Œuvres de Turgot (Daire, 1844)/Actes du Ministère de Turgot/Sur divers points d’administration publique

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IV. ADMINISTRATION.

1o DÉCLARATIONS, ÉDITS, ETC., SUR DIVERS POINTS D’ADMINISTRATION PUBLIQUE.

Lettre aux fermiers généraux. (Paris, le 14 septembre 1774.)

Dans le compte, messieurs, que j’ai rendu au roi, de la ferme générale, j’ai cru devoir prendre ses ordres sur tous les objets qui pourraient intéresser votre état. Sa Majesté a vu avec peine qu’une partie considérable des bénéfices résultant de votre bail était destinée à acquitter des engagements pris par plusieurs d’entre vous avec des personnes inutiles à votre régie. Elle m’ordonne de vous dire qu’elle est déterminée à ne plus accorder à l’avenir aucune de ces faveurs particulières à des personnes étrangères à la ferme générale, regardant ces sortes de grâces comme aussi dangereuses pour ses fermes et pour le maintien du crédit de ses finances, que contraires à votre intérêt légitime ; et, si le respect de Sa Majesté pour les volontés de son aïeul, et surtout son attachement inviolable à toute espèce d’engagement, ne lui permettent pas de revenir à présent contre les arrangements qui ont été pris et qui portent l’empreinte des volontés du feu roi, la connaissance que vous avez de ses intentions pour l’avenir doit vous rassurer sur le danger des conséquences.

L’intention du roi est qu’il ne soit plus à l’avenir accordé aucune place de fermier général qu’à des personnes qui auront occupé pendant plusieurs années des emplois supérieurs de la ferme générale, et qui soient jugées utiles à la chose par les témoignages de plusieurs d’entre vous. Sa Majesté n’aura, dans la nomination de ces places, aucun égard aux bons qui auraient été accordés, à moins que les personnes qui les ont obtenus ne se trouvent dans le cas dont je viens de vous parler, et il n’en sera plus accordé de nouveaux.

Les fils de fermiers généraux ne seront appelés à l’adjonction des places de leurs pères que lorsqu’ils auront acquis au moins l’âge de vingt-cinq ans, et qu’ils auront été éprouvés dans les différents emplois où ils auront donné des preuves de capacité ; et les étrangers ne pourront obtenir ces adjonctions que lorsqu’il sera reconnu que la partie à laquelle ils proposeront de s’attacher aura besoin de secours, et qu’ils pourront y être véritablement utiles.

Les fermiers généraux et leurs croupiers qui n’auront pas fait la totalité de leurs fonds dans l’époque qui a été fixée, seront privés de la portion d’intérêt correspondante au déficit de ces fonds, et ces portions d’intérêts seront distribuées entre les fermiers-généraux ou adjoints qui n’ont que des portions de places, et dont le travail mérite une augmentation de traitement. — Telles sont, messieurs, les intentions du roi, dont Sa Majesté a voulu que vous fussiez instruits. Soyez sûrs que je ne m’écarterai pas, dans les propositions que je lui ferai, des règles qu’elle m’a prescrites.

Je suis, messieurs, entièrement à vous.


Lettre circulaire aux intendants sur les octrois municipaux[1].
(Paris, 28 septembre 1774.)

Monsieur, je me suis aperçu qu’il n’y avait rien de plus irrégulier, en général, que la perception des droits d’octroi levés dans les villes et communes. Plusieurs d’entre eux sont établis sur des titres dont la plupart manquent des formes légales, et qui ont de plus le défaut d’être conçus en termes vagues, incertains, qu’on est presque toujours obligé d’interpréter par des usages qui varient suivant que les fermiers sont plus ou moins avides, ou suivant que les officiers municipaux sont plus ou moins négligents. Il en résulte une multitude de procès également désavantageux aux particuliers et aux communautés. Un autre vice assez général de ces tarifs est d’assujettir à des droits très légers une foule de marchandises différentes, ce qui en rend la perception très-minutieuse et très-facile à éluder, à moins de précautions rigoureuses qui deviennent fort gênantes pour le commerce. Il règne enfin, dans presque tous les tarifs des droits d’octroi, un troisième vice plus important à détruire, c’est l’injustice avec laquelle presque tous les bourgeois des villes auxquelles on a cru pouvoir accorder des octrois, ont trouvé le moyen de s’affranchir de la contribution aux dépenses communes, pour la faire supporter aux moindres habitants, aux petits marchands et aux propriétaires ou aux pauvres des campagnes.

Les droits d’octroi ont été établis pour subvenir aux dépenses des villes ; il serait donc juste que les citoyens des villes, pour l’utilité desquels se font ces dépenses, en payassent les frais. Ces droits ont toujours été accordés sur la demande des corps municipaux : le gouvernement n’a peut-être pas pu se livrer à un grand examen sur les tarifs qui lui ont été proposés ; aussi est-il arrivé presque partout qu’on a chargé par préférence les denrées que les pauvres consomment. Si, par exemple, on a mis des droits sur les vins, on a eu soin de ne les faire porter que sur celui qui se consomme dans les cabarets, et d’en exempter celui que les bourgeois font entrer pour leur consommation. On a exempté pareillement toutes les denrées que les bourgeois font venir du crû de leurs biens de campagne ; ainsi, ceux qui profitent le plus des dépenses communes des villes sont précisément ceux qui n’y contribuent en rien, ou presque point. Ces dépenses se trouvent payées dans le fait, ou par ceux qui n’ont pas de biens-fonds dans la ville, et que leur pauvreté met hors d’état de s’approvisionner en gros, ou par les habitants des campagnes, dont les denrées chargées de droits se vendent toujours moins avantageusement.

Il résulte de ces observations, monsieur, qu’il serait important, en cherchant à régler convenablement la perception des droits d’octroi, d’en corriger les tarifs ; de fixer les droits d’une manière claire et précise, qui prévienne les interprétations arbitraires et les contestations qui en naîtraient ; de les simplifier, en ne les faisant porter que sur un petit nombre de denrées d’une consommation générale, assez précieuses pour que l’augmentation résultant du droit soit peu sensible, et pour que la charge en tombe principalement sur les plus aisés, et assez volumineuses pour qu’il ne puisse y avoir lieu à la fraude ; enfin, de supprimer les privilèges odieux que les principaux bourgeois se sont arrogés au préjudice des pauvres et des habitants des campagnes.

Pour parvenir à ce but, il est nécessaire que vous vous fassiez remettre par toutes les villes et lieux de votre généralité, et par les administrateurs des hôpitaux qui jouissent de droits d’octroi et autres, perceptibles sur les denrées et marchandises et sur tous les autres objets quelconques, tous les titres qui les établissent et en vertu desquels ils se lèvent ; les tarifs de ces droits sur chaque espèce d’objets, avec les modifications que l’usage a pu introduire dans la perception, en y ajoutant encore le détail des exceptions ou privilèges, et les titres, s’il y en a, qui établissent ces privilèges ; enfin, l’état des charges et dépenses des villes assignées sur le produit de ces droits. Vous fixerez un terme à ladite remise, et vous aurez soin de m’informer si on y a satisfait. Lorsque vous aurez toutes les pièces et autres éclaircissements nécessaires, vous enverrez votre avis sur l’utilité plus ou moins grande des perceptions de ces divers droits relativement aux besoins des villes et communes qui en jouissent, et même à ceux des hôpitaux, ainsi que sur les droits qu’il pourrait être avantageux de supprimer et sur ceux par lesquels on pourrait les remplacer, pour procurer aux villes et aux hôpitaux le même revenu d’une manière plus simple et moins onéreuse au commerce, et sur les différents privilèges qu’il pourrait être juste d’abroger ou de conserver. Je me déciderai ensuite relativement à la perception, et aux règles que je proposerai au roi d’établir pour rendre cette perception égale, et à la charge de tous ceux qui doivent y contribuer.

Vous savez, monsieur, qu’une partie des droits établis dans les villes se perçoit au profit du roi à titre d’anciens octrois, d’octrois municipaux et d’octrois tenant lieu du don gratuit ; il faudra comprendre ces droits dans l’état à faire, afin d’y réunir ceux qui se lèvent sur les mêmes objets.

Quant à l’emploi des revenus des villes et communautés, il me paraît également nécessaire de le soumettre à des règles qui puissent empêcher le divertissement des deniers. Plusieurs doivent compter de leurs revenus aux bureaux des finances et aux Chambres des comptes dans les délais fixés ; la plupart négligent de le faire. Les administrateurs, s’ils ne sont pas titulaires, se succèdent et gardent par devers eux les pièces justificatives de leurs comptes ; ils décèdent, les pièces s’égarent ; et, lorsque le ministère public s’élève pour forcer de rendre les comptes, il devient très-difficile, pour ne pas dire impossible, de le faire. Alors ces comptes occasionnent des frais considérables, et souvent ils ne produisent rien d’avantageux, parce que le laps de temps qui s’est écoulé ne laisse plus la possibilité d’exercer de recours contre les comptables.

Pour prévenir la dissipation des deniers, je regarde, monsieur, comme indispensable de fixer par des états les charges et dépenses annuelles dont les villes et communautés sont chargées, et au delà desquelles les administrateurs ne pourront, sous peine d’en demeurer personnellement garants, rien payer. Lorsqu’il s’agira d’une nouvelle dépense annuelle, elle sera ajoutée à l’état qui aura déjà été arrêté, et ainsi successivement. Quant aux autres dépenses de la nature de celles qui doivent être autorisées par le Conseil, on s’y pourvoira en la forme ordinaire ; et il y sera statué sur votre avis, en justifiant toutefois par vous que la ville sera en état de faire cette dépense, soit de réparation, soit de construction nouvelle, et en joignant à votre avis le tableau de la situation des revenus de la ville. Je pense aussi qu’il est bon que, sans attendre les délais dans lesquels les comptes doivent être rendus aux bureaux des finances et aux Chambres des comptes, les villes et communes fassent dresser tous les ans, par leurs administrateurs, des brefs-états de compte de leur maniement, lesquels seraient certifiés par le corps municipal, et qu’il soit tenu de remettre les pièces justificatives de ces comptes dans les archives de la ville ou de la communauté, sans que les administrateurs puissent garder ces pièces de comptabilité par devers eux, non plus que les titres des biens ou revenus, sans cause dûment approuvée par vous, monsieur : au moyen de ces états, les comptes seront faciles à rendre. Il me semble que, tenant la main à cette opération dans chaque département, il est possible qu’elle soit faite avec exactitude.

S’il est nécessaire, comme je viens de l’exposer, de vérifier la perception des droits dans les villes, et de la régler d’une manière moins onéreuse aux habitants des campagnes, il n’est pas moins nécessaire de veiller à ce que l’emploi du produit se fasse avec la plus grande économie. Le défaut d’attention sur cet objet important conduirait insensiblement toutes les villes du royaume à la destruction de leurs revenus ; bientôt elles ne pourraient plus suffire aux payements des charges les plus privilégiées, et le gouvernement, vu la multiplicité des secours en tout genre qu’il leur accorde depuis nombre d’années, finirait par n’avoir plus les moyens de les secourir.

Vous voudrez bien, monsieur, faire les réflexions que j’ai lieu d’attendre de vous pour le service du roi sur tous les objets que contient cette lettre, et m’adresser vos observations aussi promptement qu’il vous sera possible. — Je suis, etc.


Extrait de l’édit portant suppression des offices d’intendants du commerce, vacance arrivant d’iceux. (Donné à Versailles au mois de novembre 1774, registre en la Chambre des comptes le 7 mars 1776.)

Louis, etc. Nous nous sommes fait remettre sous les yeux, en notre Conseil, l’édit du mois de juin 1724, portant création de quatre offices d’intendants du commerce : nous avons reconnu que ceux qui sont actuellement revêtus de ces offices en avaient toujours dignement rempli les fonctions ; mais nous avons été aussi informés que, lors de la vacance de l’un desdits offices, il s’était présenté plusieurs sujets qui, par leurs connaissances et leurs talents, auraient été très-utiles pour l’administration du commerce de notre royaume, et qu’ils avaient été détournés d’en solliciter l’agrément, parce que leur fortune ne leur avait pas permis de faire le sacrifice de la somme à laquelle la finance desdits offices a été fixée par ledit édit du mois de juin 1724, et qu’en conséquence un de ces offices était demeuré vacant pendant plusieurs années, ce qui avait obligé le roi, notre très-honoré seigneur et aïeul, de faire commettre, par arrêt de son Conseil, plusieurs magistrats successivement aux fonctions dudit office. Désirant procurer à ceux dont les services pourraient nous être utiles, la facilité d’exercer lesdites fonctions sans être tenus de payer en nos mains la finance de ces offices, nous avons résolu d’y pourvoir en supprimant à l’avenir les titres desdits offices, et nous réservant d’en faire exercer les fonctions par ceux des officiers de notre Conseil ou de nos cours souveraines à qui nous jugerons à propos de les confier. Et désirant ne pas nous priver des bons et fidèles services des sieurs intendants du commerce actuellement titulaires, et leur marquer la satisfaction que nous en avons en leur conservant personnellement lesdits offices leur vie durant, et tant qu’il leur conviendra de les exercer, nous avons résolu de n’effectuer ladite suppression que dans le cas de la vacance de chacun desdits offices. — À ces causes, etc., nous avons dit, statué et ordonné :

Que les titres des offices d’intendants du commerce seront supprimés, vacance arrivant d’aucun d’eux, et aussitôt après ladite vacance, en vertu du présent édit, sans qu’il en soit besoin d’autre ; en conséquence, voulons que les sieurs intendants du commerce, actuellement titulaires, en demeurent revêtus leur vie durant, ou tant qu’il leur conviendra de les exercer, voulant que ladite suppression n’ait lieu que lors du décès ou de la démission d’aucun d’eux…

Si donnons en mandement, etc.


Arrêt du Conseil d’État, du 4 décembre 1774, qui ordonne aux huissiers qui signifieront des oppositions aux conservateurs des hypothèques, établis par l’édit de juin 1771, de signer l’acte d’enregistrement qui sera fait desdites oppositions sur les registres à ce destinés.

Le roi étant informé qu’il s’élève journellement des contestations entre les commis préposés à l’exercice des fonctions des offices de conservateurs des hypothèques, établis près les chancelleries des bailliages et sénéchaussées royales par édit du mois de juin 1771, et les huissiers chargés de former des oppositions entre leurs mains, lesquels refusent de signer sur les registres à ce destinés les actes d’enregistrement desdites oppositions, sous prétexte que l’article 12 dudit édit ne les assujettit qu’à faire viser par les conservateurs des hypothèques les originaux des oppositions qu’ils leur signifient, et Sa Majesté ayant fait examiner en son Conseil les motifs de ces contestations, elle a reconnu que la signature des huissiers, au pied des actes de l’enregistrement des oppositions, était un moyen d’assurer encore davantage la tranquillité des particuliers et l’état des conservateurs des hypothèques, en ce qu’elle obligera les huissiers à venir eux-mêmes signifier ces oppositions, qu’ils envoient souvent par des gens sans caractère, hors d’état de répondre aux différents éclaircissements qu’on peut leur demander, et en ce qu’elle préviendra les différents abus qui pourraient exposer les conservateur » des hypothèques à des recherches et à des discussions désagréables et dispendieuses. À quoi voulant pourvoir : ouï le rapport du sieur Turgot, etc. ; le roi étant en son Conseil, a ordonné et ordonne :

Que l’article XXII de l’édit du mois de juin 1771 sera exécuté selon sa forme et teneur. Veut Sa Majesté qu’en conformité dudit article, les oppositions qui seront formées entre les mains des conservateurs des hypothèques soient datées et par eux visées et enregistrées aux registres qu’ils tiennent à cet effet ; enjoint aux huissiers et sergents qui signifieront lesdites oppositions, de signer avec lesdits conservateurs des hypothèques les enregistrements qui en seront faits sur les registres ; autorise les conservateurs des hypothèques à retenir par devers eux les originaux desdites oppositions, lesquels ne pourront être rendus et visés qu’après que lesdits actes d’enregistrement auront été signés par les huissiers, qui, à défaut de le faire, demeureront garants et responsables de la nullité desdites oppositions, et tenus envers les parties du remboursement des sommes auxquelles pourront monter les créances dont elles seraient déchues, etc.


Extrait de l’ordonnance du roi du 15 février 1775, concernant la visite que les commis aux barrières sont autorisés d’y faire de toutes les voilures, sans exception, qui y arrivent.

Sa Majesté étant informée que, nonobstant les ordonnances rendues, les 9 avril 1719 et 17 février 1757, pour faciliter aux commis de ses fermes la visite qu’ils doivent faire, aux entrées de la ville et faubourgs de Paris, des carrosses, chaises de poste, surtouts, fourgons et équipages de toutes sortes de personnes sans exception, même des équipages de Sa Majesté et de ceux de la reine et des princes du sang, les abus qu’elle a voulu proscrire par ces ordonnances continuent et augmentent chaque jour, ainsi que Sa Majesté l’a reconnu par les états qu’elle s’est fait représenter, et qui contiennent les noms des seigneurs de sa cour et des autres personnes qui se sont soustraits aux visites, même des cochers et postillons qui ont refusé de s’arrêter aux barrières, en poussant leurs chevaux avec tant de rapidité que les commis ont été forcés de se retirer promptement pour n’être pas écrasés. Et, ces abus tendant à détruire une portion intéressante des revenus de Sa Majesté, et étant d’ailleurs contraires à l’ordre qu’elle a établi pour la perception de ses droits, et à l’obéissance due à ses ordonnances ; elle a jugé à propos d’y apporter le remède convenable. Sa Majesté a en conséquence ordonné

Que, conformément aux ordonnances des 9 avril 1729 et 17 février 1757, qu’elle veut être exécutées selon leur forme et teneur, les postillons, cochers et conducteurs des carrosses, chaises de poste, surtouts, fourgons et équipages de toutes sortes de personnes sans exception, même les équipages de Sa Majesté, ceux de la reine, ceux des princes et princesses du sang, seront tenus d’arrêter, aux portes et barrières de la ville et faubourgs de Paris, à la première réquisition des commis, pour être la visite faite par eux. Enjoint Sa Majesté aux commis de ses fermes de dresser des rapports contre les seigneurs de sa cour et autres personnes, sans exception, qui refuseront de souffrir la visite de leurs équipages ; lesquels rapports seront remis au contrôleur-général des finances et représentés à Sa Majesté, pour y être par elle pourvu de la manière qu’elle jugera le plus convenable[2]. Veut Sa Majesté que les coffres, malles, valises et autres choses fermant à clef, soient déchargés et remis dans les bureaux des entrées ou conduits à la douane, pour être rendus après que la visite en aura été faite en présence de ceux qui auront apporté les clefs. Fait défense aux commis de se transporter dans les hôtels et maisons pour en faire la visite.


Édit du roi, portant suppression des offices réunis de commissaires, receveurs, payeurs, commis et greffiers des saisies réelles. (Donné à Versailles au mois de juin 1775, registre en Parlement le 30 des mêmes mois et an.)

Louis, etc. Par le compte que nous nous sommes fait rendre de l’état des offices de commissaires, receveurs, contrôleurs, payeurs, greffiers et commis des saisies réelles près de notre Parlement de Paris, de notre Cour des aides et autres Cours et juridictions de la même ville, nous avons reconnu que la multiplicité de ces offices a, par leur réunion, formé une finance totale qui excède considérablement la juste proportion qui doit exister entre elle et les émoluments desdits offices réunis. Cet inconvénient nous a paru mériter de notre part une attention d’autant plus particulière, que presque tous les titulaires de ces différents offices, ne trouvant dans leur exercice que des émoluments très-modiques, ont pris sur les fonds des saisies réelles des sommes considérables dont eux ou leurs héritiers n’ont pu faire le remplacement, et qui, si nous ne nous empressions d’y remédier, parviendraient en assez peu de temps à affaiblir le gage des créanciers de la caisse, au point de mettre la rentrée de ce qui leur est légitimement dû dans le plus grand péril. À ces causes, nous avons dit, statué et ordonné ce qui suit :

Art. Ier. Les offices de nos conseillers-commissaires, receveurs, contrôleurs, payeurs, greffiers et commis anciens, alternatifs, triennaux et quatriennaux, unis ou non réunis, des saisies réelles, créés et établis près notre Gourde Parlement de Paris et autres Cours, Châtelet et juridictions de la même ville, seront et demeureront éteints et supprimés, comme nous les éteignons et supprimons par notre présent édit.

II. Les propriétaires de tous lesdits offices seront tenus de remettre incessamment entre les mains du contrôleur-général de nos finances les quittances de finances et autres titres de propriété d’iceux, pour être procédé, en la manière accoutumée, à la liquidation et au remboursement desdits offices, des fonds qui seront par nous à ce destinés, et qui serviront avec les deniers et effets qui se trouveront dans la caisse des saisies réelles, au payement des créanciers des différents exercices desdites saisies réelles, d’après les arrêts et sentences qui seront rendus au profit desdits créanciers.

III. De la même autorité que dessus, nous avons créé et érigé, créons et érigeons en titre d’office formé un seul office de notre conseiller-commissaire, receveur et contrôleur-général des saisies réelles près notre Cour de Parlement, et autres nos Cours, Châtelet et juridictions de la même ville, aux mêmes honneurs, titres, prérogatives, droits et émoluments exprimés dans les différents édits, déclarations et arrêts de règlement rendus pour lesdits offices supprimés.

IV. Nous avons accordé l’agrément dudit office au sieur Marie-Louis César Roulleau, régisseur actuel desdits offices supprimés, qui sera tenu de payer dans trois mois, à compter du jour de l’enregistrement du présent édit, entre les mains du trésorier de nos revenus casuels, la somme de 300,000 livres, à laquelle nous avons fixé la finance dudit office, et auquel office ledit sieur Roulleau sera tenu de se faire recevoir dans le même délai en la grande chambre de notre Parlement de Paris, où il prêtera le serment d’usage en pareil cas. Le dispensons de se faire recevoir dans les autres Cours et juridictions de ladite ville, aux greffes desquels il sera tenu seulement de faire enregistrer ses provisions et arrêt de réception.

V. Nous avons commis et commettons ledit sieur Roulleau, et ceux qui lui succéderont dans son dit office présentement créé, pour achever les exercices desdits offices supprimés depuis leur création jusqu’à présent : en conséquence, ledit Roulleau sera tenu de dresser des brefs-états de compte de la situation de ladite caisse des saisies réelles, à chaque époque ou mutation des officiers qui l’ont précédé dans l’exercice desdits offices ; lesquels états seront par lui remis aux officiers de notre Cour de Parlement pour en faire la vérification, et, d’après le compte qu’ils nous en rendront, être par nous statué ce qu’il appartiendra pour la sûreté des sommes et effets qui resteront dans ladite caisse.

L’article VI confirme les lois antérieures dans leurs dispositions auxquelles cet édit ne déroge pas.


Extrait de l’édit portant suppression de la Chambre des comptes de Blois. (Donné à Versailles au mois de juillet 1775, registre en la Chambre des comptes le 12 août 1775.)

Louis, etc. Occupé continuellement du bonheur de nos peuples, nous cherchons avec empressement les moyens de leur procurer des soulagements. Si les besoins de l’État ne nous ont pas encore permis de diminuer la masse des impositions qu’ils supportent, nous nous empressons du moins d’en alléger le fardeau en le divisant entre un plus grand nombre de contribuables : c’est dans cette vue que nous nous sommes déterminé à supprimer notre Chambre des comptes de Blois, dont le ressort peu considérable se trouve circonscrit dans l’étendue de notre seul comté de Blois ; de sorte que les officiers qui la composent sont pour ainsi dire sans fonctions, que même plusieurs d’entre eux ne résident point à Blois, et qu’ils jouissent néanmoins, au préjudice de nos autres sujets, de privilèges considérables qu’il est de notre justice de ne pas laisser subsister ; enfin que le service de cette Cour peut être aisément rempli par notre Chambre des comptes de Paris. À ces causes, etc.

Art. Ier. Nous avons éteint et supprimé, éteignons et supprimons notredite Chambre des comptes de Blois, ensemble les offices de premier président, trésorier-général de France et surintendant des maisons et bâtiments du château de Blois ; de second président, chevalier d’honneur, maîtres-correcteurs, auditeurs des comptes, de nos avocats et procureurs-généraux, greffiers, huissiers et tous autres offices composant ladite Chambre.

II. Les pourvus desdits offices, leurs veuves et enfants, jouiront pendant leur vie des mêmes honneurs, privilèges et prérogatives dont ils avaient droit de jouir avant la suppression d’iceux.

Les articles suivants règlent le remboursement des offices de la Chambre des comptes de Blois, et renvoient le travail dont elle était chargée à la Chambre des comptes de Paris.


Lettres-patentes, portant établissement d’une commission à l’effet de connaître par voie de police et d’administration, et juger en dernier ressort, de l’introduction et vente du tabac dans les villes de Paris et de Versailles, et dans l’étendue des prévôtés et vicontés en dépendantes. (Données à Versailles le 29 août 1775, registrées en la Cour des aides le 1er septembre 1775.)

Louis, etc. La conservation des droits de nos fermes, et les moyens de prévenir la contrebande qui, en diminuant les revenus de l’État, expose la vie et la fortune de nos sujets, ont dans tous les temps mérité l’attention des rois nos prédécesseurs. Notre auguste aïeul, instruit qu’il s’introduisait dans la ville de Paris et dans celle de Versailles une quantité considérable de tabacs mélangés et falsifiés, dont le débit est aussi nuisible à la santé des citoyens que préjudiciable à nos droits, a, par arrêts de son Conseil des 30 mai 1771 et 7 juin 1772, attribué au sieur lieutenant-général de police de la ville de Paris la connaissance par voie de police et d’administration, et le jugement en dernier ressort, de tous les délits relatifs à l’introduction, au débit et au colportage des tabacs, tant en poudre qu’en bouts, et des poudres factices exposées en vente sous la dénomination de tabacs, tant dans les villes de Paris et de Versailles que dans l’étendue des prévôtés et vicomtes en dépendantes : nous avons reconnu que cette attribution a produit les plus prompts et les meilleurs effets. Les moyens faciles et multipliés que fournit au lieutenant-général de police l’administration dont il est chargé, ont diminué une espèce de contrebande si dangereuse, prévenu les excès et les peines auxquels ceux qui s’y livrent sont malheureusement exposés. Elle a d’ailleurs l’avantage de diminuer les frais de procédures par la promptitude des jugements. D’une autre part, notre Cour des aides de Paris, ayant, par ses remontrances à nous présentées au mois de mai dernier, réclamé contre cette attribution, nous nous sommes fait rendre compte desdits arrêts des 30 mai 1771 et 7 juin 1772, des motifs qui les ont déterminés et des circonstances dans lesquelles ils ont été rendus, et voulant donner à notre Cour des aides une nouvelle preuve de la confiance que nous avons dans son zèle et dans ses lumières, nous avons pris le parti qui nous a paru le plus propre à concilier les droits de la compétence qu’elle réclame, l’intérêt des lois et celui de nos sujets, avec la nécessité où nous nous trouvons d’opposer à la fraude des moyens que rien ne pourrait suppléer. À ces causes, nous avons dit, statué et ordonné ce qui suit :

Art. Ier. Nous avons formé et établi, formons et établissons une commission de notre Conseil, qui sera composée du sieur Albert, maître des requêtes ordinaire de notre hôtel, lieutenant-général de police de notre bonne ville de Paris, et de cinq conseillers de notre Cour des aides, qui seront par nous nommés, à l’effet de connaître par voie de police et d’administration, et juger en dernier ressort, des introduction, vente, débit et colportage des tabacs de toute espèce, en bouts et en poudre, et de poudres factices, sous la dénomination de tabacs, dans la ville de Paris et celle de Versailles, et dans l’étendue des prévôtés et vicomtes en dépendantes, leurs circonstances et dépendances, et des prévarications commises par les employés des fermes et débitants, dans l’exercice de leurs fonctions ; dérogeant à cet égard à tous édits, règlements et arrêts qui pourraient y être contraires, et notamment aux arrêts de notre Conseil des 30 mai 1771 et 7 juin 1772.

II. Ordonnons que tous les particuliers qui seront arrêtés soient interrogés dans les vingt-quatre heures, et que, sur le vu de l’interrogation qui sera rapporté à la prochaine assemblée, il puisse être statué sur le sort desdits particuliers, auxquels lesdits commissaires pourront, s’il y a lieu, adjuger des dommages-intérêts.

III. Lorsque les accusés seront prévenus de crimes assez graves pour mériter peines afflictives ou infamantes, voulons que leur procès soit renvoyé pour être instruit et jugé en dernier ressort en notre Cour des aides, dans la forme ordinaire ; à l’effet de quoi elle demeurera autorisée à juger en première et dernière instance. Pourront néanmoins lesdits sieurs commissaires y renvoyer telles autres affaires qu’ils jugeront à propos.

Si donnons en mandement, etc.


Lettre à M. Messier, de l’Académie des sciences, astronome de la marine[3].
(Ce 3 octobre 1775.)

M. de Condorcet a dû vous prévenir, monsieur, du projet que j’ai de faire constater par des expériences exactes la longueur précise du pendule, qui me paraît devoir servir d’étalon commun et de terme de comparaison à toutes les mesures qu’il sera facile d’y réduire. Mais, le mouvement de rotation et la figure de la terre faisant varier, à raison des différentes latitudes, la pesanteur et par conséquent la longueurdu pendule destiné à l’aire des oscillations d’une égale durée, il faut se déterminer à choisir pour mesure matrice le pendule d’une latitude déterminée.

Il ne peut y avoir de motif raisonnable de préférence que pour le pendule de l’équateur et celui du parallèle du quarante-cinquième degré. Ce dernier paraît préférable par une foule de raisons, et surtout par la facilité, que donne sa situation au milieu des contrées où les sciences fleurissent, d’en vérifier la longueur aussi commodément et aussi souvent qu’on le voudra. Nous avons même l’avantage que ce parallèle traverse la France et passe fort près de Bordeaux. Les environs de cette ville présentent, dans le Médoc, un terrain peu élevé au-dessus du niveau de la mer, et suffisamment éloigné de toutes les montagnes qui pourraient troubler l’action de la pesanteur : ces circonstances sont les plus favorables qu’on puisse rencontrer poulies recherches de ce genre.

Je me suis déterminé en conséquence à prier un astronome de s’y transporter, et d’y faire toutes les observations nécessaires pour constater la longueur du pendule.

Je n’ai pas cru pouvoir choisir pour ce travail personne qui réunisse plus que vous le zèle pour le progrès des sciences et le talent d’observer avec précision. M. de Condorcet m’a dit que vous ne refuseriez point d’entreprendre ce voyage. J’en ai prévenu M. de Sartine, qui veut bien vous y autoriser, et qui peut-être vous chargera de son côté de quelques commissions.

Je joins à cette lettre une esquisse d’instruction à laquelle vous ajouterez tout ce que vos réflexions pourront vous suggérer sur les moyens les plus sûrs et les plus faciles d’arriver au but. Je vous serai obligé de préparer le plus tôt qu’il vous sera possible tout ce qui est nécessaire, soit pour votre voyage, soit pour vous munir des instruments convenables. — S’il fallait quelques démarches pour vous faire avoir la liberté d’emporter avec vous la pendule de M. l’abbé Chappe, vous voudrez bien me l’indiquer. Je vous envoie une lettre pour M. l’intendant de Bordeaux, afin qu’il vous procure toutes les facilités qui peuvent dépendre de lui pour remplir votre mission. Si vous avez besoin de quelque argent d’avance, soit pour l’acquisition des instruments, soit pour les frais de votre voyage, vous pouvez vous adresser à M. de Vaines, que j’ai prévenu.

Je vous prie de me marquer quand vous pourrez partir. — Je suis très-parfaitement, monsieur, etc.


Lettre à M. de Sartine, ministre de la marine. (Du 4 octobre 1775.)

J’ai eu l’honneur de vous prévenir, monsieur, du voyage que je propose à M. Messier pour faire, dans le Médoc, des observations propres à déterminer la longueur du pendule à secondes, et à fournir par conséquent une mesure fixe et retrouvable dans tous les temps, à laquelle on puisse comparer toutes les autres. En qualité d’astronome de la marine, il a besoin de votre agrément. Vous avez bien voulu me le promettre ; vous m’avez dit qu’en même temps vous le chargeriez de quelques commissions relatives à votre département. Je vous serai obligé de vouloir bien hâter l’expédition de sa permission et des instructions que vous voulez lui donner, afin que rien ne retarde son départ, et qu’il puisse profiter de la belle saison.

J’ai l’honneur d’être avec un parfait attachement, etc.


Lettre à M. de Clugny, intendant de Bordeaux. (Du 4 octobre 1775.)

Vous savez, monsieur, que, soit qu’on propose de ramener toutes les mesures à l’uniformité, soit qu’on se borne à les réduire toutes à une mesure commune par un tarif qui donne la facilité de les comparer les unes aux autres, il est également avantageux de prendre pour base invariable la longueur d’un pendule qui fasse par jour un certain nombre d’oscillations, puisque cette longueur est la seule mesure donnée par la nature, et qu’on puisse retrouver en tout temps, quand tous les anciens étalons seraient perdus. Mais, comme la longueur même du pendule n’est pas la même aux différentes latitudes, il faut prendre pour étalon commun le pendule d’une latitude déterminée. Il n’y en a point qui convienne mieux, pour réunir tous les suffrages, que le pendule du parallèle du quarantecinquième degré, qui, outre qu’il tient le milieu entre les deux extrêmes, a l’avantage de traverser l’Europe et d’être à portée par là de toutes les nations savantes, ce qui donne la facilité de répéter commodément, et aussi souvent qu’on le voudra, les expériences. Il m’a paru intéressant de faire constater, par des observations immédiates, la longueur précise du pendule à cette latitude. La situation du Médoc présente, assez près de Bordeaux, plusieurs circonstances très-avantageuses pour y faire ces observations avec succès, et j’ai chargé M. Messier, de l’Académie des sciences, astronome de la marine, de s’y transporter à cet effet. Il se rendra à bordeaux, où je l’adresse à vous, afin que vous lui procuriez, pour remplir sa mission, toutes les facilités et les commodités qui dépendent de vous. Je suis très-parfaitement, etc.[4].


Extrait de l’arrêt du Conseil d’État du 31 octobre 1775, qui ordonne dans les provinces de Flandre, Hainault et Artois l’exécution de l’édit du mois de février 1771, et des arrêts du Conseil des 6 juillet 1772 et 30 décembre 1774, concernant l’hérédité des offices et les droits casuels.

Vu par le roi, étant en son Conseil, l’édit du mois de février 1771, par lequel, à l’exception des offices dénommés en l’article 20 dudit édit, toutes les hérédités et survivances dont jouissaient les pourvus d’autres offices royaux, à quelque titre qu’elles eussent été rétablies, auraient été révoquées, à compter du 1er janvier 1772 ; au moyen de quoi tous lesdits offices auraient été assujettis, pour l’année 1772, aux droits de prêt et annuel, et, pour chacune des années suivantes, au centième denier du prix auquel lesdits offices auraient été fixés par des rôles arrêtés au Conseil, d’après les déclarations des titulaires ; comme aussi au payement du droit de mutation sur le pied du vingt-quatrième des fixations pour les offices sujets au centième denier, et du seizième pour ceux auxquels la survivance aurait été conservée ;

Et Sa Majesté, considérant que les offices sont, dans les provinces de Flandre, Hainault et Artois, de la même nature que dans les autres provinces du royaume ; que l’hérédité qui leur a été attribuée était, dans ses principes, ses motifs et ses effets, la même hérédité que les besoins de l’État et d’autres circonstances ont souvent obligé d’accorder à un grand nombre d’offices du royaume ; que cette hérédité a toujours été regardée comme révocable ; que, dans différents temps, il y a eu ou des taxes imposées pour conserver ce privilège, ou des lois qui l’ont révoqué purement et simplement ; que, si ces taxes et les révocations qui ont précédé les édits et arrêts du Conseil ci-dessus mentionnés, n’ont point tombé sur les offices de Flandre, Hainault et Artois, Sa Majesté n’en a pas moins conservé le droit de les ramener, quand elle le jugerait à propos, à la loi commune des offices ; qu’il y aurait de l’inconséquence à les faire jouir de l’hérédité en même temps qu’on juge nécessaire d’en priver tous les autres offices qui en jouissaient comme eux ; qu’il est au contraire d’une bonne administration de maintenir l’uniformité, et que les offices des provinces de Flandre, Hainault et Artois ne puissent pas être possédés et transmis à d’autres conditions, et régis par d’autres principes, que ceux des autres provinces du royaume ; que ces considérations, qui ont déjà déterminé plusieurs décisions particulières, et notamment la réponse du feu roi à l’article 5 des cahiers des États d’Artois de l’année 1772, ne permettent pas à Sa Majesté d’avoir égard aux nouvelles représentations qui lui ont été adressées ; et voulant faire connaître plus positivement ses intentions :

Ouï le rapport du sieur Turgot, etc., le roi étant en son Conseil, a ordonné et ordonne :

Que l’édit du mois de février 1771, et les arrêts de son Conseil des 6 juillet 1772 et 30 décembre 1774, seront exécutés suivant leur forme et teneur, dans les provinces de Flandre, Hainaut et Artois ; qu’en conséquence, tous les pourvus d’offices royaux dans lesdites provinces seront tenus de se conformer, si fait n’a été, à ce qui est prescrit par lesdits édits et arrêts du Conseil, et sujets aux droits du centième denier et de mutation, y mentionnés.


Extrait de l’ordonnance du roi du 12 décembre 1775, portant amnistie générale en faveur des soldats, cavaliers, dragons et hussards qui ont déserté des troupes de Sa Majesté avant le 1er janvier 1776, et substituant d’autres peines à celle de mort contre les déserteurs.

Sa Majesté voulant donner à ses sujets une preuve signalée de sa bonté et de sa justice, elle a résolu de modérer les peines portées contre les déserteurs de ses troupes, par les ordonnances du feu roi son aïeul, et de proportionner celles qui auront lieu pour l’avenir aux motifs et aux circonstances de leur désertion.

Obligée de sévir contre ceux qui se rendront coupables d’un crime si préjudiciable à la discipline militaire, ainsi qu’à la gloire et à la prospérité de ses armes, Sa Majesté n’a consulté que sa tendresse pour ses sujets dans le choix des punitions qu’elle a établies, au lieu de la peine de mort ci-devant prononcée pour tous les cas de désertion, et elle ne l’a maintenue que contre les déserteurs qui, en abandonnant leur patrie en temps de guerre, joignent, dans cette circonstance, une lâche trahison à leur infidélité.

Considérant au surplus Sa Majesté la situation malheureuse des soldats, cavaliers, dragons et hussards de ses troupes, qui en ont déserté jusqu’à présent, et qui, fugitifs dans ses États, ou réfugiés en pays étrangers, expient, la plupart depuis longtemps, par leur misère et leur repentir, le crime qu’ils ont eu le malheur de commettre, elle a cru que le jour où elle publiait une loi de douceur et d’humanité devait être celui de sa clémence, et elle s’est déterminée à leur accorder une amnistie générale et sans condition : Sa Majesté déclarant que nul événement, ni aucune circonstance, ne la porteront, durant le cours de son règne, à renouveler une pareille grâce, ni à en accorder de particulières aux déserteurs de ses troupes.

Sa Majesté se persuade d’ailleurs que ses sujets, n’ayant plus lieu d’être émus de compassion en faveur desdits déserteurs, attendu la diminution notable des peines contre eux précédemment prononcées, ils regarderont comme un devoir, que leur fidélité et leur patriotisme leur imposent, de contribuer à les faire arrêter, loin de protéger leur fuite, et même de leur donner retraite, comme par le passé.

En conséquence, Sa Majesté a ordonné et ordonne, etc.[5].


Lettre à M. de Saint-Germain. (Paris, 18 décembre 1775.)

M. d’Ormesson m’a remis, monsieur, la lettre que vous lui avez écrite, et les deux projets d’arrêts du Conseil qui étaient joints, à l’effet d’imposer 1,420,000 livres sur la province d’Alsace, et 571,120 livres 8 sous 8 deniers sur celle de Franche-Comté, pour payement de l’excédant du prix des fourrages de la cavalerie, des hussards et des dragons qui se trouveront en garnison ou en quartier dans ces provinces l’année prochaine. Ces projets d’arrêts disent que c’est pour suppléer aux 5 sous par ration qui seront payés par l’extraordinaire des guerres et pour d’autres frais.

Je vous serais très-obligé, premièrement de vouloir bien vous faire représenter une notice des autres frais dont il s’agit, et d’avoir la bonté de me la communiquer, afin que nous puissions en raisonner ensemble.

Secondement, je dois vous observer que, dans le projet de fonds qui m’avait été remis par feu M. le maréchal du Muy pour l’extraordinaire des guerres, les fourrages sont portés pour 4,976,629 liv. ; ce qui indique bien plus de 5 sous, et même bien plus de 10 par ration. Il me paraît donc surprenant que les projets d’arrêts du Conseil n’énoncent que 5 sous par ration à payer par le trésorier de l’extraordinaire des guerres. Il me paraît encore surprenant que la totalité des demandes pour les fourrages, dans le projet de fonds, n’étant pas tout à fait de 5 millions, le supplément se monte à 2 millions dans les seules provinces d’Alsace et de Franche-Comté, qui sont de tout le royaume celles où les fourrages sont au plus bas prix.

Vous remarquerez avec moi, monsieur, que sur 4,976,629 liv. demandés par le projet de fonds de l’extraordinaire des guerres pour 1776, il y a 943,295 livres, ou près d’un cinquième, d’augmentation sur la fourniture de l’année dernière. La note qui accompagnait le projet de fonds motive cette augmentation sur le défaut de récolte et le renchérissement de la denrée. Elle dit qu’on est au moment de passer les marchés, et qu’on m’en communiquera les bases, si je le désire. Mais si les marchés ont été passés, ou sont prêts à l’être sur le pied de près d’un million ou d’environ un cinquième de renchérissement, à cause des circonstances qui l’exigent, pourquoi faut-il encore un supplément de 2 millions sur deux provinces ? Je vous avoue que mon désir de voir les bases augmente par ce fait, et je suis bien sûr que vous le partagerez. D’ailleurs, s’il faut 7 millions, et non pas 5, qu’on avait demandés pour les fourrages, pourquoi n’en porter que 5 sur les fonds de l’extraordinaire des guerres, et en imposer 2 par des arrêts particuliers ? — Ne sont-ce pas là de ces formes ténébreuses et détournées que vous et moi voulons éviter, et qui embrouillent la comptabilité fort inutilement ? J’ai une véritable impatience de causer avec vous sur tout cela.

Vous connaissez, etc.


  1. Cette lettre diffère peu, tant pour le fond que pour la forme, de celle écrite par Turgot à l’abbé Terray, le 9 novembre 1772. — Voyez plus haut, page 111 de ce volume. (E. D.)
  2. L’ordonnance prononce ensuite les peines de confiscation des marchandises, de 500 livres d’amende, et de la prison contre les contrevenants, s’ils y donnent lieu.
  3. Il n’y a jamais eu une idée plus grande et plus juste, une vue plus sage pour une nation ou un gouvernement qui voulait régler les mesures et les poids en usage dans son pays, les comparer avec les poids et les mesures des autres nations, offrir au monde, sur cet article important, un principe raisonnable et invariable, que celle de chercher ce principe dans la nature. On y est parvenu en prenant pour mètre une partie aliquote d’un arc du méridien. Tel a été le résultat du beau, de l’intéressant, de l’immense travail exécuté par MM. de Lambre, Méchain, Biot et Arago.

    Plusieurs savants, parmi lesquels M. Turgot doit être compté, avaient auparavant songé à employer un autre moyen, à prendre pour base un autre fait également naturel, qui pouvait être plus tôt connu, et qui est encore plus facile à vérifier en tout temps, à moins de frais. C’était la longueur du pendule à secondes, à un degré déterminé d’élévation du pôle, et particulièrement au 45e degré, terme moyen entre le pôle même et l’équateur : en faisant les observations nécessaires au niveau de la mer, à une assez grande distance des montagnes, pour que leur attraction ne pût causer dans la pesanteur une erreur sensible.

    Le parti qui depuis a été adopté a trois avantages de plus : celui d’être une très-belle et très-pénible opération géodésique et géographique ; celui d’avoir contribué d’autant à confirmer et à étendre les connaissances qu’on avait sur la figure du sphéroïde que nous habitons ; et celui de donner à chaque possesseur de terre, qui veut prendre la peine d’en faire le calcul, la satisfaction de savoir avec exactitude quelle portioncule du globe terrestre lui appartient, et dans quel rapport il est copropriétaire du monde.

    M. Turgot préférait la fixation de la longueur du pendule au 43e degré, comme devant être bien plus prompte, infiniment moins pénible, et beaucoup moins dispendieuse : trois points qui, surtout pour un ministre d’État et des finances, n’étaient pas à dédaigner.

    Les lettres qui suivent ont trait à cette importante opération. (Note de Dupont de Nemours.)

  4. L’instruction sur les précautions à prendre avait été rédigée par M. Turgot et M. de Condorcet, avec les plus grandes lumières et l’attention la plus scrupuleuse. M. le président de Saron et M. Lavoisier prêtèrent à M. Messier quelques instruments d’une rare perfection. M. Lennel fut chargé de préparer et de diviser une lame d’argent qui parut nécessaire, et deux niveaux d’air exécutés avec un extrême soin. Mais un accident auquel on n’aurait pas dû s’attendre retarda le départ de l’académicien. On avait compté sur l’excellente pendule faite par M. Ferdinand Berthoud pour le voyage de M. l’abbé Chappe, et dont M. Turgot parlait dans sa lettre. Cette pendule était à l’Observatoire. Elle n’y marchait point ; mais on croyait que, pour la remettre en étal, il suffisait de la nettoyer. — C’était tout autre chose. — Après la mort de l’abbé Chappe cette pendule avait fait plusieurs chutes, dont une dans la mer. Un horloger peu instruit l’avait fort mal réparée. Elle avait des pièces faussées, d’autres entièrement détruites par la rouille. — Il fallait la refaire.

    Dans un pays où les grands artistes ne manqueraient point de capitaux, on trouverait des horloges du premier ordre et d’autres instruments tout prêts, ou qui ne demanderaient qu’à recevoir un dernier coup de main : ce n’a jamais été notre position. M. Berthoud eut besoin de six mois pour donner une autre horloge égale à la première. — M. Turgot fut disgracié, et le projet de constater la longueur du pendule au 45e degré abandonné avant que M. Messier eût pu partir.

    On ne sait point assez combien est à déplorer la perte d’un grand homme occupant une grande place. Elle a mille conséquences malheureuses que l’on ignore, outre celles que tout le monde aperçoit. — Si le ministère de M. Turgot eût duré six mois de plus, le système métrique aurait été fixé trente ans plus tôt, et avec une égale utilité, quoique sur un mètre plus court, qui aurait été de 3 pieds et environ 8 lignes, ou de 3 lignes et 3 dixièmes plus près d’être la moitié de la toise qu’on employait alors. Et dans le cas, sans doute peu à craindre, où une suite d’événements funestes pourrait détruire tous nos monuments et replonger pour un temps les nations européennes dans la barbarie, il aurait été plus prompt, plus aisé, lors de la renaissance des sciences, de vérifier de nouveau la longueur du pendule au 45e degré de latitude, que de recommencer la mesure de 10 à 11 degrés, ou seulement de 5 degrés du méridien. (Note de Dupont de Nemours.)

  5. Quoique le projet de cette ordonnance ait été présenté au roi par M. de Saint-Germain, les principes et la rédaction de son préambule appartiennent à M. Turgot, qui avait proposé l’abolition de la peine de mort pour la désertion. Ce projet était un de ceux qu’il avait remis à M. de Saint-Germain lorsque celui-ci entra dans le ministère.

    On sait que c’était M. Turgot qui avait engagé le roi à retirer M. de Saint-Germain de sa retraite, et que les deux ministres furent d’abord fort unis ; mais cette union ne fut pas de longue durée, ce dont on verra le premier symptôme dans la lettre du 18 décembre 1775. (Note de Dupont de Nemours.)