Œuvres de Vadé/Introduction

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Garnier (p. 1-16).

INTRODUCTION

I

Vadé (Jean-Joseph), qu’il ne faut pas confondre avec le prétendu Guillaume Vadé, dont Voltaire prit le nom pour servir de passe-port à une de ses facéties les plus épicées (la Préface de Catherine Vadé). Le poëte Vadé, l’auteur de la Pipe cassée, n’est guère connu que comme rimeur d’assonnances poissardes, dans le goût du langage des halles.

Aussi est-ce à peine si les historiens et les biographes graves se donnent la peine de le signaler en quelques lignes dédaigneuses comme chansonnier bachique et ordurier.

Cependant il est certain que, de 1750 à 1757, Jean-Joseph Vadé fut un poëte fort à la mode, qu’après sa mort, il se fit de nombreuses éditions de ses œuvres dans tous les formats, tant à Paris qu’à Londres et à Amsterdam, et que son nom a surnagé à travers le temps et les événements, honneur que la postérité refuse à tant de poëtes du genre noble et académique, célébrés par les historiens littéraires et par les hauts critiques biographes.

Pourquoi la tradition populaire s’est-elle plu ainsi à casser le jugement des écrivains austères, et à faire une immortalité au poëte dédaigné ?

Ne cherchons point, de ce phénomène, d’autre explication que celle-ci : Vadé a eu une originalité tout à fait personnelle et créé un genre, le genre poissard, genre bas tant qu’on voudra, genre auquel on accorderait peut-être difficilement une place dans le temple du Goût, mais genre amusant, genre gai, franc, sincère, fondé à la fois sur l’observation, sur l’étude et sur une sorte d’inspiration comique. Or,

Tous les genres sont bons, hors le génie ennuyeux.

Enfin Vadé, si nombreux, si gais, si spirituels, si inspirés qu’aient été ses imitateurs, est resté le maître de ce genre qui récemment encore a eu un regain de succès et de popularité avec la Fille de madame Angot.

Du reste, ce n’est point seulement par la recherche du langage pittoresque des halles, par la richesse et l’abondance des assonances triviales, que se distingue la muse de Vadé ; le lecteur reconnaîtra aisément, sous ces images grossières, sous ces énergiques jurons, une véritable délicatesse de sentiment, une verve et une ardeur naïvement passionnées, en même temps qu’une remarquable fécondité d’imagination.

Ce qui caractérise, suivant nous, particulièrement Vadé, aussi bien dans ses pièces de théâtre et dans ses fragments de prose que dans ses poëmes poissards, c’est la franchise, la sincérité, la naïveté du rire. Par ces qualités, il est bien un vrai Français, un descendant de Villon, de Rabelais, de Scarron, ces pères du large rire à bouche déboutonnée.

Pourquoi Vadé, ce précurseur du réalisme, n’aurait-il pas trouvé la célébrité dans l’exploitation littéraire de la langue des halles, quand nous avons vu, tout récemment dans notre siècle, des romanciers se servir, avec tant de succès, de l’argot des bagnes, des prisons et des voleurs, et la littérature contemporaine s’enrichir du dictionnaire de la langue verte ?

En publiant aujourd’hui un choix des œuvres de cet écrivain qui a dû presque uniquement sa notoriété à la poésie poissarde, nous avons cherché, autant que possible, à le faire connaitre au public par des échantillons de ses productions dans tous les genres, car ce poëte, prétendu trivial, fut à la fois chansonnier, auteur comique, conteur, fabuliste, rimeur d’épîtres, romancier.

C’est même, à notre avis, son roman naïf des Lettres de la Grenouillère qui doit être regardé comme son chef-d’œuvre. Il est impossible de rien trouver de plus passionné, de plus vrai, de plus délicat que cette correspondance amoureuse de M. Jérôme Dubois, pêcheur du Gros-Caillou et de mademoiselle Nanette Dubut, blanchisseuse de linge fin ;

… Que c’est bien ainsi que parle la nature !


comme dit Alceste.

À Dieu ne plaise que nous voulions entreprendre un commentaire sur chacune des pièces dont se compose ce recueil. Qu’il nous suffise de dire que nous avons fait tout notre possible pour choisir les meilleures dans chaque genre. Nous laisserons au lecteur le soin et le plaisir de les juger et d’apprécier lui-même s’il n’était pas permis d’espérer quelque chose d’un écrivain si ingénieux, qui s’était formé lui-même et qui, mourant à trente-sept ans, avait créé un genre où il était et reste encore le maître.

II

Vadé était né à Ham, en Picardie, en janvier 1720.

Il avait à peine six ans lorsque sa famille vint s’établir à Paris et l’y amena. Enfant, il ne se fit remarquer que par son excessive pétulance et par une invincible horreur pour l’étude du latin. Il fut, dans ses classes, ce que les censeurs des collèges appelaient alors et appellent encore alumnus dissipatus, un élève dissipé, et montra plus de goût pour les jeux et les flâneries de son âge que pour les belles-lettres.

Plus tard sans doute il sut réparer cette faute de ses premiers ans, et combla par de bonnes et fructueuses lectures des grands écrivains français cette lacune de son éducation, car ses épîtres, ses pièces de théâtre et la plupart de ses poésies légères témoignent d’une connaissance suffisante de l’histoire ancienne et de cette mythologie grecque qui jouait un rôle si important dans la poétique de son temps.

Ce fut probablement à Soissons, à Laon et à Rouen, où il résida comme contrôleur du Vingtième dans l’administration des finances, de 1739 à 1744 et pendant les deux années suivantes où il exerça auprès de M. le duc d’Agenois les fonctions de secrétaire, qu’il perfectionna lui-même son instruction, tout en faisant les délices des sociétés bourgeoises où il était fort recherché pour son esprit et pour sa gaieté.

Déjà il avait écrit quelques vers et particulièrement de ces lettres entremêlées de fantasques bouffonneries en vers et en chansons, si fort à la mode depuis le célèbre voyage de Chapelle et Bachaumont. Ses amis, ses protecteurs, qui le jugeaient merveilleusement doué pour la poésie et pour le théâtre et pensaient que l’atmosphère de Paris ne pourrait que favoriser le développement de ses talents naturels, animer, surexciter son inspiration et sa verve, s’efforcèrent de lui fournir les moyens de réparer l’insuffisance de ses ressources pécuniaires en lui faisant obtenir un emploi dans les finances ; il fut attaché à Paris, au bureau du Vingtième, et se trouva ainsi assuré d’avoir de quoi vivre et de pouvoir chanter et rimer à ses heures sans être obligé de trafiquer de sa plume et de la mettre au service des passions ou de la vanité des grands.

Aussi ses vers respirent-ils souvent un noble dédain pour la puissance et la richesse, et presque toujours une sereine indépendance.

Il revint donc à Paris vers 1745 ou 1746 et se fit bientôt une réputation de chansonnier facétieux et de causeur aimable dans les sociétés qu’il hantait. Ces cercles n’étaient assurément pas ceux où brillaient Voltaire, Diderot, d’Alembert, Helvétius, non pas même les compagnies de bons vivants où figuraient les Piron, les Collé, les Gallet, etc. Mais sa muse, pour être court-vêtue et avoir de libres allures, n’en était pas moins franchement gaie, non moins sincèrement française.

C’est probablement à cette époque, à ses débuts, qu’il composa, sans les faire imprimer, toutes ces poésies tour à tour graves et légères, épîtres, fables, contes, épigrammes, madrigaux et chansons qui couraient manuscrites dans les cafés et les salons, et ne furent publiées qu’après sa mort comme œuvres posthumes, sous la rubrique de Londres, d’Amsterdam et de Genève, pour faire suite à l’édition de Duchesne et prendre place dans l’édition Cazin. En effet, bien que ces pièces fugitives ne portent aucune date, on voit figurer parmi elles des stances et des chansons sur les victoires de Louis XV, sur sa maladie, sur la prise de Menin.

Dès 1749, il jouissait déjà d’une certaine réputation comme chansonnier poissard ; en effet, à propos d’une comédie en un acte, intitulée : les Visites du jour de Van, qu’il fit jouer le 3 janvier, nous lisons, dans le Journal de Collé[1] : « Cette petite pièce n’a été donnée que cette seule fois ; elle fut sifflée unanimement. Elle est d’un nommé Vadé, qui a fait de petites poésies dans le goût poissard ; j’en ai vu quelques-unes. Sa manière est de peindre des bouquetières et des harengères qui se querellent ; et il emploie à ce coloris tous les mots bas qu’elles se disent, à la vérité d’une façon assez naturelle. »

Et là-dessus maître Collé d’anathématiser le genre poissard et la parade comme « genre opposé au bon goût et à la belle nature. » Mais ne pouvant dissimuler qu’il a lui-même usé et abusé de la parade, pendant qu’elle était à la mode, il fait son acte de contrition, déclare qu’il méprise ses propres parades tout autant que celles qui ne sont pas de lui, et qu’il regarde ses amphigouris sicut delicta juventutis, comme des délits de jeunesse, « en exceptant, cependant, ajoute-t-il. Cocatrix, pour qui, même encore aujourd’hui, je me sens du faible ; mais je sens bien que c’est du faible. Après cette digression d’égoïste, revenons à la pièce de Vadé.

« Indépendamment, du reste, de la bassesse du style, qui est révoltant, sa comédie est, sans la plus légère apparence de fond, sans imagination, sans caractère et sans comique. On peut juger sur cette pièce, très-définitivement, que ce jeune auteur ne sera jamais capable d’en faire, même de médiocres, »

Il ne nous est pas possible de contrôler ce jugement fort sévère de Collé, attendu que la comédie en question ne se trouve point dans les œuvres de Vadé, et que, probablement, elle n’a jamais été imprimée, mais on sait que, comme critique, l’ex-chansonnier, devenu censeur grave et austère, est assez sujet à caution. Ses mémoires offrent plus d’un exemple de condamnations du même genre qui ont été désavouées par la postérité et par lui-même, notamment en ce qui concerne Beaumarchais. On verra d’ailleurs, un peu plus loin, en quels termes le même Collé s’exprime sur Vadé, à propos de la mort de l’auteur de la Pipe cassée.

Il paraîtrait que la chute de sa comédie fut une leçon pour le jeune poète et le tint éloigné du théâtre pour quelque temps. Il voulut vraisemblablement faire son apprentissage du métier d’auteur dramatique sur les petits théâtres avant de tenter de nouveau la fortune sur notre première scène comique. Trois ans après seulement, le 8 mars 1752, il fit jouer, à l’Opéra-Comique, la Fileuse, parodie d’Omphale. Cette pièce figure en tête de ses œuvres complètes.

Cinq mois plus tard, le 7 août, il fait jouer, au théâtre de la foire Saint-Laurent, le Poirier, opéra-comique en vers, imité d’un épisode du délicieux conte de La Fontaine, la Gageure des trois commères.

Le 12 mars 1753, un essai de pièce à caractère, le Suffisant, opéra-comique en vers, est joué sur le théâtre de l’Opéra-comique ; le 10 avril suivant, sur la même scène, le Rien, parodie des parodies de Tithon et l’Amour ; le 30 juillet, le théâtre de la foire Saint-Laurent joue les Troqueurs, opéra-bouffon, dont la donnée a fourni un sujet de libretto à Hérold, il y a une cinquante d’années. Enfin nous trouvons, dans les œuvres complètes de Vadé, pour cette même année, 1753, une petite pièce de circonstance, jouée à l’Opéra-Comique à l’occasion de la saint Louis, le 24 août, intitulée le Bouquet du roi ; mais une note nous donne lieu de penser que Vadé n’a écrit qu’une seule scène de cet acte, celle de Mars et de l’Amour.

En 1754, le 18 février, le Trompeur trompé ou la Rencontre imprévue, opéra-comique en vers, au théâtre de la foire Saint-Germain ; le 28 juin, Il était temps, parodie de l’acte d’Ixion, du ballet des Éléments, au théâtre de la foire Saint-Laurent ; le 17 septembre, au théâtre de l’Opéra-Comique, la Nouvelle Bastienne, opéra-comique en vers, dans lequel sont intercalées deux scènes d’Auscaume.

L’année 1755 est encore plus féconde. Les Troyennes en Champagne, opéra-comique en vers, joué sur le théâtre de l’Opéra-Comique du faubourg Saint-Germain le 1er février ; le 18 février Jérosme et Fanchonnette, pastorale de La Grenouillère, en prose et en vers, écrite dans le langage populaire, qui obtint un très-grand succès, et fut considéré comme un des chefs-d’œuvre du genre, grâce au naturel des sentiments et à la vérité de l’expression. Cette pièce est suivie des deux compliments de clôture de la foire Saint-Laurent et de la foire Saint-Germain, qui furent chantés à la fin de Jérosme et Fanchonnette, le 6 octobre 1755, ce qui semble indiquer que cet ouvrage tint l’affiche durant sept mois et demi ; le Confident heureux, opéra-comique en un acte, en vers, joué sur le théâtre de l’Opéra-Comique, le 31 juillet 1755. Enfin Folette ou l’Enfant gâté, parodie du Carnaval et la Folie, jouée sur le théâtre de l’Opéra-Comique de la Foire-Saint-Laurent le 6 septembre.

Nous ne trouvons que deux pièces en 1756 : Nicaise, opéra-comique en prose, joué sur le théâtre de la Foire-Saint-Germain le 7 février ; et les Racoleurs, opéra-comique également en prose, joué sur le même théâtre le 11 mars suivant, dans lequel madame Saumon, marchande de poisson, Javotte Tonton et Marie-Jeanne parlent avec un naturel pris sur le fait la langue des halles.

Le 8 février 1757, Vadé faisait jouer à la Foire-Saint-Germain, l’Impromptu du cœur, opéra-comique de circonstance, improvisé à l’occasion de l’odieux attentat de Damiens.

« Ces jours-ci, écrit Collé à ce sujet, Vadé a eu 400 livres de pension du roi, pour un petit opéra-comique intitulé : l’Impromptu du cœur. C’est une petite pièce faite à l’occasion de l’assassinat du roi ; le fond du sujet n’est rien, mais il y a eu une adresse infinie à ne rien mettre dans les détails qui pût rappeler le malheur, en se réjouissant de ce qu’il n’avait point été commis, et de faire tout porter sur ce pivot-là. Il fallait toujours parler de la joie publique, sans souffler mot de ce qui la produisait ; cela était difficile, et il s’en est bien tiré. Je suis charmé que Vadé ait obtenu cette pension, parce que c’est un galant homme, qui a des mœurs et de l’honnêteté. »

Sans nous arrêter plus qu’il ne faut au changement survenu dans l’opinion de Collé, nous devons constater que, de la Fileuse, non à l’Impromptu du cœur, qui n’est pas une pièce, mais à Nicaise et aux Racoleurs, Vadé avait, sous le rapport de la connaissance du théâtre, de la conduite, de l’action dramatique, de la composition des scènes, de tout ce qui constitue enfin le métier d’auteur comique, réalisé de grands progrès. Le style laissait encore sans doute beaucoup à désirer, mais il est aisé de reconnaître qu’il y avait en notre auteur l’étoffe d’un poète comique amusant, habile et presque original.

III

Hélas ! le malheureux Vadé ne devait pas jouir longtemps de la pension que venait de lui octroyer la munificence de Louis XV. L’Impromptu du cœur devait être la dernière de ses pièces qu’il lui serait donné de voir représenter.

Au mois de juin 1757, un abcès à la vessie le mettait dans la nécessité de subir une douloureuse opération qu’il supporta avec beaucoup de courage et qui permit d’espérer un prompt rétablissement. Malheureusement une hémorrhagie imprévue se déclara et l’emporta le 4 juillet, à l’âge de trente-sept ans et demi.

Consultons encore à propos de cette mort le Journal de Collé. Voici les deux pages de nécrologie qu’il consacre au poëte populaire :

« Le 12 ou le 13 de ce mois (erreur de date évidente), mourut le pauvre Vadé dans des souffrances affreuses, après avoir essuyé, quinze jours avant, l’opération la plus douloureuse. J’ai déjà parlé plusieurs fois de lui dans ce Journal ; sa mort m’a fait une peine infinie. Il avait le cœur honnête, et était désintéressé au point d’avoir sacrifié à l’établissement d’une partie de sa famille ce qu’il avait retiré de ses ouvrages, et de n’avoir rien placé pour lui. Ce garçon était d’un commerce doux et aimable ; il chantait fort joliment, surtout des chansons poissardes, ou le vaudeville qui avait quelque caractère. Il n’avait pas fait ses études, et ne savait rien d’ailleurs ; il n’avait pas même lu tous les Théâtres, et les autres auteurs qui ressortissaient à son art. Je l’ai pressé bien des fois de faire une étude particulière de tous ces livres, qui pouvaient augmenter et étendre son talent, et de se retirer de la vie dissipée qu’il menait. Il avait déjà gagné sur lui de refuser une partie de ces soupers dont les chansonniers sont assommés pour peu qu’ils s’y prêtent ; il aimait le jeu à la fureur, et on m’a assuré que cette passion n’a pas peu contribué à lui brûler le sang, qu’il n’avait pas déjà trop pur, pour avoir vécu avec toutes ces coquines de l’Opéra-Comique. Dans les derniers temps, il vivait sagement avec mademoiselle Verrier, qui lui a donné, pendant sa maladie, des preuves de l’attachement le plus respectable ; cette digne créature l’a veillé pendant vingt-sept nuits, et a emprunté de tous côtés pour fournir aux frais de sa maladie ; elle en a été bien mal récompensée par le père de Vadé, qui, conseillé par ses procureurs, a réduit cette fille et un enfant qu’elle a eu de Vadé à la mendicité absolue. Elle avait entre ses mains deux opéra-comiques du défunt qui n’avaient point encore paru ; elle m’a fait prier, par M. Coqueley, avocat, et du Journal des savants, de les finir ; je l’ai promis à M. Coqueley, mais sons le sceau du plus grand secret, et à condition que la Verrier elle-même n’en saurait rien. Mais il s’est trouvé que Monnet[2] avait un brouillon de l’un de ces opéra-comiques, intitulé le Drôle de corps ; il le fait achever par quelqu’un de ses nègres, et le donnera ces jours-ci ; en sorte qu’il ne me reste que l’autre, intitulé la Folle raisonnable, que je vais emporter à la campagne, et dont je verrai si je peux tirer parti.

« Les ouvrages de Vadé sont recueillis en trois volumes, et on pourra en faire un quatrième de ce qui ne l’a pas encore été. Il était né plaisant et naïf, et avait du talent pour faire le couplet et la parodie ; mais il se livrait trop à cette facilité, ce qui l’empêchait d’être correct. »

De ces deux pièces une seule nous est connue, c’est le Mauvais plaisant ou le Drôle de corps, joué sur le théâtre de l’Opéra-Comique de la foire Saint-Laurent, le 17 août 1757, six semaines après la mort de Vadé et imprimé dans ses œuvres complètes, quoique l’éditeur du Journal de Collé assure qu’elle n’en fait point partie.

Nous trouvons encore parmi ses œuvres posthumes une comédie en vers, la Canadienne, supérieure sous le rapport du style à la plupart de ses autres pièces, et qui paraît n’avoir été représentée sur aucun théâtre.

Quant à la Folle raisonnable, il y a tout lieu de supposer que le manuscrit a été perdu.

IV

Dans le choix que nous avons fait des œuvres de Vadé pour composer le volume que nous donnons aujourd’hui, nous avons cherché surtout à offrir au public des spécimens de divers genres dans lesquels l’auteur s’est essayé.

Cependant nous nous sommes appliqué à mettre surtout en relief les ouvrages du genre poissard qui caractérise la véritable originalité personnelle du poëte que ses contemporains avaient surnommé le Téniers littéraire et le Corneille des Halles. C’est évidemment à la vérité, au naturel de ses tableaux et de ses dialogues poissards qu’il a dû la célébrité qui a fait arriver son nom jusqu’à nous.

Comme nous n’étions point tenu par la nécessité de l’ordre chronologique, puisque son poëme de la Pipe cassée, ses romances, ses lettres, ses chansons et ses poésies fugitives ne portent aucune date, nous avons cru pouvoir nous affranchir de la tradition des précédents éditeurs et devoir donner la première place dans ce recueil aux œuvres qui nous paraissent avoir le plus contribué à asseoir sa renommée, pour rejeter à la suite ses pièces de théâtre qui sont évidemment la partie la moins importante de son bagage littéraire.

Nous avons tenu surtout, on le comprendra, à comprendre dans notre choix Jérosme et Fanchonnette et les Racoleurs, vrais types du genre de Vadé, le Drôle de corps, chef-d’œuvre de gaieté et d’entrain qui n'est pas sans analogie avec le vaudeville bouffon de notre temps, et la Canadienne, comédie enjouée, qui donnera une idée de ce que Vadé pouvait être appelé à produire dans un genre plus élevé et plus littéraire que le genre trivial dans lequel il a été entraîné par son premier instinct et sa première fougue de jeunesse.

Julien Lemer.
  1. Journal et Mémoires de Collé, nouvelle édition, 3 vol. in-8° publiée par Honoré Bonhomme.
  2. Monnet, directeur de l’Opéra-Comique.