Émeutes de Québec de 1918 - Intervention de M. Picher, juré

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Émeutes de Québec de 1918 - Intervention de M. Picher, juré
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SÉANCE DU 10 AVRIL, 1918.

Intervention de M. Picher, juré[1]



M. Picher. — Avant de continuer les procédures je demanderais la permission de lire le compte rendu d’un journal très important, un des principaux journaux non seulement de Québec, mais du Canada qui est représenté ici par un des hommes le plus spirituel du pays, qui a fait un rapport qui est très regrettable. C’est ce rapport que je vous demande la permission de lire. Vous êtes témoins de ce que j’ai dit et vous pourrez constater que le rapport de l’Évènement est un rapport peut-être de bon foi mais il est malicieux à mon égard. Voici ce que l’Évènement se permet de dire : Une crise de becs. À propos d’une question de procédure il s’élève une crise de becs entre le Jury Picher et le Major Barclay. — « Le Major Barclay » dit le Jury Picher, «  représente les autorités militaires, et nous, nous sommes les représentants du peuple ; le Major est ici sur la défensive et nous n’aimons pas qu’il vienne à tous propos à s’opposer à la production de tel ou tel document qui pourrait éclaircir le Jury. Le Major répond qu’il est ici pour représenter un corps public important et qu’il est de son devoir de s’objecter à toute preuve illégale ; or la preuve que l’on demande en ce moment c’est-à-dire, le témoignage d’un médecin américain sur les blessures produites par des balles explosives ― c’est ce qui a soulevé l’incident ― est une preuve illégale. Le Major Barclay note en passant l’admission que vient de faire le Jury Picher qui affirme que le représentant militaire est ici un accusé sur la défensive. » Eh bien M. le Coroner vous avez entendu ce que j’ai dit hier. Je n’ai jamais fait d’admission que le Major Barclay était considéré comme étant sur la défensive, car il n’est pas accusé. J’ai dit que le Major Barclay avait dit publiquement, et il l’admettra, qu’il se considérait sur la défensive.


Le Major Barclay. — Non non.


M. Picher. — Si vous voulez, j’ai la parole et je n’en abuserai pas. J’ai dit que nous autres ici, les Jurés, nous représentons le peuple, et que nous n’étions ni sur la défensive ni sur l’offensive, mais que nous étions ici pour s’enquérir, ce qui est une grande différence avec ce que le reporter de l’Évènement me fait dire, et je vous demanderai, en justice pour moi, M. le Coroner, de bien vouloir faire répéter les notes sténographiques au sujet de cette question, et j’espère, et j’ai assez confiance dans ce grand Journal, et dans le bon représentant qu’il y a ici, qu’il me donnera justice, et s’il s’est trompé, il s’empressera de l’admettre.


Le Coroner. — Parfaitement.


Le Major Barclay. — Si je peux répondre……


M. Picher. — Si vous voulez me le permettre c’est le Coroner qui va régler si c’est vrai, ce qui a été dit.


Le Major Barclay. — C’est à propos d’autre chose. Je n’ai pas déclaré que je me considérais sur la défensive. Hier au matin j’ai demandé à M. Le Coroner devant Messieurs les Jurés, qu’est ce qu’il entendait prouver, parce que il me semblait que j’étais dans la position d’une personne en défense, ― que si c’était l’intention de prouver que les militaires avaient exercé une rigueur excessive en supprimant les émeutes, que cela me mettait tout de suite sur la défensive ― et que si c’était vraiment l’intention…


M. Picher. — Mais ce n’est pas la question que j’ai faite.


Le Coroner. — Je pense que le meilleur moyen de régler la question c’est que M. Bélinge lira les notes sténographiques et en donnera copie correcte.


M. Picher. — Le Major Barclay admettra que ce rapport n’est pas exact.


Le Major Barclay. — Je ne l’ai pas lu. J’ai compris que vous aviez dit que j’étais sur la défensive. J’ai dit : Eh bien si je suis sur la défensive je prends l’attitude de l’avocat de la défense.


Le Coroner. — Il a dit que vous aviez dit que vous étiez sur la défensive ― non pas que vous étiez sur la défensive.


M. Picher. — D’ailleurs si cet article a été publié dans ce journal important, dans l’intention de nous intimider on se trompe d’adresse, et, comme Jurés, si le représentant du Journal a quelques explications à donner je n’ai aucune objection à l’entendre comme témoin sous serment.


Le Coroner. — Je profiterai de la circonstance pour demander aux représentants des journaux d’être bien particuliers des rapports qu’ils donnent dans leurs journaux. Je comprends qu’ils peuvent exercer le privilège qu’ils ont d’écourter la preuve autant qu’ils le veulent, mais au moins ils ne doivent pas y ajouter. Ils savent quelle est la rigueur de la loi à laquelle ils s’exposent s’ils ajoutent quelque chose à ce qui se passe à l’enquête. Quant à écourter la preuve, ils en prennent la responsabilité.


M. Picher. — Ce sont nos concitoyens, ces gens qui représentent nos journaux, ― nous, nous sommes des pères de famille qui remplissons nos devoirs au meilleur de notre connaissance.


Le Coroner. — Je tiens à ce que les Jurés soient bien traités.


M. Picher. — Nous pouvons faire erreur, parce que nous sommes des gens du peuple. Nous n’avons pas le privilège de représenter ce que ces gens là représentent ― nous avons seulement notre pauvre instruction, et nous avons un devoir à remplir et nous voulons remplir ce devoir là.


Mtre. Lavergne. — C’est une règle bien établie devant les Cours qu’on ne doit pas commenter une cause pendante.


Le Coroner. — C’est bien compris.


Mtre. Lavergne. — Si la preuve est illégale ce n’est pas l’Évènement qui doit juger cela.


Le Coroner. — Ce n’est pas l’Évènement qui le dit ― Il le fait dire par le Major Barclay.


Le Major Barclay. — J’ai fait objection à cette preuve comme illégale et je le pense encore.


Le Coroner. — Question d’opinion.

  1. Titre ajouté par Wikisource pour fin de présentation.