Émeutes de Québec de 1918 - Témoignage de Francis Caouette, constable de la Police municipale

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Émeutes de Québec de 1918 - Témoignage de Francis Caouette, constable de la Police municipale
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Témoignage de Francis Caouette, constable de la Police municipale[1]


Francis Caouette.
Francis CAOUETTE, de la Cité de Québec, constable de la Police Municipale, étant dûment assermenté sur les Saints Évangiles dépose ainsi qu’il suit :-
INTERROGÉ par le Coroner.-


Q. Vous avez entendu la déposition du constable Blouin ?


R. Oui.


Q. Vous avez été là en même temps que lui tout le temps ?


R. Oui.


Q. Vous n’appartenez pas à la même station ?


R. Nous autres on appartient à la station No 8 sur la rue St-Valier.


Q. Vous vous êtes rendu presqu’en même temps ?


R. Moi et mon neveu le constable Caouette, on s’est rendu dix minutes avant eux autres.


Q. Vous avez entendu le témoignage du constable Blouin ?


R. Oui.


Q. Avez-vous quelque chose de plus à déclarer ?


R. Bien, j’ai quelque chose.


Q. Qu’est-ce que c’est.


R. Bien, ce n’est pas tout à fait pareil. Moi j’ai trouvé que les soldats avaient tiré droit sur la rue Bagot. Moi j’ai été comme le père j’aurais voulu que c’aurait cessé parce que on était obligés, les constables, de courir et de dire au monde : Ne passez pas là, pendant beaucoup de temps, parce qu’on avait peur que tout ce monde là se fasse tirer. C’était ma peur.


Q. C’était dans le but de protéger le public ?


R. Seulement pour protéger le public. Lorsque j’ai su qu’on voyait que ça se passait devant chez Lajeunesse — certainement qu’on a eu des téléphones par dix et par dix et par vingt disant que le magasin de Lajeunesse était défoncé. On est parti, moi et mon neveu et on est arrivé à la course. La foule était rendue devant le magasin de fer de M. Lajeunesse.


Q. Combien est-ce qu’il y avait de personnes là ?


R. Il devait y avoir dans les trois à quatre cents personnes, et là ils avaient cassé la vitre de la porte du magasin, — la première vitre parce qu’il y a deux vitres doubles et on s’est mis après eux autres pour leur demander en grâce de s’en aller, que ça n’avait pas de bon sens de briser un magasin comme ça, qu’il n’y avait rien là pour eux autres.


Mtre. F. O. Drouin.


Q. Ça c’étaient des enfants ? est-ce que vous avez essayé d’en arrêter ?


R. Il n’y avait pas rien que des enfants. La vitre était cassée lorsqu’on est arrivé. On est venu à bout de les faire circuler jusque chez Arthur Drolet. Là la station No 9 et notre sergent sont arrivés et on a persisté à les tenir jusqu’à ce qu’ils aient passé la rue Laviolette. On les a tenus là jusqu’à ce que les soldats viennent à arriver en leur disant : Mes amis allez-vous en donc. Les soldats vont arriver, vous allez vous faire tirer.


Q. Est-ce qu’ils vous écoutaient ?


R. Certainement, ils se sont reculés. Ils nous ont répondu : les soldats ne peuvent pas tirer. C’est des cartouches blanches qu’ils ont … J’ai dit : Vous allez vous tromper. Ils ont commencé à tirer des petits coups de revolver, vous savez ç’avait l’air des petits revolvers No 22. Ça ne cassait pas les vitres seulement. Ça nous arrivait au dessus de la tête et ça faisait : zigne. Là il a ressout des cailloux qui ont cassé la vitre qui était déjà cassée dans le haut.


Q. Les vitres chez Lajeunesse.


R. Oui


Pendant ce temps là les soldats s’en venaient sur la rue St.-Joseph. Les soldats étaient sur la rue.


Q. Lorsqu’ils ont vu venir les soldats qu’est-ce qu’ils ont fait ?


R. Là il les ont vu venir.


Q. Lorsque la foule a vu venir les soldats ça l’a excitée un peu ?


R. Oui.


Q. Maintenant, pour abréger ça autant que possible, si vous aviez été une force de police de vingt cinq ou trente hommes avec un chef, pensez-vous que vous auriez pu arrêter cette foule là ?


R. Certainement.


Q. Malgré les soldats ?


R. Oui certainement.


Q. Vous ne pouviez pas avoir ça ?


R. Non on ne pouvait pas, le chef avait à diviser quatre vingt dix hommes pour toute la ville de Québec. On savait que le Chef ne pouvait pas mettre tous ses hommes là.


Mtre. F. O. Drouin.


Q. C’est pour ça que vous avez entendu dire: Voilà les soldats qui viennent à notre secours ?


R. Oui.


INTERROGÉ par Mtre. Lavergne.


Q. Si vous aviez eu ce soir là vingt cinq hommes de police ?


R. Je crois qu’on aurait fait un trou.


Q. Vous n’aviez pas besoin des soldats ?


R. Je ne pense pas, suivant mon expérience parce que on a arrêté des choses avec moins d’hommes que ça.

INTERROGÉ par le Major Barclay.


Q. Avez-vous l’expérience de l’Auditorium ?


R. Non je n’étais pas là.


Q. Avez-vous l’expérience de jeudi soir ?


R. Je n’étais pas là non plus.


Q. Avez-vous l’expérience de dimanche ?


R. Dimanche, oui.


Q. Lundi, c’est la première expérience que vous avez eue ?


R. Oui.


Q. Des émeutes de Québec ?


R. Oui.


Q. C’est la première fois que vos avez vu qu’on menaçait les magasins ?


R. On avait entendu parler des autres.


Q. Vous aviez su que pendant quatre jours il y avait une émeute à Québec que la police civile ne pouvait pas contrôler ?


R. Oui, je parle pour mon cas, je ne parle pas des autres. Je parle de ce que j’ai eu connaissance.


Mtre. F. O. Drouin.


Q. Dimanche vous étiez en devoir ?


R. Dimanche je n’étais pas en devoir sur la garde. Je n’ai pas été demandé pour aller là.


INTERROGÉ par Mtre. Lavergne.


Q. Êtes-vous prêt à jurer que si vous aviez eu vingt cinq hommes de police ce soir là vous pouviez maitriser la foule ?


R. Oui je crois que les citoyens ne s’en seraient pas mêlés. Je crois qu’on aurait pu arrêter ces voyous là.


Q. Si vous aviez eu vingt cinq hommes la foule aurait été tranquille ? — et si les militaires s’étaient mis cinquante ensemble et dire : Reculez vous ils auraient pu réussir ?


R. Oui c’est mon opinion.


Q. Je crois que vous êtes armé à feu n’est-ce-pas ?


R. ……


Q. Vous portez une arme ?


R. Oui.


Q. Quels sont vos ordres si on tire sur vous ?


R. Je tâcherais de tirer avant. Je puis les tirer si je veux.

INTERROGÉ PAR M. Picher.


Q. Dans le cas que vous avez cité lundi soir, les balles qui arrivaient dans les vitres et qui ne pénétraient pas même à travers les vitres, auriez-vous cru être assez offensé pas ça pour tirer votre revolver ? pour vous protéger contre ces petits revolvers là ?


R. Non, ça ne m’a pas fait peur, ce n’était pas dangereux p’en tout parce que j’entendais ça tomber dans les vitres, ça ne cassait pas les vitres, ça faisait : zigne.

INTERROGÉ par le Major Barclay.


Q. Avez-vous revu les soldats qui ont été frappés ?


R. J’étais après reculer la foule et il y a un des constables qui m’a dit qu’un soldat était tombé.


Q. Prenons un cas, une hypothèse. Supposons que vous êtes policier en charge de quelques hommes et qu’un de vos hommes a été tiré dessus ? et qu’il a été blessé à la figure par une balle et que vous auriez entendu d’autres coups quel ordre auriez-vous donné à vos hommes ?


R. Si j’avais eu un homme de blessé, j’aurais dit : On va se défendre.

INTERROGÉE par Mtre. Lavergne.


Q. Vous n’avez pas jugé à propos ce soir là de tirer votre revolver en entendant ces coups là ?


R. Non.


Q. Savez-vous comment ç’aurait été si les soldats n’étaient pas venus ?


R. Je ne sais pas si ça serait passé mais le temps que j’ai été sur le poste, je n’ai pas eu peur.


Et le témoin ne dit rien de plus.


Je soussigné sténographe assermenté
certifie que ce qui précède est la transcription
fidèle de mes notes sténographiques.
Alexandre Bélinge
  1. Titre ajouté par Wikisource pour fin de présentation.