Œuvres poétiques François de Maynard/À monsieur Ménard

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Œuvres poétiques François de Maynard, Texte établi par Gaston GarrissonA. Lemerre1 (p. 8-9).
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A MONSIEUR MENARD
Advocat en la chambre mi partie de Castres.



Je n’eusse jamais creu voir ton ame glacée
Par les fleches d’amour en fin estre percée,
Qui foulait par desdain les myrthes de Cypris :
Il faut que cest œil soit de nature divine,
Dont les charmants attraits ont mis en ta poitrine
Ce feu sacré, qui t’a si vivement espris.

Je benis le moment où tu receus l’attainte
Par cet œil, je subie et de ta mignarde plainte,
Qui te fait exaller tant d’amoureux souspirs :
Car sans luy tu n’aurais offert en sacrifice
Sur Phocide tes vœus, ny ton cœur dans Erice,
Et pour estre immortel esclorre tes desirs.

Heureux, qui comme toy, de sa flame nouvelle
A pour cause premiere une Nymphe si belle,
Il trouve de la gloire en sa captivité :
Et ne peut, eschauffé de sa douce presence,
Que d’un vol glorieux au ciel il ne s’eslance,
Pour y chanter son heur jusqu’a l’eternité


Pour t’affranchir d’oubly, et vaincre le trespas,
D’estre amant seulement assez ce n’estoit pas,
(Mon Menard) il falloit que tu fusses poete :
Car je scay qu’il y a un bon nombre d’amans,
N’ayant côme tu fais, sceu peindre leurs tourmens,
Qui gisent sans honneur, soubs la cendre muette.

L’eusse mieux autresfois veu l’Ascrean de descendre
Que toy, dans Cytheron, ou sur l’eau du Meandre
Les Signes s’esgayer : mais plus je n’oserois
Approcher le rameau qui dignement t’ombrage,
Et ton chef glorieux, et ton divin ouvrage,
Ny mes chans esgaller au doux air de ta voix.

Celle donc qui d’amour premiere ouvrit le temple
A tes feux, et celuy qui t’a seruy d’exemple
A grimper sur Parnasse, et boire la liqueur
D’Hyppocrene, merite une immortelle gloire,
Puisqu’ores le premier des prestres de memoire,
Tu es fils de Cythere, et des Muses l’honneur.


FRANÇOIS LE BAILLY,
Sieur de Vaucharme et de Saincte Vertu, docteur es droicts, Advocat en Parlement.