Œuvres de Turgot (Daire, 1844)/Actes du Ministère de Turgot/Sur la maladie épizootique de 1774

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Texte établi par Eugène DaireGuillaumin (tome IIp. 477-492).

3o DÉCLARATIONS, ÉDITS, ETC., RELATIFS À LA MALADIE ÉPIZOOTIQUE DE 1774.

Arrêt du Conseil d’État, du 18 décembre 1774, contenant des dispositions pour arrêter les progrès de la maladie épizootique dans les provinces méridionales de la France.

Le roi s’étant fait rendre compte de l’état et des progrès de la maladie contagieuse qui s’est répandue depuis plus de huit mois sur les bêtes à cornes dans les généralités de Bayonne, d’Auch et de Bordeaux, et qui commence à se communiquer dans celles de Montauban et de Montpellier ; informé, par les commandants et intendants desdites provinces, que la maladie se répand de plus en plus par la communication des bestiaux ; qu’elle n’a épargné qu’un très-petit nombre d’animaux dans les villages où elle a pénétré ; que tous les remèdes qui ont été tentés pour en arrêter le progrès, soit par les médecins du pays, soit par les élèves des écoles vétérinaires que Sa Majesté a fait passer dans lesdites provinces pour les secourir, n’ont eu jusqu’à présent que peu de succès, et qu’ils laissent peu d’espérance de pouvoir guérir les animaux affectés de cette contagion, qui s’annonce avec les caractères d’une maladie putride, inflammatoire et pestilentielle ; qu’il est important et pressant de recourir aux moyens les plus efficaces pour empêcher que ce fléau, en continuant de s’étendre de proche en proche, ne se répande en peu de temps dans d’autres provinces du royaume ; que, dans les États étrangers limitrophes qui ont été infectés de la même maladie pendant les années précédentes, on n’est parvenu à conserver la plus grande partie du bétail qu’en sacrifiant un petit nombre d’animaux malades dès qu’ils ont eu les premiers symptômes de cette maladie ; que ce parti, tout rigoureux qu’il est, est cependant le seul qui reste à prendre pour prévenir les progrès d’une contagion ruineuse pour les propriétaires des bestiaux, et destructive de l’agriculture dans les provinces exposées à ses ravages. Dans ces circonstances, ouï le rapport du sieur Turgot, le roi étant en son Conseil, en renouvelant les ordres les plus précis pour faire exécuter exactement, dans toutes les provinces infectées et dans celles qui sont limitrophes, l’arrêt du Conseil du 31 janvier 1771, a ordonné et ordonne ce qui suit :

Art. Ier. Toutes les villes et les bourgs et villages voisins de ceux où la contagion est présentement établie seront visités par les artistes vétérinaires, les maréchaux ou autres experts qui auront été pour ce commis par les intendants desdites provinces, à l’effet de reconnaître et de constater l’état de santé ou de maladie de toutes les bêtes à cornes dans lesdites villes et les villages et bourgs.

II. Dans le cas où quelques animaux se trouveraient attaqués de la maladie contagieuse annoncée par des symptômes non équivoques, il en sera dressé procès-verbal par lesdits artistes, maréchaux ou experts, en présence du syndic de la communauté dans lesdits villages, et en celle des officiers municipaux dans les villes ou dans leurs faubourgs ; et il sera constaté en même temps, par ledit procès-verbal ou par un acte de notoriété y joint, qu’aucun animal dans ladite ville, ou ledit bourg ou village, n’est mort précédemment de la contagion.

III. Aussitôt après la confection desdits procès-verbaux, lesdites bêtes malades seront tuées et enterrées avec leurs cuirs, jusqu’à concurrence des dix premières seulement, à la diligence desdits syndics et officiers municipaux, dans chaque ville, bourg ou village où ladite contagion commencera à se déclarer.

IV. Les sieurs intendants et commissaires départis dans les provinces feront payer à chaque propriétaire le tiers de la valeur qu’auraient eue les animaux qui auront été sacrifiés, s’ils eussent été sains ; et ce sur l’estimation qui en sera faite par lesdits artistes, maréchaux et experts, à la suite de leurs dits procès-verbaux, laquelle indemnité sera imputée sur les fonds à ce destinés par Sa Majesté.

V. Lesdits sieurs intendants enverront à la fin de chaque mois au sieur contrôleur-général des finances l’état des villes, bourgs et villages où la maladie aura pénétré, ensemble l’état du nombre et qualité des bêtes malades qui auront été tuées dans lesdits lieux de leur généralité, et des sommes qui leur auront été payées en indemnité, à raison du tiers de la valeur de chaque animal, ainsi que des autres dépenses nécessaires pour l’exécution du présent arrêt.

VI. Fait Sa Majesté très-expresses inhibitions à tous propriétaires de bestiaux de cacher ou receler aucune bête saine ou malade lors des visites qui seront faites en exécution du présent arrêt, à peine de 500 livres d’amende payable par corps et sans pouvoir être modérée.

VII. Enjoint Sa Majesté aux lieutenants et officiers de police dans les villes, et aux sieurs intendants et commissaires départis, de tenir la main à l’exécution du présent arrêt, qui sera publié et affiché partout où besoin sera ; et de rendre à cet effet toutes les ordonnances nécessaires, lesquelles seront exécutées nonobstant oppositions ou appellations quelconques, Sa Majesté se réservant d’en connaître en son Conseil ; et seront tenus les officiers et cavaliers de la maréchaussée d’exécuter les ordres qui leur seront adressés par lesdits sieurs intendants, pour assurer l’exécution du présent arrêt.


Arrêt du Conseil d’État, du 8 janvier 1775, qui accorde différentes gratifications par chaque mulet ou cheval propre à la charrue qui sera vendu dans les marchés y désignés.

Le roi étant informé de la continuité des ravages que la maladie épizootique a faits dans quelques-unes des provinces méridionales de son royaume, nonobstant les précautions qui ont été prises par ses ordres, soit pour en diminuer la cause, soit pour en arrêter les progrès, et Sa Majesté voulant, en même temps qu’elle prend toutes les mesures possibles pour en empêcher les progrès ultérieurs, en diminuer les mauvais effets et prévenir le tort que la perte de tant d’animaux aratoires pourrait causer à la culture, elle a jugé de sa sagesse et de ses vues de bienfaisance et d’amour pour ses peuples, d’encourager l’importation des mulets et des chevaux propres au labour dans les provinces privées par la maladie des bêtes à cornes de leurs ressources accoutumées pour la préparation et l’ensemencement de leurs terres. À quoi voulant pourvoir, ouï le rapport du sieur Turgot, etc., le roi étant en son Conseil, a ordonné et ordonne ce qui suit :

Art. Ier. Il sera payé une gratification ou prime de 24 livres par chaque mulet ou cheval propre à la charrue, qui sera vendu dans les marchés de Libourne, Agen et Condom, de la généralité de Bordeaux, avant le 20 du mois de février prochain, au vendeur desdits chevaux ou mulets, en rapportant par ledit vendeur un certificat de l’acheteur, visé du subdélégué des villes où la vente aura eu lieu, lequel contiendra les nom, qualités et demeure dudit acheteur, et en justifiant devant le subdélégué que les animaux qui Seront vendus viennent d’une autre province que celles qui composent les généralités de Guyenne, Auch, Navarre, Béarn et généralité de Bayonne ; et pour éviter tous abus, les animaux qui auront été vendus et dont la gratification sera payée, seront marqués à la cuisse de la lettre P.

II. Il sera payé aux mêmes époques et conditions une prime ou gratification de 30 livres par chaque mulet ou cheval propre au labour, qui auront été vendus dans les marchés de Dax, Mont-de-Marsan, Auch, Bayonne, Orthés, Pau, Tarbes, Mirande, Saint-Sever, Oleron, en rapportant un certificat de la vente dans la forme expliquée en l’article précédent, et observant les mêmes formalités pour la marque.

III. Passé le 20 du mois de février prochain et jusqu’au 20 de mars, il ne sera donné pour gratification ou prime pour la vente desdits animaux, aux conditions mentionnées aux articles ci-dessus, que 16 livres de gratification dans les villes spécifiées en l’article P r, et 20 livres dans celles énoncées en l’art. II.

IV. Passé le 20 mars et jusqu’au 20 avril inclusivement, ladite prime ou gratification, aux conditions ci-dessus, sera, pour les marchés énoncés en l’art. 1er , de 10 livres seulement, et pour ceux mentionnés en l’art. II, 15 livres ; et après le 20 avril, il n’y aura plus lieu à aucune desdites primes ou gratifications.

V. Lesdites primes ou gratifications seront payées sur les certificats des subdélégués, en vertu des ordonnances du sieur intendant de la généralité, sur les fonds de la recette générale. Sera le présent arrêt publié, imprimé et affiché partout où besoin sera ; enjoint aux sieurs intendants et commissaires départis dans les généralités d’y tenir la main, etc.


Arrêt du Conseil d’État, du 30 janvier 1775, qui, en ordonnant l’exécution de celui du 18 décembre 1774, prescrit de nouvelles dispositions pour arrêter le progrès de la maladie épizootique sur les bêtes à cornes.

Le roi étant informé que la maladie contagieuse sur les bêtes à cornes continue ses ravages dans les provinces de Guyenne, de Navarre et de Béarn, et dans quelques autres provinces méridionales du royaume, s’est fait représenter l’arrêt rendu en son Conseil le 18 décembre 1774, qui ordonne de tuer, dans chacune des paroisses nouvellement attaquées de cette maladie, les dix premières bêtes qui tomberont malades seulement, et qui prescrit les formalités qui doivent être observées dans ce cas. Sa Majesté a reconnu, par le compte qui lui a été rendu des observations faites par ses ordres dans ces provinces, que cette maladie ne se répand que par la communication des bestiaux entre eux, et par l’abus que peuvent faire des personnes imprudentes ou mal intentionnées des cuirs des animaux malades, et autres objets capables de répandre la contagion ; elle a jugé qu’il était de sa prudence et de son amour pour ses peuples de prendre les mesures les plus certaines, non-seulement pour arrêter les progrès de cette maladie, mais pour en détruire, autant qu’il est possible, toutes les semences. À quoi désirant pourvoir, ouï le rapport du sieur Turgot, etc., le roi étant en son Conseil, ordonne :

Que l’arrêt du 18 décembre 1774 sera exécuté selon sa forme et teneur ; et Sa Majesté l’interprétant et étendant ses dispositions, en tant que de besoin, ordonne que tous les animaux, qui seront reconnus malades de cette maladie, seront tués sur-le-champ et enterrés en suivant les précautions et les formalités ordonnées par ledit arrêt du 18 décembre 1774, aussitôt qu’on aura bien constaté les signes de l’épizootie. Veut Sa Majesté qu’il soit tenu compte au propriétaire du tiers de la valeur qu’ils auraient eue, s’ils avaient été sains ; ordonne que les cuirs desdits animaux, tués en conséquence du présent arrêt, ou morts de leur mort naturelle, seront tailladés de manière qu’on ne puisse plus en faire usage. Fait Sa Majesté très expresses inhibitions et défenses à toutes personnes, sous quelque prétexte que ce puisse être, de conserver aucuns cuirs provenant d’animaux suspects de ladite maladie, de les préparer, transporter, vendre ou acheter ; ainsi que les fumiers, râteliers et autres choses à l’usage desdits animaux, et reconnus capables de porter la contagion, sous peine de 500 livres d’amende contre chacun des contrevenants. Enjoint Sa Majesté aux gouverneurs et commandants, et aux intendants et commissaires départis dans ses provinces, de tenir la main à l’exécution du présent arrêt ; et à tous officiers de ses troupes, officiers de maréchaussée, et à tous autres, de prêter main-forte toutes les fois qu’ils en seront requis pour ladite exécution.


Mémoire sur l’exécution du plan adopté par le roi pour parvenir à détruire entièrement la maladie qui s’est répandue sur les bestiaux en Guyenne et dans les provinces circonvoisines. (4 février 1775.)

L’expérience a fait voir que toutes les précautions prises jusqu’à présent pour arrêter les progrès de la maladie épizootique répandue en Guyenne sont insuffisantes, et que, malgré les cordons de troupes qui ont été formés, malgré la vigilance des officiers qui les commandent, réunie à celle des administrateurs, l’on n’a pu empêcher que l’imprudence ou l’avidité de quelques particuliers, soit en conduisant par des chemins détournés des bestiaux suspects, soit en transportant en fraude des cuirs d’animaux morts de la contagion, ne lui aient fait franchir la barrière qu’on avait cru y opposer, en sorte que la maladie s’est montrée tout à coup à des distances très-éloignées, et au milieu de provinces qui se croyaient à l’abri du danger. Dans plusieurs endroits, on est parvenu à l’étouffer sur-le-champ par la célérité avec laquelle on a fait tuer toutes les bêtes malades, séparer toutes les bêtes saines, et désinfecter les étables. On ne saurait trop louer l’ardeur et l’unanimité avec lesquelles toutes les autorités se sont concertées pour garantir le Languedoc de ce fléau. Cependant, malgré le zèle des États, la vigilance de M. le comte de Périgord et celle de M. de Saint-Priest, la maladie a pénétré dans plusieurs endroits de cette province, et n’a pu y être étouffée que par des mesures prises avec une activité et une célérité vraiment admirables, et que par là même on ne peut pas espérer de trouver dans toutes les provinces, surtout dans celles où la maladie peut se montrer tout à coup sans que personne s’y soit attendu, et sans qu’on y soit instruit d’avance des précautions à prendre

Tant que la maladie subsistera dans un pays aussi vaste que celui qu’elle embrasse actuellement, on doit toujours craindre qu’elle ne gagne les provinces voisines, et que de proche en proche elle n’infecte la totalité du royaume.

On ne peut se flatter de prévenir une aussi grande calamité qu’en attaquant le mal dans toutes les parties qu’il a déjà désolées, et en y éteignant, s’il est possible, tous les germes de la contagion. Ce parti est d’autant plus pressant à prendre qu’on peut encore espérer de sauver par là un très-grand nombre de paroisses, et même plusieurs cantons très-étendus où la maladie n’a point encore pénétré, par la vigilance des habitants et des administrateurs à intercepter toute communication avec les lieux infectés. Mais leur vigilance court à chaque instant risque de devenir inutile, puisque, aussi longtemps qu’ils seront environnés de toutes parts des foyers de la contagion, la plus légère imprudence suffit pour déconcerter toutes leurs mesures, et les rendre tôt ou tard victimes de la négligence de leurs voisins.

Il y a d’autres cantons où les paysans, trompés par les fausses espérances que leur ont données des charlatans, s’obstinent à garder les bestiaux malades jusqu’à ce qu’ils meurent ; à les laisser confondus avec les bestiaux sains dans les mêmes étables, dans les mêmes pâturages ; à ne prendre aucune précaution pour purifier les étables où la maladie a régné, avant d’y mettre d’autres bestiaux. Rien n’a pu vaincre l’opiniâtreté des paysans du Condomois sur tous ces points, et c’est à cette cause surtout qu’on doit attribuer la violence avec laquelle la maladie a ravagé cette partie de la Guyenne. Tant qu’on laissera subsister de pareils foyers du mal, jamais ce fléau ne cessera de menacer les parties saines ; la contagion deviendra éternelle ; elle ne finira pas même par la destruction de tous les animaux existants dans les lieux attaqués, parce que les étables et les râteliers infectés feront renaître la maladie, lorsqu’au bout de quelque temps on les aura repeuplés de nouveaux bestiaux. Ce sera donc un levain de contagion toujours subsistant dans le royaume, toujours prêt à infecter la masse entière, et à produire de temps en temps des épizooties générales.

Ces considérations ont fait penser à Sa Majesté qu’il était indispensable de s’occuper sans délai à détruire entièrement cette maladie, et à en déraciner tous les germes dans tous les lieux où elle a pénétré jusqu’à présent.

Sa Majesté s’est convaincue que ce projet n’a rien que de très-praticable : en effet, il est constaté par le rapport de tous les gens de l’art, de tous ceux qui ont observé la nature de cette maladie et la marche de ses progrès, et en particulier par les expériences multipliées qu’a faites M. Vicq-d’Azir, médecin de l’Académie des sciences, envoyé par le roi sur les lieux, que le mal ne se répand que par la communication médiate ou immédiate du bétail malade avec le bétail sain ; en sorte que, dans les lieux mêmes où la contagion déploie le plus sa fureur, les bestiaux qu’on a tenus enfermés et isolés de toute communication, ont été préservés du mal. Ce fait, qui est constant, donne lieu de se flatter que cette peste est étrangère au royaume, et qu’elle y a été introduite par des cuirs arrivés par mer à Bayonne.

Il suit de là que si, dans une paroisse où la contagion a pénétré, l’on tue sans exception toutes les bêtes malades, si on les brûle ou si on les enterre avec leurs cuirs et leurs cornes, de façon à empêcher que leurs cadavres ne deviennent une nouvelle source de contagion ; si l’on éloigne de toute communication les troupeaux où il n’y a point eu de bêtes malades ; si l’on tient renfermés dans des étables particulières les bêtes encore saines, retirées des étables où il y a eu des bêtes malades, et si l’on a soin de les tenir ainsi séparées des autres bêtes saines jusqu’à ce qu’on se soit assuré, par un temps assez long, qu’elles n’ont point contracté la maladie ; si on purifie les étables où il y a eu des bêtes malades, avec les précautions les plus sûres et dont l’efficacité est reconnue en pareil cas, l’on parviendra à éteindre entièrement le mal dans cette paroisse, au point qu’on pourra la repeupler de bestiaux sains, sans craindre d’exposer ces nouveaux venus à la contagion.

L’expérience a confirmé ce raisonnement ; la maladie s’est montrée dans plusieurs paroisses du Périgord, où elle a été éteinte tout de suite par la sage précaution qu’on a prise de tuer sur-le-champ toutes les bêtes malades, et de désinfecter les étables. De même la contagion n’a fait aucun progrès en Languedoc, quoiqu’elle se soit montrée dans plusieurs paroisses assez éloignées les unes des autres, et cela parce qu’on n’y a pas perdu un moment à prendre toutes les précautions nécessaires pour en éteindre tous les germes.

Il est donc clair qu’en faisant à la fois, dans le plus grand nombre de paroisses qu’il sera possible, toutes les opérations exécutées avec succès pour désinfecter quelques paroisses du Languedoc et du Périgord, et en continuant d’opérer ainsi successivement sur toutes les paroisses qui sont ou qui ont été infectées dans l’étendue des provinces affligées de la maladie, l’on peut se flatter de purger entièrement le royaume de ce fléau.

C’est le but des mesures que Sa Majesté a prescrites, et qui vont être expliquées.

Le cordon de troupes qui a été formé jusqu’à présent sous les ordres de différents commandants pour circonscrire les provinces ac tuellement affligées de la maladie, et garantir, s’il est possible, de la communication les provinces intactes, doit subsister pour continuer à remplir le même objet.

Outre ce premier cordon, il en sera établi d’intérieurs à quelques distances pour couper la communication entre des villages renfermés dans l’intervalle des deux cordons et le centre des provinces attaquées, afin qu’on puisse désinfecter à la fois tous les villages compris dans cet intervalle, sans avoir à craindre qu’une contagion nouvellement introduite vienne croiser les opérations.

Voici comme on procédera à cette désinfection.

Il sera envoyé, dans chacune des paroisses comprises dans l’intervalle qu’on aura entrepris de purifier, un détachement de soldats suffisant pour, avec les paysans qui pourront être commandés, exécuter toutes les opérations prescrites par l’instruction composée par le sieur Vicq-d’Azir, et imprimée par ordre du roi pour la purification des paroisses. Ce détachement sera accompagné d’une personne experte, soit élève de l’École vétérinaire, soit chirurgien, soit maréchal, suffisamment instruite pour reconnaître les bêtes malades et exécuter tous les procédés indiqués par le sieur Vicq-d’Azir. Il sera nécessaire qu’il y ait aussi une personne chargée des instructions de l’intendant ou du subdélégué pour donner les ordres convenables aux officiers municipaux, et pour faire payer sur-le-champ aux propriétaires le tiers de la valeur des bestiaux qu’on sera obligé de sacrifier.

On visitera toutes les étables et tous les bestiaux de la paroisse, sans exception, avec les précautions indiquées pour n’occasionner aucune communication entre les bêtes saines et les bêtes malades.

On fera tuer sans délai tous les animaux attaqués ; on les fera enterrer sur-le-champ, après avoir fait taillader les cuirs dans des fosses assez profondes pour que non-seulement les animaux voraces ne puissent entreprendre de les déterrer et d’en emporter les chairs, mais encore pour que les émanations putrides qui s’en exhaleraient ne puissent répandre la contagion. Le plus sûr sera de mettre dans les fosses, avec les cadavres, une assez grande quantité de chaux vive pour que les chairs soient promptement consumées.

On aura soin de faire séparer les bêtes saines, de faire enfermer à part celles qui auront communiqué avec les malades, pour être gardées en quarantaine jusqu’à ce qu’on soit assuré qu’elles n’ont pu gagner la maladie, et l’on purifiera toutes les étables suivant la méthode décrite dans l’instruction de M. Vicq-d’Azir.

Il est indispensable de mettre la plus grande exactitude et la plus grande fermeté dans l’exécution de ces ordres, et de vaincre, par toute la force de l’autorité, la résistance de ceux qui refuseraient de s’y prêter.

Le sacrifice des bestiaux attaqués, bien loin d’être onéreux aux propriétaires, leur devient très-avantageux, puisque, malgré les recettes multipliées qu’on a répandues de tous côtés, malgré les espérances illusoires dont une foule de charlatans ont flatté des paysans aveuglés, une expérience trop malheureuse a constaté qu’aucun remède connu n’avait pu triompher de cette maladie. Tous les soins des élèves des Écoles vétérinaires, ceux des plus habiles médecins du pays, ceux de M. Vicq-d’Azir, et les différentes tentatives qu’il a faites, n’ont servi qu’à constater cette triste vérité, qu’il n’y a contre cette maladie aucun remède sûr ; que, s’il n’est pas absolument impossible de sauver quelques individus, ce ne peut être que par un traitement commencé dès les premiers instants du mal, et suivi méthodiquement avec une attention dont il n’y a que les médecins les plus expérimentés qui soient capables ; qu’il serait insensé d’attendre ces soins assidus et réfléchis des personnes auxquelles sont nécessairement livrés les bestiaux des campagnes ; que les individus même qu’on sauverait, infecteraient, pendant la durée du traitement, d’autres animaux qu’on ne sauverait pas ; qu’avec les soins les plus constants, et en employant les remèdes les plus appropriés, l’on ne sauverait jamais un animal sur vingt, peut-être sur cinquante animaux attaqués ; que, quand on aurait une espérance raisonnable d’en sauver un sur trois, le propriétaire serait exactement indemnisé du sacrifice des bestiaux tués, en recevant le tiers de leur valeur, et que, si l’espérance est presque nulle, comme il n’est que trop notoire, le payement de ce tiers est un pur acte de bienfaisance du roi envers ses sujets.

Enfin, il n’y a d’armes contre cette contagion que de tuer et de séparer. Il serait indispensable de tuer tout ce qui est infecté pour sauver l’État entier, menacé d’un fléau destructeur. Combien ce sacrifice nécessaire ne doit-il pas devenir facile, quand le propriétaire y trouve encore son avantage ! Se relâcher sur cette précaution serait une condescendance funeste ; ce ne serait pas céder à une juste pitié ; ce serait se rendre complice de l’aveuglement d’une populace aussi ennemie d’elle-même que du bien public.

Quand toutes les paroisses comprises dans le canton qu’on aura d’abord entrepris de purifier seront entièrement désinfectées, on fera avancer le cordon intérieur de façon à embrasser un nouveau district à peu près de la même étendue, et l’on fera dans les paroisses de ce nouveau district les mêmes opérations que dans le premier, toujours avec la même rigueur, jusqu’à ce qu’elles soient entièrement désinfectées ; mais il sera prudent de laisser, dans quelques lieux principaux du premier canton déjà purifié, de forts détachements commandés par un officier intelligent, qui se fera instruire de la première apparition de la maladie dans les paroisses où elle pourrait se remontrer, soit par quelque omission dans les premières opérations, soit par quelque communication nouvelle avec le pays encore infecté. Au premier avis, il se transportera sur le lieu pour étouffer le mal dans sa naissance, et faire de nouveau tout purifier.

Lorsque le premier canton désinfecté aura été quelque temps sans que le mal y reparaisse, et que les bêtes séparées des bêtes malades seront restées saines assez longtemps pour qu’on ne craigne plus qu’elles portent dans leur sang le germe de la maladie, il sera convenable de rapprocher des cantons infectés le cordon extérieur, afin de pouvoir pousser de plus en plus en avant les cordons intérieurs et les détachements chargés de visiter et de désinfecter les paroisses.

Le cordon extérieur peut être composé en partie de cavalerie : ce genre de troupe est même très-avantageux, soit pour courir après les conducteurs de bestiaux ou les marchands de cuirs qui auraient trompé la vigilance des gardes afin d’en introduire du pays infecté dans le pays sain, soit pour se transporter rapidement dans les paroisses éloignées où la contagion peut se montrer tout à coup au milieu des provinces jusqu’alors intactes. L’infanterie est plus convenable pour les cordons intérieurs et pour les détachements chargés de désinfecter les paroisses.

Le roi a donné ses ordres pour faire marcher dans la Guyenne, sur différents points, les troupes nécessaires pour suivre toutes ces opérations, et les divers commandants recevront, ainsi que les intendants, les ordres nécessaires afin que tous agissent de concert poursuivre cette opération.

Il y a peu de paroisses attaquées en Roussillon, et il sera facile à M. le comte de Mailly de faire purifier toutes les paroisses qui ont pu être infectées dans l’étendue de son département.

Quant au Languedoc, au Quercy, et à la partie de la généralité d’Auch qui avoisine le Languedoc, M. le comte de Périgord sera autorisé à y faire agir toutes les troupes qui sont ou qui seront mises à ses ordres, pour entamer les opérations de ce côté par autant de points qu’il le jugera nécessaire, d’après la quantité de troupes qu’il pourra employer et les connaissances qu’il aura du local.

M. le comte de Fumel, avec les troupes qui sont et qui seront mises à sa disposition, commencera par faire désinfecter tout ce qui peut avoir été attaqué de la maladie, soit dans la Saintonge, soit dans le Périgord, et surtout dans les environs de Libourne, afin de circonscrire d’abord la maladie derrière la Dordogne et d’y replier ses postes. La cavalerie répandue dans la Saintonge et dans le Périgord suffira pour veiller sur les points où la contagion pourrait reparaître, et s’y porter pour l’étouffer. Il faudra ensuite nettoyer l’entre-deux mers, afin de donner à la maladie la Garonne pour limites. M. le comte de Fumel jugera alors, d’après la connaissance qu’il a des lieux, du nombre de points par lesquels il attaquera la maladie et la repoussera en resserrant toujours ses limites. Sans doute il s’attachera à nettoyer le Médoc et les environs de Bordeaux pour ne rien laisser derrière lui. Il serait à désirer qu’on pût attaquer le plus tôt possible le Condomois. Il paraît, par les rapports du sieur Vicq-d’Azir, que c’est le foyer de contagion le plus actif et le plus permanent, parce que c’est le canton où l’aveugle crédulité dans des recettes de charlatans, et l’obstination à laisser communiquer les bêtes saines avec les bêtes malades, ont mis le plus d’obstacles aux précautions qui pouvaient seules ralentir les progrès du mal.

M. le comte d’Amon, de son côté, peut, avec les troupes des garnisons de Bayonne et de Saint-Jean-de-Luz, travailler à désinfecter le pays de labour et pousser ensuite ses cordons et ses détachements soit dans l’intérieur de la Guyenne, soit vers les vallées qui peuvent avoir été infectées, soit du côté des Landes.

Le roi a cru convenable de ne point circonscrire les pouvoirs de ces trois commandants aux limites de leurs commandements respectifs ; il a jugé nécessaire, au contraire, qu’ils suivissent chacun les opérations des troupes qu’ils auraient commencé à mettre en mouvement ; qu’ils poussassent chacun devant eux l’ennemi commun, en concertant ensemble leur marche et leurs opérations, jusqu’à ce qu’ils l’eussent resserré de tous côtés, en se rapprochant au point de vaincre entièrement et d’anéantir ce fléau.

Sa Majesté a pensé que, dans une circonstance aussi pressante et aussi intéressante pour le bien de ses peuples, il fallait s’élever au-dessus des règles ordinaires et ne consulter que la célérité du service, qui certainement gagnera à ce que chaque commandant puisse ordonner partout où il pourra porter les forces dont il dispose.

Elle connaît trop les sentiments dont sont animés ceux qu’elle charge de cette opération importante, pour ne pas se tenir assurée qu’ils répondront par le plus grand concert à la confiance qu’elle leur témoigne.

Il est superflu d’observer que la maréchaussée doit partout concourir avec les troupes aux opérations qui seront ordonnées.

MM. les intendants recevront, de leur côté, les instructions les plus précises pour se concerter avec MM. les commandants dans les ordres qu’ils auront à donner pour concourir au même but.

Ils sont chargés de faire payer sur-le-champ aux propriétaires le tiers de la valeur des bestiaux qu’il faudra sacrifier. Ils pourvoiront pareillement aux dépenses qu’exigera la purification des étables.

Le roi les a aussi autorisés à faire payer une gratification ou supplément de paye de deux sous par jour aux soldats et bas-officiers employés à toutes les opérations, soit des cordons, soit de la visite des paroisses.

À l’égard des officiers, le roi se réserve de leur donner des marques de sa satisfaction sur le compte qui lui sera rendu de leur conduite par les commandants sous les ordres desquels ils auront été employés.

Le roi croit possible, avec le nombre de troupes qu’il fait marcher pour cette opération, de la consommer entièrement, et d’éteindre absolument la contagion dans l’espace d’environ deux mois, et il désire très-vivement qu’on puisse y parvenir avant le retour des chaleurs qui, rendant les levains pestilentiels plus actifs et plus pénétrants, rendraient peut-être l’exécution des précautions prescrites moins sûre et moins efficace.

Il sera bien essentiel, quand l’opération sera entièrement terminée, de veiller encore quelque temps avec la plus grande attention pour être averti de tous les retours de la maladie, et pour être en état de se porter avec la plus grande célérité dans les lieux où elle pourrait se remontrer, afin de l’y éteindre sur-le-champ. Une autre attention non moins importante est de s’assurer, par les informations les plus exactes, si cette maladie a pénétré en Espagne, et si elle y subsiste encore ; car dans ce cas il serait indispensable de conserver un cordon sur la frontière pour empêcher toute introduction de bestiaux ou de cuirs venant d’Espagne.


Arrêt du Conseil d’État, du 29 octobre 1775, qui proroge les gratifications accordées par l’arrêt du 8 janvier 1775 par chaque mulet ou cheval propre à la charrue qui sera vendu dans les marchés des provinces dévastées par l’épizootie.

Le roi s’étant fait représenter, en son Conseil, l’arrêt rendu le 8 janvier de la présente année, portant qu’il sera payé différentes primes d’encouragement pour les chevaux ou mulets vendus, dans différentes époques, dans les marchés y désignés ; et Sa Majesté ayant reconnu que les circonstances qui l’avaient portée à accorder ces encouragements subsistent encore, et qu’il ne pourrait être que très-utile au bien de ses provinces méridionales, dévastées par la maladie des bestiaux, de continuer le même encouragement, et de proroger les époques fixées par ledit arrêt et qui sont expirées : ouï le rapport du sieur Turgot, etc. ; le roi étant en son Conseil, ordonne que l’arrêt du 8 janvier 1775 sera exécuté selon sa forme et teneur. Veut en conséquence Sa Majesté que les époques fixées par ledit arrêt soient prorogées : savoir, celle fixée au 20 du mois de février par les articles Ier et II dudit arrêt, au 1er février 1776 ; celle fixée par l’article III au 20 mars dernier, au 1er mars prochain ; et celle fixer par l’article IV au 20 avril, au 1er avril 1776. Veut au surplus Sa Majesté que les formalités prescrites par ledit arrêt soient observées selon leur forme et teneur, par ceux qui désireront recevoir lesdites gratifications.


Arrêt du Conseil d’État, du 1er novembre 1775, concernant l’exécution des mesures ordonnées par le roi, pour arrêter les progrès de la maladie épizootique dans les provinces qui en sont affligées.

Sur le compte qui a été rendu au roi, étant en son Conseil, des ravages que la maladie épizootique continue de faire dans les provinces méridionales, et des progrès qu’elle a même eus par la négligence des propriétaires de bestiaux à se conformer aux précautions ordonnées, Sa Majesté a jugé à propos de prendre de nouvelles mesures pour prévenir les suites funestes de cette négligence, et préserver ces provinces et tout son royaume des malheurs que cette contagion peut y occasionner. Rien ne lui a paru plus pressant que de faire connaître ses intentions sur l’autorité qui doit procéder à l’exécution de ses ordres ; et comme les circonstances présentes sont hors de l’ordre commun, comme Sa Majesté espère que les mesures qu’elle prend les feront cesser dans peu de temps, elle a pensé qu’elle devait, tant que ces circonstances subsisteront, confier exclusivement l’exécution de ces mesures aux commandants et officiers de ses troupes, et aux intendants et commissaires départis dans ses provinces. Quels que soient le zèle et l’activité, tant de ses Cours de Parlement que de ses juges ordinaires, pour le bien de ses sujets, Sa Majesté a cru que le concours de plusieurs autorités sur un même objet pourrait porter du trouble et de la confusion dans le service, et offrir un prétexte à ceux qui voudraient se soustraire à ses ordres : Sa Majesté a aussi jugé à propos de faire connaître de nouveau ses intentions sur l’exécution des arrêts de son Conseil précédemment rendus, et de prescrire d’une manière précise les précautions qu’elle veut qui soient prises à l’avenir. À quoi voulant pourvoir, ouï le rapport du sieur Turgot, etc. ; le roi étant en son Conseil, a ordonné et ordonne ce qui suit :

Art. Ier. Les commandants en chef chargés des ordres du roi pour l’extinction de l’épizootie, et les intendants et commissaires départis dans les provinces, ou ceux qui en seront chargés par eux, donneront seuls les ordres relatifs à cette opération importante : veut en conséquence Sa Majesté que, sans s’arrêter aux dispositions de l’arrêt de sa Cour de Parlement de Toulouse, du 27 septembre dernier, ni à tous autres pareils qui auraient été rendus ou pourraient l’être à l’avenir, les officiers municipaux ou syndics de paroisses ne puissent assembler leurs communautés autrement que par les ordres desdits commandants en chef ou intendants. Leur fait pareillement Sa Majesté très-expresses inhibitions et défenses de reconnaître pour ledit service aucune autre autorité.

II. Les arrêts du Conseil d’État du roi, des 8 décembre 1774 et 30 janvier dernier, seront exécutés selon leur forme et teneur, concernant l’assommement des bestiaux dans les lieux où il sera ordonné, conformément aux instructions qui seront adressées par le roi auxdits commandants et intendants, et aux ordres qu’ils donneront en conséquence.

III. Dans tous les lieux où l’assommement des animaux malades aura été ordonné en vertu de ladite autorité, seront tenus tous propriétaires de bestiaux de dénoncer ceux qui seront tombés malades, dans les vingt-quatre heures du moment où les premiers symptômes se seront manifestés, sous peine de 500 livres d’amende ; et il sera fait par les troupes des visites et perquisitions dans toutes les étables, écuries, granges et autres bâtiments, à l’effet de découvrir les contraventions.

IV. Les animaux qui auront été dénoncés seront visités par experts ; et dans le cas où ils auraient été reconnus attaqués de la maladie épizootique, ils seront sur-le-champ assommés et enterrés, conformément aux arrêts du Conseil rendus, et aux instructions imprimées et publiées sur cet objet, sans que les propriétaires puissent les conserver, sous le prétexte de les faire traiter par des méthodes dont l’expérience a démontré l’illusion, et sans s’arrêter aux dispositions de l’arrêt du 2 septembre 1775, rendu par sa Cour de Parlement de Toulouse, qui paraît autoriser ledit traitement, ni à tous autres arrêts rendus ou à rendre, dont les dispositions seraient contraires à celles du présent arrêt.

V. Il sera payé par les ordres de l’intendant et commissaire départi, à ceux dont les bestiaux auront été assommés, le tiers du prix desdits bestiaux, sur l’estimation qui en sera faite conformément aux dispositions des arrêts du Conseil d’État du roi, des 18 décembre 1774 et 50 janvier 1775, dans le cas seulement où la déclaration en aura été faite par le propriétaire au temps prescrit par l’article précédent : dans le cas où ladite dénonciation n’aurait pas été faite, lesdits propriétaires, outre l’amende à laquelle ils seront condamnés, seront privés de cette indemnité.

VI. Dans le cas où la nécessité de conserver les provinces saines obligerait de faire passer les bestiaux sains ou malades d’un lieu dans un autre, il y sera procédé par les ordres du commandant en chef ou de l’intendant et commissaire départi ; et il sera pris par ledit intendant les mesures nécessaires pour en assurer le prix en entier aux propriétaires, dans le cas où lesdits animaux résisteraient à la contagion.

VII. Fait Sa Majesté très-expresses inhibitions et défenses à tous propriétaires de bestiaux, de quelque qualité et condition qu’ils soient, de faire refus d’exécuter ou de laisser exécuter les ordres du roi qui leur seront notifiés par les officiers ou soldats, à peine de 500 livres d’amende ; et dans le cas de rébellion, à peine d’être poursuivis extraordinairement selon la rigueur des ordonnances.

VIII. Il est pareillement fait défenses à tous propriétaires de bestiaux ou autres de conduire d’un lieu à un autre, ou de transporter des peaux ou des cuirs ou autres matières capables de répandre la contagion, qu’ils ne soient porteurs de permission par écrit des officiers qui commanderont dans le lieu, ni de contrevenir à aucune des ordonnances qui seront données et publiées par le commandant ou intendant, sous peine de 500 livres d’amende, ou telle autre peine portée par lesdites ordonnances.

IX. Sa Majesté attribue toute cour et juridiction en dernier ressort aux intendants et commissaires départis, pour prononcer les amendes qui seront encourues, même pour procéder extraordinairement contre ceux qui auraient fait rébellion ; les autorisant Sa Majesté, pour les affaires criminelles, à prendre avec eux le nombre de gradués requis par les ordonnances, et de nommer telles personnes capables et qu’ils jugeront à propos pour remplir les fonctions de procureur du roi et de greffier ; les autorisant pareillement à subdéléguer pour rendre tous jugements d’instruction, même de règlement à l’extraordinaire et autres, en se conformant par eux aux règles et ordonnances du royaume sur la matière criminelle, et notamment à celle de 1670 : et Sa Majesté interdit à toutes ses Cours et autres juges la connaissance desdits cas, ainsi que de tous ceux relatifs aux précautions ordonnées pour arrêter les progrès de la contagion.

Enjoint Sa Majesté aux commandants dans les provinces, commandants et officiers de ses troupes, aux intendants et commissaires départis, aux officiers et cavaliers de maréchaussée, de tenir la main, chacun en droit soi, à l’exécution du présent arrêt, qui sera lu, publié et affiché partout où besoin sera.