Épaves (Prudhomme)/Le Grelot

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ÉpavesAlphonse Lemerre. (p. 123-124).


LE GRELOT


Il neige, un timonier tire une énorme pierre,
Et son flanc maigre écume au frottement du cuir.
Le fouet ou le fardeau : ni s’arrêter ni fuir !
Un morne désespoir alourdit sa paupière.

Mais, plus que la charrette et la roide carrière,
Un banal ennemi s’attache à l’abrutir :
C’est le grelot qu’on pend au collier du martyr,
Obsédant carillon, sonnaille meurtrière.


Tels, sans jamais savoir s’ils se reposeront,
Sous leur rêve accablant vont, la tête baissée,
Les chercheurs inquiets, les serfs de la pensée,

Et le vain bruit du monde insulte au poids du front,
Infligeant le grelot de la bête de somme,
Sans trêve, à ces forçats, libérateurs de l’homme !