Éloge de la folie (Nolhac)/LXVIII

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Traduction par Pierre de Nolhac.
Garnier-Flammarion (p. 94).

LXVIII. — Mais depuis longtemps je m’oublie, et « j’ai franchi toute borne ». Si vous trouvez à mon discours trop de pétulance ou de loquacité, songez que je suis la Folie et que j’ai parlé en femme. Souvenez-vous cependant du proverbe grec : « Souvent un fou même raisonne bien », à moins que vous ne pensiez que ce texte exclue les femmes. Vous attendez, je le vois, une conclusion. Mais vous êtes bien fous de supposer que je me rappelle mes propos, après cette effusion de verbiage. Voici un vieux mot : « Je hais le convive qui se souvient » ; et voici un mot neuf : « Je hais l’auditeur qui n’oublie pas. »

Donc, adieu ! Applaudissez, prospérez et buvez, illustres initiés de la Folie !