Émeutes de Québec de 1918 - Témoignage d’Isidore Caouette, constable de la Police municipale

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Émeutes de Québec de 1918 - Témoignage d’Isidore Caouette, constable de la Police municipale
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Témoignage d’Isidore Caouette, constable de la Police municipale[1]


ISIDORE CAOUETTE.


ISIDORE CAOUETTE, de la Cité de Québec, constable de la police municipale, étant dûment assermenté sur les Saints Évangiles dépose ainsi qu’il suit :


  INTERROGÉ par le Coroner. — Vous avez entendu le témoin précédent ?


R. Oui.


Q. Est-ce que vous corroborez ce qu’il a dit ?


R. Oui en partie. C’est moi qui suis allé chercher le Père Évain pour donner des secours au jeune Tremblay.


Q. Vous avez pu passer avec précaution en avertissant les militaires que vous conduisiez un prêtre ?


R. Oui.


Q. Ils vous ont écouté et ils vous ont laissé passer ?


R. Oui Monsieur.

INTERROGÉ par le Major Barclay.


Q. Avez-vous quelque chose à ajouter à ce que les autres ont dit à propos de ces émeutes là ?


R. Bedame. Il faudrait rentrer dans tous les détails du commencement à la fin.


Q. Étiez-vous menacé par la foule ?


R. Non.


Q. Et vos confrères ?


R. Non, parce que nous autres, les émeutiers ne nous ont rien fait à nous autres. — il n’y a rien qu’un de mes amis qui a reçu une brique par mégarde.


Q. Étiez-vous près du soldat qui a été blessé ?


R. Je me tenais devant le magasin Lajeunesse. Le soldat, on m’a dit que le soldat était tombé au point du poteau d’ornementation.


Q. Avez-vous entendu le coup de revolver qui l’a atteint ?


R. Non.


Mtre. F. O. Drouin. — Est-ce que vous avez vu tomber le soldat ?


R. Oui.


Q. Dans ce temps là est-ce que les soldats avaient commencé à tirer ?


R. Non, pas encore.

INTERROGÉ par le Coroner.


Q. Vous avez été là tout le temps ?


R. Tout le temps que le Père Évain donnait ses secours aux blessés ?


R. Oui.


Q. Avez-vous entendu le témoignage du Père Évain ?


R. Oui, ce que le Père Évain a dit c’est la vérité.


Q. Est-ce qu’ils parlaient, les soldats, lorsqu’ils reculaient les gens ?


R. Les soldats les reculaient des fois : Clear the street.

INTERROGÉ par le Major Barclay.


Q. Il y a un témoin qui a dit ce matin qu’avant que personne ait tiré sur les soldats il y avait eu des fusillades de soldats et qu’ils n’ont pas entendu de coups du tout partis des civils, mais qu’ils ont entendu trois coups de mitrailleuses ?


R. Pour moi la mitrailleuse a tiré deux fois, sûr. parce qu’on est parti pour aller chercher le Père Évain.


Q. Avec un petit interval de distance ?


R. Je l’ai entendu deux fois et je suis parti pour aller chercher le Père Évain.


Q. Y a-t-il eu un petit interval ?


R. Il y a eu plusieurs coups qui se sont tirés.


Q. Y a-t-il eu trois quatre cinq six coups de tirés ?


R. Il doit y en avoir eu plus que six de tirés, d’après les munitions qui étaient données. Je n’ai pas remarqué ça.


Q. Du reste, vous êtes certain d’avoir entendu des coups de fusil ou des coups de revolver avant que les soldats ont tiré ?


R. Oui certainement.


Q. S’il y a des civils qui disent que ce n’est pas vrai, ils ne disent pas ce qu’il est arrivé ?


R. ……

INTERROGÉ par M. Picher.


Q. Êtes-vous le premier qui a été au secours de la victime Tremblay ?


R. Du moment qu’un officier, je ne peux pas dire qui, m’a fait signe qu’il y avait un blessé par terre, je suis parti et j’y ai été tout de suite.


Q. Vous l’avez trouvé à terre ?


R. Je l’ai trouvé à terre — il y avait un nommé Genest qui lui tenait la tête — je ne comprends pas comment il peut se faire qu’il n’a pas été blessé — un homme en boisson.


Q. Avez-vous constaté si Tremblay avait des armes sur lui ?


R. Non. La seule chose que j’ai dit à Tremblay lorsque je l’ai vu, je lui ai demandé quel mal il avait. Il m’a dit : J’ai une jambe bien estropiée et un bras. Je lui ai dit : Pour le moment je ne peux pas vous faire plus, voyez à vous préparer avec le bon Dieu, parce que vous êtes rendu au bout. Il dit : Oui, je pense au Sacré-Cœur.


Q. Il était seul, il n’était pas parmi plusieurs gens ?


R. Il était seul avec son voisin, un nommé Genest, et Bussières était un peu plus loin qui était mort.

INTERROGÉ par le Coroner.


Q. Vous avez entendu des coups de revolver ? Ces coups là ont-ils été tirés avant que les militaires tirent ?


R. Oui.


Q. Vous connaissez l’endroit où demeure Wilfrid Dion ?


Q. Un homme qui aurait été là dans la fenêtre ouverte, pouvait-il entendre les coups comme il faut ?


R. Oui.


Q. Ils étaient assez forts pour ça ?


R. Oui Monsieur.

INTERROGÉ par M. Lesage.


Q. Vous étiez un peu plus loin que M. Blouin ?


R. Le constable Blouin, je ne l’ai pas vu autour de moi.


Q. Vous avez été là à peu près tout le temps, lorsque les militaires sont arrivés ?


R. C’est moi et le constable Caouette qui sommes arrivés les premiers sur les lieux.


Q. Avez-vous eu connaissance qu’un militaire ait lu un papier ?


R. Non Monsieur.


Q. À la foule ?


R. Non.


Q. Avez-vous eu connaissance qu’il leur ait récité quelque chose qui finissait par : Dieu sauve le Roi ?


R. Non.


Q. Qui avait l’air à leur dire de s’en aller ?


R. Non. On est resté nous autres devant le magasin Lajeunesse. Toute mon occupation était de reculer le monde devant le magasin et les envoyer dans la direction entre la rue St. Valier et le coin de la rue Laviolette.


Q. Depuis que les troubles sont commencés à Québec, avez-vous entendu parler de la Loi d’Émeute ou du Riot Act ?


R. Oui.


Q. Avez-vous eu connaissance que quelqu’un l’a lue ou l’a proclamée avant qu’ils tirent ?


R. Pas où on était là.


Q. Ils ne l’ont pas lu ?


R. Non, pas le lundi soir là où on était là.


Q. Personne n’a lu aucun papier, ni par cœur ou autrement ? ni avec le papier ?


R. Je n’ai pas eu connaissance de rien.

INTERROGÉ par M. J. G. Scott.


Q. Est-ce que vous portiez un revolver ce soir là ?


R. Oui Monsieur.


Q. Était-il chargé ?


R. Oui Monsieur.


Q. Est-ce que la Police a arrêté quelqu’un pendant la soirée ?


R. Non, on n’a pas arrêté personne dans le moment — on n’a pas voulu plus forcer l’affaire parce que on aurait pu exciter le monde. On aimait mieux protéger le public et les magasins pour pas qu’on défonce et qu’on vole.

INTERROGÉ par le Coroner.


Q. Vous n’avez pas tiré du revolver ?


R. Non on a pas tiré du revolver. Je l’avais mis dans ma poche en arrière, parce que parmi le monde on peut ouvrir notre pouch et le voler. Je l’avais dans ma poche en arrière mais je n’ai pas jugé à propos de m’en servir parce que le monde nous a écouté, parce qu’on a été polis — on a été, poliment de toutes manières.


Q. Sans réussir ?


R. On a réussi jusqu’à un certain endroit. On leur a dit : Allez-vous en donc. Les soldats s’en viennent et ils ont l’ordre de tirer. Ils ont dit : Les cartouches, ça arrivent sur les Canadiens, on n’a pas peur de ça, les cartouches blanches.


Et le témoin ne dit rien de plus.

  1. Titre ajouté par Wikisource pour fin de présentation.