Œuvres littéraires de Napoléon Bonaparte/Lettres de Famille/37

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Texte établi par Tancrède MartelAlbert Savine (Tome 1p. 259-261).

XXXVII

AU PRINCE EUGÈNE DE BEAUHARNAIS, VICE-ROI D’ITALIE.

Compiègne, le 26 avril 1810.

Mon fils, je reçois votre lettre du 25 à minuit, avec une lettre de l’impératrice. Vous trouverez ci-joint ma réponse. Voyez Cambacérès pour le mariage de Tascher, je désire qu’il se fasse le plus tôt possible, je tiendrai tout ce que j’avais promis. Je suis bien aise que l’impératrice soit contente de Navarre. Je donne ordre qu’on lui avance 300 000 francs que je lui dois pour 1810, et 300 000 francs que je lui dois pour 1811 ; elle n’aura qu’à attendre les deux millions du Trésor public ; je ne m’oppose pas à ce que, si les 100 000 francs que j’ai donnés pour continuer les travaux de Malmaison ne sont pas employés, on suspende ces travaux, et on les emploie à Navarre. Elle est maîtresse d’aller aux eaux. Comme je pars demain pour Anvers, je vois moins d’inconvénients à ce qu’elle aille aux eaux d’Aix-la-Chapelle ; le seul peut-être que j’y trouverais, c’est qu’elle retournât dans les lieux où j’ai été avec elle ; je préférerais qu’elle allât prendre d’autres eaux où elle a été sans moi, comme celles de Plombières, de Vichy, de Bourbonne, etc. ; mais si celles d’Aix-la-Chapelle sont cependant les eaux qui lui conviennent le mieux, je n’y mets aucune opposition ; ce que je désire par dessus tout c’est qu’elle se tranquillise, et qu’elle ne se laisse pas monter la tête par des bavardages de Paris[1].

    rassurer Joséphine sur son avenir, en un mot à faire évanouir les bruits de divorce qui couraient déjà. Nous avons la lettre d’envoi de l’impératrice à sa fille. La voici, datée du 1er juin : « Je t’envoie ma chère Hortense, une lettre de l’empereur pour toi. J’étais si inquiète de n’en pas recevoir de lui que je l’ai ouverte : j’ai vu avec peine qu’il était mécontent de ton séjour aux eaux de Bade. Je t’engage à lui écrire tout de suite que tu avais prévenu ses intentions, et que tes enfants sont auprès de moi ; que tu ne les as eus que quelques jours pour les voir et leur faire changer d’air. Le page qui m’est annoncé par la lettre de Méneval n’est pas encore arrivé, j’espère qu’il m’apportera une lettre de l’empereur… »

  1. Le divorce de Napoléon et de Joséphine avait reçu sa sanction officielle depuis le samedi 16 décembre 1809. Voyez à ce propos la dramatique scène du divorce, très bien racontée et décrite par M. Imbert de Saint-Amand dans son beau livre : Les Dernières années de l’impératrice Joséphine, pages 137-156. (Dentur, édit.)