Épitaphe (Jamyn)

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Épitaphe
(p. 147).

EPITAPHE


En mon avril la Parque m’a vaincu,
Mais bien-heureux d’avoir si peu vécu :
Hé ! que voit-on que fumée en ce monde.
Un vent, un songe, une onde qui fuit l’onde ?
Tous les humains sont feuilles du printemps,
Soudain fanis[1] comme l’herbe des champs :
Tout passe et coule : Atropos ne pardonne
Non plus aux roys qu’à la basse personne.
Donc au trépas que je ne sois pleuré :
Pour autre fin je n’avois respiré.
Ce seul confort me reste sous la tombe
Qu’il faut un jour que le plus brave tombe
Dans le bateau qui conduit aux enfers.
Et qu’en la fosse il nourrisse des vers,
Puisque la foi de Dieu et de Nature
Nous a bastis sujets à pourriture.

  1. Fanés. V. Ronsard, p. 82.