrement le dessus, lorsqu’il s’agit des rapports avec l’autre sexe. Il faut, dit Zwingli, que le jeune homme donne tout son amour à une seule femme, qu’il la choisisse digne de partager son existence, et que dès sa jeunesse il n’ait de rapports avec aucune autre. Mais l’influence de l’antiquité reparaît de nouveau dans la recommandation de s’exercer à la lutte, à laquelle l’auteur joint, dans la troisième partie, celle des exercices corporels. Sans doute, le chrétien ne devrait pas se battre ; mais l’exemple de David abattant Goliath prouve que Dieu lui-même arme parfois les mains de ses fidèles. Que l’on s’exerce donc au métier des armes, mais uniquement pour défendre {a patrie et ceux que Dieu ordonne de protéger. En fait d’exercices corporels, la course, le saut, le jeu de disque, la gymnastique, la lutte corps à corps, cette dernière avec modération, seront très utiles à la jeunesse. Il hésite à recommander la natation ; toutefois, quoique à regret, il l’admet « parce que le messager qui alla quérir Camille pour la délivrance de Rome passa le Tibre à la nage ».

Voilà un programme d’éducation qui prend déjà tournure : l’étude et la méditation de l’Écriture sainte, l’étude de la nature, l’étude des langues classiques, la réserve et la modération dans la conduite, l’apprentissage d’un métier ou d’une profession, les exercices corporels, tout cela forme un ensemble satisfaisant. Notre auteur va le compléter dans la troisième partie en énumérant les règles qui doivent guider le jeune homme dans la vie sociale. Ici encore, le modèle parfait est le Christ. Les jeunes gens devront, à son exemple, se consacrer à la justice et à la foi, être persévérants dans le dévouement. Seules les âmes malades aspirent à se faire une petite vie tranquille. Les esprits sains sont actifs. Mais qu’ils prennent bien garde de ne pas détourner à leur propre profit, ou pour la satisfaction de leur ambition personnelle, l’activité qui devait être consacrée au bien de tous. Qu’ils se sentent solidaires des malheurs comme des bonheurs du prochain, et qu’ils sachent supporter avec modération les épreuves publiques ou privées.

Nulle part le caractère foncièrement démocratique de la réforme zwinglienne n’éclate avec plus de clarté que dans ce passage qui mérite d’être cité : « Il (le jeune homme) considérera la chose publique à l’instar de sa propre maison et de sa propre famille ; bien plus, il y verra un corps unique, dont tous les membres se réjouissent ou s’affligent réciproquement, de telle sorte que ce qui est arrivé à l’un soit arrivé à tous[2] ». C’est l’extension à la cité entière et à la patrie de l’idéal de solidarité et de fraternité de l’évangile que le moyen âge avait cherché à réaliser, en dehors de la société civile, dans la communauté monastique. L’importance accordée par Zwingli à l’État, à la communauté des citoyens, est l’un des traits les plus caractéristiques de sa réforme religieuse ; c’est aussi un des points où ce libre citoyen d’une petite république suisse du seizième siècle a été le plus en avance sur son temps, véritable précurseur de l’idéal démocratique moderne. Bien peu de personnes, en dehors de la Suisse allemande, s’en rendent compte, quoique son rôle historique ait été à et égard plus considérable qu’on ne le suppose, par suite de l’influence que ses principes d’organisation sociale exercèrent sur les premières communautés réformées, et, par elles, sur une grande partie du monde civilisé.

La fin du traité sur l’éducation des jeunes gens a une portée moins lointaine. L’auteur désire qu’ils prennent part aux réjouissances publiques ou aux fêtes de famille, du moins autant qu’elles sont convenables ; car il vaut mieux que l’amour du plaisir, puisqu’il faut lui donner un contentement quelconque, soit satisfait en public que dans des réunions secrètes ou en cachette. On peut d’ailleurs toujours rapporter quelque chose de bon des réunions publiques ; à défaut d’exemples à imiter, on y puisera l’horreur de la mauvaise conduite. Le respect des parents, même lorsqu’on est obligé de les quitter à cause de leur hostilité envers le Christ, la répression de la colère, l’arbitrage du magistrat en cas de violence ou d’injure au lieu de la vengeance immédiate, la conversation utile et bienfaisante, la véracité et la droiture dans le discours comme dans toute la manière d’être, font l’objet des dernières recommandations, Déjà nous avons parlé des exercices corporels. Îl reste encore la question des jeux. Sur ce point, le réformateur est très austère. Il ne permet d’autres jeux que ceux qui contribuent au développement de l’esprit ou du corps, tels que les jeux comportant un calcul, spécialement le jeu d’échecs ; encore convient-il de ne pas se laisser dominer par la passion au point de consacrer à ces jeux un temps que l’on devrait employer à d’autres occupations. Quant aux dés et aux cartes, ils sont absolument proscrits.

Le grand intérêt du traité pédagogique de Zwingli provient de la combinaison de tendances très diverses que l’on y reconnaît. Ce n’est pas simplement un programme d’éducation de la Renaissance ; il n’a pas davantage le caractère étroit et sectaire que la théologie protestante a maintes fois donné à l’instruction de la jeunesse. Le grand souffle du seizième siècle y passe. L’idéal ascétique et monastique du moyen âge a disparu. Zwingli ne veut pas former des chrétiens vivant hors de la société ; il veut préparer des citoyens, des hommes libres, vivant dans la société, prenant une part directe à la chose publique, des hommes actifs fuyant l’oisiveté comme le plus grand des périls. Son idéal n’est ni le prêtre ni le moine ; car, dans la société telle qu’il la conçoit, il n’y a plus de clergé. L’Église se compose de tous les citoyens, qui choisissent leur gouvernement ecclésiastique aussi bien que leur gouvernement politique. Être bon citoyen et bon chrétien, c’est tout un.

Les éléments positifs du programme d’éducation par l’application duquel seront formés les citoyens sont empruntés à la Renaissance, qui elle-même les tient de l’antiquité : l’étude des langues anciennes, l’étude de la nature, les exercices corporels, la lecture de l’Écriture sainte elle-même sont autant d’occupations favorites pour les humanistes, surtout pour les humanistes de l’Europe centrale et septentrionale, qui ne confondent pas l’opposition à l’Église avec l’hostilité contre le christianisme. Mais l’esprit qui anime le système tout entier, les principes générateurs de l’éducation telle que la décrit Zwingli, ne proviennent pas de la Renaissance. C’est l’esprit de la Réformation fortement trempé dans l’atmosphère virile de ces petites républiques suisses habituées déjà depuis longtemps à se gouverner elles-mêmes. Les hommes de la Renaissance n’ont d’autre but que de former un cercle de fins lettrés, une petite aristocratie d’hommes cultivés, pour lesquels ils réclament la liberté à l’Église comme aux gouvernements. Mais le sort de la masse populaire les préoccupe fort peu, à l’exception de quelques personnalités plus révolutionnaires que vraiment humanistes. Leur idéal est esthétique encore plus que moral. Ils s’adressent à l’intelligence et à l’imagination plutôt qu’à la conscience.

Zwingli, au contraire, vise non pas la constitution d’une élite d’esprits distingués, mais la transformation d’un peuple tout entier par l’action même des citoyens les plus instruits et les plus pieux. Il veut une réforme démocratique, et, pour soulever la société entière, il entend opérer un renouvellement de l’être moral ou, pour parler son langage biblique, une nouvelle naissance spirituelle. À la base même de l’éducation il place la foi au sens que nous avons indiqué plus haut, c’est-à-dire la consécration de soi-même à Dieu et à la volonté divine, telle qu’il la trouve dans l’Écriture sainte et — c’est là ce qui le distingue tout particulièrement parmi les réformateurs — dans l’inspiration individuelle.

Entre l’éducation de la Renaissance et celle du traité de Zwingli, il y à la même différence qu’entre les philosophes du dix-huitième siècle et les hommes de la Révolution française. Les uns ont remué des idées, les autres ont affirmé des principes moraux destinés à secouer les consciences. Les seconds doivent beaucoup aux premiers, mais les premiers sans les seconds n’auraient jamais transformé la société. L’histoire de la Renaissance en témoigne. Le traité fort peu connu de Zwingli méritait, je crois, d’être présenté au public français soucieux des questions pédagogiques. L’auteur est un digne ancêtre de cette forte race d’éducateurs populaires dont la Suisse allemande a le droit d’être fière.


  1. Voir dans les œuvres complètes d’Ulrich Zwingli, édition Schuler et Schu[illisible]thess, Zurich (1829-1842), t. IV, p. 149 à 158. Les œuvres de Zwingli sont à la Bibliothèque de l’Université, à Paris. Le Musée pédagogique possède une édition allemande de l’ouvrage analysé dans cet article ; c’est la réimpression (dans la collection Israël) de l’édition originale publiée à Zurich en 1526 sous ce titre : Wie man die jugendt in guten sitten und Christenlicher zucht uferzichen unnd leeren solie ettliche kurize underwysung durch Huldrychen Zwinglin beschriben.
  2. Rem etenim publicam unam veluti domum ac familiom existimabit, imo unum corpus in quo membra ita simul gaudent, moerent ac se mutuo juvant, ut quicquid uni acciderit omnibus acciderit. Œuvres, t. IV, p. 155, en bas.