Œuvres complètes de Lamartine (1860)/Tome 1/Ode/Commentaire

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COMMENTAIRE
DE LA DIXIÈME MÉDITATION



Il ne faut pas chercher de philosophie dans les poésies d’un jeune homme de vingt ans. Cette méditation en est une preuve de plus. La poésie pense peu, à cet âge surtout ; elle peint et elle chante. Cette Méditation est une larme sur le passé. Je venais de lire le Génie du Christianisme, de M. de Châteaubriand : j’étais fanatisé des images dont ce livre, illustration de toutes les belles ruines, était étincelant. J’étais de l’opinion de René, de la religion d’Atala, de la foi du père Aubry. De plus, j’avais eu toujours une indicible horreur du matérialisme, ce squelette de la création, exposé en dérision aux yeux de l’homme par des algébristes sur l’autel du néant, à la place de Dieu. Ces hommes me paraissaient et me paraissent encore aujourd’hui des aveugles-nés, des Œdipes du genre humain, niant l’énigme de Dieu parce qu’ils ne peuvent pas la déchiffrer. Enfin, j’étais né d’une famille royaliste qui avait gémi plus qu’aucune autre sur la chute du trône, sur la mort du vertueux et malheureux roi, sur les crimes de l’anarchie. J’eus un accès d’admiration pour tous les passés, une imprécation contre tous les démolisseurs des vieilles choses. Cet accès produisit ces vers et quelques autres : il ne fut pas très-long. Il se transforma par la réflexion en appréciation équitable des vices et des avantages propres à chaque nature de gouvernement, et en spiritualisme religieux plein de vénération pour toutes les fois sincères, et plein d’aspiration pour le rayonnement toujours croissant du nom divin sur la raison de l’homme.