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Étude sur la côte et les dunes du Médoc/II/2

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II. SOL ET CLIMAT

Sol


Nature et composition. — Abstraction faite évidemment de la couche superficielle où se trouve installée la végétation, le sable de la généralité des dunes est presque exclusivement formé de grains de quartz hyalin blanc légèrement colorés par des sels de fer et autres. Ces grains sont arrondis et leur diamètre varie de 0mm30 à 1mm, mais la plupart (environ 83 %) ont un diamètre de 0mm40 à 0mm50. (MM. Baudrimont et Delbos, Étude sur les différents sols de la Gironde). La densité de ce sable est de 2,625, à très peu près celle du quartz (2,650).

On y trouve un peu de lydienne et de fer oxydulé. Suivant M. Delesse (Lithologie du fond des mers), il ne renferme pas plus de 0,3 pour 100 de calcaire sous forme de débris de coquilles. Encore, cette minime proportion décroît-elle à mesure qu’on s’éloigne de la plage. La matière organique y est également rare et n'est bien appréciable que dans le sol de lèdes autrefois marécageuses, 1 kilog. de sable renferme en moyenne 0g05 d’azote.

Dans le sable d’une dune voisine de la gare d’Arcachon, MM. Baudrimont et Delbos ont trouvé :

humidité 0,5500

matières combustibles ! azote 0,03500

complément 1,1125

fer sesquioxydé 0,3160

chaux, magnésie, acide phosphorique,

potasse, soude, manganèse. . . . 0,5200

sable siliceux 97,7540

et produits solubles pour 1000 parties pondérables :

Matières organiques combustibles et volatiles 0,6020

Matières minérales 0,0480

0,6500 Le sable tie la partie supérieure de la dune est donc mcïtleur que celui de la partie inférieure.

M. F. Vassilièrc, dans son ctudesur les dunes girondines, rapporte des analyses iniércssantcs dont nous extrayons le tableau ci-dessous:


  • ..„„.„.


Humidito

à IIO"


Mi.iére


Aiote


Sil[ce fl table



P«,a..e Soude


Chau.


M>-




V-


"/« 


■■/<-


°/™



7« 



■■/"


°/-


Smble de mer (Soulici


11,600


14,000


0,092


754,600


0,147


0,065


14,97<^



4,480


Sable de le lie (Soulic)


0,710


4.75°


traces


gl!4,ooQ


0,130


o,i(io


0,5110



9,350


S.ble de dune (L^k’I


1,500


traces


0,140


995.3 ’5


o..â5


0,110


i|?5o


0,410



<le P’Q ld6.:Da.p<..cc>


115,000


791.300


+. i-w


71.730


0.750


1.350


3.600


1,970



130,000


754.300


4. 35’^


103,390


0,870


1,650


3.7JO


l.SlO




Par oppaailion : |


Sdl normal


1 110,000



0,500



1,000


Ï.OOO


io,ooo


0,375


1


Oo peut sV-lonncr qu’un sol sî pauvre en éléments nutritifs puisse alimenter la végétation qui le revùl et spécialement des massifs de pins maritimes dont les cendres contiennent 35 à 40 % de chaux et 15 à 20 % de potasse. MM. Grandeau et Henry pensent que « la dis-

> sérainatioa extraordinaire de ces déments, qui forment, pour ainsi

> dire, une couche infioiment mince autour de chaque molécule

> de sable, jointe à la grande mobilité du sol, qui permet aux plus

> petites racines de se développer àleurais;:, supplée, en quelque I sorte, à l’insuffisance des principes, » (Annales de la station agrono- mique de l’Est, 187S, p. 364, le sol des landes et des dunes).

Propriétés physiques. — L’c.YtrOmc mobilité du sable des dunes est la conséquence de sa composilion et de sa forme. D’elles aussi et de sa couleur blanc -j au tiâtrc découlent ses propriétés physiques.

II reflète la lumière avec une intensité telle que la vue peut en être incuromodée. Son aptitude à réchauffera eut et au refroidissement est très grandi’ ; aussi les rosées y sont-elles fréquentes et abondantes, mais elles se dissipent facilement sous l’influence d’un peu de vent ou de soleil, ctde ce fait n’ont souvent pas grande influence sur la végéta- tion. Les gelées se produisent non moins souvent pour le même motif et font de ce terrain un sol froid, tandis que les terres à humus, dont, à l’inverse du sable, l’indice de réfraction est faible, sont moins exposées à ces accidents et se trouvent plus favorables à la vie des plantes. Le sable conduit mal la chaleur; eu été, tandis que la surface a une température de plus de 60° et ne permet pas d’y marcher pieds nus, la masse, à o’" 30 de profondeur, reste à peu prés stationnaire entre 10" et 15".

À légard de l’eau de pluie, ce terrain se comporte d’une façon analogue. Il ne se’ laisse pas péni>lrer de suite et ne filtre pas immédiatement, comme on se l’imagine d’ordinaire. Nous avons constaté dans la lède de Contaut qu’après des pluies abondantes ayant duré jusqu’à quarante huit heures, le sable n’était mouillé qu’à la surface sur une épaisseur de 0m10 à peine. Ce fait explique comment, avant le boisement des dunes, l’eau s’accumulait dans les lèdes et bas-fonds au Leu de filtrer dans le sol . Cependant son état de division lui donne en définitive une perméabilité supérieure à celle des terres ; aussi les engrais, scis minéraux solubles, sont-ils entrainés complètement, au bout de peu de temps, sans avoir produit tout leur effet utile.

Mais, une fois saturé d’eau, le sable la perd difficilement, à cause de la ténuité de ses grains et des résistances moléculaires dont ils sont le siège.

Les sables ne sont d’ailleurs jamais absolument secs, même dans leur partie supérieure, « Quelque mobiles que soient les sables, écrit M. de Vasselot de Régné (Notice sur les dunes delà Coahre), quelle que soit la température de la surface, en y introduisant la main à une légère profondeur, on rencontre toujours une humidité très sensible, et cette humidité augmente de densité en raison de l’altitude ; par suite, le sommet de ces montagnes est plus lié, plus com- pacte que les sables de leurs bases. » Il ajoute que la présence de cette humidité tient à deux causes ; la condensation par rosées et gelées de la vapeur d’eau de l’air ; la capillarité qui amène dans la masse sableuse les eaux du sol souterraines ou superficielles (nappes d’eau, marais, étangs littoraux), dans lesquelles les dunes trempent par leur base.

Aujourd’hui, l’eau ne se trouve guère dans les sables qu’à une profondeur de 2°, 2’°50 pour les plus basses lède.-i. Pour les dunes, la profondeur de cette nappe aquifère s’augmente énormément et plus ou moins suivant la hauteur des dunes. Elle n’est pas horizontale, mais suit à peu près un plan incliné qui va du niveau des marais et étangs littoraux (moyenne de 15 mètres d’altitude) au niveau de la mer.

De l’étude du sol des dunes, nous déduirons donc, avec M. F. Vassilière, ses caractéristiques au point de vue cultural :

« 1° Insuffisance notoire des trois éléments minéraux les plus indispensables : acide phosphorique, potasse et chaux ;

» 2° Insuffisance non moins marquée d’azote partout où la matière organique fait défaut…

» 3° Importance du rôle que doivent prendre dans l’enrichissement du sol en matières minérales et même en azote les aiguilles de pin. » (Les dunes girondines, p, 16).


Différences locales. — Si de l’examen général du sable des dunes, l’on passe à la visite spéciale du terrain des diverses régions du littoral médocain, on ne constatera que des différences peu profondes. Ces différences ne modifient en rien les caractères généraux donnés tout à l’heure et qui font du sable un sol sec, froid et très pauvre en éléments nutritifs.

On remarquera d’abord que le sable des dunes de Soulac est légèrement gris, fin, et renferme un peu de mica et de fer en grains noirs avec quelques minuscules débris de coquilles ; que celui des dunes d’Hourtin et Carcans est plutôt jaunâtre, un peu plus gros, sans mica ni coquilles, et ne contient que très peu de fer. Le dernier est le plus aride du Médoc. Le premier présente une fertilité relative et nourrit une bien plus grande variété d’essences ligneuses ou herbacées. Cette différence tient, d’une part, à ce que les dunes soulacaises peu élevées reposent sur un terrain autrefois à l’état de culture et de marais, où les racines des végétaux parviennent à trouver de l’eau et des matériaux de nutrition, et que l’érosion marine a mêlé au sable des parcelles désagrégées du sol primitif sous-jacent ; d’autre part, à ce que les dunes d’Hourtin et de Carcans proviennent de sables charriés de loin par la mer, par conséquent nettoyés de parties désagrégeables, et accumulés en masse considérable à l’entrée d’un ancien golfe marin dont le fond ne peut être atteint par les racines des plantes de la surface des sables.

Parfois, les fortes marées rejettent sur les rives du Bas-Médoc et notamment de Soulac un sable violacé formé de petits grains bruns, rouges ou violets de quartz et de fer oxydulé magnétique (13,5 %). On y trouverait même 1,3 % de calcaire (M. Delesse).

On peut observer encore que le sol de la forêt de Carcans et de la partie sud de la forêt d’Hourtin est très sec, très peu enherbé ; que les garde-feu y sont naturellement propres et presque toujours à sable blanc ; qu’au contraire, dans la forêt du Flamand, l’herbe est abondante, pousse drue dans certains endroits où l’on voit aussi des touffes vigoureuses de roseaux, que les garde-feu y sont rapidement envahis par la végétation herbacée et arbustive, qu’enfin le sol y semble généralement moins sec que dans les dunes voisines du sud. Cela s’explique par ce fait que les sables du Flamand ont une faible épaisseur verticale et recouvrent un sol primitif abiotique ou argileux sur lequel existe une vaste nappe d’eau, celle qui suinte à la côte. Rappelons d’ailleurs qu’au xviie siècle cette région portait le nom significatif de quartier aux fontaines. À Carcans et à Hourtin, ce sous-sol et cette nappe aquifère manquent ; les sables reposent sur un fond de golfe et ont une épaisseur verticale considérable.

Le sable paraît avoir la propriété de conserver mieux que les autres terrains les bois qui y sont enfouis. Cela tient sans doute à sa siccité habituelle, et à ce qu’il n’y a jamais d’alternatives d’eaux stagnantes et de sécheresse. Pour la même raison, la matière organique s’y décompose lentement. Le chêne y dure très longtemps. Il y a des poteaux de cette essence qui depuis 50 ans marquent des limites de lèdes et sont encore bons. D’expériences faites, il résulte que les quets de genêt vert pourrissent vite, que ceux de genêt sec se conservent au contraire très longtemps.



Climat


« Le Climat, dit M. F. Vassilière en parlant de la région des dunes, loin de modifier avantageusement les caractères extrêmes du sol, en accentue au contraire les défauts pour le plus grand nombre des cultures. »

Alors que le climat girondin est doux, égal, agréable, bien qu’un peu pluvieux, celui des dunes s’en éloigne dans une certaine mesure et se différencie par des pluies abondantes, surtout en octobre et novembre, par des gelées plus fréquentes en hiver, et par des chaleurs plus fortes en été.

Pluie. — Les observations météorologiques faites dans la région des dunes par des préposés des forêts et des phares, sous la direction de M. G. Rayet, fournissent des chiffres dont nous allons donner les plus intéressants pour préciser les caractères du climat des dunes en Médoc.

Hauteur de pluie tombée dans les dunes du Médoc :

de juin 1890 à mai 1891 — 656mm, période très sèche.

— 1891 — 1891 — 774mm, période sèche.

— 1891 — 1893 — 772mm, printemps 1893 très sec.

— 1893 — 1894 — 817mm, période un peu pluvieuse (automne).

— 1894 — 189S — 584mm, période très sèche (automne).

La moyenne de la Gironde a été de 661mm par an pour cette même série d’années (Observatoire de Floirac).

La quantité de pluie tombée croit du nord au sud, avec cette exception que Soulac en reçoit un peu moins que la pointe extrême de Grave. Ainsi, pour ces 5 périodes de juin 1890 à mai 1895, elle a été :

au phare de Grave 733mm

à Soulac 664mm

à St-Nicolas .... 738mm

à Grandmont. . . . 767mm

au Moutchic 770mm

et cet accroissement du nord au sud se continue dans les Landes et les Basses-Pyrénées ; l'on a, par exemple, 915mm à l’étang de Cazaux, 1101mm à Biarritz (de 1893 à 1895). Le rapport de la quantité de pluie à la Pointe de Grave et à Cazaux, est de 0,80 en moyenne.

Il tombe plus de pluie à l'est des dunes, dans les stations qu’elles abritent des vents de l’ouest, que sur les bords mêmes de la mer exposés à ces vents. On a eu ainsi de juin 1890 à mai 1895 :

à l'est ( Grandmont 767mm , . . ( Soulac 664mm

des dunes Le Moutchic 770mm St-Nicolas 738mm

sur les bords de l’océan les Phares d’Hourtin 686mm

Cette différence atteint en moyenne 94mm pour les dunes de Gascogne et pour cette même période.


Température. — Observations thermométriques. Températures moyennes minima et maxima :


ANNEES


PHARE DE GRAVE


LE PORGE («)


Minima


Maxima


Moyenne annuelle


Minima


Maxima


Moyenne

annuelle


1892 — 1893

1893 — 1894

1894 — 1895



9»i5 9,26

7,83


I7î93 X7»58 16,09


i3ï54 13*42 11,96


7»i5

7i36 6,30


19,97

I9»33 18,14


13,56

13,35 12,17

De juin 1892 à mai 1893, les températures extrêmes ont été : au phare de Grave, — 8°,4 le 2 février 1895 et + 39°,2 le 16 août 1892 ; au Porge, — 9°,0 le 2 février 1895 et + 42°,2 le 16 août 1892.

Le nombre de jours de gelée s'est trouvé : au Phare de Grave, de 22 en 1892-93, de 20 en 1893-94, de 41 en 1894-95 ; au Porge, de 41 en 1892-93, de 49 en 1893-94, de 66 en 1894-95 ; il a été de 42 en moyenne pour la Gironde de juin 1892 à mai 1895 (Floirac).

La Pointe de Grave est moins exposée aux gelées que les autres stations de la région ; le voisinage immédiat. de l’océan empêche les gelées tardives ou hâtives de l’automne et du printemps. Il gèle moins sur la bordure orientale des dunes qu’au bord de la mer et que dans la lande voisine. Les écarts de température en chaleur ou en froid sont moindres en forêt que dans les dunes non boisées et dans la lande rase voisine.

Il est à noter que les gelées blanches en Médoc sont très généralement suivies de pluie ou tout au moins de temps brumeux.

(i) Le Porge, village situé dans la lande, à l'est et près des dunes, entre Lacanau et Arcachon.

Les brouillards secs non suivis de pluie sont très fréquents au printemps et au début de l’été.

La neige est rare dans les dunes ; quand il en tombe, c’est en petite quantité et elle ne tait jamais de dégâts aux arbres des forêts. Le givre est à peu près inconnu.

En été, la température est parfois torride, au point de griller les jeunes pins et les morts-bois, surtout ceux qui sont à découvert. Sous les grands pins la chaleur est étouffante et cette particularité tient moins au manque de courant d’air qu’aux émanations résineuses qui imprègnent l’atmosphère et concentrent la chaleur obscure rayonnée par le sol.

C’est pendant ces mêmes chaudes journées que s’entendent par toute la forêt les craquements des pommes de pin ouvTant leurs écailles au soleil.


Vents. — Les vents de sud-ouest et de nord-ouest sont de beaucoup les vents dominants. Ils soufflent souvent en tempête, sont chauds et pluvieux. Les vents de nord et d’est, secs et froids, n’ont jamais, quelle qu’elle soit, une intensité comparable à celle qu’atteignent les premiers. Généralement, plus les vents d’ouest sont violents, moins ils durent. Pendant les beaux jours, le vent étant modéré, « suit le soleil », c’est-à-dire qu’il souffle le matin de l’est, passe au sud au milieu de la journée, puis à l’ouest avec le soleil couchant.

Dans les dunes, le vent n’a guère d’autre action que de faire voler le sable de la plage, de la dune littorale et des parties nues. Ce n’est qu’exceptionnellement qu’il renverse les arbres. Lorsqu’il souffle violemment du large au moment des grandes marées, c’est alors que les lames rongent la côte et que l’érosion marine produit ses plus grands effets.


Orages. — Les orages semblent plus fréquents dans les dunes qu’ailleurs. Ils vont généralement de l’ouest à l’est. La foudre frappe très souvent les pins, et, les orages passant presque toujours au-dessus des mêmes endroits, le tonnerre tombe ordinairement sur les mêmes points de la forêt et y fait périr les pins par bouquets. On a remarqué que le tonnerre ne tombe, en général, ni sur les sommets les plus élevés, ni dans les fonds, mais sur des dunes intermédiaires ou sur les versants des hautes dunes. Pareille observation a été faite dans les sapinières des Vosges, où la foudre frappe sur les pentes à une distance du sommet égale environ au tiers de la hauteur de la montagne ou colline. Mais les orages à grêle sont rares. Les forêts des dunes, ainsi qu’il a été remarqué pour les grands massifs boisés, surtout résineux, les forêts des dunes écartent les orages à grêle et préservent de ce fléau les terres situées à l’est sur une zone large de 10 et même 20 kilomètres. Le relief des dunes doit d’ailleurs avoir une grande part dans cette action préservatrice. Rappelons aussi qu’en général. pour le département de la Gironde, les orages se dirigent de l’océan sur Bordeaux en remontant le fleuve ou en suivant la ligne d’Arcachon à Bordeaux. L’océan joue naturellement un rôle considérable dans la production et le passage des orages sur la région. Ainsi, lorsque le matin après un lever de soleil serein, le brouillard se répand venant de l’est pour se perdre ensuite à l’ouest sur la mer, celle-ci, disent les gens du pays, « n’en veut pas et le rejette le soir en orage. » Les périodes d’orages et de mauvais temps sont souvent précédées de journées pendant lesquelles la mer est très agitée, malgré un ciel serein et une atmosphère très calme.