Œuvres poétiques complètes de Shelley/Texte entier

La bibliothèque libre.
Traduction par Félix Rabbe.
E. Giraut et Cie, éditeurs (4 tomes, ).



ŒUVRES POÉTIQUES COMPLÈTES


DE


SHELLEY


I



ŒUVRES POETIQUES COMPLÈTES /

DE SHELLEY TRADUITES PAR F. RABBE

PRÉCÉDÉES d’UNE ÉTUDE HISTORIQUE ET CRITIQUE SUR LA VIE ET LES ŒUVRES DE SHELLEY

TOME PREMIER

« La poésie immortalise tout ce qu’il y a de meilleur et de plus beau dans le monde. » (SHELLEY : Défense de la poésie.)

PARIS NOUVELLE LIBRAIRIE PARISIENNE E. GIRAUD ET Cie ÉDITEURS 18, RUE DROUOT, 18

1885 Tous droits réservés



AVERTISSEMENT




En entreprenant cette traduction des Poésies de Shelley, nous nous sommes demandé s’il ne fallait pas faire un choix des parties les plus complètes et les plus achevées, et laisser de côté les fragments, les essais et les poèmes qui, de l’aveu des meilleurs juges, semblent inférieurs et indignes de lui. Une étude approfondie de l’ensemble de son œuvre nous a convaincu qu’il s’y trouve une unité de vues et d’inspiration trop accentuée pour nous permettre de la briser au caprice de notre propre critique, et nous exposer à priver le lecteur du puissant intérêt qu’il peut prendre à suivre pas à pas la marche de sa pensée toujours progressant, toujours s’élevant et s’épurant, à mesure qu’il réalise sous des formes de plus en plus parfaites son idéal poétique. 6 AVERTISSEMENT

Une traduction qui se bornerait aux grands poèmes ne donnerait que la moitié de Shelley, et laisserait dans l’ombre les parties secondaires, si l’on veut, mais cependant si originales et si variées de son génie. Nous connaissons tel admirateur de Shelley qui préfère au Prométhée délivré l’Ode à l’Alouette ou au Vent d’Ouest. Il y a dans Shelley, pour le moins, une demi-douzaine de poètes : le poète philosophique dans la Reine Mab, le Prométhée, la Magicienne de l’Atlas ; le poète épique dans Laon et Cythna ; le poète tragique dans les Cenci et Charles Ier ; le poète de la vie familière dans Julien et Maddalo et la Lettre à Mme Gisborne ; le poète satirique dans Peter Bell III ; le poète comique et burlesque dans Swellfoot Tyran ; le poète mystique dans l’Epipsychidion ; le poète élégiaque dans Adonais ; le poète lyrique dans les chœurs du Prométhée et de l’Hellas, et dans cent autres petits poèmes.

Nous avons réuni dans les deux premiers volumes les œuvres capitales soit par leur étendue, soit par leur importance au point de vue du développement de l’idée shelléienne.

Le troisième est réservé aux pièces de moindre haleine, que Shelley écrivait au jour le AVERTISSEMENT 7

jour sous l’impression de ses joies ou de ses tristesses, de ses enthousiasmes ou de ses abattements, de ses rêveries ou de ses colères, des événements de sa vie privée ou de sa vie publique. A l’aide de ces petits poèmes, dont la plupart sont de purs et rares joyaux, le lecteur pourra assister, année par année, jour par jour, aux émotions, aux passions, aux espérances, aux déceptions et aux désespoirs qui se pressent et tourbillonnent dans cette âme affamée, mais jamais assouvie, de lumière et de beauté. Les poésies de Shelley, c’est toute son âme, toute sa vie, tout son être : aucun poète ne s’est identifié à ce point avec son œuvre. Elles doivent être le commentaire toujours présent de sa biographie, esquissée dans le volume qui accompagne cette traduction(1), et qui en est inséparable, parce que l’histoire de la vie de Shelley est avant tout l'histoire de son âme et de ses poèmes où il l’a versée tout entière. Nous n’avons ajouté à la traduction que les notes essentielles à l’intelligence du texte, nous rappelant que Shelley, à l'encontre de plusieurs poètes ses contemporains, professait qu’une belle poésie doit être par

(1) Histoire de la vie et des Œuvres de Shelley, 1 v. 8 AVERTISSEMENT

elle-même assez claire, assez transparente, pour se passer d’explication et de commentaires. Nous laisserons à d’autres (et ils ne manqueront pas) la stérile besogne de disséquer le poète et d’obscurcir les nuages en voulant les dissiper.

Si Shelley écrivait pour ceux qu’il appelait cuveToi, les initiés, cette initiation ne suppose l’intelligence d’aucune formule cabalistique, d’aucune doctrine ésotérique et mystérieuse, d’aucune psychologie transcendante et morbide, mais seulement une certaine dose d’idéalisme, et surtout l’amour sincère et désintéressé du vrai et du beau dans la nature et dans l’art.

F. Rabbe. A M. H. SIGNORET

DÉDICACE DU TRADUCTEUR

« Qu’il est doux de s^asseoir et de lire les contes des puissants poètes, et d’entendre toujours la suave musique, lorsque l'attention tombe, remplir la pause obscure ! » Shelley : Fragm.

« Bientôt mes paroles humaines trouvèrent de la sympathie dans des cœurs humains. Les plus purs et les meilleurs, comme un ami avec un ami, firent cause commune avec moi ; ils furent en petit nombre, mais résolus. » Shelley : Laon et Cythna, IX, 9.

Ces vers de Shelley vous rappelleront les doux moments passes en sa compagnie, et la grande part que vous et vos amis avez bien voulu prendre à ce trop faible hommage rendu à son génie. F. R.

1* REINE MAB

POÈME PHILOSOPHIQUE

A HARRIET.

Quelle est celle dont l'amour, illuminant le monde, sait parer la flèche empoisonnée de son mépris ? Quelle est celle dont la chaude et partiale estime est la plus douce récompense de la vertu ?

Sous les yeux de qui mon âme renaissante a-t-elle mûri en hardiesse vertueuse ? Dans quels yeux ai-je regardé tendrement, et aimé le plus l’espèce humaine ?

Harriet ! dans les tiens... Tu as été mon esprit purificateur ; tu as été l’inspiration de mon chant ; elles sont tiennes, ces premières fleurs sauvages, quoique tressées par moi.

Alors presse dans ton sein ce gage d amour ; et sache qu’en dépit des vicissitudes du temps et de l'évolution des années, toute fleurette cueillie dans mon cœur est consacrée au tien !

1813.


REINE MAB





I


[1] Quel prodige que la Mort !… la Mort, et son frère le Sommeil ! L’une, pâle comme la lune qui là-bas s’évanouit, avec des lèvres d’un bleu livide ; l’autre, rosé comme le matin, quand, trônant sur la vague de l’Océan, il empourpre le monde ; tous deux dans leur passage, prodigieux mystère !

Le sombre pouvoir qui règne sur les sépulcres infects s’est-il donc emparé de son âme innocente ? * Cette incomparable forme, que l’amour et l’admiration ne peuvent voir sans un battement de cœur, ces veines d’azur qui serpentent comme des courants le long d’un champ de neige, cet adorable contour, beau comme un marbre respirant, tout cela doit-il périr ? Le souffle de la putréfaction ne doit-il rien laisser de cette apparition céleste que hideur et que ruine ? ne rien épargner, qu’un lugubre thème sur lequel le cœur le plus léger pourra moraliser ?… Ou n’est-ce qu’un doux assoupissement envahissant les sens, que le souffle du matin rosé fait fuir dans les ténèbres ? Ianthe s’éveillera-t-elle encore, pour rendre la joie à ce cœur fidèle dont l’esprit sans sommeil est aux aguets pour saisir lumière, vie, extase dans son sourire ? *

Oui ! elle s’éveillera encore, quoique ces membres lumineux soient sans mouvement, et silencieuses ces douces lèvres, qui naguère, respirant l’éloquence, auraient pu apaiser la rage du tigre, et fondre le cœur glacé d’un conquérant. Ses yeux humides de rosée sont clos, et de leurs paupières, dont le lin tissu cache à peine à l’intérieur les orbes bleu sombre, l’enfant sommeil a fait son oreiller ; ses tresses d’or ombragent l’orgueil sans tache de son sein, se tordant comme les vrilles d’une plante parasite autour d’une colonne de marbre.

Écoutez ! D’où vient ce son éclatant ? Il est comme le murmure prodigieux qui s’élève autour d’une ruine solitaire et que les échos du rivage font entendre le soir à l’enthousiaste errant ; il est plus doux que le soupir du vent d’ouest ; il est plus fantastique que les notes sans mesure de cette étrange lyre dont les génies des brises touchent les cordes. Ces lignes de lumière irisée sont comme des rayons de lune tombant à travers les vitraux d’une cathédrale ; mais les nuances sont telles qu’elles ne peuvent trouver de comparaison sur la terre.

Regardez le char de la Reine des Fées ! Les célestes coursiers frappent du pied l’air résistant ; ils replient à sa parole leurs ailes transparentes, et s’arrêtent obéissant aux guides de lumière… La Reine des Enchantements les fit entrer ; elle répandit un charme dans l’enceinte, et, se penchant toute gracieuse de son char éthéré, elle regarda longtemps, et silencieusement, la vierge assoupie.

Oh ! non, le poète visité par les visions dans ses rêves, quand des nuages d’argent flottent dans son cerveau halluciné, quand chaque apparition de l’adorable, de l’étrange et du grand, l’étonné, le ravit, et l’élève, quand sa fantaisie, d’un coup d’œil, combine le merveilleux et le beau, non, le poète n’a jamais vu forme aussi brillante, aussi belle, aussi fantastique que celle qui guidait les coursiers aériens et versait la magie de son regard sur le sommeil de la vierge.

La jaune et large lune brillait confusément à travers sa forme, forme d’une parfaite symétrie ; le char perlé et translucide ne dérangeait pas la ligne de la lumière lunaire. Ce n’était point un spectacle de la terre. Ceux qui purent contempler cette vision dépassant toute splendeur humaine, ne virent ni la jaune lune, ni la scène mortelle ; ils n’entendirent ni le bruit du vent de nuit déchaîné, ni aucun son de la terre ; ils ne virent que l’apparition féerique, n’entendirent que les accents célestes qui remplissaient ce séjour solitaire.

Le corps de la Fée était transparent ; ce nuage fibreux là-bas, qui ne retient que la plus pâle teinte du soir, et que l’œil attentif peut à peine saisir quand il fond dans l’ombre du crépuscule oriental, est à peine aussi délié, aussi transparent. La belle étoile, qui diamante la couronne étincelante du matin, ne jette pas une lumière aussi douce, aussi puissante que celle qui, jaillissant des formes de la Fée, répandait tout autour sur la scène un halo de pourpre et, avec un mouvement d’ondulation, dessinait gracieusement ses contours. De son char céleste la Reine des Fées descendit, et trois fois elle agita sa baguette enlacée de guirlandes d’amaranthe ; sa forme mince et brumeuse suivait les mouvements de l’air ; et les sons clairs, argentins de sa voix, quand elle parla, furent tels qu’ils ne pouvaient être entendus que d’une oreille spécialement douée.

« Astres ! répandez votre plus balsamique influence ! Éléments ! suspendez votre colère ! Dors, Océan, dans les chaînes de rochers qui forment ton domaine ! Qu’on ne voie pas un souffle agiter les herbes qui croissent là-bas au sommet de la ruine ! Que le fil de la vierge toujours en mouvement dorme lui-même sur l’air immobile !… Et toi, Âme d’Ianthe, toi seule jugée digne de la faveur enviée, réservée aux bons et aux sincères, à ceux qui ont lutté, et qui, à force de résolution, ont triomphé de l’orgueil et des bassesses de la terre, brisé les chaînes… les chaînes de glace de la coutume, et fait briller sur leur âge les astres du jour… Âme d’Ianthe ! Éveille-toi ! Debout ! » Soudain se leva l’Âme d’Ianthe ; elle apparut, toute belle, dans sa pureté nue, parfaite image de sa forme corporelle. Une beauté et une grâce inexprimables l’animaient ; toute tache terrestre avait disparu en elle ; elle avait repris sa dignité native, et se tenait debout immortelle… sur une ruine !

Sur la couche, le corps gisait, enveloppé dans les profondeurs de l’assoupissement ; ses traits étaient fixes et sans expression ; cependant la vie animale était encore là, et chaque organe accomplissait encore ses fonctions naturelles ; c’était un spectacle prodigieux de contempler à la fois le corps et l’âme. C’étaient les mêmes linéaments, une parfaite identité extérieure. Et cependant, quelle différence !… L’une aspire au ciel, ne soupire qu’après son héritage éternel, et toujours changeante, toujours s’élevant, s’ébat dans l’être sans fin. L’autre, pour un temps jouet involontaire des circonstances et de la passion, s’agite et lutte ; il traverse d’un vol rapide sa triste durée, et bientôt, comme une machine inutile et hors de service, il pourrit, périt et passe.

LA FÉE

« Esprit ! qui as plongé si profond !… Esprit, qui as plané si haut ! Toi l’intrépide, toi le doux, accepte la faveur due à ton mérite… Monte dans le char avec moi. »

L’ESPRIT

« Rêvé-je ?… Ce sentiment nouveau n’est-il qu’une vision, un fantôme du sommeil ?… S’il est vrai que je sois une âme, une âme libre et dégagée du corps, parle-moi encore. »

LA FÉE

« Je suis la Fée Mab ; il m’est donné d’observer les prodiges du monde humain ; les secrets de l’incommensurable passé, je les découvre dans les consciences infaillibles des hommes, ces chroniqueurs austères et qui ne savent point flatter ; l’avenir, je le déduis des causes qui surgissent dans chaque événement. Ni l’aiguillon que le souvenir vengeur plante dans le sein endurci de l’homme égoïste, ni cette palpitation extatique et triomphante qu’éprouve le sectateur de la vertu quand il récapitule les pensées et les actions d’un jour bien rempli, n’échappent à mon regard, et je les enregistre. Même, il m’est permis de déchirer le voile de la mortelle fragilité, afin que l’esprit, revêtu de son immuable pureté, puisse apprendre comment réaliser au plus tôt la grande lin pour laquelle il existe, et goûter cette paix, dont à la fin toute vie doit avoir sa part. C’est la récompense de la vertu… Heureuse Âme, monte dans le char avec moi. »

Les chaînes de la prison terrestre tombèrent de l’esprit d’Ianthe ; elles éclatèrent et se rompirent comme des liens de paille sous l’effort d’un géant qui s’éveille. Elle s’aperçut de ce glorieux changement, et sentit dans son entendement affranchi s’ouvrir de toutes parts de nouveaux ravissements ; chaque rêverie du jour de sa vie mortelle, chaque vision délirante des sommeils qui avaient clos une journée bien remplie, semblaient maintenant se réaliser !

La Fée et l’Âme se mirent en mouvement ; les nuages d’argent s’écartèrent ; et comme elles montaient sur le char magique, de nouveau l’ineffable musique se fit entendre ; puis les coursiers aériens déployèrent leurs ailerons d’azur, et la Fée, secouant les rênes irradiantes, leur ordonna de poursuivre leur route.

Le char magique avançait… La nuit était belle, et des astres sans nombre parsemaient la voûte bleu sombre du ciel. Justement au-dessus des vagues orientales commençait à poindre le premier faible sourire du matin… Le char magique avançait… Sous les sabots éthérés l’atmosphère volait en étincelles de flamme, et sur le sentier des roues embrasées, tournant au-dessus du pic le plus élevé des montagnes, était tracée une ligne d’éclairs. Maintenant il volait bien loin au-dessus d’un roc, la dernière arête de la terre, le rival des Andes, dont le noir sourcil s’assombrissait au-dessus de la mer d’argent.

Bien, bien au-dessous du sentier du char, calme comme un enfant endormi, le formidable Océan s’étendait. Son calme miroir reflétait les pâles et défaillantes étoiles, la trace enflammée du char et la grise lumière du matin colorant les nuages floconneux qui faisaient un dais à l’aurore. Il semblait que le chemin du char s’ouvrait à travers le milieu d’une immense voûte, rayonnante de millions de constellations, teinte de nuances d’une variété infinie, et à demi entourée d’une ceinture d’où jaillissaient d’incessants météores.

Le char magique avançait… À mesure qu’ils approchaient de leur but, les coursiers semblaient ramasser leur vitesse. La mer ne se distinguait plus ; la terre apparaissait comme une vaste et sombre sphère ; l’orbe du soleil, dégagé des nuages, tournait à travers la noire voûte ; ses rayons de rapide lumière se partageaient autour du char plus emporté dans sa course, et retombaient comme l’embrun floconneux de l’Océan se brisant sur la lame bouillonnante devant la proue d’un navire.

Le char magique avançait toujours… L’orbe lointain de la terre n’apparaissait plus que comme la plus petite lumière clignotant dans le ciel ; pendant qu’autour de la voie du char, d’innombrables systèmes roulaient et des sphères sans nombre épanchaient l’infinie variété de leur gloire. C’était un merveilleux spectacle. Quelques-unes étaient cornues comme le croissant de la lune ; d’autres envoyaient un doux rayon d’argent comme Hesperus sur la mer occidentale ; d’autres s’élançaient avec des traînées de flamme, comme des mondes emportés à la mort et à la ruine ; d’autres brillaient comme des soleils, et, sur le passage du char, éclipsaient toute autre lumière.

Esprit de la Nature ! Ici, dans ce désert interminable de mondes, dont l’immensité fait chanceler l’imagination dans son essor le plus hardi, ici est ton vrai temple !… Cependant la plus petite feuille qui frissonne au passage de la brise n’en est pas moins animée de toi ; cependant le plus chétif ver qui rampe dans les tombeaux et s’engraisse des morts n’en participe pas moins à ton souffle éternel… Esprit de la Nature !

Ô toi, impérissable comme cette scène, c’est ici qu’est ton vrai temple !

II

Si la solitude a jamais conduit tes pas au rivage plein d’échos du sauvage Océan, si jamais tu y as séjourné jusqu’à l’heure où le large orbe du soleil semblait se reposer sur la vague brunie, tu dois avoir remarqué les lignes d’or pourpre, qui, sans mouvement, restaient suspendues sur la sphère qui sombre ; tu dois avoir remarqué les nuages houleux, frangés d’un insoutenable rayonnement, se dressant comme des rocs de jais, couronnés de guirlandes de diamants. Et cependant il y a un moment où le point le plus élevé du soleil n’apparaît plus que comme une étoile, sur le bord occidental de l’Océan, où ces nuages d’or floconneux, ombrés d’une pourpre plus profonde, brillent au loin comme des îles sur le bleu sombre de la mer ; alors ta fantaisie a pris son essor au-dessus de la terre, et a ferlé son aile fatiguée dans le sanctuaire de la Fée.

Mais ni les îles d’or étincelant dans cette inondation de lumière, ni les rideaux floconneux tendus sur la brillante couche du soleil, ni les vagues de l’Océan bruni, qui pavent ce dôme splendide, ne pourraient offrir une vision aussi belle, aussi merveilleuse que le palais éthéré de Mab*. Cependant, il ressemble parfaitement à la voûte du soir, ce palais féerique ! Comme le ciel, appuyé sur la vague, il déployait ses parquets d’éblouissante lumière, son vaste dôme d’azur, ses fécondes îles d’or flottant sur une mer d’argent ; pendant que des soleils dardaient leurs rayons confondus à travers les nuages des ténèbres environnantes, et que les créneaux de perle dominaient de toutes parts l’immensité du Ciel.

Le char magique s’était arrêté. La Fée et l’Esprit entrèrent dans la salle des Enchantements ; les nuages d’or, qui roulaient en vagues étincelantes sous le dais d’azur, ne tremblèrent pas sous leurs pas éthérés ; les brumes lumineuses et vermeilles, flottant aux accords de la pénétrante mélodie, à travers ce séjour qui n’a rien de la terre, obéissaient au moindre mouvement de leur volonté. Sur leur ondulation passive l’Esprit s’appuya, sans user, pour jouir des béatitudes variées qui se pressaient autour de lui, du glorieux privilège de la vertu et de la sagesse.

« Esprit ! » dit la Fée, en lui montrant le splendide dôme, « voici un spectacle prodigieux, et qui se rit de toute grandeur humaine. Mais si la vertu n’avait d’autre récompense que d’habiter un palais céleste, tout abandonnée aux impulsions du plaisir, et murée dans la prison de son propre être, la volonté de l’immuable nature ne serait point accomplie. Apprends à rendre les autres heureux… Viens, Esprit ! C’est là ta haute récompense !… Le passé va se dresser devant toi ; tu verras aussi le présent ; et je t’enseignerai les secrets de l’avenir. »

La Fée et l’Esprit s’approchèrent du créneau plongeant… Au dessous, gisait l’univers étendu ! Là, jusqu’à la ligne la plus reculée qui peut limiter le vol de l’imagination, des orbes innombrables et sans fin enchevêtraient leurs mouvements compliqués, obéissant immuablement à l’éternelle loi de la nature. Au dessus, au dessous, dans toutes les directions, les systèmes formaient en tournant un désert d’harmonie ; chacun allant sans dévier 22 OEUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

à son but, dans un éloquent silence, à travers les abîmes de l’espace, poursuivait sa prodigieuse route ... Il y avait une petite lumière, clignotant dans le lointain brumeux ; rien que l’œil d’un esprit pouvait apercevoir cet orbe roulant : rien que l’œil d’un esprit, et seulement de ce céleste séjour, pouvait distinguer chacune des actions des habitants de cette terre. Mais matière, espace et temps n’ont plus d’action dans ces aériennes régions ; et la sagesse toute-puissante, quand elle recueille les fruits de son excellence, franchit tous les obstacles qu’une âme terrestre craindrait d'affronter.

La Fée désignait la terre. L’œil intellectuel de l’Esprit reconnut les êtres de sa parenté. Sous son regard, les multitudes pressées apparaissaient comme les citoyens d’une fourmilière. Quelle merveille ! que toujours les passions, les préjugés, les intérêts, qui animent le plus petit être, que la plus faible touche, qui met en mou- vement le nerf le plus délicat, et produit dans la cervelle humaine la pensée la plus élémentaire, deviennent un anneau dans la grande chaîne de la nature !

« Regarde, cria la Fée, les palais ruinés de Palmyre !.... Regarde ! ici la grandeur faisait trembler ; regarde ! là souriait la volupté : que reste-t-il aujourd’hui ? le sou- venir de la folie et de la houle ! Qu’y a-t-il là

d’immortel ? Rien ces ruines sont debout pour

raconter une mélancolique histoire, pour donner un terrible avertissement ; bientôt l’oubli emportera silen- cieusement les restes de leur gloire. Là, monarques et conquérants avec orgueil mirent le pied sur des millions d’hommes prosternés — tremblements de terre de l’hu- maine race, connue eux oubliés, quand la ruine qui marque leur secousse a disparu. REINE MAB 23

« A côté du Nil éternel, les Pyramides ont surgi. Le Nil poursuivra sa route immuable ; ces Pyramides tomberont ; oui ! pas une pierre ne restera debout pour indiquer le lieu où elles furent : leur emplacement même sera oublié, comme l’est le nom de leur architecte !

« Vois là-bas cette région stérile , où maintenant la tente de l’Arabe errant flotte au vent du désert. Là autre- fois le temple altier de l’antique Salem élevait jusqu’au ciel ses mille coupoles d’or, et à la face rougissante du jour exposait sa honteuse gloire. Oh ! que de veuves, que d’orphelins ont maudit la construction de ce temple ! que de pères, consumés par le travail et l’esclavage, ont demandé au Dieu de la pauvre humanité de le balayer de la terre, et d’épargner à leurs enfants la tâche détestée d’empiler pierre sur pierre, et d’empoisonner ainsi les plus beaux jours de la vie pour caresser une vanité de vieillard en enfance !... Là, une race inhumaine et barbare hurlait de hideuses louanges à son Dieu- Démon 1 Ils se ruaient à la guerre, arrachaient des entrailles des mères l’enfant non encore né ; vieillards, enfants mouraient confondus ; leurs bras victorieux ne laissaient respirer aucune âme. Oh ! ce furent des démons ! Mais alors qu’était celui qui leur enseigna que le Dieu de la nature et de l’amour avait autorisé par mie loi spéciale le commerce du sang ? Son nom et le leur s’évanouissent, et les contes de celte barbare nation, que récite l’imposture jusqu’à ce que la terreur y croie, la suivent dans l’oubli.

« Où Athènes, Rome et Sparte étaient debout, là main- tenant est un désert moral ; ces chétives et misérables huttes, ces palais plus misérables encore, contrastant avec ces vieux temples, qui maintenant s’émiettent pour l’oubli ; les longues et solitaires colonnades, à travers lesquelles rôde le spectre de la Liberté, font l’effet aujourd’hui d’un air bien connu que nous avons aimé entendre dans quelque endroit cher à notre Ame, dont nous nous souvenons maintenant avec tristesse. Mais combien plus frappant encore et plus sombre est le contraste qu’offre ici la nature humaine ! Où Socrate expira, un esclave des tyrans, un lâche et un fou sème la mort autour de lui, puis, frémissant, trouve la sienne. Où Cicéron et Antoine vécurent, un moine encapuchonné et hypocrite prie, maudit et ment.

« Esprit ! dix mille ans à peine ont passé depuis ; sur cette terre inculte où maintenant le sauvage boit le sang de son ennemi, et singeant les fils de l’Europe fait retentir le chant impie de la guerre, s’élevait une cité puissante, métropole du continent occidental. Là, maintenant, la colonne couverte de mousse, rongée par la morsure incessante du temps, qui jadis semblait devoir survivre à tout excepté à la ruine de son propre pays ; la vaste scène de la forêt, rude dans l’inculte beauté de ses jardins depuis longtemps devenus sauvages, semblent au voyageur dont malgré lui le hasard a retenu les pas dans ce désert, avoir toujours existé ainsi, depuis que la terre est ce qu’elle est. C’était cependant jadis le rendez-vous le plus affairé, où, comme dans un centre commun, affluaient étrangers, vaisseaux et cargaisons ; jadis la paix et la liberté enchantaient la plaine cultivée. Mais la richesse, cette malédiction de l’homme, a flétri le bourgeon de sa prospérité : vertu et sagesse, vérité et liberté, ont fui pour ne plus revenir, jusqu’à ce que l’homme sache qu’elles seules peuvent donner le bonheur digne d’une âme qui revendique sa parenté avec l’éternité ! REINE MAB 25

« II n'y a pas un atome de cette vaste terre qui n’ait été un jour un homme vivant ; pas la plus petite goutte de pluie suspendue dans le plus mince nuage, qui n’ait coulé dans dos veines humaines. Et des plaines brûlantes où hurlent les monstres de Lybie, des plus sombres vallons du Groenland sans soleil, jusqu’aux rivages où les champs d’or de la fertile Angleterre déploient leurs moissons à la lumière du jour, tu ne saurais trouver une place où quelque cité n’ait existé.

« Qu’étrange est l'humain orgueil ! Je te dis que ces atomes vivants, pour qui le fragile brin d’herbe qui germe le matin et périt avant le soir est un monde illi- mité ; je te dis que ces êtres invisibles qui habitent les plus petites particules de l’insensible atmosphère, pen- sent, sentent et vivent, comme l’homme ; que leurs affections et leurs antipathies, comme les siennes, produisent les lois qui gouvernent leur état moral ; et que la moindre palpitation qui dans leur trame répand le plus faible, le plus léger ébranlement, est aussi réglée, aussi nécessaire que les lois majestueuses qui gouvernent les sphères roulant dans l’espace. »

La Fée s’interrompit. L’Esprit, dans l’extase de l’admiration, sentait revivre toute la science du passé ; les événements des anciens âges merveilleux, qu’une obscure tradition enseigne sans suite au vulgaire crédule , se dévoilaient à sa vue dans leur juste perspective, obscurs encore, mais seulement par leur infinitude. II semblait à l’Esprit qu’il était au haut d’un pinacle isolé, ayant au dessous de lui la marée montante des âges, au dessus les profondeurs de l’univers sans bornes, et tout autour l’immuable harmonie de la nature.

2 26 ŒUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

                          III

« Fée, » dit l’Esprit ; et il fixait ses yeux éblouis sur la Reine des Enchantements, « je te remercie. Tu m’as fait une faveur que je n’abdiquerai jamais, et appris une leçon que l’on ne peut plus désapprendre. Je connais 1e passé, et j’essaierai d’en glaner un avertissement pour l’avenir, en sorte que l’homme puisse profiter de ses erreurs et tirer l’expérience de sa folie ; car, quand le pouvoir de communiquer le bonheur en égalera 1a volonté, l’âme humaine ne demandera pas d’autre ciel.

              MAB 

« Tourne-toi, Esprit supérieur ! Il reste encore bien des choses à examiner. Tu sais combien l’homme est grand et tu connais sa faiblesse. Il te reste à apprendre ce qu’il est, à apprendre la sublime destinée que le temps infatigable réserve à toute âme vivante.

« Regarde ce somptueux palais, qui, au milieu de cette populeuse cité, dresse ses mille tours et semble lui- même une autre cité. De sombres troupes de sentinelles en rangs sévères et silencieux, lui font une ceinture. Celui qui l'habite ; ne peut être libre ni heureux. N’entends-tu pas les malédictions des orphelins, les gémissements de ceux qui n'ont pas d’amis ? Il passe, le Roi portant la chaîne dorée qui He son âme à l’abjection ; le fou, que les courtisans appellent du sobriquet de monarque, tandis qu’il est l’esclave des plus vils appétits... Cet homme ne parle point l’oreille aux cris de la misère ; il sourit aux profondes imprécations que l’indigent murmure en secret, et une sinistre joie envahit son cœur exsangue, quand des milliers d’êtres aspirent en sanglotant après ces miellés que sa folie gaspille dans une REINE MAB 27

orgie sans joie, pour sauver de la faim tous ceux qu’ils aiment ! Quand il entend le récit de ces horreurs, il se tourne vers quelque face toute prête à l’hypocrite assen- timent, étouffant la lueur de honte, qui, en dépit de lui, colore sa joue bouffie !

« Puis au festin de silence, de grandeur et d’excès, il traîne son appétit émoussé et rechignant. Si l’or qui brille autour de lui, si les nombreuses viandes choisies sous tous les climats pouvaient forcer le sens dégoûté à triompher de la satiété ; si la richesse n’empoisonnait pas la source où il puise ; si le vice, le vice insensible et forcené, ne convertissait pas ses aliments en un mortel poison ; alors ce roi serait heureux ; et le paysan qui, après avoir rempli sa tâche volontaire , retourne chez lui le soir, et près du fagot flambant retrouve sa sou- riante compagne pour qui il a essuyé toute celte fatigue, ne ferait pas un repas plus doux.

« Regarde-le maintenant, étendu sur sa somptueuse couche ; sa cervelle enfiévrée vacille quelque temps étourdie. Mais bientôt l’engourdissement de la débauche tombe, et la conscience, cet immortel serpent, appelle sa venimeuse couvée à sa tache nocturne... Ecoute ! il parle !... Remarque cet œil frénétique !.. Remarque ce visage funèbre. »

LE ROI

« Pas de repos ! Oh ! cela doit-il donc durer toujours ! Horrible mort ! Je désire et cependant je crains de t’étreindre !... Pas un moment de sommeil sans cauche- mar ! chère et sainte paix ! Pourquoi ensevelis-tu ta pureté de vestale dans le linceul de la misère et des cachots ? Pourquoi te caches-tu avec le danger, la mort 28 ŒUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

et la solitude, et fuis-tu le palais que je t’ai bâti ?... Paix sacrée ! Oh ! visite-moi une seule fois, et dans ta pitié verse une seule goutte de baume sur mon âme desséchée ! »

MAB

« Homme vain ! son palais, c’est le cœur vertueux, et la paix ne salit pas ses vêtements de neige dans un taudis tel que le tien !... Ecoute ! il murmure encore... Ses sommeils ne sont que des agonies variées, ils sucent comme des scorpions les sources de la vie. Il n’est pas besoin de l’enfer fabriqué par les bigots pour punir ceux qui errent ; la terre en soi contient à la fois et le mal et le remède ; et la nature qui suffit à tout peut châtier ceux qui transgressent sa loi ; elle seule sait comment proportionner équitablement à la faute le châtiment qu’elle mérite.

« Est-il donc étrange que ce pauvre misérable s’enorgueillisse dans son malheur ? Qu’il trouve son plaisir dans son abjection, et presse contre son sein le scorpion qui le dévore ? Est-il étrange qu'assis sur un glorieux trône d’épines, étreignant un sceptre de fer, muré dans une splendide prison, dont les durs liens l’enchaînent loin de tout ce qui est bon et précieux sur terre... son âme ne revendique pas son humanité ? que la douce nature de l’homme ne s'insurge pas contre la prérogative du roi ?.. Non, cela n’est pas étrange. A l’exemple du vulgaire. il pense, seul, agit et vit juste comme a fait son père ; les pouvoirs invincibles du précédent et de la coutume s’interposent entre un roi et la vertu ! Ce qui peut paraître plus étrange à ceux qui ne connaissent pas la nature et ne savent pas déduire l’avenir du présent, REINE MAB 29

c’est que pas un de ces esclaves qui souffrent des crimes de cet être contre nature, pas un de ces misérables dont les enfants meurent de faim, et dont le lit nuptial est le sein impitoyable de la terre, ne lève le bras pour le jeter à bas de son trône !

« Ces moucherons dorés qui, pullulant au soleil d’une cour, s’engraissent de sa corruption, que sont-ils ? Les frelons de la société. Ils se nourrissent du travail de l’artisan. Pour eux, le rustre affamé force la grève rebelle à céder ses moissons qu’il ne partagera pas ; et ce spectre hâve, plus maigre que la misère décharnée, qui consume une vie sans soleil dans la mine malsaine, traîne dans le labeur une mort prolongée pour assouvir leur grandeur ; la masse s’épuise de fatigue, pour qu’un petit nombre connaisse les soucis et les douleurs de la paresse !

« D’où crois-tu que sont sortis rois et parasites ? D’où cette race contre nature de bourdons fainéants, qui accumulent les fatigues et une insurmontable indigence sur ceux qui bâtissent leurs palais, et leur apportent le pain quotidien ? — Du vice, du ténébreux et immonde vice ; de la rapine, de la folie, de la trahison, du crime ; de tout ce qui engendre la misère et fait de la terre ce sauvage désert ; de la luxure, de la vengeance et du meurtre. — Et quand la voix de la raison, retentissante comme la voix de la nature, aura éveillé les nations ; quand le genre humain s’apercevra que le vice est dis- corde, guerre et misère, que la vertu est paix, bonheur et harmonie ; quand, plus mûre, la nature de l’homme dédaignera les jouets de son enfance ! alors l’éclat royal perdra le pouvoir d’éblouir ; l’autorité royale s’évanouira dans le silence : le trône somptueux restera

2* 30 ŒUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

inconnu dans la salle royale, tombant bientôt en ruines : tandis que le commerce du mensonge deviendra aussi odieux, aussi inutile que l’est aujourd’hui celui de la vérité.

« Où est la gloire que la vanité des puissants de la terre cherche à éterniser ? Oh ! le plus faible bruit que fait le pas léger du Temps, la plus petite vague qui grossit le courant des âges, ensevelit dans le néant cette bulle vide ! Oui, aujourd’hui, rigide est la loi du tyran, rouge le regard qui lance la désolation, fort le bras qui dissipe les multitudes Demain arrive ! cette loi n’est plus qu’un coup de tonnerre évanoui dans le passé ; ce regard, un éclair passager sur lequel la nuit s’est refermée ; et de ce bras le vers a fait sa pâture !

« Quand l’homme vertueux, aussi grand dans son humilité que les rois sont petits dans leur grandeur ; l’homme qui mène sans défaillance une vie d’invincible probité, et qui, au fond des cachots silencieux, est plus libre et plus intrépide que le juge tremblant qui, revêtu d’un pouvoir vénal, a vainement essayé d'enchaîner l’impassible esprit — quand il succombe, son œil doux ne rayonne plus de bienveillance ; sa main qui ne s’éten- dait que pour soulager est desséchée ; évanouie, cette éloquence simple de la raison qui n’élevait la voix que pour consterner le coupable... Oui, le tombeau a éteint cet œil ; le froid impitoyable de la mort a raidi ce bras ; mais le renom incorruptible que la vertu suspend sur la tombe de son sectateur, la mémoire immortelle de cet homme, dont la seule pensée fait trembler les rois, la ressouvenance dans laquelle l’heureux esprit contemple le bon emploi de son pèlerinage sur la terre, ne passera jamais ! REINE MAB 31

« La nature rejette le monarque, non l’homme ; le sujet, non le citoyen ; car rois et sujets, ennemis les uns des autres, jouent entre eux une partie toujours perdante, dont les enjeux sont le vice et la misère. L’homme à l’âme vertueuse ne commande, ni n’obéit. Le pouvoir, comme une peste désolante, souille tout ce qu’il touche ; et l’obéissance, fléau de tout génie, vertu, liberté, vérité, des hommes fait des esclaves, et de l’organisme humain un automate, une machine.

« Quand Néron, planant au-dessus de Rome en flam- mes, fondit sur elle avec la joie sauvage d’un démon, buvant d’une oreille ravie les cris déchirants de l’agonie, quand il contempla l’effrayante désolation partout répandue et sentit comme un nouveau sens créé dans son âme tressaillir à cette vue et vibrer à ces accents, crois-tu que sa grandeur n’avait pas dépassé la force de la patience humaine ? Et si Rome, d’un seul coup, n’abattit pas le tyran, n’écrasa pas ce bras rouge de son sang le plus cher, l’abjection de l’obéissance n’avait-elle pas détruit les instincts de la nature ?

« Regarde plus loin encore la terre ! Les moissons d’or germent ; le soleil infatigable répand la lumière et la vie ; les fruits, les fleurs, les arbres croissent à leur saison ; toutes choses disent paix, harmonie, amour ! L’univers, dans la silencieuse éloquence de la Nature, déclare que tous les êtres accomplissent l’œuvre d’amour et de joie, tous excepté un réfractaire, l’homme ! Lui, il fabrique le fer qui poignarde sa paix ; il caresse les serpents qui lui rongent le cœur ; il élève le tyran qui se réjouit de ses douleurs et se fait un jeu de son agonie ! Le soleil là-bas n’éclaire-t-il que les grands ? Les rayons d’argent dorment-ils moins doucement sur le chaume 32 CEUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

de la cabane que sur le dôme des rois ? La maternelle Terre est-elle une marâtre pour ces nombreux fils qui, sans les partager, recueillent ses dons au prix d’inces- santes fatigues ? N’est-elle une mère que pour ces enfants pleurnicheurs qui, nourris dans les jouissances et le luxe, font des hommes les jouets de leur puérilité, et détruisent, dans leur important et égoïste enfan- tillage, cette paix que des hommes seuls apprécient ?

« Non, Esprit de la Nature ! La pure diffusion de ton essence palpite également dans tout cœur humain ! C’est là que tu élèves le trône de ton pouvoir sans appel : tu es le juge, au moindre signe duquel la courte et frêle autorité de l’homme devient aussi impuissante que le vent qui passe. Ton tribunal est autant au-dessus de l’appareil de l’humaine justice que Dieu est au-dessus de l’homme !

« Esprit de la Nature ! tu es la vie des infinies multi- tudes ; l’âme de ces puissantes sphères, dont la route immuable traverse le profond silence du Ciel ; l’âme du plus petit être dont la vie a pour séjour un pâle rayon d’avril ! Comme ces êtres passifs, l’homme accomplit inconsciemment ta volonté ; comme le leur, son âge de paix sans fin, que le temps se hâte de mûrir, viendra promptement et infailliblement ; et ce monde sans bornes que tu pénètres n'aura plus de crevasses défigurant sa parfaite symétrie ! »

IV

« Que cette nuit était belle ! Le soupir embaumé, que les zéphyrs du printemps exhalent à l’oreille du soir, troublait seul le calme éloquent qui enveloppe cette scène immobile. La voûte d ébène du Ciel, criblée d'asREINE MAB 33

très indiciblement brillants, à travers lesquels roule la masse de la lune sans nuages, semble comme un dais que l’amour a étendu pour abriter le sommeil du monde. Ici de gracieux sommets, parés d’un vêtement de neige non foulée ; là, de sombres rochers, d’où pendent des glaçons si purs, que leurs blanches et étincelantes aiguilles ne nuancent pas le pur rayon de la lune ; plus loin un escarpement crénelé, dont la bannière, sur la tour consumée par le temps, pend si mollement que l’imagination frappée y voit comme l’image même de la paix ; — tout cela forme une scène où la solitude rêveuse aimerait à élever son âme au-dessus de cette sphère terrestre, où le calme du silence veillerait seul…. Une scène si fraîche, si brillante, si silencieuse !….

« L’orbe du jour, dans les régions du sud, sur la plaine sans vagues de l’Océan, plonge avec un doux sourire ; le plus léger souffle ne glisse pas à la dérobée sur le calme abîme ; les nuages du soir réfléchissent immobiles le rayon tardif du jour, et l’image de Vesper à l’occident brille d’une beauté silencieuse…. Demain arrive ! Nuage sur nuage, en masse noire et de plus en plus compacte, roule sur les eaux enténébrées ; le sourd mugissement du tonnerre lointain gronde formidable ; la tempête déploie son aile sur l’obscurité, linceul de la lame bouillonnante ; démon sans pitié, avec tous ses vents et ses éclairs, elle suit sa proie à la trace ; l’abîme déchiré bâille ! le navire trouve un tombeau dans son gouffre déchiqueté !

« Ah ! d’où vient cette lueur qui enflamme l’arche du ciel ?… cette fumée rouge et sombre qui voile la lune d’argent ? Les astres s’éteignent dans les ténèbres, et la neige pure et pailletée jette une faible lueur à travers 34 ŒUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

l’obscurité qui s’amoncelle. Ecoute ce rugissement dont les rapides et sourds éclats retentissent en échos sans nombre à travers les montagnes, faisant tressaillir le pâle Minuit sur son trône étoile ! Voilà que grossit le fracas entrechoqué ; la vibration répétée et effrayante de la bombe qui éclate ; le rayon qui tombe, les cris perçants, les gémissements, les clameurs de triomphe, le cliquetis sans repos, et le choc précipité des hommes ivres de rage... De plus en plus retentissant, le tumulte grandit, jusqu’à ce que la pâle mort ferme la scène, et sur le vainqueur et le vaincu étende son froid et sanglant linceul. — De tous les hommes que le rayon fuyant du jour a vus là florissants dans leur fière et robuste santé, de tous les cœurs vivants qui battaient là pleins d’angoisse au cou- cher du soleil, combien peu survivent, combien peu battent encore !... Partout le profond silence, semblable au calme plein de terreurs qui sommeille dans le monstrueux repos de la tempête ; excepté quand la plainte éperdue de l’amour réduit au veuvage vient frémir sur la brise, ou que se fait entendre le faible gémissement de l’âme brisant l’enveloppe d’argile qui emprisonne ses facultés rebelles.

« Le gris malin se lève sur cette funèbre scène ; la fumée sulfureuse roule encore lentement devant la brise glacée, et les brillants rayons de la gelée matinale dan- sent le long de la neige diamantée. Là, des traces de sang même au plus profond de la forêt, et des armes brisées, et des guerriers sans vie dont la mort même n’a pu changer les traits farouches, marquent le passage terrible des vainqueurs déchaînés ; bien loin au delà, de noires cendres indiquent la place où s’élevait leur fière cité. Au fond de la forêt est un sombre vallon ; chaque REINE MAB 35

arbre, qui abrite son obscurité des rayons du jour, ondule sur la tombe d’un guerrier.

" Je te vois reculer, Esprit supérieur ! — N’as-tu pas été homme ? Je vois une ombre d’anxiété et d’horreur passer sur ton front sans tache. Mais ne crains rien ; ce n’est pas une misère sans raison, sans cause et sans remède. Non, la nature mauvaise de l’homme, cette apologie que les rois qui gouvernent et les lâches qui rampent ne manquent pas d’invoquer pour justifier leurs innombrables crimes, ne verse pas le sang qui désole la plaine dévastée par la discorde ; c’est des rois, des prêtres, des hommes d’État que la guerre est venue ; leur salut est dans la douleur profonde, incurable de l’homme, leur grandeur dans son abaissement. Que la hache frappe à la racine, l’arbre empoisonné tombera ; et là où ses exhalaisons vénéneuses répandaient la ruine, la douleur et la mort, où des millions d’êtres gisaient assouvissant la faim des reptiles, leurs os blanchissant sans sépulture dans une atmosphère putride, un jardin s’élèvera, surpassant en délices le fabuleux Éden.

« L’Ame de la Nature, — • qui a formé ce monde si beau, qui a répandu l’abondance sur le sein de la terre, qui a accordé la plus petite fibre de la vie pour un immuable unisson, qui a donné aux heureux oiseaux le bocage pour séjour, accordé aux voyageurs de l’abîme le silence ravissant de l’insondable océan, rempli le plus chétif ver qui se traîne dans la poussière d’esprit, de pensée et d’amour, — l’Ame de la Nature ! sur l’homme seul, partiale dans sa malice sans cause, aurait-elle folâtrement accumulé ruine, vice, esclavage ? flétri son âme de dévorantes malédictions ? placé bien loin de lui le météore bonheur, pour échapper à sa main, et ne 36 ŒUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

servir qu’à éclairer l’abîme effrayant étendu grand ouvert sous ses pas ?

« La Nature ! non ! — Rois, prêtres, hommes d’État ont flétri la fleur humaine dans son tendre bouton ; leur influence infiltre comme un subtil poison dans les veines exsangues de la société désolée ! L’enfant, avant qu’il puisse bégayer le nom sacré de sa mère, sent se gonfler en lui l’orgueil dénaturé du crime, et brandit son épée de baby à la façon d’un héros ! Cette arme d’enfant deviendra le fouet le plus sanglant de la terre dévastée : tandis que des noms spécieux, appris à l’heure insouciante de la molle enfance, servent de sophismes avec lesquels l’humanité obscurcit le brillant rayon de la raison, et sanctifient l’épée qui se lève pour verser le sang innocent d’un frère ! Que les esclaves conduits par le prêtre cessent de proclamer que l’homme hérite du vice et de la misère, quand la force et le mensonge sont suspendus jusque sur l’enfant dans son berceau, étouffant de leur rude étreinte tout bien naturel !

« Ah ! pour l’âme étrangère, quand pour la première fois elle hasarde un regard hors de son nouveau séjour, cherchant au dehors bonheur et sympathie, comme ce petit coin de l’immense monde est dur et désolé ! Comme tous les boutons du bien naturel sont tristement flétris ! Aucune ombre, aucun abri pour elle contre les tourbillons déchaînés d’un pouvoir sans pitié ! Sur sa malheureuse existence, empoisonnée peut-être par les maladies et les douleurs qu’ont accumulées sur les misérables parents dont elle est sortie les moeurs, la loi, la coutume — les purs vents du ciel, qui renouvellent la race des insectes, ne peuvent souffler ! L’incorruptible lumière du jour ne peut visiter ses ardents désirs ! Elle est REINE MAB 37

enchaînée avant d’avoir vécu ; oui, toutes les chaînes sont forgées bien avant qu’elle soit ; toute liberté , tout amour, toute paix lui est ravie avant qu’elle puisse se défendre ; maudite dès sa naissance, dès son berceau, vouée à l’abjection et à l’esclavage !

« Dans tout ce monde varié et éternel, l’âme est le seul élément inébranlable qui ait subsisté pendant d’innombrables âges. Le pilier immobile qui porte le poids d’une montagne est un esprit actif et vivant. Chaque grain dans son tout et ses parties est un être sentant, et le plus minuscule atome contient un monde d’amours et de haines. De là naissent le mal et le bien, la vérité et le mensonge ; de là sortent volonté et pensée et action, tous les germes de peine ou de plaisir, de sympathie ou de haine, qui font la variété de l’éternel univers. L’âme n’est pas plus souillée que les rayons du plus pur orbe du ciel, avant que les souillures de l’atmosphère née de la terre ne viennent altérer leurs lignes rapides. L’homme est un composé d’âme et de corps, formé pour des actions d’un haut dessein, pour prendre sur l’aile audacieuse de l’imagination un essor infatigable, pour changer intrépidement les angoisses les plus cuisantes en paix sereine, et goûter les joies que comportent les sens et l’esprit réunis... Ou bien il est formé pour l’abjection et la douleur, pour se traîner sur le fumier de ses craintes, pour tressaillir au moindre bruit, pour éteindre dans la sensualité la flamme de l’amour naturel, pour bénir l’heure où sur ses jours sans mérite la main glacée de la mort posera son sceau, pour redouter, craindre la guérison tout en haïssant la maladie. Le premier est l’homme, tel qu’il doit être un jour ; l’autre est l’homme, tel que le vice l’a fait aujourd’hui.

Rabbe. I. — 3

« La guerre est le jeu des politiques, les délices du prêtre, l’amusement de l’homme de loi, le métier gagé des assassins ; et pour ces royaux meurtriers, dont les trônes mesquins sont le prix de la trahison, de la bouc ci de la honte, la guerre est le pain qu’ils mangent, le bâton sur lequel ils s’appuient ! Des gardes, revêtus d’une livrée rouge-sang, font un rempart à leur palais, participent aux crimes que la force protège, et contre la rage d’une nation assurent la couronne, l’objet de toutes les malédictions qu’exhalent la Faim, la Frénésie, la Douleur et la Misère ! Ce sont là les bravi secrets qui défendent le trône du tyran, les fanfarons de sa crainte ; ce sont les égouts et les canaux des plus détestables vices, le rebut de la société, la lie de tout ce qu’il y a de plus ignoble… Leurs cœurs glacés allient la fraude avec la sévérité, l’ignorance avec l’orgueil, tout ce qui est petit et vil avec la rage que la désespérance du bien et le mépris de soi-même peuvent seuls allumer. Ils sont parés de richesse, d’honneur, de pouvoir ; et puis envoyés au dehors pour accomplir leur œuvre. La peste qui, dans sa sombre marche triomphale, parcourt quelques contrées de l’Orient est moins pernicieuse. Ils cajolent avec l’or, avec les promesses de gloire, la jeunesse insouciante déjà écrasée sous la servitude ; elle ne connaît que trop tard son malheur et n’accueille la repentance que pour sa ruine, quand son destin est scellé dans l’or et dans le sang. Ceux-là aussi servent le tyran, qui, versés dans l’art d’entortiller les pieds de la Justice dans les filets de la loi, sont toujours prêts à opprimer le faible, toujours prêts à plaider le bien ou le mal pour de l’or, se raillant de la vertu publique, qui, sous leur pied impitoyable, gît meurtrie et écrasée pendant que l’honneur est assis souriant au trafic de la vérité.

« Puis des hypocrites graves, à la tête blanchie, sans une espérance, une passion, un amour, après avoir, à travers une vie de luxe et de mensonge, rampé par la flatterie jusqu’aux sièges du pouvoir, soutiennent le système qui fut la source de leur fortune. Ils ont trois mots les tyrans en connaissent bien l’usage, ils en paient l’emprunt avec l’usure tirée du sang du monde : Dieu, Enfer et Ciel ! Dieu, un démon vindicatif, sans pitié et tout-puissant, dont la miséricorde est un sobriquet pour la rage de tigres indomptés altérés de sang ; l’Enfer, un rouge abîme de flammes éternelles, où des vers empoisonnés et immortels prolongent une éternelle misère pour ces malheureux esclaves, dont la vie a déjà été le châtiment de leurs crimes ; le Ciel, une récompense pour ceux qui se résignent à démentir leur nature d’hommes, à trembler, à croire, à faire des courbettes devant les moqueries du terrestre pouvoir.

« Voilà les instruments que le tyran emploie à son œuvre, qu’il manie dans sa colère, et qu’il brise comme il veut, tout-puissant dans sa perversité ; pendant que la jeunesse pousse, que la vieillesse tombe en poussière, l’âge mûr sans résistance fait la volonté du tyran, entraîné par l’appât d’un bonheur fugitif à prêter sa force à la faiblesse de son bras tremblant. Ils s’élèvent, ils tombent ; une génération vient livrer sa récolte à la faux de la destruction ; elle disparaît, une autre fleurit ! … Cependant regarde ! l’estampille du tyran brille rouge sur sa fleur, flétrissant et corrompant profondément son servile éclat. Il a inventé des paroles et des modes menteuses, vides et vaines comme son propre cœur ; des significations évasives, des riens sonores, pour leurrer la victime étourdie et la pousser dans les filets tendus tout autour de la vallée de son paradis.

« Jette un regard sur toi-même, prêtre, conquérant, ou prince ! — Prêtre, ton commerce est mensonge, et tes convoitises se vautrent profondément dans le salaire du pauvre, avec qui vivait ton maître. Conquérant, tu te délectes, en comptant les myriades d’hommes que tu as tués ; toute espèce de misère ne pèse rien dans la balance en regard de ton éphémère renommée. Prince, roi nourri de pompes, tu accables la terre gémissante du poids de tes lâchetés et de tes crimes. Jette un regard sur ton être misérable ! N’es-tu pas, dis-moi, le plus véritable esclave qui jamais ail rampé sur cette horrible terre ? Tes jours ne sont-ils pas des jours de mortel ennui ? Et, avant que la longue torture de la nuit soit achevée, ne cries-tu pas : quand viendra le matin ? Ta jeunesse ! n’est-elle pas un vain et fiévreux rêve de volupté ? ta virilité, flétrie d’infirmités prématurées ? Les visions de ta mort non regrettée ne sont-elles pas lugubres, désespérées, horribles ? Ton esprit n’est-il pas infirme comme ton corps énervé, incapable de jugement, d’espérance ou d’amour ? Ne désires-tu pas voir les erreurs, qui te ferment toutes les sympathies du bien, survivre au misérable intérêt que tu as retiré de leur prolongation ? Quand le tombeau aura englouti ta mémoire et toi-même, ne désires-tu pas que le poison qui infecte la terre enlace ses racines autour de ton argile ensevelie, pour germer de les os, et fleurir sur ta tombe, afin que tes enfants puissent manger de son fruit et mourir ? «

V

« Ainsi les générations de la terre s’en vont au tombeau et ne cessent de sortir de la matrice, survivant toujours à l’impérissable changement qui renouvelle le monde. Comme les feuilles, que le souffle perçant et glacé de l’année qui décline a éparpillées sur le sol de la forêt et amoncelées là depuis bien des saisons, chargeant la lande de leur nauséabonde pourriture et étouffant pour longtemps tous germes de promesses, — cependant, quand les grands arbres d’où elles sont tombées dépouillées de leurs aimables formes gisent au niveau du sol pour tomber en poussière, elles fertilisent la lande qu’elles ont longtemps salie, jusqu’à ce que de la clairière palpitante s’élance une forêt de jeunesse, de force et de grâce, destinée, comme le germe qui lui a donné la vie, à grandir et à mourir, — ainsi l’Égoïsme, amant du suicide, qui flétrit les plus beaux sentiments du cœur qui s’ouvre, est destiné à tomber, pendant que du sol écloront toute vertu, toutes délices, tout amour, et que la raison cessera de faire une guerre contre nature à l’indomptable armée des passions. — Frère jumeau de la Religion, l’Égoïsme, son émule en crime et en mensonge, singeant toutes les folâtres horreurs de ses jeux sanglants, et cependant glacé, impassible, sans âme, esquivant la lumière, ne reconnaissant pas son propre nom, forcé par sa difformité d’abriter sous le voile fragile de la justice et du droit ses traits repoussants qui épouvantent tout excepté la couvée de l’Ignorance ; à la fois la cause et l’effet de la tyrannie ; sans pudeur, endurci, sensuel et vil ; mort pour tout autre amour excepté celui de sa propre abjection ; d’un cœur insensible à toute autre passion que celles d’un plaisir non partagé, d’un gain sordide ou d’une vaine renommée ; méprisant l’abjection de son propre être, qu’il voudrait, mais qu’il n’ose jamais affranchir !

« De là naît le Commerce, le vénal échange de tout ce que produit l’art humain ou la Nature, dont la richesse se passerait, mais que le besoin demande, et que la bonté de la nature s’empresse d’alimenter aux pleines sources de son amour sans bornes, sources pour toujours étouffées, taries et corrompues. Commerce, à l’ombre empoisonnée duquel aucune vertu solitaire n’ose éclore ; pendant que Pauvreté et Richesse, d’une égale main, sèment leurs malédictions desséchantes, et ouvrent les portes d’une mort prématurée et violente à la famine languissante et à la maladie bien nourrie, à tout ce qui partage le lot de la vie humaine ; et celle-ci, empoisonnée corps et âme, peut à peine traîner la chaîne qui s’allonge à mesure qu’elle va, en faisant retentir son cliquetis derrière elle,

« Le Commerce a mis la marque de l’égoïsme, le sceau de son pouvoir qui réduit tout en servitude, sur un métal brillant et l’a appelé or : et devant son image s’inclinent le vulgaire des grands, le riche inutile, le misérable orgueilleux, la foule des paysans, nobles, prêtres et rois : et dans leur aveuglement, ils adorent le pouvoir qui les broie et les réduit à la misère. Mais dans le temple ; de leurs cœurs mercenaires, l’or est un dieu vivant, qui gouverne dans h ; mépris toutes les choses de la terre, excepté la vertu.

« Depuis que les tyrans, grâce au trafic de la vie humaine, gorgent de voluptés leur sensualisme, et de gloire leur immense orgueil insatiable et dévastateur, le succès a sanctionné pour ce monde crédule la ruine, les horreurs, les douleurs de la guerre. Le despote compte ses armées de dupes aveugles et dociles ; de son cabinet, il meut à sa guise ces marionnettes de son caprice, semblables à ces esclaves que la force ou la faim contraint, sous un ignoble maître, à accomplir une froide et brutale corvée ; endurcis pour l’espérance, insensibles à la crainte, poulies à peine vivantes d’une machine morte, purs engrenages mécaniques, et articles de marché, parés de la fière et bruyante pompe de la richesse ! L’harmonie et le bonheur de l’homme sont sacrifiés à la richesse des nations ; ce qui élève sa nature à sa céleste sublimité, il l’échange pour ce qui empoisonne son âme, le poids qui entraîne vers la terre ses fières espérances ; pour ce qui flétrit en lui tout autre désir que celui d’un égoïste gain, dessèche toute autre passion que celle d’une servile crainte, éteint tout amour libre et généreux de noble et entreprenante audace. Cette pulsation même que l’imagination allume dans le cœur palpitant pour la mêler à la sensation, la richesse la détruit… Elle ne laisse rien que le sordide désir de l’argent, cette rampante convoitise de l’intérêt et de l’or, que rien ne saurait ni qualifier, ni vicier, ni racheter, pas même l’hypocrisie !

« Et les hommes d’État se glorifient de la richesse ! La verbeuse éloquence, qui survit à la ruine de leurs cœurs, peut dorer l’amer poison qui dévore une nation ; elle peut amener la servile multitude à adorer leur corruptrice et éclatante idole, la Gloire, et à déserter les autels de la vertu, écrasée sous son talon de fer ! — Et cependant son piédestal éblouissant s’élève au milieu des horreurs d’un champ de bataille parsemé de membres humains, pendant que les habitations désolées fument tout alentour. L’homme à son aise, qui, près de son chaud foyer, borne les efforts et les aspirations de son cœur d’homme aux actions d’un charitable commerce, et au simple accomplissement des lois communes de décence et de convention, en réprimant les révoltes de son cœur d’homme, se laisse duper par leurs froids sophismes ; il verse peut-être une larme forcée sur le naufrage de la paix, terrestre, quand jusqu’à la porte de sa maison les terribles vagues accourent, quand son fds est assassiné par le tyran, ou que la religion conduit sa femme à la folie furieuse… Mais le pauvre, dont la vie est misère, et crainte, et souci, que le matin ne réveille que pour un travail sans fruit, qui entend toujours le cri de ses enfants affamés, qui ne rencontre que le regard résigné de leur pâle mère, ou l’œil du riche orgueilleux d’où jaillit l’éclair du commandement, et ce spectacle, qui brise le cœur, de milliers d’hommes comme lui ; — il fait peu attention à la rhétorique de la tyrannie. Sa haine est implacable comme ses malheurs ; il n’a qu’un sourire de mépris pour la vaine et amère moquerie des mots ; il sent toute l’horreur des actions du tyran ; il n’est retenu que par le bras du Pouvoir, qui connaît et redoute son inimitié.

« La baguette de fer de la Pauvreté force toujours son misérable esclave à ployer les genoux devant la richesse, à empoisonner d’inutiles peines une vie sans consolation, à resserrer les chaînes mêmes qui l’attachent à son destin. La Nature, impartiale dans sa munificence, a doué l’homme d’une volonté à laquelle tout est soumis ; la matière, avec toutes ses formes transitoires, git docile et maniable à ses pieds, qui, affaiblis par la servitude. tremblent à chaque pas. Que de Miltons manqués ont passé sur la terre, étouffant les muets désirs de leur cœur dans les soucis et les fatigues d’un labeur sans repos ! Que de vulgaires Catons ont employé leur énergie, bientôt domptée par un pareil effort, à mouler une épingle, à fabriquer un clou ! Combien de Newtons inconnus, dont les yeux passifs ne virent dans ces puissantes sphères qui diamantent l’espace infini, que des paillettes de clinquant, clouées dans le ciel pour éclairer les minuits de leur ville natale !

« Cependant tout cœur contient le germe de la perfection ; le plus sage des sages de la terre, qui jamais des trésors de la raison ait tiré la science, la vérité et les accents intrépides de la vertu, n’a été qu’un enfant faible et sans expérience, orgueilleux, sensuel, indifférent, dénué du pur désir et de l’universel amour, en comparaison de cet être idéal, composé sublime de raison sans nuage, de pure passion, de volonté élevée, que la mort (et encore hésiterait-elle longtemps dans la crainte que lui inspireraient sa noble présence et l’immuable rayon de son regard), que la mort, dis-je, pourrait seule subjuguer ! Le dernier des esclaves traînant aujourd’hui à travers l’ordure de quelque cité corrompue sa triste vie, languissant de faim, ou gonflé de luxure, émoussant la délicatesse de son sens spirituel dans des calculs étroits et d’indignes soucis, ou se ruant en furieux dans toutes sortes de violences et de crimes pour réveiller la profonde stagnation de son âme, pourrait l’imiter ou l’égaler.

« Mais la basse convoitise a tendu autour du monde de si étroites chaînes, que tout y est vénal, excepté l’homme vertueux. L’or et la renommée remporteront sûrement le prix marqué par l’égoïsme, en triomphant de tout excepté de cette volonté d’homme résolue et immuable, que ni les applaudissements d’une foule servile, ni les ignobles joies d’un luxe corrupteur ne pourront séduire ni amener à abandonner son âme élevée à la tyrannie ou au mensonge, quand même ceux-ci tiendraient dans leur main rouge de sang le sceptre du monde.

« Tout s’achète : la lumière même du ciel se vend ! Les inépuisables dons d’amour de la terre, les plus petites et les plus méprisables choses qui se cachent dans les profondeurs de l’abîme, tous les objets de notre vie, la vie elle-même, et cette pauvre dose de liberté qu’accordent les lois, l’amitié de l’homme, ces devoirs d’amour humain que son cœur devrait le presser d’accomplir instinctivement, tout cela s’achète et se paie comme dans un marché public, où l’égoïsme non déguisé met sur chaque objet son prix, l’estampille de son règne. L’amour même est vendu ! La consolation de toute douleur est changée en la plus mortelle des agonies ; la vieillesse tremble dans les bras dégoûtants d’une beauté éprise d’elle-même, et les impulsions corrompues de la jeunesse lui préparent une vie d’horreur, souillée de la corruption d’un infâme trafic ; la pestilence qui a sa source dans un sensualisme sans jouissance a rempli toute la vie humaine de douleurs toujours renaissantes 1

« Le mensonge ne demande que de l’or pour payer les angoisses d’une conscience outragée ; car l’esclave-prêtre ne fait pas grand fond sur sa foi mercenaire ; un maigre cortège qui passe, quelques âmes serviles (que la couardise suffirait à enchaîner, ou que le mesquin calcul de l’avarice pourrait entraîner à parer le triomphe de son zèle languissant, peuvent faire de lui le ministre de la tyrannie. Un crime plus audacieux demande une récompense plus haute : sans un frissonnement, l’esclave-soldat prête son bras aux œuvres de meurtre, et endurcit son cœur, quand la terrible éloquence des mourants, s’exhalant tout bas sur le champ solitaire de la gloire, vient livrer un assaut à cette nature humaine, dont il vend les applaudissements pour les grossières bénédictions d’une foule patriote, pour la vile gratitude de rois sans cœur, pour une froide approbation du monde, — encore plus vile !

« Il y a une gloire plus noble qui suivit jusqu’à la dissolution de notre être, et, consolatrice de toute peine humaine, accompagne son changement ; qui n’abandonne pas la vertu dans l’obscurité des cachots, et dans l’enceinte des palais, guide ses pas à travers ce labyrinthe de crime ; imprime sur ses traits l’intrépidité, alors même que, de la main vindicative du Pouvoir, il reçoit son plus doux, son dernier, son plus noble titre de gloire : la mort ! C’est la conscience du bien, que ne tentent ni l’or, ni la sordide renommée, ni l’espérance du bonheur céleste ; mais une vie de bien résolue, une volonté inébranlable, un désir inextinguible du bonheur universel, un cœur qui batte à l’unisson avec elle, un cerveau dont la sagesse toujours vigilante travaille à échanger les trésors de la raison contre son éternel bonheur.

« Ce commerce de sincère vertu ne demande aucune intervention de l’égoïsme, aucun jaloux échange d’un misérable gain, aucune fluctuation froide et longue de la prudence ; tout est pesé dans une juste et égale balance ; l’un des plateaux contient la somme du bonheur humain, et l’autre le cœur d’un homme de bien.

« Comme l’égoïste recherche vainement ce bonheur qui n’est accordé qu’à la vertu ! Aveugles et endurcis, ceux qui espèrent trouver la paix au milieu des orages du souci, qui convoitent un pouvoir dont ils ne savent pas comment user, et soupirent après un plaisir qu’ils refusent de donner ! Dans leur folie, ils trompent constamment leurs propres desseins, et quand ils espèrent jouir de ce repos que promet la vertu, l’amertume de l’âme, les cuisants regrets, les vaines repentances, la maladie, le dégoût, la lassitude envahissent leurs pauvres et misérables vies.

« Mais l’égoïsme à la tête blanchie a senti le coup de la mort, et le voilà chancelant vers la tombe. Un matin plus brillant attend le jour humain ; alors tout échange des dons naturels de la terre ne sera plus qu’un commerce de bonnes paroles et de bonnes œuvres ; alors la pauvreté et la richesse, la soif de la renommée, la crainte de l’infamie, la maladie et la douleur, la guerre avec ses mille horreurs, et le farouche enfer, ne vivront plus que dans la mémoire du Temps, qui, comme un libertin pénitent, tressaillira, regardera en arrière, et frémira au souvenir de ses jeunes années. »

VI

Tout toucher, tout œil, tout oreille, l’Esprit sentit le discours brûlant de la Fée. Sur la mince trame de son être, chacune des diverses périodes peignait des nuances changeantes, comme en un soir d’été, quand flotte tout autour de vous une musique qui enveloppe l’âme, le miroir sans tache du lac réfléchit le crépuscule de l’Orient, mêlant convulsivement ses nuances de pourpre avec l’or bruni du soleil couchant.

Alors, l’Esprit parla ainsi : « C’est un sauvage et misérable monde, plein d’épines et de soucis, dont chaque démon peut faire sa proie à sa guise. Fée ! Dans le cours des ans, n’y a-t-il pas d’espérance en réserve ?… Les vastes soleils rouleront-ils sans fin, illuminant éternellement la nuit où gisent tant d’âmes infortunées, sans voir pour elles d’espérance ? L’Esprit universel ne rendra-t-il jamais la vie à ce membre desséché du ciel ? »

La Fée sourit avec calme pour le rassurer, et une étincelante lueur d’espérance inonda le visage de l’Esprit.

« Oh ! reste tranquille ! chasse ces doutes craintifs, qui ne devraient jamais tourmenter une âme éternelle, voyant les chaînes qui la lient à sa destinée. Oui ! crime et misère, mensonge, erreur et convoitise habitent cette terre ; mais le monde éternel contient à la fois le mal et la guérison. Il surgira toujours quelque homme éminent en vertu, même aux temps les plus pervers ; les vérités de leurs lèvres pures, qui ne meurent jamais, enchaîneront le scorpion mensonge dans une ceinture de flammes toujours vivantes, jusqu’à ce que le monstre meure de sa propre piqûre.

« Quelle douce scène offrira la terre — un pur séjour d’esprits très purs, en symphonie avec les sphères planétaires — quand l’homme, avec l’aide de la Nature immuable, entreprendra l’œuvre de la régénération ! quand ses pôles dévoyés ne graviteront plus vers le rouge et funeste soleil qui l’éclairé de ses faibles rayons !

« Esprit, ici-bas maintenant le Mensonge triomphe ; un pouvoir redoutable a mis son sceau sur la lèvre de la Vérité. Démence et Misère règnent ; le plus heureux est le plus misérable. Cependant, prends confiance ; un jour viendra où de la coupe de la joie les pures gouttes salutaires tomberont comme une rosée de baume sur le monde ! Maintenant, revenons à la scène que je t’ai montrée tout à l’heure, et lisons la charte ensanglantée du malheur universel, que bientôt la Nature de sa main régénératrice effacera miséricordieusement du livre de la terre. Qu’il est hardi le vol de l’aile vagabonde des Passions ! Qu’il est rapide le pas plus ferme de la Raison ! Qu’elles sont calmes et douces les victoires de la vie ! Comme il a perdu ses terreurs le triomphe du tombeau ! Qu’il était faible le bras du plus puissant monarque, vaine sa menace retentissante, impuissante sa colère ! Qu’il était ridicule le rugissement dogmatique du prêtre, léger le poids de ses anathèmes exterminateurs ; et sa charité affectée, si souple à la pression des révolutions des temps, quelle palpable fourberie ! Mais c’était pour te venir en aide, ô Religion ! C’était pour toi, prolifique monstre qui peuples la terre de démons, l’enfer d’hommes, et le ciel d’esclaves !

« Tu souilles tout ce que tu regardes ! — Les astres, qui sur ton berceau brillèrent d’un éclat si doux, furent des dieux pour le folâtre enjouement de la première enfance abandonnée ; les arbres, l’herbe, les nuages, les montagnes et la mer, toutes les choses vivantes qui marchent, nagent, rampent ou volent, furent des dieux ; le soleil eut un culte, et la lune ses adorateurs. Puis, enfant, tu devins plus hardie dans les frénésies ; toute forme monstrueuse, gigantesque, ou étrangement belle, que l’imagination emprunte aux données de la sensation ; les esprits de l’air, les spectres frémissants, les génies des éléments, les forces qui donnent une forme aux œuvres variées de la Nature, trouvèrent vie et place dans la pensée corrompue de ton cœur aveugle ; cependant tes jeunes mains restèrent encore pures du sang de l’homme. Puis la virilité communiqua sa force et son ardeur à ta cervelle en délire. Ton regard plus passionné scruta la terrible scène, dont les prodiges se riaient de ton orgueilleuse science ; leurs lois éternelles et immuables accusaient ton ignorance. Pendant quelque temps tu restas déconcertée et sombre. Alors, tu réunis les éléments de tout ce que tu connaissais, le changement des saisons, le règne sans feuilles de l’hiver, les astres bourgeonnant sous la palpitation du ciel, les orbes éternels qui embellissent la nuit, le lever du soleil et le coucher de la lune, les tremblements de terre et les guerres, les poisons et la maladie : et faisant converger toutes leurs causes en un point abstrait, ne faisant de tout cela qu’une chose, tu l’appelas Dieu ! Celui qui se suffit à lui-même, le tout-puissant, le miséricordieux, et le Dieu vengeur — qui, prototype de l’humaine déraison, est assis bien haut dans le royaume du Ciel sur un trône d’or, comme un simple roi de la terre ! et dont l’œuvre redoutable, l’Enfer, s’ouvre pour toujours pour les malheureux esclaves du destin, qu’il a créés en se jouant, pour triompher de leurs tourments une fois qu’ils y sont tombés…La Terre entendit ce nom, la Terre trembla, et la fumée de sa revanche monta jusqu’au ciel, effaçant les constellations ; et les cris de millions d’hommes immolés dans la douce confiance d’une paix sans soupçons, et malgré les assurances confirmées par des serments verbeux jurés en ce nom redoutable, retentirent à travers la plaine Pendant que d’innocents enfants se tordaient sur ton inflexible lance, et que tu riais d’entendre les mères pousser des cris de délirante joie en sentant le froid de l’acier sacré dans leurs entrailles déchirées !

« Religion ! Tu arrivas alors à l’aurore de la maturité. Puis la vieillesse vint ; un seul Dieu ne pouvait suffire à ta sénile puérilité. Tu composas alors un conte s’adaptant à ton radotage et propre à assouvir l’âme altérée de misère. Tu racontas que le furieux démon inventé par ta perversité pouvait donner un moyen d’apaiser la soif dénaturée de meurtre, de rapine, de violence et de crime qui consumait toujours ton être, alors même que lu entendais les pas du fatal Destin ; que les flammes pourraient éclairer la scène funèbre, et que les horribles râles des pères mourant sur le bûcher qui devait servir de flambeau à leurs enfants, le rugissement des flammes amoncelées, les cris de triomphe de tes apôtres, mêlés dans un retentissant concert, pourraient rassasier ton oreille affamée, même sur ton lit de mort !

« Mais maintenant le mépris se rit de tes cheveux blancs ; voilà que tu descends au ténébreux tombeau, sans honneur et sans pitié, excepté de la part de ceux dont l’orgueil passe comme le tien, et ne jette plus, comme le tien, qu’une faible lueur qui s’évanouit devant le soleil de la vérité, et ne brille plus que dans la formidable nuit étendue depuis si longtemps sur les ruines du monde.

« À travers ces orbes infinis de lumière entrelacée, dont la terre est un, est répandu au loin un esprit d’activité et de vie qui ne connaît ni terme, ni cessation, ni décadence ; qui ne s’évanouit point quand la lampe de la vie terrestre, éteinte dans l’humidité du tombeau, y sommeille pour un temps, pas plus que quand l’enfant dans l’obscure aurore de son être sent les impulsions des choses sublunaires, et que tout est prodige pour ses sens inexpérimentés ; c’est cet esprit actif, inébranlable et éternel, qui toujours guide le furieux tourbillon dans les rugissements de la tempête, s’ébat dans la lumière, respire dans les bocages embaumés, triomphe dans la santé, et languit dans la maladie ; au milieu de l’orage du bouleversement qui roule sans repos autour de l’éternel univers et bat ses impérissables fondements, c’est lui qui préside, marquant avec une irrésistible loi la place que chaque ressort de sa machine doit remplir ; oui, alors que vagues sur vagues tumultueuses amoncellent leur mêlée jusqu’aux nuages, et que lancés avec fureur les éclairs du ciel brûlent les gués de l’Océan déracinés (pendant que l’œil du marinier naufragé, assis solitaire sur le roc nu et frémissant, ne voit en toutes choses que hasard sans suite et fortuite aventure), aucun atome dans cette turbulence ne remplit une tâche vague ou indéterminée et ne fait que ce qu’il doit taire et est appelé à faire ; même la plus petite molécule de lumière, qui dans l’incandescence flottante d’un rayon d’avril remplit sa tache nécessaire quoique invisible, l’Esprit universel la guide ; et quand l’ambition sans merci ou le zèle insensé a conduit deux armées de dupes sur le champ de bataille où leur aveuglement va les pousser à se creuser mutuellement un tombeau, en donnant à cette œuvre de démence le nom de gloire, c’est encore lui qui dirige toutes ces passions. Il n’y a pas une pensée, une volonté, un acte, pas un effort de l’esprit chagrin du tyran, pas une crainte des esclaves se glorifiant de leur servitude pour cacher la honte qu’ils ressentent, pas un des événements qui enchaînent toute volonté et des profondeurs d’un temps immémorial ont fait sortir la vertu avec son universelle influence ; il n’y a rien qui ne passe sans être reconnu, sans être vu de toi. Ame de l’Univers ! Source éternelle de vie et de mort, de bonheur et de souffrance, de tout ce qui sillonne la scène fantastique qui flotte devant nos yeux dans les vagues de la lumière, et qui ne brille que dans les ténèbres de cette prison dont nous sentons, mais sans les voir, les chaînes et les massives murailles !

« Esprit de la Nature ! Pouvoir qui suffit à tout ! Nécessité, toi la mère du monde  ! tu ne ressembles pas au dieu de l’erreur humaine, tu ne demandes ni prières ni louanges. Le caprice de la faible volonté de l’homme ne peut pas plus être attribué que les passions inconstantes de son cœur à ton immuable harmonie. L’esclave dont les horribles convoitises répandent la misère sur le monde, et l’homme de bien qui met un vertueux orgueil à élever son être, en vue du bonheur qui naît de ses propres œuvres ; l’arbre empoisonné à l’ombre duquel toute vie se flétrit, et le chêne magnifique dont le dôme de feuillage offre un temple où s’enregistrent les noms de l’amour heureux, sont égaux à tes yeux. Tu ne caresses ni l’amour, ni la haine ; revanche et favoritisme, les pires des désirs, ceux de la gloire, te sont inconnus. Tous les êtres que contient le vaste monde ne sont que tes passifs instruments ; et tu les regardes tous d’un œil impartial ; tu ne peux ressentir ni leurs joies ni leurs peines, puisque tu n’as pas un sentiment humain, puisque tu n’as pas un esprit humain !

« Oui ! Quand l’ouragan balayant du temps aura chanté son chant de mort sur les temples ruinés et sur les autels brisés du tout-puissant démon dont le nom usurpe les honneurs qui te sont dus ; quand le sang, à travers les siècles amassés, aura descendu le courant souillé des âges, tu vivras immuable ! Il y a un sanctuaire élevé pour toi, que ni le souffle orageux du temps, ni l’incessante inondation qui roule sur le spectacle mesquin de la terre ne parviendront à détruire : l’étendue sensitive du monde ; ce merveilleux et éternel temple, où peine et plaisir, bien et mal, s’unissent pour accomplir la volonté de l’impérieuse Nécessité ; — et la vie sous ses innombrables formes, aspirant sans cesse à quelque chose qui ne peut avoir de terme, comme une flamme affamée et sans repos, s’enroule autour des éternelles colonnes de son immutabilité. »

VII

L’ESPRIT

« J’étais un enfant, quand ma mère alla voir brûler un athée. Elle m’y conduisit. Les prêtres vêtus de noir étaient réunis autour du bûcher ; la multitude regardait en silence ; le coupable passa avec un visage intrépide : dans ses yeux sereins un dédain tempéré, se mêlant à un doux sourire, brillait avec calme… Le feu altéré rampa autour de ses membres virils ; bientôt ses yeux résolus furent aveuglés par la flamme ; l’angoisse de sa mort déchira mon cœur… La foule insensée poussa un cri de triomphe, et moi, je pleurai… Ne pleure pas, enfant, me cria ma mère, car cet homme a dit : Il n’y a pas de Dieu ! »

LA FÉE

« Il n’y a pas de Dieu ! — La Nature confirme la foi qu’a scellée l’angoisse de la mort. Laisse le ciel et la terre, laisse la race éphémère de l’homme, ses généra56 œUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

-tions sans fin, dire leur conte ; laisse chaque partie de l’univers, rivée à la chaîne qui la relie au tout, désigner la main qui étreint son terme ! Laisse chaque semence qui tombe développer, dans sa silencieuse éloquence, sa provision d’arguments ! L’infini au dedans, l’infini au dehors, dément la création ; l’esprit impérissable qu’elle contient est le seul Dieu de la nature ; mais l’orgueil humain est habile à inventer les noms les plus graves pour cacher son ignorance.

« Lu sainteté du nom de Dieu a justifié tous les crimes ; il est lui-même le créateur de ses adorateurs ; ses noms, ses attributs et ses passions — qu’il s’appelle Seeva, Buddha, Foh, Jehovah, Dieu ou Seigneur, — changent avec les dupes humaines qui élèvent ses sanctuaires, servant toujours, sur l’univers souillé par la guerre, de mot d’ordre à la désolation ; soit que des armées, après avoir rougi dans la boue sanglante de la mort les roues de leurs chars, les fassent rouler dans le triomphe, pendant que des brahmanes entonnent l'hymne sacré mêlé aux gémissements ; soit que les innombrables associés de son pouvoir se partagent sur le faible l’exercice de sa tyrannie ; soit que la fumée des tours incendiées, les cris de désespoir des femmes, ceux de la vieillesse désarmée, de la jeunesse et de l’enfance horriblement massacrées, montent au ciel en l’honneur de son nom ; ou que, dernière et pire des infamies, la Terre gémisse sous l’âge de fer de la religion, et que les prêtres osent bégayer le nom d’un Dieu de paix, alors même que leurs mains sont rougies du sang innocent, ne cessant d’immoler, déracinant tout germe de vérité, promenant partout l’extermination et la ruine, faisant de la terre une boucherie !

REINE MAB 57

« Esprit ! à travers le sens qui a révélé à ta nature interne les apparences extérieures, de vagues rêves ont roulé, et des réminiscences variées ont évoqué des tai3lcttcs à jamais ineffaçables ; là, toutes choses ont été imprimées, les astres, la mer, la terre, le ciel ; jusqu’aux traits les plus informes des plus étranges et plus fugitives visions y ont été enregistrés, pour rendre témoignage de la terre.

« C’est là mon empire ; car il m’a été donné de veiller sur les prodiges du monde humain, et de prêter aux légères créations de l’imagination une forme, un être, une réalité ; je veux donc évoquer, des rêves de l’obtuse et aveugle foi des erreurs humaines , un prodigieux fantôme, qui répondra à tes questions.

« Ahasvérus, apparais ! »

Un personnage étrange, né pour la douleur, apparut près du créneau, et s’y tint immobile. Sa figure sans réalité ne jetait point d’ombre sur le parquet d’or. Son port et ses traits présentaient la trace de nombreuses années, et des chroniques d’une antiquité fabuleuse étaient lisibles dans son œil sans rayon. Cependant sa joue portait la marque de la jeunesse ; fraîcheur et force composaient sa mâle charpente ; la sagesse des années accumulée s’y mêlait avec l’intrépidité primitive de la jeunesse ; et d’inexprimables gémissements, atténués par une résignation sans crainte, donnaient une grâce terrible à son front révélateur.

L'ESPRIT « Y a-t-il un Dieu ?

AHASVERUS

« Y a-t-il un Dieu ? — Oui, un Dieu tout-puissant, 58 OEUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

aussi plein de vengeance qu’il est tout-puissant ! Un jour sa voix se fit entendre sur la terre ; au son de cette voix la terre tressaillit ; le visage enflammé du firmament exprima l’horreur : et le tombeau de la Nature s’ouvrit béant, pour engloutir l'intrépide et le vertueux qui oserait lancer un défi à son trône , ainsi environné de pouvoir. Il n’y eut plus que des esclaves — esclaves au sang glacé, qui firent l’œuvre de l’omnipotence tyrannique ; esclaves dont une honnête indignation n’a jamais poussé les âmes à oser une entreprise élevée, une action que n’ait pas souillée un grossier et sensuel égoïsme. Ces esclaves bâtirent des temples au tout-puissant démon, temples splendides et vastes ; les autels dispendieux fumèrent de sang humain, et des hymnes hideuses retentirent à travers les longues nefs. Un meurtrier entendit sa voix en Egypte, un homme dont l’habileté et les artifices ont fait la grandeur — complice de l'omnipotence dans le crime, et confident du seul Dieu qui connaît tout ! — Voici quelles furent les paroles de Jehovah :

« D’une éternité d’oisiveté, moi , Dieu , je me suis éveillé ; dans un travail de sept jours j’ai fait la terre de rien ; puis je me reposai, et créai l’homme. Je le plaçai dans le paradis, où je plantai l'arbre du mal ; de telle sorte qu’il put en manger et périr, et procurer à mon âme de quoi rassasier sa malice, et faire tourner, ainsi que font les conquérants sans cœur de la terre, toute misère à ma propre gloire. La race d’hommes, élue pour m’honorer, peut impunément assouvir les convoitises que j’ai plantées dans leur cœur. Je te commande de les conduire hors d’ici, jusqu’à ce que d'un pas infatigable leurs troupes conquérantes pénètrent dans la terre promise à travers le sang des femmes, et rendent mon REINE MAB 59

nom redoutable dans la contrée. Et cependant une flamme toujours brûlante et des gémissements sans trêve seront le destin de leurs âmes éternelles, en compagnie de toute âme de cette ingrate terre, faible ou forte, vertueuse ou vicieuse, — oui, toutes périront, pour assouvir l’aveugle vengeance (ce que vous autres hommes, vous appelez la justice) de leur Dieu ! »

« Le front du meurtrier frissonna d’horreur.

" Dieu tout-puissant, n’y a-t-il pas de merci ? Notre châtiment doit-il être sans fin ? De longs siècles doivent-ils rouler ainsi, sans y voir aucun terme ? Est-ce donc dans la moquerie et la colère que lu as fait cette pauvre terre ? La miséricorde sied au puissant — ne sois que juste ! Dieu ! repens-toi et sauve-nous ! »

« Il ne reste qu’une voie. J’engendrerai un fils, et il portera les péchés de tout l’univers. Il naîtra dans un coin inconnu de la terre, et là il mourra sur une croix, et effacera le crime universel ; ainsi le petit nombre de ceux sur qui descendra ma grâce seront marqués comme des vases d’élite pour la gloire de leur Dieu, pourront profiter de cet étrange sacrifice et sauver leurs âmes. Des millions d’hommes vivront et mourront qui n’entendront jamais prononcer le nom de leur Sauveur, et s’en iront sans être rachetés dans le sépulcre béant. Des milliers d'hommes n’y verront qu’un conte de vieille femme, semblable à ceux dont les nourrices éliraient leurs nourrissons. Ceux-là dans un abîme d’angoisse et de flamme maudiront éternellement leur réprobation ; mais les souffrances décuplées les forceront de confesser, sur les lits mêmes de tourments où ils hurlent, ma gloire et la justice de leur arrêt. A quoi leur serviront alors leurs actions vertueuses, leurs pensées de pureté, 60 œUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

étincelantes d’un radieux génie, ou éclairées du rayon terrestre de l'humaine raison ? Il y a beaucoup d’appelés, mais peu seront élus ! Exécute mon commandement, Moïse ! »

« La joue du meurtrier pâlit d’horreur, et ses lèvres frémissantes purent à peine murmurer : « seul tout-puissant, je tremble et j’obéis ! »

« Esprit ! Des siècles ont mis leur sceau sur ce cœur aux mille blessures, sur cette cervelle accablée, depuis que l'Incarné est venu. Il vint humblement, voilant son horrible tète de Dieu sous la forme d’un homme, méprisé parle monde ; son nom inconnu de tous, excepté de la canaille de sa ville natale, comme celui d’un démagogue de paroisse. Il remua la foule ; il lui enseigna justice, vérité et paix, en apparence ; mais il alluma dans les âmes les flammes sans repos du zèle, et bénit l’épée qu’il apporta sur la terre pour rassasier son Ame méchante du sang de la vérité et de la liberté. Enfin sa forme mortelle fut conduite à la mort. Je me tenais près de lui ; sur la croix torturante aucune peine n’atteignait son sens supra-terrestre ; et cependant il gémissait. Saisi d'indignation. je résumai les massacres et les misères que son nom avait sanctionnés dans mon pays, et je criai : « Va ! va ! » en me moquant. — Un sourire de divine malice illumina ses traits défaillants. « Je m’en vais » cria-t-il ; « mais toi, sur celte terre inquiète lu erreras éternellement. » — La sueur froide du tombeau baigna mon impérissable front. Je tombai, el restai dans une longue léthargie sur le sol charmé. Quand je me réveillai, l'enfer brûlait dans mon cerveau, vacillant .sur sa base ; car tout autour de moi les restes de ma parenté tombant en poussière gisaient, dans la position où la colère du Tout-Puissant les fixait… et dans leurs diverses attitudes de mort, les crânes muets et sans yeux de mes enfants assassinés projetaient sur moi une spectrale lueur !

« Mais mon âme, à force de voir et de ressentir les souffrances corruptrices de la tyrannie, a depuis longtemps appris à préférer la liberté de l’Enfer à la servitude du Ciel. — Donc je me levai, et sans crainte je commençai mon pèlerinage solitaire et sans fin ; résolu à engager une guerre impitoyable avec mon tout-puissant tyran, et à défier sa colère impuissante à me nuire au-delà des bornes de la malédiction que j’avais encourue. La même main qui a fermé devant mes pas le refuge et la paix du tombeau a écrasé la terre sous le poids de la misère, et donné son empire aux élus d’entre ses esclaves. Je les ai vus, dès la première aurore de leur faible, instable et précaire pouvoir, prêchant alors la paix, comme aujourd’hui ils pratiquent la guerre ; je les ai vus, alors qu’ils ne faisaient que revenir du massacre d’inoffensifs infidèles, étancher leur soif de ruine dans le sang même qui coulait dans leurs propres veines ; et un zèle sans pitié glaça tout sentiment humain, si bien que l’épouse plongeait dans le cœur de son mari le poignard sacré, à l’heure même où ses désirs rêvaient de son amour ; amis contre amis, frères contre frères se dressèrent l’un contre l’autre dans la plus sanglante bataille, et la guerre, à peine rassasiée par les dernières rasades de mort versées par le destin, s’acharnait toujours, ivre du pressoir de la colère du Tout-Puissant ; pendant que la croix rouge, en dérision de la paix, montrait la victoire ! Quand la mêlée fut terminée, il ne resta aucun survivant de la foi exterminée pour raconter sa ruine, rien… que

62 OEUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

la chair empoisonnant l’atmosphère d’une putride fumée, et pourrissant sur le bûcher à moitié éteint !

« Oui ! j’ai vu les adorateurs de Dieu tirer le glaive de sa vengeance pendant que sa grâce descendait, confirmant toute impulsion contre nature, et sanctifiant leurs œuvres de désolation ; et des prêtres fanatiques faisaient onduler la sinistre croix sur la terre infortunée ; alors le soleil éclaira des averses de sang caillé tombant du fer brûlant du tranquille assassinat : tout crime perdit son aiguillon en vertu de l’Esprit du Seigneur, et des arcs-en-ciel rouge-sang firent un dais à la terre.

« Esprit ! aucune année de mon existence si pleine n’a passé pure des crimes et de la misère qui découlent de la vraie foi de Dieu. J’ai vu ses esclaves, de leurs langues aux mensonges venimeux, tromper la foule insensée, et, pendant qu’une de leurs mains était rouge de meurtre, feindre de tendre l’autre en signe de fraternité et de paix. Maintenant qu'ils pérorent d'amour et de merci (pendant que leurs actions sont empreintes de toute la bassesse et la perversité que le jeune bras de la Liberté n’ose pas encore châtier) la Raison peut réclamer notre gratitude, elle, qui aujourd'hui, asseyant le trône impérissable de la vérité et de l'inflexible vertu, rend inutile et vaine la malice de mon ennemi ; sa rage infructueuse entasse des tourments pour les hommes vertueux, ajoute au châtiment des éternités impuissantes;

pendant que le plus poignant désappointement 

torture son sein, de voir les sourires de la paix jouer autour deux, et tromper ou sanctifier leur arrêt.

« Ainsi je vécus, — à travers un affreux désert d’années, luttant avec les tourbillons d’une furieuse agonie, cependant plein de paix et de sérénité, renfermé dans le REINE MAB 63

sanctuaire de moi-même , me moquant de l’horrible malédiction de mon impuissant tyran, avec une obstinée et inébranlable volonté ; semblable à un chêne géant, que le terrible feu du ciel a fracassé dans la solitude, pour être un monument d'impérissable ruine ; — cependant, tranquille et immobile, il brave le nocturne conflit de l'ouragan d'hiver, comme dans le calme du soleil il étend vers le ciel ses bras consumés et flétris, pour goûter le repos d’un midi d’été. »

La Fée agita sa baguette ; Ahasverus disparut, aussi rapidement que les formes de l’ombre et du brouillard confondus, cachées en embuscade dans les vallons d’un sombre bosquet, fuient devant le rayon du matin : la matière dont les rêves sont faits n’est pas plus douée de vie réelle que cette fantastique image de la pensée humaine errante.

YIII

« Tu as vu le Présent et le Passé, un spectacle désolé ! Maintenant, Esprit, apprends les secrets de l’Avenir.

— Temps ! déploie l’aile qui couve les destinées sous son ombre ; rends à la lumière tes enfants à demi dévorés, et des berceaux de l’éternité où des raillions d’êtres dorment le sommeil qui leur est dévolu, bercés par le profond murmure du courant des choses qui passent, arrache ce sombre linceul. — Esprit, contemple ta glorieuse destinée ! »

La joie pénétra l’Esprit. Par la large déchirure faite au voile éternel du Temps, l’Espérance apparut, rayonnante à travers les brumes de la crainte. La Terre n’était plus un enfer ; amour, liberté, santé, avaient donné leurs trésors à la virilité de son printemps, et toutes ses pul64 œUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

salions battaient en harmonie avec les sphères planétaires ; alors s’éleva une suave musique, de concert avec les cordes vitales de lame ; celle-ci palpitait en doux et langoureux battements, trouvant une nouvelle vie dans une mort transitoire. Tels les vagues soupirs d’un vent du soir, éveillant les petites vagues de la mer assoupie, qui meurt en exhalant son souffle, et tombe et s’élève, faiblit et grandit par accès, tel était le pur courant de sentiment qui jaillissait de ces notes suaves, et sur les sympathies humaines de l’Esprit roulait paisiblement avec un mouvement doux et calme.

La joie pénétra l’Esprit, — la joie d’un amant qui voit l’élue de son âme dans le bonheur, qui est témoin de la paix de celle dont la souffrance lui était plus amère que la mort, qui voit sa joue reprendre sa fraîcheur et se colorer peu à peu du vif éclat de sa première santé, et tressaille devant ces yeux adorés, qui, semblables à deux astres au milieu de l’Océan soulevé, étincellent à travers des larmes de bonheur.

Alors, triomphante, la Reine des Fées parla : « Je n’évoquerai pas le spectre des âges écoulés pour déployer les redoutables secrets de la science. Désormais, le présent est passé, et les événements qui désolent la terre ont disparu de la mémoire du Temps, qui n’ose pas donner la réalité à ce dont j’annule l’être. C’est à moi qu’il est donné d’observer les prodiges du monde humain, espace, matière, temps et esprit. L’Avenir expose maintenant ses trésors ; que cette vue renouvelle et fortifie ton espoir défaillant… Esprit humain ! élance-toi vers ce terme, où la Vertu fixe la paix universelle et, au milieu du flux et du reflux des choses humaines, montre quelque chose de stable, REINE MAB 65

quelque chose d'éternellement certain, un phare au- dessus du chaos des sombres vagues.

« La terre habitable est pleine d’allégresse. Ces déserts de lames glacées qu’avaient amoncelés autour des pôles d’incessants ouragans de neige, où la matière n’osait ni végéter ni vivre, mais où une gelée perpétuelle autour de la vaste solitude enchaînait sa large zone d’immobilité, sont maintenant déblayés ; là, les zéphyrs embaumés des îles aromatiques plissent à peine le placide abîme de l’Océan, qui roule ses flots larges et clairs sur le sable en pente, et dont le rugissement s’éteint en suaves échos pour murmurer à travers les bosquets respirant vers le ciel, et s’y harmoniser avec la nature sanctifiée de l’homme.

« Ces incommensurables déserts de sable, dont les brûlantes ardeurs concentrées par le temps laissaient à peine un oiseau vivre, un brin d’herbe pousser, où le cri aigu des amours du lézard vert interrompait seul le silence étouffant, regorgent maintenant de ruisseaux sans nombre et de forêts ombreuses, de champs de blé, de pâturages et de blanches chaumières ; et là où le désert effaré voyait un sauvage conquérant souillé du sang de ses frères, et une tigresse rassasier de la chair des agneaux la faim monstrueuse de ses petits sans dents, tandis que le désert retentissait de cris et de mugissements... là, une pelouse en pente et unie, émaillées de pâquerettes, offrant son doux encens au soleil levant, sourit de voir un enfant qui, devant la porte de sa mère, partage son repas du matin avec le basilic vert et or, venu pour lui lécher les pieds.

« Ces profondeurs inexplorées, où plus d’une voile fatiguée avait vu sur la plaine sans bornes le malin succéder à la nuit et la nuit au matin, sans, que jamais

4*

66 OEUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

aucune terre déployât, pour saluer le voyageur errant, ses montagnes ombreuses sur la mer illuminée par le soleil ; où les rauques mugissements des vagues soulevées s’étaient si longtemps mêlés aux fracas du vent d'orage dans une mélancolique solitude , et avaient balayé le désert de ces steppes de l’Océan, qui ne connaissait d’autres voix que les cris déchirants de l’oiseau de mer, le beuglement des monstres, et le sifflement de la tempête, maintenant elles répondent aux accords doux et variés à l'infini des plus aimables impulsions humaines. Dans ces royaumes solitaires étincellent de brillantes îles, vrais jardins entourés de nuages lumineux et de mers étincelantes, avec de fertiles vallées retentissantes d’allégresse , de verdoyantes forêts ondoyant comme un dais au-dessus de la vague, qui, semblable à un travailleur épuisé de fatigue, saute à terre pour y trouver les baisers des fleurettes.

« Toutes choses sont recréées, et la flamme de l’amour commun inspire toute vie. Le fertile sein de la terre donne leur sève à des myriades d’êtres, qui grandissent toujours sous sa tutelle, et la récompensent par leur pure perfection. L'haleine embaumée de la brise aspire ses vertus et les sème toutes au dehors ; la santé flotte dans la douce atmosphère, brille dans les fruits, et s’étend sur les courants. Aucun orage ne défigure plus le front rayonnant du ciel, et ne disperse plus, dans la fraîcheur de son éclat, le feuillage des arbres toujours verts ; les fruits sont toujours mûrs, les fleurs toujours belles ; l’Automne porte fièrement sa grâce de matrone, allumant une longueur sur la belle joue du Printemps, dont la lueur virginale sous le fruit vermeil réfléchit sa nuance et rougit d'amour.

REINE MAB 67

« Le lion oublie maintenant sa soif de sang ; vous pourriez le voir jouer au soleil à côté du chevreau sans crainte ; ses griffes sont rentrées, ses dents sont inoffensives ; la force de l'habitude a fait de sa nature celle d’un agneau. Semblable au fruit de la passion, le suc séducteur de la belladone n’empoisonne plus le plaisir qu’il procure. Toute amertume est passée ; la coupe de la joie sans mélange est pleine jusqu’aux bords et recherche les lèvres altérées qu’elle fuyait naguère.

« Mais l’homme surtout, — lui qui peut, avec sa double nature, connaître plus de misères et rêver plus de joies que tout le reste, lui dont les vives sensations tressaillent dans sa poitrine pour s’y confondre avec un instinct plus élevé, prêtant leur puissance au plaisir et à la peine, élevant, raffinant, épurant l’un et l’autre ; l’homme, placé dans un monde toujours changeant pour être le fardeau ou la gloire de la terre ; c’est lui surtout qui s’aperçoit du changement ; son être observe sa rénovation graduelle, et définit chaque mouvement du progrès dans son âme.

" Là où l’obscurité de la longue nuit polaire pèse sur les rocs vêtus de neige et sur un sol gelé, où à peine l’herbe la plus hardie qui puisse braver la gelée se réchauffe à la clarté inefficace de la lune, là, l’homme était rabougri comme les plantes, et sombre comme la nuit ; ses énergies refroidies et restreintes, son cœur insensible au courage, à la vérité, à l’amour, sa stature nouée et sa constitution débile, le désignaient comme un avorton de la terre, fait pour être le compagnon des ours errant alentour, ayant les mêmes habitudes et les mêmes joies que lui ; sa vie était le rêve fiévreux d’une infortune stagnante, dont les maigres besoins, à peine 68 ŒUVRES POÉTIQUES DE SIIELLEY

satisfaits, lui rappelaient sans cesse l’ingrate carrière que le malheur de sa courte vie avait atteinte ; sa mort était une convulsion que la faim, le froid et l’épuisement avaient depuis longtemps fait sentir à son âme, quand l’étincelle vitale s’attachait encore obstinément à son corps. Là, il subissait tout ce que la vengeance de la Terre pouvait infliger aux violateurs de sa loi ; une malédiction seule lui fut épargnée — le nom de Dieu !

« Et là où les tropiques enchaînaient les royaumes du jour d'une large ceinture de nuages et de flamme confondus ; où les brouillards bleuâtres à travers l’atmosphère immobile semaient les germes de pestilence et nourrissaient une végétation contre nature ; où la lande foisonnait de tremblements de terre , de tempêtes et de maladies , l'homme n’était pas un être plus noble. L’esclavage l’avait écrasé dans la poussière sanglante de sa patrie ; ou bien il était troqué pour la gloire de ce pouvoir, qui, détruisant toute énergie interne, fait de la volonté humaine un article de trafic ; ou bien échangé auprès des chrétiens pour de l’or, et entraîné vers des îles lointaines, où, au bruit des fouets déchirant la chair, il faisait la besogne du luxe et de la richesse corruptrice, qui font doublement peser sur la tête des tyrans la plénitude lentement accumulée de leurs douleurs ; ou bien il était mené à la boucherie légale, pour être la proie des vers sous ce brûlant soleil , où les rois se liguèrent pour la première fois contre les droits des hommes, et les prêtres pour la première fois trafiquèrent du nom di’ Dieu.

« Là même où une zone plus tempérée offrait à l’homme un semblant d’abri, là encore la contagion, flétrissant sou être de maux innombrables, répandait comme un REINE MAB 69

feu inextinguible ; la vérité toujours tardive ne parvenait point à arrêter ses progrès, ou à créer cette paix qui pour la première fois dans une victoire non sanglante fit flotter son étendard de neige sur ce climat favorisé. Là, l’homme fut longtemps le porte-queue des esclaves, le singe de la misère environnante, le chacal de la rage ambitieuse, le chien courant du zèle affamé de la religion.

« Là maintenant, l’être humain pare la plus aimable des terres de son âme et de son corps sans souillure, doué dès sa naissance de tous les charmants instincts, qui doucement dans son noble sein éveillent toutes les passions bienveillantes et les purs désirs. Il ne cesse de poursuivre d’espérance en espérance le bonheur qui du trésor inépuisable du bien-être humain afflue dans l’esprit vertueux ; les pensées, surgissant avec une infinité qui défie le temps, lui donnent cette éternité intime qui se moque de l’impuissante blancheur de la vieillesse ; et l’homme, qui autrefois passait sur la scène transitoire avec la rapidité dune vision aussitôt oubliée, est immortel sur la terre. Il ne tue plus l’agneau qui le regarde dans les yeux, ne dévore plus horriblement ses chairs déchirées, qui, pour venger la loi violée de la Nature, allumaient dans son corps toutes les humeurs putrides, et dans son âme toutes les mauvaises passions, toutes les pensées vaines, les germes de la misère, de la mort, de la maladie et du crime. Maintenant les habitants ailés, qui chantent leurs douces vies dans les bois, ne fuient plus la forme de l'homme ; ils se réunissent autour de lui, et lissent leurs plumes étincelantes sur les mains que, dans un amical amusement, de petits enfants tendent à ces compagnons apprivoisés de leur jeu.

70 œUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

Partout la terreur a disparu. L’homme a perdu sa terrible prérogative , et vit égal au milieu d’égaux. Le bonheur et la science, bien que tardifs, rayonnent enfin sur la terre ; la paix anime l’esprit, la santé renouvelle le corps. La souffrance et le plaisir cessent de combattre ; chacun, affranchi, déploie sur la terre ses irrésistibles énergies, et y porte le sceptre d’un vaste empire ; toutes les formes et tous les modes de la matière prêtent leur force à l’omnipotence de l’esprit, qui de sa mine obscure lire le diamant de la vérité pour en décorer son paradis de paix. »

IX

«  Ô heureuse Terre ! réalité du Ciel, auquel aspirent ces Ames sans repos qui incessamment se pressent à travers l’univers humain ! Toi, la consommation de toute mortelle espérance ! Toi , glorieuse conquête dune volonté travaillant en aveugle, dont les rayons, dispersés à travers tout l’espace et le temps, convergent en un seul point, et s’y confondent pour toujours ! Toi,

pur séjour des très purs esprits, où soucis et chagrins, 

impuissance et crime, langueur, maladie, ignorance, n’osent paraître ! Ô heureuse Terre, réalité du Ciel ! *

« Le Génie t’a aperçue dans ses rêves passionnés ; et d’obscurs pressentiments de ta beauté, hantant le cœur humain, y ont profondément enraciné ces espérances de quelque doux lieu de bonheur, où amis et amants se rencontrent pour ne plus se séparer. Tu es la fin de tout désir et de toute volonté, le finit de toute action ; et les âmes, qui après avoir traversé le changement perpétuel du désir ont atteint ton port d'interminable paix, s’y REINE MAB 71

reposent loin de l’éternité de fatigue qui a construit l’édifice de ta perfection.

« Le Temps lui-même, ce conquérant, a eu peur et t’a fuie ; ce géant blanchi qui dans son orgueil solitaire a si longtemps gouverné le monde que les nations se sont écroulées sous son pas silencieux. Les Pyramides qui pendant des millenium ont résisté à la marée des choses humaines, son souffle de tempête les a réduites en sable, en travers de ce désert où leur masse de pierre faisait survivre le nom de celui dont l’orgueil les y avait élevées. Ce monarque , là-bas, dans sa pompe solitaire, n’était que le champignon d’un jour d’été, que ses pas ailés de lumière ont réduit en poussière. Le Temps était le roi de la terre ; toutes choses ont passé devant lui, excepté la volonté ferme et vertueuse, les sympathies sacrées de l’âme et des sens, qui se moquaient de sa furie, et préparaient sa chute.

« Cependant lent et graduel luisait le matin de l’amour ; longtemps les nuages de ténèbres se sont étendus sur la scène jusqu’au jour où ils s’enfuirent de leur ciel natif. D'abord, le Crime triomphant de toute espérance poursuivit sa carrière sans pudeur, sans déguisement, hardi et fort ; et le Mensonge, paré des attributs de la Vertu, sanctifia longtemps toutes les actions du vice et de la misère, jusqu’à ce que, recevant la mort du venin de son propre aiguillon, il laissât le monde moral sans une loi ; il n’enchaînait plus l’aile sans crainte de la Passion ; il ne brûlait plus la Raison avec le brandon de Dieu ! Alors , l’heureux ferment travailla avec énergie ; la Raison fut libre, et quoique la capricieuse Passion vînt à travers les vallons emmêlés et les prairies ceintes de bois cueillir une guirlande des plus étranges fleurs, 72 CEUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

cependant, comme l’abeille retournant vers sa reine, elle attachait les plus charmantes sur le front de sa sœur, qui, douce et modeste, baisait la folâtre enfant, qui ne tremblait plus devant la baguette brisée.

« La lente nécessité de la mort devint douce ; l'Esprit tranquille défaillit sous sa main sans un gémissement, presque sans une crainte, — calme comme un voyageur sur quelque terre lointaine, et, comme lui, plein d'émerveillement, plein d’espérance. Les germes mortels de langueur et de maladie périrent dans le corps humain, et la pureté enrichit de tous ses dons ses terrestres adorateurs. Quelle vigueur alors dans la forme athlétique de la vieillesse ; quel éclat sur son front ouvert et sans rides, où ni l'avarice, ni l'artifice, ni l’orgueil, ni le souci n’avaient imprimé le sceau dune grise difformité sur tous les traits entre-croisés du temps ! * Qu’il fut aimable le front intrépide de la jeunesse, que le courage au doux regard parait de la plus fraîche grâce ! Courage de l'âme qui ne rêvait plus un vain nom, volonté élevée qui voyageait à travers la scène fantasmagorique de la vie en toute intrépidité , en compagnie de la vertu, de l’amour et du plaisir, la main dans la main !

« Alors, ce doux servage qui est l’être de la liberté, et qui rive des plus doux liens de la sensation les sympathies fraternelles des êtres humains, n’eut plus besoin des chaînes d'une loi tyrannique. Ces délicates et timides impulsions jaillirent de nouveau dans la primitive modestie de la nature, et avec une entière confiance laissèrent éclater les désirs naissants de son amour à l'aurore, que ne réprimait plus une idiote et égoïste chasteté, cette vertu des gens vertueux à bon marché, qui s'enorgueillissent de leur insensibilité et de leur REINE MAB 73

glace. Le venin de la prostitution n’empoisonna plus les sources du bonheur et de la vie. La femme et l’homme en toute confiance et amour, égaux, libres et purs, gravirent ensemble le sentier montueux de la vertu, que ne souillait plus le sang des pieds de plus d’un pèlerin.

« Alors, là où, à travers les âges éloignés, longtemps avec orgueil le palais de l’esclave monarque s’était moqué du faible gémissement de la Famine et des larmes silencieuses de la Pauvreté, il n’y eut plus qu’un monceau de ruines tombant en poussière et laissant s’écrouler d’année en année leurs pierres sur le sol, en réveillant de leur chute un solitaire écho ; et les feuilles de la vieille épine, qui sur la tour la plus élevée usurpait la grandeur du royal étendard, s'entre-choquèrent dans le violent ouragan qui faisait ployer la superbe tour, et murmurèrent d’étranges contes à l’oreille du tourbillon. Tout bas, à travers les nefs sans toit de la solitaire cathédrale, les vents mélancoliques chantèrent un lugubre chant de mort. Ce fut un spectacle terrible, de voir les chefs-d’œuvre de la foi et de l’esclavage, si vastes, si somptueux, et cependant si périssables, semblables au cadavre qui repose sous leurs murs. Aujourd’hui mille pleureurs revêtent l’appareil de mort, le marbre respirant étincelle partout pour décorer sa mémoire, et les langues sont toutes occupées de sa vie ; demain, les vers dans le silence et dans les ténèbres saisiront leur proie.

« Dans les cours des massives prisons tombant en poussière, libres et sans crainte les enfants vermeils jouèrent, tressant de joyeuses guirlandes pour leurs fronts innocents avec le lierre verdoyant et la rouge giroflée de muraille, qui se rient de l’inutile obscurité du

RABBE. I. — 5

74 œUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

cachot. Les lourdes chaînes , les pesantes grilles de fer se rouillèrent au milieu des monceaux de pierres brisées, se confondant lentement avec la terre dont elles étaient sorties ; le large rayon du jour, qui autrefois éclairait si faiblement la joue de la maigre Captivité d’une pâle et chétive lueur, alors étincela librement sur les purs sourires de la folâtrerie enfantine. On n’entendit plus la voix frémissante du rauque Désespoir faire retentir les échos des voûtes ; mais les notes caressantes des brises jouant dans le lierre et des joyeux oiseaux résonnèrent gaiement tout à l’entour. Ces ruines bientôt ne laissèrent pas un débris derrière elles ; leurs éléments,

disséminés au loin sur le globe, se moulèrent 

pour de plus heureuses formes, et se mirent au service de toutes les impulsions du bonheur. Ainsi les choses humaines arrivèrent à la perfection ; et la terre, comme un enfant sous l’amour de sa mère, grandit dans toute excellence, et avec chaque année écoulée devint [)lus belle et plus noble.

« Maintenant le Temps ferme ses sombres ailes sur la scène ; elle rentre dans une impénétrable obscurité, et l’avenir disparait à nos regards charmés. — Ma tâche est achevée : ta science est complète. Les prodiges de la terre sont à loi, avec toute la crainte et toute l’espérance qu’ils contiennent. Mes enchantements sont épuisés ; le présent reparaît. Hélas ! Un désert inexploré reste encore à soumettre à la main réparatrice de l’homme.

« Pourtant, Esprit humain, poursuis bravement la course. Que la vertu t’enseigne à suivre fermement les sentiers graduels du progrès : car la naissance et la vie et la mort, et cet étrange état où l’âme nue n’a pas enREINE MAB 75

core trouvé sa demeure, tendent également au parfait bonheur, et poussent dans leur chemin les roues infatigables de l'être, dont les rayons étincelants, animés d'une vie infinie, frémissent et brûlent d’atteindre leur but marqué par le destin. La naissance ne fait qu’éveiller l'esprit à la sensation des choses extérieures, afin que leurs formes inconnues puissent prêter à sa nature de nouveaux modes de passion. La vie est pour lui l’état d’action, et toutes les combinaisons d’événements qui font la variété de l’éternel univers s’y trouvent réunies. La mort est une porte d’horreur et de ténèbres qui mène aux iles azurées, aux cieux rayonnants, aux heureuses régions de l’éternelle espérance. Ainsi, ô Esprit ! avance sans crainte. L’orage peut briser la primevère sur sa tige, la gelée flétrir la fraîcheur de ses pétales ; mais l’haleine éveillante du printemps n’en caressera pas moins la terre, pour nourrir de ses plus douces rosées sa fleur favorite, qui s’épanouit dans les bancs de mousse et dans les vallons sombres , éclairant la verdure des bois de son sourire ensoleillé.

« Ne redoute pas, Esprit, le bras ravisseur de la Mort ! La Mort si bien venue quand le tyran s’éveille, si bien venue quand le fanatique allume sa torche d’enfer ! Ce n’est que le voyage d’une heure sombre, le cauchemar passager d’un sommeil ininterrompu ! Non, la Mort n’est pas l’ennemie de la vertu ; la terre a vu les plus brillantes roses de l’amour fleurir sur l'échafaud, mêlées aux lauriers impérissables de la liberté, et présageant la vérité du bonheur rêvé. N’y a-t-il pas en toi des espérances qu’a confirmées la vision de la chaîne du progrès graduel de l’être ? * espérances dont l’aiguillon pressait ton cœur de regarder toujours au delà, quand, te promenant par le clair de lune au bras de Henri, doucement et tristement tu lui parlais de la mort ? Voudrais-tu donc rudement arracher ces espérances de ton cœur pour écouter nonchalamment les croyances d’un bigot, ou t’incliner sans résistance sous le fouet du tyran dont les lanières de fer sont rouges de sang humain ?… Jamais ! … Mais toujours inflexible et brave, ta volonté est destinée à soutenir une éternelle guerre avec la tyrannie et le mensonge, et à déraciner du cœur humain les germes de la misère. C’est ta main dont la piété doit charmer l’oreiller épineux du crime infortuné (dont l’impuissance obtient un facile pardon), en veillant sur son délire comme sur la maladie d’un ami. C’est ton front dont la douceur doit défier sa plus furieuse rage, et braver ses plus tyranniques volontés, quand il est protégé par le pouvoir, et qu’il est le maître du monde ! Tu es sincère et bon, d’une âme résolue, libre du froid contrôle de la coutume qui dessèche le cœur ; d’une passion élevée, pure et indomptable. L’orgueil et les bassesses de la terre ne pourraient triompher de toi ; tu es donc digne de la faveur que lu viens de recevoir. La vertu marquera la trace de tes pas dans le sentier que tu auras foulé, et de nombreux jours de rayonnante espérance béniront la vie sans tache de doux et saint amour. — Va donc. Esprit heureux ! va rendre la joie à ce sein dont l’esprit sans sommeil est aux aguets pour saisir lumière, vie, extase, dans ton sourire ! » *

La Fée agite sa baguette magique ; muet de bonheur, l’Esprit remonte sur le char (qui roulait à côté du créneau), baissant ses yeux rayonnants en signe de reconnaissance. Les coursiers enchantés furent de nouveau attelés ; de nouveau les roues brûlantes enflammèrent la REINE MAB 77

descente escarpée de la route inexplorée du ciel. Vite et loin le char vola. Les vastes globes de feu, qui roulaient autour, de la porte du palais de la Fée, s'amoindrirent par degrés, et bientôt n'offrirent plus à la vue que ce minuscule scintillement des orbes planétaires qui, dépendant du pouvoir solaire, poursuivaient là-bas avec une lumière empruntée leur chemin raccourci.

Déjà la terre flottait au dessous. Le char s'arrêta un moment : l’Esprit descendit. Les coursiers infatigables frappèrent du pied le sol ingrat, humèrent l’air grossier, puis, leur mission finie, déployèrent leurs ailes aux vents du ciel.

Le corps et l'âme se réunirent alors. Un doux tressaillement agita le sein d'Ianthe. Les paupières veinées s’ouvrirent doucement. Les prunelles bleu sombre restèrent quelque temps immobiles. Puis elle regarda autour d’elle avec étonnement, — et elle aperçut Henri agenouillé en silence près de sa couche, veillant sur son sommeil avec les regards d’un silencieux amour, et les brillantes étoiles rayonnant à travers la croisée.


ALASTOR
OU
L’ESPRIT DE LA SOLITUDE


« Je n’aimais pas encore, et j’aimais aimer, et aimant aimer je cherchais quelque chose à aimer. »
Confessions de saint Augustin.

PRÉFACE

Le poème intitulé Alastor peut être considéré comme l’allégorie d’une des situations les plus intéressantes de l’esprit humain. Il met en scène un jeune homme au cœur pur et d’un aventureux génie, entraîné par une imagination ardente, mais purifiée par son commerce familier avec tout ce qu’il y a d’excellent et de sublime, à la contemplation de l’univers. Il boit avidement aux sources de la science, et il est toujours insatiable. La magnificence et la beauté du monde extérieur pénètrent profondément la trame de ses conceptions, et donnent à leurs développements une inépuisable variété. Aussi longtemps qu’il est possible à ses désirs d’aspirer à des objets aussi infinis et sans mesure, il est joyeux, tranquille et maître de lui-même. Mais il arrive un moment où ces objets cessent de lui suffire. Son esprit est enfin tout à coup éveillé, et ressent la soif d’un commerce avec une intelligence semblable à lui-même. Il se crée alors par l’imagination un objet qu’il aime. Familiarisé comme il est avec les spéculations des esprits les plus sublimes et les plus parfaits, la vision dans laquelle il incorpore ses propres fantaisies réunit en merveilleux, en sagesse, en pureté, tout ce que le poète, le philosophe ou l’amant pourraient peindre. Les facultés intellectuelles, l’imagination, les fonctions du sentiment s’adressent aux facultés correspondantes dans les autres esprits humains pour y trouver intelligence et sympathie. Le poète est représenté comme réunissant ces diverses aspirations, et les attachant à une seule image. Mais il cherche en vain dans la réalité un prototype de sa conception. Désappointé et abattu, il descend prématurément à la tombe.

Ce tableau n’est pas dépourvu d’enseignement pour les hommes d’aujourd’hui. L’isolement volontaire du poète a été vengé par les furies d’une irrésistible passion qui le pousse rapidement à sa ruine. Mais le même pouvoir qui frappe les flambeaux du monde d’un obscurcissement et d’une extinction soudaine, en les éveillant à une perception trop exquise de ses influences, condamne à une lente et dissolvante agonie ces esprits de trempe inférieure, qui osent abjurer son empire. Leur destinée est d’autant plus abjecte et obscure que leur prévarication est plus méprisable et plus pernicieuse. Ceux qui, n’ayant jamais été déçus par une généreuse erreur, ni poussés par la soif sacrée d’une science pleine de doutes, ni dupés par aucune noble illusion, n’aiment rien sur cette terre, ne caressent aucune espérance au delà, et restent étrangers à toute sympathie humaine, ceux-là et ceux qui leur ressemblent ont la destinée qu’ils méritent. Ils languissent, parce qu’il n’y a personne dont la nature sympathise avec la leur. Ils sont moralement morts. Ils ne sont ni amis, ni amants, ni pères, ni citoyens du monde, ni bienfaiteurs de leur pays. Au milieu de ceux qui essaient ainsi de vivre en dehors de toute sympathie humaine, les cœurs purs et tendres périssent victimes de l’ardente passion avec laquelle ils recherchent ses liens, du jour où le vide de leur esprit s’est fait soudainement sentir. Le reste, égoïste, aveugle, engourdi, forme ces multitudes insouciantes qui font, avec la leur, l’extrême misère et l’isolement du monde. Ceux qui n’aiment pas leurs semblables vivent des vies sans fruit, et préparent à leur vieillesse un misérable tombeau.

« Les bons meurent tôt, et ceux dont les cœurs sont secs comme la poussière de l’été brûlent jusqu’à la bobèche. » (Wordsworth.)


14 décembre 1815.






Terre, Océan, Air, fraternité bien-aimée ! Si la nature, votre grande mère, a imbu mon âme de quelque piété naturelle pour sentir votre amour et y répondre avec le mien ; si le matin humide de rosée, le midi odorant, le soir avec le coucher du soleil et sa splendide cour, et le solennel tintement du silence de minuit, si les profonds soupirs de l’automne dans le bois desséché, et l’Hiver revêtant de pure neige et de couronnes de glace étoilée les herbes flétries et les rameaux nus, si les voluptueuses palpitations du Printemps, quand il exhale ses premiers baisers si doux, m’ont été chers ; si jamais je n’ai sciemment fait de mal à aucun oiseau brillant, insecte ou gentille bête, mais si je les ai toujours aimés et chéris comme ma famille, — alors, pardonnez-moi cette vanterie, frères bien-aimés, et ne me retirez rien de votre faveur accoutumée !

Mère de ce monde impénétrable, favorise mon chant solennel ! Car je t’ai aimée toujours, et toi seule ; j’ai épié ton ombre et l’obscurité de tes pas, et mon cœur a toujours le regard plongé sur l’abîme de tes profonds mystères… J’ai fait mon lit dans les charniers et sur les cercueils, où la noire Mort garde le registre des trophées conquis sur toi, dans l’espérance de faire taire les obstinés questionneurs de tes secrets en forçant quelque ombre délaissée, ta messagère, à me révéler ce que nous sommes. Dans les heures solitaires et silencieuses, quand la nuit fait de son silence même une rumeur enchantée, comme un alchimiste inspiré et désespéré, risquant sa propre vie sur quelque obscure espérance, j’ai amalgamé les formules redoutables et les regards scrutateurs avec mon plus innocent amour ; jusqu’à ce que d’étranges larmes, se mêlant à ces baisers haletants, arrivent à composer un philtre capable de forcer la nuit enchantée de me livrer ton secret. Et, quoique tu n’aies pas encore dévoilé ton plus intime sanctuaire, l’incommunicable rêve et les fantômes crépusculaires, et la profonde pensée de midi ont fait briller en moi assez de lumière, pour que maintenant dans la sécurité, immobile comme une lyre longtemps oubliée, suspendue au dôme solitaire de quelque temple mystérieux et déserté, j’attende ton souffle, ô grande mère ; pour que mon chant puisse mêler ses modulations aux murmures de l’air, aux bruits des forêts et de la mer, à la voix des êtres vivants, aux hymnes entrelacés de la nuit et du jour, et du profond cœur de l’homme !

Il y eut un poète dont la tombe prématurée ne fut point élevée avec un pieux respect par une main humaine ; mais les tourbillons charmés des vents d’automne bâtirent sur ses os tombant en poudre une pyramide de feuilles s’en allant en poussière dans l’inculte désert… Un jeune homme digne d’amour !… Aucune vierge désolée ne para de fleurs éplorées ou d’une guirlande de cyprès votif la couche solitaire de son éternel sommeil ; il était noble, et brave, et généreux ! Aucun barde solitaire n’exhala sur sa sombre destinée un chant mélodieux ; il vécut, il mourut, il chanta dans la solitude. Des étrangers ont pleuré en entendant ses notes passionnées ; et des vierges, pendant qu’il passait inconnu, ont langui et se sont consumées du fol amour de ses yeux sauvages. Le feu de ces doux orbes a cessé de brûler, et le Silence, lui aussi énamouré de cette voix, enferme sa musique muette dans son âpre prison.

Une vision solennelle, un brillant rêve d’argent nourrit son enfance. Chaque soupir, chaque bruit de la vaste terre et de l’air ambiant, envoya à son cœur ses plus exquises impulsions. Les sources de la divine philosophie ne fuirent pas ses lèvres altérées ; tout ce que le saint passé consacre, dans la vérité de la fable, de grand, de bon, d’adorable, il le sentit et le connut. La première jeunesse passée, il quitta le foyer glacé et le home détesté, pour chercher d’étranges vérités sur des terres inconnues. Bien des déserts désolés, bien des solitudes inextricables ont leurré ses pas intrépides ; et souvent de sa douce voix et de ses doux yeux il acheta aux hommes sauvages son repos et sa nourriture. Il a poursuivi comme son ombre les pas les plus secrets de la nature, partout où le rouge volcan étend comme un dais sur ses champs de neige et ses pinacles de glace sa fumée brûlante ; où les lacs de bitume battent éternellement la pointe nue des sombres îlots de leur vague indolente ; où les cavernes secrètes, hérissées et ténébreuses, faisant tourner autour des sources de feu et de poison leurs dômes étoilés de diamant et d’or, inaccessibles à l’avarice ou à l’orgueil, développent les voûtes de salles sans nombre et sans mesure, regorgeant de nombreuses colonnes de cristal, de claires châsses de perles, et de trônes étincelants de chrysolite. Cependant cette scène d’une plus ample majesté que les gemmes ou l’or, la voûte changeante du ciel et la verte terre, n’avait pas perdu dans son cœur ses droits à l’amour et à l’admiration. Il aimait à s’arrêter longtemps dans les vallées solitaires, faisant des lieux sauvages sa demeure, jusqu’à ce que tourterelles et écureuils vinssent partager dans son innocente main son innocente nourriture, attirés par la douce expression de ses regards, et que la sauvage antilope, qui tressaille au moindre bruissement de la feuille sèche sur la fougère, suspendît ses pas timides pour arrêter ses yeux sur une forme plus gracieuse que la sienne.

Son pas errant, obéissant à de hautes pensées, visita les formidables ruines des anciens jours : Athènes et Tyr et Balbec, et le désert où fut Jérusalem, les tours écroulées de Babylone, les éternelles pyramides, Memphis et Thèbes, toutes les étranges sculptures des obélisques d’albâtre, des tombeaux de jaspe ou des sphinx mutilés, que la noire Éthiopie cache sur ses sommets déserts. Là, parmi les temples ruinés, les colonnes stupéfiantes, les images barbares d’êtres plus qu’humains, où des démons de marbre gardent le mystère de bronze du zodiaque, et où les hommes morts ont suspendu tout autour leurs muettes pensées sur les murs muets, il aimait à s’arrêter, les yeux fixés sur ces monuments de la jeunesse du monde ; tout le long du jour brûlant, il contemplait ces formes muettes ; et quand la lune remplissait les salles mystérieuses d’ombres flottantes, il ne suspendait point son étude ; mais il regardait et regardait toujours, jus- qu’à ce qu’une signification illuminât son esprit vide comme une inspiration irrésistible, et qu’il tressaillît en apercevant les secrets de la naissance du temps.

Cependant une vierge arabe lui apportait sa nourriture, sa portion quotidienne, de la tente de son père ; elle étendait la natte qui lui servait de couche ; elle dérobait à ses devoirs et à son repos pour épier ses pas ; éprise d’amour, et cependant n’osant pas, tant était profonde sa respectueuse crainte, parler d’amour… Elle veillait la nuit sur son sommeil, sans fermer les yeux elle-même, pour contempler ses lèvres entr’ouvertes dans l’assoupissement, d’où s’exhalait la respiration régulière de ses rêves innocents. Puis, quand le rouge matin faisait blêmir la pâle lune, vers sa froide demeure, égarée, pale et toute palpitante, elle se retirait.

Le poète, errant à travers l’Arabie et la Perse, et le sauvage désert Caramanien et sur les montagnes aériennes qui versent l’Indus et l’Oxus de leurs cavernes de glace, poursuivit son chemin joyeux et triomphant. Il arriva dans la vallée de Cashmire, et là, dans une de ses plus solitaires retraites, où des plantes odorantes entrelacent sous le creux des rochers un berceau naturel, sur le bord d’un ruisselet étincelant, il étendit ses membres languissants. Alors une vision descendit sur son sommeil, un rêve d’espérances qui n’avaient pas encore fait rougir sa joue. Il vit en songe une vierge voilée assise près de lui, parlant dans des tons bas et solennels. La voix était comme la voix de sa propre âme entendue dans le calme de la pensée ; sa musique prolongée, semblable aux sons entrelacés des courants et des brises, tenait son plus intime sens suspendu dans sa trame aux mille couleurs, aux mille nuances changeantes. Science, vérité et vertu étaient son thème, ainsi que les sublimes espérances de la divine liberté, les pensées les plus chères pour lui, et la poésie, elle-même étant un poète. Bientôt le solennel enthousiasme de son pur esprit alluma dans tout son être un feu pénétrant. Alors elle fit entendre des nombres sauvages avec une voix étouffée en sanglots tremblants que dominait sa propre passion ; ses belles mains étaient seules nues, tirant de quelque étrange harpe une étrange symphonie, et dans les rameaux de leurs veines le sang éloquent disait des choses ineffables. On entendait le battement de son cœur remplir les pauses de sa musique, et sa respiration s’accordait tumultueusement avec les reprises du chant interrompu. Soudain elle se leva, comme si son cœur endurait impatiemment son poids prêt à éclater. Au bruit, le poète se retourna et, dans la chaude lumière de leur propre vie, il vit ses membres étinceler sous le voile sinueux du vent entrelacé ; ses bras, nus maintenant, étendus, ses boucles noires flottant au souffle de la nuit, les globes de ses yeux rayonnants, ses lèvres entr’ouvertes, détendues, pâles, et tremblant avec passion. Son robuste cœur défaillit et pâma sous l’excès de l’amour. Il soulevait ses membres frémissants, et retenait sa respiration haletante, et étendait ses bras pour atteindre son sein palpitant… Elle se retira en arrière un instant, puis, s’abandonnant à une irrésistible joie, d’un geste frénétique et avec un rapide cri étouffé, elle se jeta dans ses bras défaillants… Alors des ténèbres voilèrent ses yeux étourdis, et la vision rentra dans la nuit qui l’engloutit ; le Sommeil, comme un noir courant suspendu dans sa course, roula de nouveau ses vagues sur sa cervelle vide.

Réveillé par la secousse, il tressaillit de son extase. La froide lumière blanche du matin, la lune bleue déclinant à l’ouest, les sommets clairs et étincelants, la vallée distincte et le vide des bois, telle était la scène qui se déroulait autour de lui. — Où ont fui les nuances du ciel qui faisait un dais à son berceau de la nuit d’avant-hier ? les sons qui caressaient son sommeil, le mystère et la majesté de la terre, la joie, l’exultation ? Ses yeux pâlis regardent la scène vide aussi vaguement que la lune de l’océan regarde la lune dans le ciel. L’esprit du doux amour humain a envoyé une vision à son sommeil, à lui qui méprisait ses plus précieux dons ! Il poursuit ardemment au-delà des royaumes du rêve cette ombre fugitive : il franchit toutes les bornes. Hélas ! Hélas ! Où sont ces membres, cette respiration, cet être si traîtreusement unis ? Perdue, perdue, pour toujours perdue dans l’immense et insensible désert de l’obscur sommeil, cette forme si belle ! La noire porte de la mort conduit-elle à ton mystérieux paradis, ô Sommeil ? L’arche brillante des nuages irisés et les montagnes pendantes qu’on aperçoit dans le calme lac ne conduisent-elles qu’à un abîme noir et liquide, tandis que la voûte bleue de la mort, avec ses immondes vapeurs suspendues, où toute ombre exhalée de l’infect tombeau cache son œil mort loin du jour détesté, conduit, ô Sommeil, à tes délicieux royaumes ? Ce doute, comme une soudaine marée, envahissait son cœur ; l’insatiable espérance qui l’avait éveillé blessait son cerveau avec la violence du désespoir.

Tant que la lumière du jour remplit le ciel, le poète tint une conférence secrète avec son âme. Avec la nuit vint la passion, comme le démon furieux de quelque rêve désordonné, qui le réveilla en sursaut et le força de s’enfuir dans les ténèbres. — Comme un aigle, étreint dans les replis d’un vert serpent, sent le poison brûler sa poitrine, et à travers la nuit et le jour, la tempête et le calme et le nuage, dans la frénésie de sa douleur éperdue, précipite son vol aveugle sur le vaste désert de l’air ; ainsi entraîné par la brillante ombre de ce rêve adoré, sous la lueur glacée de la nuit désolée, à travers le labyrinthe des marécages et le gouffre des profondes vallées, faisant tressaillir de son pas insouciant le serpent éclairé par la lune, il fuyait !…

Le rouge matin commençait à poindre sur sa fuite, versant la moquerie de ses couleurs vitales sur sa joue de mort. Il erra jusqu’au vaste Aornos qu’on aperçoit de l’escarpement de Petra, suspendu comme un nuage sur le bas horizon ; jusqu’à Balk, et aux lieux où les tombes désolées des rois parthes éparpillent à tout vent leur poussière épuisante ; là il errait en sauvage, jour après jour, consumant les heures dans l’ennui, portant dans sa poitrine le souci rongeur qui se nourrit sans fin de sa flamme expirante. Et maintenant ses membres étaient maigres ; sa chevelure flottante, flétrie par l’automne d’une étrange souffrance, chantait dans le vent des chants de mort ; sa main insouciante pendait comme un os mort dans sa peau desséchée ; la vie et l’ardeur qui le consumaient, comme dans une fournaise qui brûle en secret, ne rayonnaient plus que de ses yeux noirs. Les villageois, qui subvenaient avec une humaine charité à ses humains besoins, regardaient avec un étonnement mêlé de terreur respectueuse ce visiteur qui fuyait. L’habitant de la montagne, qui rencontrait sur quelque vertigineux précipice cette forme de spectre, s’imaginait que l’esprit du vent, avec ses yeux d’éclair, sa respiration enflammée et ses pas qui ne dérangent pas la neige amoncelée, se reposait en ce lieu. L’enfant voulait cacher son visage troublé dans la robe de sa mère, effrayé par l’éclat de ces yeux sauvages, pour se souvenir de cette étrange lumière dans maint rêve de l’avenir. Mais les jeunes vierges, instruites par la nature, s’expliquaient à moitié la souffrance qui le consumait, auraient voulu l’appeler de ces noms menteurs de frère et d’ami, auraient voulu presser sa main pâle au départ, et suivre, à travers d’obscures larmes, le chemin du voyageur du seuil de la maison paternelle.

Enfin, sur le rivage solitaire de la Chorasmanie il s’arrêta, un immense et mélancolique désert de putrides marais. Une violente impulsion poussait ses pas au rivage de la mer. Il y avait là un cygne, près d’un courant paresseux, au milieu des joncs. L’oiseau s’enleva à son approche et, de ses ailes puissantes escaladant le ciel, dirigea sa course brillante bien haut au-dessus de l’incommensurable Océan. Ses yeux poursuivaient son vol : « Toi, tu as une demeure, bel oiseau ! Tu voyages pour retrouver cet abri, où ta douce compagne entrelacera le duvet de son cou avec le tien, et saluera ton retour avec des yeux resplendissant de tout l’éclat de leur ardente joie. Et moi, qu’ai-je à attendre ici, avec une voix beaucoup plus douce que tes notes mourantes, un esprit plus étendu que le tien, un organisme mieux accordé pour la beauté, consumant en vain ces facultés supérieures dans l’air sourd, pour la terre aveugle et le ciel qui n’a point d’écho pour mes pensées ? » — Un sombre sourire d’espérance désespérée rida ses lèvres tremblantes. Car le Sommeil, il le savait, gardait impitoyablement son précieux trésor, et la Mort silencieuse, peut-être aussi perfide que le Sommeil, ne montrait qu’un leurre d’ombre, se moquant avec un sourire équivoque de ses propres charmes si étranges !

Tressaillant à ses propres pensées, il regardait autour de lui. Il n’y avait auprès de lui aucun ennemi visible, aucun objet, aucun son qui put être sujet de crainte, excepté dans les profondeurs de son propre esprit. Une petite chaloupe flottant près du rivage frappa les regards de l’impatient voyageur. Elle était depuis longtemps abandonnée, car ses flancs étaient largement tailladés de nombreuses fentes, et ses frêles jointures étaient ballottées au gré des ondulations de la marée. Une impulsion irrésistible le poussait à s’embarquer et à aller au-devant de la mort solitaire sur le terrible désert de l’Océan ; car il savait bien que cette ombre puissante aime les cavernes visqueuses du populeux abîme.

Le jour était beau et ensoleillé ; la mer et le ciel buvaient son irradiation vivifiante, et le vent soufflait avec force du rivage, noircissant les vagues. Obéissant à l’ardeur de son âme, le voyageur sauta dans l’embarcation ; il suspendit son manteau flottant au mat nu, s’assit sur le banc solitaire et sentit le bateau fuir sur la mer tranquille, comme un nuage déchiré fuit devant l’ouragan.

Comme un navire, qui, dans une vision d’argent, obéissant à l’impulsion des brises parfumées, flotte sur des nuages resplendissants, aussi rapidement le bateau avec effort vola sur les eaux noires et plissées. Un tourbillon l’emportait avec de violentes rafales et une force entraînante à travers les blanches crêtes de la mer irritée. Les vagues montaient. Toujours plus haut et plus haut leurs cols farouches se tordaient sous le fouet de la tempête, comme des serpents se débattent sous l’étreinte d’un vautour. Lui, calme et joyeux dans cette formidable lutte de la vague fondant sur la vague, du coup de vent descendant sur le coup de vent, et du flot noir emporté sur le tourbillon qu’il efface dans sa sombre course, lui étais assis ! Comme si les génies de la tempête étaient les ministres charriés de le conduire à la lumière de ces yeux bien-aimés, le poète était assis, tenant le gouvernail d’une main assurée. Le soir arriva : les rayons du soleil couchant suspendirent leurs couleurs irisées au milieu des dômes changeants de l’embrun étendu qui faisaient un dais à son passage sur le sauvage abîme ; le crépuscule, montant lentement de l’est, entrelaça en tresses plus sombres ses boucles emmêlées sur le beau front et les yeux rayonnants du jour ; la nuit le suivit, revêtue d’étoiles. De toutes parts, avec plus d’horreur encore, les multitudes de courants du montagneux désert de l’océan se ruèrent en un mutuel combat, dans un noir tumulte retentissant comme le tonnerre, comme pour insulter au calme du ciel étoile. La petite embarcation fuyait toujours devant l’orage ; elle fuyait toujours comme l’écume au-dessous de la cataracte escarpée d’un torrent d’hiver ; tantôt s’arrêtant sur le bord d’une vague fendue ; tantôt laissant loin derrière elle la masse éclater et tomber, en soulevant l’océan… Elle fuyait sans rien craindre, comme si cette frêle et chétive forme humaine avait été un dieu des éléments.

À minuit la lune se leva ; et alors ! apparurent les rochers aériens du Caucase, dont les sommets de glace brillaient au milieu des étoiles comme la lumière du soleil, pendant qu’autour de sa base caverneuse les rafales et les vagues, éclatant avec une irrésistible furie, tourbillonnent avec rage et retentissent éternellement. — Qui le sauvera ? Le bateau volait toujours, poussé par le torrent bouillonnant ; tout autour les rochers faisaient une ceinture de leurs bras noirs et dentelés ; la montagne fendue en éclats pendait sur la mer ; et toujours plus rapide, au-delà de toute vitesse humaine, suspendu sur la courbe de la vague unie, le petit bateau était poussé. Là une caverne était béante, et au milieu de ses profondeurs obliques et tortueuses s’engouffrait la mer précipitée… Le bateau volait toujours avec une vitesse sans relâche : « Vision et amour ! » cria bien haut le poète, « j’ai vu le sentier de ton départ ! Le Sommeil et la Mort ne nous sépareront plus longtemps ! »

Le bateau suivait les tournants de la caverne. — La lumière du jour brilla enfin sur le sombre courant. Maintenant que la furieuse guerre entre les vagues était calmée, sur l’abîme insondable le bateau avançait lentement. À l’endroit où la montagne fendue exposait ses noires profondeurs à l’azur du ciel, avant même que l’énorme masse de l’inondation fût tombée sur la base du Caucase avec un fracas qui ébranla les rocs éternels, un immense tourbillon remplissait ce vaste gouffre ; degré par degré les eaux tourbillonnantes s’étaient élevées, s’étendant en cercle avec une incommensurable rapidité, et baignaient de leur choc alterné les racines noueuses des arbres puissants qui étendaient sur elles leurs bras géants dans l'obscurité. Au milieu avait été laissé, réfléchissant l’image déformée des nuages, un étang d’un calme perfide et redoutable. Saisi par le mouvement ascendant du courant avec une vertigineuse rapidité, le bateau tourna, tourna, tourna, vague après vague, s’élevant avec effort, jusqu’à ce que sur la limite de l’extrême courbe, à l’endroit où les eaux débordent à travers une ouverture de bancs de rochers, et laissent un doux lieu de limpide repos au milieu de ces flots agités, il s’arrêtât frémissant. S’enfoncera-t-il dans l’abîme ? La violence en retour de cet irrésistible gouffre l’engloutira-t-elle ? Doit-il donc périr ?… Voilà qu’au souffle errant d’un vent de l’ouest, la voile se gonfle et s’étend, et alors ! avec un gracieux mouvement, entre les bancs d’une échancrure garnie de mousse et sur un paisible courant, à l’ombre d’un bosquet touffu, le bateau vogue ! Et écoutez ! le spectral torrent mêle son rugissement lointain à la brise murmurant dans les bois pleins de musique ! À l’endroit où les arbres en berceau s’éloignent et laissent un petit espace d’étendue verte, la crique est fermée par des bancs qui se rencontrent, dont les jaunes fleurs regardent éternellement leurs propres yeux languissants réfléchis dans le calme cristal. La vague produite par le mouvement du bateau dérangeait pour la première fois leur pensive tâche, que jamais rien n’avait troublée, si ce n’est un oiseau vagabond ou une brise folâtre, ou la chute d’un chiendent, ou leur propre déclin. Le poète brûlait de parer de leurs brillantes couleurs sa chevelure flétrie ; mais dans son cœur, il sentit renaître sa solitude et il s’abstint. La violente passion cachée sous ces joues écarlates, ces yeux dilatés et ce corps d’ombre, n’avait pas encore accompli son ministère ; elle était suspendue sur sa vie, comme l’éclair dans un nuage brille suspendu jusqu’à ce qu’il s’évanouisse, et que les flots de la nuit se referment sur lui.

Le soleil de midi brillait maintenant sur la forêt, une vaste masse d’ombre entrelacée, dont la brune magnificence enceint une étroite vallée. Là, d’immenses cavernes, creusées dans la sombre base de leurs rocs aériens, répondent, en se jouant, à ses plaintes et mugissent éternellement. Les rameaux qui s’enlacent et les feuilles touffues tissaient un crépuscule sur le sentier du poète, alors que, conduit par l’amour, ou le rêve, ou un Dieu, ou la Mort plus puissante, il cherchait dans la plus chère retraite de la nature un abri, son berceau à elle, et à lui, son sépulcre… De plus en plus sombres, les ombres s’accumulent. Le chêne, de ses bras immenses et noueux qu’il étend, embrasse le frêle hêtre. Les pyramides du cèdre altier, faisant voûte, forment les plus solennels dômes, et bien loin au dessous, comme des nuages suspendus dans un ciel d’émeraude, le frêne et l’acacia flottent suspendus, tremblants et pâles. Semblables à des serpents sans repos, vêtus d’arc-en-ciel et de feu, les plantes parasites, étoilées de dix mille fleurs, courent autour des troncs gris ; et, comme les yeux enjoués d’enfants rayonnants de charmantes intentions et des plus innocents artifices enlacent de leurs rayons les cœurs de ceux qui les aiment, ainsi ces plantes entrelacent leurs vrilles autour des rameaux unis, pour sceller leur secrète union ; le tissu des feuilles forme un réseau de la lumière bleu foncé du jour et des sombres clartés de minuit, aussi changeant que les ombres dans les nuages charmés. De molles clairières mousseuses sous ces dais étendent leurs ondulations parfumées d’herbes odorantes et parsemées des yeux de mille belles petites fleurs. Un très sombre vallon, de ses bois de rose unis musquée, entrelacés aux jasmins, envoie une odeur qui fait pâmer lame et invite à quelque plus ravissant mystère. À travers la vallée, Silence et Crépuscule, frères jumeaux, font leur veille de midi et voguent au milieu des ombres, comme des formes vaporeuses à moitié aperçues. Au delà une source aux lueurs sombres, et de l’eau la plus transparente, reflète tous les rameaux, enlacés au-dessus d’elle, et chaque feuille pendante, et chaque parcelle du ciel azuré qui perce à travers leurs vides ; et rien autre chose ne baigne son image dans le liquide miroir, que quelque belle étoile inconstante scintillant à travers le treillis du feuillage, ou un oiseau peint dormant sous la lune, ou un merveilleux insecte flottant immobile, inconscient du jour, avant que ses ailes aient déployé leurs splendeurs aux regards de midi.

Là arriva le poète. Ses yeux, à travers les lignes reflétées de sa maigre chevelure, aperçurent leur propre lumière pâle, distincte dans la noire profondeur de cette fontaine silencieuse ; comme le cœur humain, regardant en rêve le ténébreux tombeau, y voit sa perfide ressemblance. Il entendait le mouvement des feuilles, l’herbe qui poussait, frémissante, étonnée et tremblante de sentir une présence inaccoutumée : il entendait le bruit du doux ruisseau qui sortait des secrètes sources de cette sombre fontaine. Il lui semblait voir un Esprit se tenir près de lui. — Il n’était point revêtu des brillantes parures d’argent mat ou de lumière mystérieuse empruntées à ce que le monde visible peut offrir de grâce, de majesté ou de mystère ; mais il lui semblait que les bois onduleux, la vallée silencieuse, le ruisseau qui saute et le crépuscule du soir, qui en ce moment assombrissait encore la noirceur des ombres, prenaient la parole et conversaient avec lui, comme s’il n’existait autre chose au monde que ces objets et lui. Seulement… quand son regard fut aiguisé par l’intensité de la mélancolique rêverie, deux yeux étoiles le regardaient suspendus dans le crépuscule de sa pensée, et semblaient, de leurs sourires azurés et sereins, lui faire signe…

Obéissant à la lumière qui brillait dans son âme, il poursuivit sa course à travers les tournants de la vallée. Le ruisselet, capricieux et folâtre, par maint vert ravin, coulait sous la forêt. Quelquefois, il tombait sur la mousse, avec une harmonie sourde, sombre et profonde. Tantôt sur les pierres polies il dansait, liant, comme un enfant, à mesure qu’il allait ; puis à travers la plaine il rampait en de tranquilles détours, réfléchissant chaque herbe, chaque bouton languissamment suspendu sur son repos. — « Ô courant, à la source insondable, où vont tes eaux mystérieuses ? Tu es pour moi l’image de ma vie. Ton lugubre silence, tes vagues éblouissantes, tes gouffres bruyants et creux, ton impénétrable source et ton cours invisible, tout cela a son type en moi. L’immense ciel, et l’océan sans mesure peuvent révéler aussi facilement quelles cavernes bourbeuses ou quel nuage errant contiennent tes eaux, que l’univers peut dire où résident ces pensées vivantes, quand, étendus sur tes fleurs, mes membres desséchés se consumeront dans le vent qui passe ! »

Il approcha du bord uni du petit courant ; il imprima son pas tremblant sur la verte mousse, qui frémit violemment au contact de ses membres brûlants. Semblable à celui que chasse de sa couche fiévreuse quelque joyeux délire, il allait ; mais sans oublier, comme lui, le tombeau où il va descendre, quand la flamme de sa frêle exaltation sera épuisée. D’un pas rapide il s’avançait sous l’ombre des arbres, à côté du courant du capricieux et babillard ruisseau ; mais voici que les dais solennels de la forêt ont fait place à la lumière uniforme du ciel du soir. De gris rochers perçaient la mousse rare et refoulaient le ruisseau récalcitrant ; de hautes aiguilles de chaume projetaient leur ombre grêle sur le talus inégal, et seuls les troncs noueux d’antiques pins sans branches et flétris accrochaient au sol, malgré lui, leurs racines étreignantes. Il se fit alors un changement graduel et lugubre. De même qu’avec l’écoulement des rapides années, le front poli se ride, la chevelure devient rare et blanche et, là où brillaient des yeux étincelants comme la rosée, il n’y a plus que la lueur d’orbes pétrifiés ; de même sous ses pas les brillantes fleurs disparaissaient, ainsi que la belle ombre des verts bosquets, avec toutes leurs brises odorantes et leurs ondulations musicales. Calme, il suivait toujours le courant, qui maintenant avec un plus large volume roulait à travers le labyrinthe de la vallée, et là se frayait un chemin parmi les courbes descendantes avec sa rapidité d’hiver. De chaque côté maintenant s’élevaient des rocs, qui avec d’inimaginables formes dressaient leurs noirs et stériles sommets dans la lumière du soir ; et son précipice assombrissant le ravin s’ouvrait en haut, au milieu des pierres dégringolantes, des gouffres noirs et des cavernes béantes, dont les détours donnaient dix mille langues différentes au retentissement du torrent. Voyez ! à l’endroit où le défilé étend ses mâchoires de pierre, la montagne abrupte se brise et semble, avec ses rochers accumulés, se suspendre sur le monde ; car on voit se déployer au loin, sous les pâles étoiles et la lune déclinante, des mers peuplées d’îles, de bleues montagnes, de puissants fleuves, d’obscures et vastes régions baignant dans la lueur miroitante du soir couleur de plomb, et des sommets de feu mêlant leurs flammes au crépuscule sur le bord de l’extrême horizon. La scène voisine, dans sa simplicité nue et sévère, faisait un frappant contraste avec l’univers. Un pin, enraciné sur le roc, étendait dans le vide ses branches qui se balançaient, ne donnant à chaque souffle du vent capricieux, à chacune de ses pauses, qu’une seule réponse, dans la plus familière cadence, mêlant son chant solennel au hurlement du tonnerre et au sifflement des torrents vagabonds ; pendant que la large rivière, écumante et emportée dans son lit escarpé, tombait dans ce vide incommensurable, éparpillant ses eaux aux vents qui passent.

Cependant le gris précipice, et le pin solennel, et le torrent n’étaient pas tout ; il y avait encore là un coin silencieux. Au bord même de cette vaste montagne, soutenu par des racines noueuses et des rocs écroulés. il regardait d’en haut dans sa sérénité la sombre terre et la voûte courbée des étoiles. C’était un coin tranquille, qui semblait sourire au sein même de l’horreur. Un lierre s’accrochait aux fissures des pierres avec ses bras enlaçant, et enveloppait dans le berceau de ses feuilles éternellement vertes et de ses baies noires tout l’espace uni de son parquet non foulé ; et là les enfants du tourbillon d’automne faisaient voltiger en de folâtres ébattements ces brillantes feuilles dont les teintes expirantes, rouges, jaunes ou d’un pâle éthéré, rivalisent avec l’éclat des couleurs de l’été. C’est le rendez-vous de toutes les brises suaves, dont la douce haleine peut apprendre aux violents à aimer la paix. Un pas seul, un pas humain, a une fois rompu le silence de sa solitude ; une voix seule a inspiré ses échos ; la voix qui vint alors dans ces lieux, flottant sur les vents, y conduisit la plus adorable des formes humaines, pour faire de ce sauvage asile le dépositaire de toute la grâce et de toute la beauté qui revêtaient ses mouvements, pour lui livrer sa majesté, disperser sa musique dans l’ouragan insensible, et laisser aux humides feuilles et aux bleues moisissures des cavernes, nourrices des fleurs irisées et des mousses branchues, les couleurs de cette joue changeante, de cette poitrine de neige, de ces yeux noirs et étincelants.

La lune blafarde et cornue pendait bas, et versait sur le bord de l’horizon un océan de lumière qui inondait ses montagnes. Un brouillard jaune remplit l’atmosphère illimitée, et but la pâle clarté de la lune jusqu’à la satiété ; pas une étoile ne brillait, pas un bruit ne se faisait entendre ; les vents eux-mêmes, les farouches camarades de jeu du Danger, dormaient sur ce précipice, dans l’étreinte de son embrassement. — Ô ouragan de la Mort, dont le vol aveugle fend cette lugubre nuit ! Et toi, Squelette colossal, qui, toujours guidant son irrésistible course dans ta toute-puissance dévastatrice, es le roi de ce fragile monde ! Du rouge champ de carnage, de la vapeur ensanglantée de l’hôpital, de la couche sacrée du patriote, du lit de neige de l’innocence, de l’échafaud et du trône, une voix puissante t’appelle ! La Ruine appelle sa sœur la Mort ! En rôdant autour du monde elle t’a préparé une rare et royale proie ! Après t’en être repue, tu pourras te reposer, et les hommes iront à leur tombeau, comme les fleurs ou le ver rampant, et n’offriront plus jamais à son lugubre sanctuaire le tribut dédaigné d’un cœur brisé !

Quand sur le seuil de la verte retraite les pas du voyageur tombèrent, il comprit que la mort était sur sa tête. Encore un peu, avant qu’elle s’envolât, il abandonna son âme élevée et sainte aux images du majestueux passé, qui s’arrêtèrent alors dans son être passif, comme des brises qui apportent une douce musique, alors qu’elles soufflent à travers le treillis d’une chambre obscure. Il posa sa main maigre et pâle sur le tronc noueux du vieux pin ; sur une pierre revêtue de lierre il pencha sa tête languissante ; ses membres s’affaissèrent étendus sans mouvement, sur le bord uni de ce sombre gouffre ; et ainsi il gisait, livrant à leurs dernières impulsions les pouvoirs voltigeants de la vie… Espoir et Désespoir, les tortureurs, s’endormirent ; aucune peine, aucune crainte mortelle n’empoisonnait son repos ; les afflux des sens, et son propre être n’étant plus altérés par la peine, mais cependant de plus en plus faibles, entretenaient avec calme le courant de la pensée ; son souffle respirait la paix, et il souriait doucement. Sa dernière vision fut la grande lune qui, sur la ligne occidentale du vaste monde, suspendait ses puissantes cornes, et dont les bruns rayons semblaient s’entrelacer et se confondre avec l’obscurilé. La voilà maintenant qui s’arrête sur les sommets dentelés ; et au moment où la masse divisée du vaste météore disparut, le sang du poète, qui toujours battit dans une mystique sympathie avec le flux et le reflux de la Nature, s’affaiblit encore ; et quand les deux seuls points de lumière qui restaient s’amoindrirent et ne jetèrent plus qu’une lueur dans les ténèbres, le mouvement alterné de sa respiration épuisée agita à peine la nuit stagnante ; jusqu’au dernier moment où le plus faible rayon fut éteint, la pulsation resta dans son cœur. Puis elle s’arrêta, et voltigea… Mais, quand le ciel demeura tout à fait noir, les ombres ténébreuses enveloppèrent une image silencieuse, froide et sans mouvement, comme leur terre sans voix et leur air vide. Comme une vapeur nourrie de rayons d’or, assistant au coucher du soleil, jusqu’à ce que l’ouest l’éclipse, telle était cette merveilleuse forme, — ni sentiment, ni mouvement, ni divinité, — un luth fragile, sur les cordes harmonieuses duquel le souffle du ciel errait, — un brillant courant nourri naguère de vagues aux mille voix, — un rêve de jeunesse que la nuit et le temps avaient éteint pour toujours, — une forme maintenant silencieuse, enténébrée, desséchée, et dont on ne se souviendra plus !

Oh ! qu’est devenue la merveilleuse alchimie de Médée, qui, partout où elle agissait, faisait briller la terre de fleurs radieuses et exhalait des rameaux dépouillés par l’hiver le frais parfum des floraisons printanières ! Oh ! si Dieu, fécond en poisons, voulait nous abandonner le calice où a bu un seul homme vivant, qui aujourd’hui, vaisseau de l’immortelle colère, esclave qui ne sent pas l’immunité glorieuse dans la flétrissante malédiction qui l’accable, erre pour toujours sur le monde, solitaire comme la mort incarnée ! Oh ! si le rêve du sombre magicien dans sa caverne enchantée, fouillant les cendres d’un creuset pour y trouver la vie et la puissance, alors même que sa faible main tremble, dans sa dernière décrépitude, pouvait être la vraie loi de ce monde si digne d’amour ! — Mais, tu t’es envolé comme une frêle exhalaison que l’aube revêt de ses rayons d’or, ah ! tu t’es envolé ! toi le brave, le doux, le beau, l’enfant de la grâce et du génie !… Il y a toujours dans le monde des paroles et des actions sans cœur ; vers, bêtes et hommes continuent d’y pulluler ; et la puissante terre, de la mer et de la montagne, de la cité et du désert, le soir dans sa prière, basse ou … Mais toi, tu n’es plus ! Tu ne pourras plus étudier ou aimer les formes de cette scène fantastique, qui ont été pour toi les plus purs enseignements ! Elles existent encore, hélas ! Et toi tu n’es plus !… Sur ces lèvres pâles, si douces même dans leur silence, sur ces yeux, l’image du sommeil dans la mort, sur cette forme ; encore intacte de l’outrage du ver, qu’aucune larme ne soit versée, pas même en pensée ! Et quand ces teintes auront disparu, que ces divins linéaments consumés par le vent insensible ne vivront plus que dans les frêles accords de ce simple chant, qu’aucun vers altier pleurant la mémoire de ce qui n’est plus, qu’aucune douleur de la peinture ou de la sculpture, n’essaient dans de faibles images de faire parler leurs froides énergies ! Art et éloquence, toutes les ostentations du monde sont vaines et impuissantes à pleurer une perte qui change en ombre leurs lumières ! C’est une douleur « trop profonde pour les pleurs », quand tout disparaît à la fois, quand un esprit supérieur, dont la lumière embellissait le monde autour de lui, ne laisse à ceux qui restent, ni sanglots, ni gémissements, — tumulte passionné d’une espérance aux abois, — mais le pâle désespoir, et la froide tranquillité, la vaste machine de la Nature, la trame des choses humaines, la naissance et le tombeau… qui ne sont plus ce qu’ils étaient !



Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/109 PRÉFACE

Le poème que j’offre aujourd’hui au monde est un essai dont j’ose à peine attendre le succès, et dans lequel un écrivain d’une renommée déjà établie pourrait succomber sans déshonneur. C’est une expérience du tempérament de l’esprit public, en vue d’observer jusqu’à quel point les aspirations à une plus heureuse condition de la société morale et politique survivent, chez les hommes éclairés et raffinés, aux orages qui ont ébranlé l’âge où nous vivons. J’ai voulu faire servir l’harmonie du langage mesuré, les combinaisons éthérées de l’imagination, les rapides et subtils mouvements de la passion humaine, tous les éléments qui sont l’essence d’un poème, à la cause d’une morale libérale et compréhensive ; désireux surtout d’allumer dans le cœur de mes lecteurs un vertueux enthousiasme pour ces doctrines de liberté et de justice, cette foi et celte espérance dans le bien, que ni la violence, ni l’erreur, ni les préjugés ne peuvent jamais totalement éteindre dans l’espèce humaine.

Dans ce dessein, j’ai choisi pour sujet une histoire de passion humaine, dans son caractère le plus universel, mêlée d’aventures émouvantes et romantiques, et s’adressant, en dépit de toute opinion ou institution artificielle, aux sympathies communes à tout cœur humain. Je n’ai point essayé d’établir par arguments méthodiques et systématiques les mobiles moraux que je voudrais voir substituer à ceux qui maintenant gouvernent l’espèce humaine. Je ne veux qu’éveiller les sentiments : en sorte que le lecteur puisse voir la beauté de la vraie vertu et se sentir 106 OEUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

excité aux mêmes recherches qui m’ont amené à cette foi morale et politique, qui est aussi celle de quelques-uns des plus sublimes esprits du monde. Ce poème, à l’exception du premier chant, qui est une pure introduction, est donc narratif, non didactique. C’est une suite de tableaux où se déroulent : le développement progressif d'un esprit individuel aspirant à la perfection, et dévoué à l’amour de l’humanité ; ses efforts pour affiner et purifier les plus audacieuses et les plus singulières impulsions de l’imagination, de l’entendement et des sens ; son impatience de toutes les oppressions qui ont paru sous le soleil ; sa tendance à réveiller l’espérance publique, à enthousiasmer et améliorer l’espèce humaine ; les rapides effets de l'application de cette tendance ; le réveil d’une immense nation de l’esclavage et de la dégradation à un vrai sentiment de la dignité morale et de la libellé ; le détrônement non sanglant de ses oppresseurs, et la révélation des mensonges religieux qui l’avaient réduite en servitude ; la sérénité du patriotisme triomphant, l’universelle tolérance et bienveillance de la vraie philanthropie ; la déloyauté et la barbarie du soldat mercenaire ; le vice devenant l’objet non du châtiment et de la haine, mais de la bonté et de la pitié ; le caractère sans foi ni loi des tyrans ; la ligue des maîtres du monde et la restauration par les armes étrangères d’une dynastie expulsée ; le massacre et l’extermination des patriotes, et la victoire du pouvoir établi ; les conséquences du despotisme légal, guerre civile, famine, fléaux, superstition, et une complète extinction des affections domestiques ; le meurtre juridique des avocats de la liberté ; le triomphe temporaire de l’oppression ; le présage assuré de sa finale et inévitable chute ; le caractère transitoire de l’ignorance et de la teneur, et l'éternité du génie et de la vertu. Telle est la suite des esquisses qui composent ce poème. Si les passions élevées que j’ai eu pour but de développer dans ce récit n’excitent pas dans le lecteur une généreuse impulsion, une soif ardente de la perfection, un intérêt fort et profond pour un but si élevé. il ne faudra pas en imputer la faute LAON ET CYTHNA 107

à une incapacité naturelle de la sympathie humaine en face de des thèmes sublimes et encourageants. C’est l’affaire du poète de communiquer aux autres le plaisir et l’enthousiasme résultant de ces images et de ces sentiments, dont la vivante présence dans son propre esprit est à la fois son inspiration et sa récompense.

La terreur panique, qui, durant les excès inséparables de la Révolution française, s'était répandue comme une frénésie épidémique sur toutes les classes de la société, fait place insensiblement à un état plus sain des esprits. On a cessé de croire que toutes les générations de l’espèce humaine doivent se résigner à l’héritage désespéré de l’ignorance et de la misère, parce qu’une nation qui avait été dupe et esclave pendant des siècles s’est montrée incapable de se conduire avec la sagesse et le calme d’hommes libres, le lendemain du jour où elle avait vu tomber quelques-unes de .ses chaînes. Que sa conduite n’ait pu se signaler par d’autres caractères que la férocité et l’insanité, c’est là un fait historique dont la liberté tire toute sa justification, et le mensonge toute sa laideur. Il y a dans la marée des choses humaines un reflux qui porte les espérances naufragées des hommes dans un port assuré, quand la tempête est passée. Il me semble que ceux qui vivent aujourd’hui survivent à un âge de désespoir.

La Révolution française peut être considérée comme une des manifestations de ce malaise produit dans les sociétés civilisées par un défaut d’harmonie entre le progrès de la science, d’un côté, et celui qui doit résulter de la graduelle abolition des institutions politiques, de l’autre. L’année 1789 a été la date d’une des crises les plus considérables produites par ce malaise. Les sympathies qui se rattachaient à cet événement se sont fait sentir à tout cœur humain. Les plus généreuses et les plus aimantes natures y ont pris la plus large part. Mais on en attendait un tel résultat de bien sans mélange, qu’il était impossible de le voir réaliser. Si la Révolution avait complètement réussi, alors la tyrannie et la superstition auraient perdu à demi leurs droits à 108 OEUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

noire haine, comme des fers que le captif peut briser du plus léger mouvement de ses doigts, et qui ne rongent pas rame de leur rouille empoisonnée. La répulsion, occasionnée par les atrocités des démagogues et par le rétablissement dune succession de tyrannies en France, a été terrible, et s’est fait sentir jusqu’aux coins les plus reculés du monde civilisé. Mais, pouvaient-ils donc écouter les conseils de la raison, ceux qui avaient si longtemps gémi sous les malheurs d’un état social qui, pendant que les uns regorgent et jouissent, condamne les autres à mourir de faim faute d'un morceau de pain ? Celui qui la veille encore n’était qu’un esclave foulé aux pieds pouvait-il donc devenir tout à coup un esprit libéral, modéré, et indépendant ? Un tel résultat ne peut être que la conséquence des habitudes dun état de société, produit par une persévérance résolue, une infatigable espérance, un courage soutenu dune longue patience et d'une longue foi, les efforts systématiques de plusieurs générations d'hommes d’intelligence et de vertu. Telle est la leçon que nous enseigne aujourd’hui l’expérience. Mais, dès les premières déceptions de cet espoir dans le progrès de la liberté française, l’aspiration exaltée vers le bien dépassa la solution de ces problèmes, et s’éteignit pour un temps dans l'imprévu du résultat. C’est ainsi que beaucoup des plus ardents, des plus tendres adorateurs du bien public ont été complètement démoralisés par un résultat qu'une vue incomplète des événements qu’ils déploraient

leur représentait comme le mélancolique anéantissement 

de leurs plus chères espérances. De là cette sombre misanthropie qui est devenue le caractère dominant de l’âge où nous vivons, la consolation d’un désappointement qui, sans en avoir conscience, ne trouve de soulagement que dans l’opiniatre exagération de son propre désespoir. Cette influence s’est fait sentir à la littérature de noire temps tout imprégnée de la désespérance des esprits où elle a sa source. La métaphysique (1), les recherches de la science

1 Je dois on excepter les Questions académiques (1805, in-4) de Sir W. Drummond, un livre de sagace et puissante critique métaphysique.S.

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morale el politique, ne sont plus guère que de vaines tentatives 

pour ressusciter de vieilles superstitions, ou des sophismes comme ceux de M. Malthus (1), destinés à bercer les oppresseurs de l'humanité dans la sécurité d’un éternel triomphe. La même ombre délétère s’étend sur nos ouvrages de fiction et de poésie. Mais l'humanité me semble prête à sortir de sa torpeur. Je crois pressentir un changement graduel, lent, silencieux. C’est dans cette croyance que j’ai composé ce poème.

Je n’ai pas la présomption de vouloir entrer en lice avec nos grands poètes contemporains. Cependant je ne suis disposé à marcher sur les traces d’aucun de ceux qui m’ont précédé. J’ai voulu éviter limitation de toute forme de langage ou de versification particulière aux esprits originaux dont elle est le caractère ; de telle sorte que, quel que soit le mérite de mon œuvre, elle soit proprement mienne. Je ne me suis même permis, à l’égard de la pure diction, aucun système de nature à distraire l'attention du lecteur de l'intérêt tel quel que je puis avoir réussi à créer, en rattachant à l’habileté que j’aurais mise à le dégoûter selon les règles de la critique. J’ai simplement revêtu ma pensée du langage qui ma semblé le plus naturel et le mieux approprié au sujet. Quand on est familiarisé avec la nature et avec les plus célèbres productions de l’esprit humain, il est difficile de se tromper, en suivant, par rapport au choix du langage, l’instinct produit par cette familiarité. II y a une éducation spécialement faite pour le poète, sans laquelle le génie et la sensibilité pourraient difficilement développer tout le cercle de leurs capacités. Aucune éducation, il est vrai, ne suffirait à faire un poète d’un esprit lourd et dénué d’observation, ni même d’un esprit observateur et intelligent, mais chez qui seraient obstrués et

(I) Il faut remarquer, comme un symptôme de la renaissance des espérances publiques, que M. Malthus, dans la dernière édition de sou ouvrage, reconnaît à la loi morale un empire illimité sur le principe de population. Cette concession répond à toutes les conséquences défavorables au perfectionnement humain que l’on pouvait tirer de sa doctrine, et réduit l’Essai sur la population à n'être plus qu’un commentaire explicatif de l’irréfutable Justice politique. S.

Rabbe. I- — "^

110 œUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

fermés les canaux de communication entre la pensée et l’expression. Jusqu’à quel point puis-je appartenir à l’une ou à l’autre de ces deux classes, je ne sais. J’aspire au moins à être quelque chose de mieux. Les circonstances accidentelles de mon éducation ont été favorables à celte ambition. Dès mon enfance j’ai été l’hôte familier des montagnes et des lacs, delà mer et des forêts solitaires ; le danger, qui se joue au bord des précipices, a été mon compagnon de jeux. Jai foulé les glaciers des Alpes, et vécu sous le regard du mont Blanc. J’ai erré dans les pays lointains. J’ai descendu les grands fleuves ; j’ai vu se lever et se coucher le soleil, et les étoiles briller au ciel, pendant que je voguais nuit et jour emporté par un rapide courant entre une double ligne de montagnes. J’ai vu de populeuses cités, j’ai observé comment les passions se soulèvent, se répandent, s'étouffent et se transforment, dans les multitudes assemblées. J’ai vu le théâtre des plus sensibles ravages de la tyrannie et de la guerre, des cités et des villages réduits à quelques groupes dispersés de maisons noircies et sans toits, et les malheureux habitants allâmes et nus sur leurs seuils désolés. J’ai conversé avec les hommes de génie mes contemporains. La poésie de l’ancienne Grèce et de Rome, de l'Italie moderne et de mon propre pays, a été pour moi, comme la nature elle-même, une passion et une volupté. Telles sont les sources dont j’ai tiré les matériaux des images de mon poème. J’ai considéré la poésie dans son acception la plus compréhensive ; j'ai lu les poètes, les historiens et les métaphysiciens (1) dont les ouvrages m’ont été accessibles, et j’ai contemplé la belle et majestueuse scène de l’univers, comme autant de sources communes des éléments que le poète est appelé à combiner et à faire vivre. Cependant l’expérience et les sentiments dont je parle ne font pas proprement de l'homme un poète, mais le préparent seulement à être l’auditeur de

(1) En ce sens il peut y avoir une certaine perfectibilité dans les oeuvres de fiction, malgré l’opinion souvent exprimée par les avocats du progrès humain, que la perfectibilité est un terme qui ne peut s’appliquer qu’à la science. S.

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ceux qui le sont. Jusqu’à quel point trouvera-t-on que je possède le plus essentiel attribut de la poésie, c’est-à-dire, le pouvoir d'éveiller dans les autres des sensations semblables à celles qui m’animent moi-même ? C’est ce que, pour parier en toute sincérité, je ne sais pas ; et ce que, avec un esprit docile et résigné, je m’attends à apprendre de l’effet que je produirai sur ceux à qui je m’adresse.

J’ai évité, ainsi que je l’ai déjà dit, d’imiter aucun style contemporain. Mais il doit y avoir entre tous les écrivains d’un même siècle une ressemblance indépendante de leur propre volonté. Ils ne peuvent échapper à la commune influence qui est le résultat d’une infinie combinaison de circonstances appartenant au temps où ils vivent : quoique chacun soit en un certain degré l’auteur de l’influence même qu’il subit. C’est ainsi que les poètes tragiques du temps de Périclès, les auteurs italiens de la Renaissance, les puissants esprits qui surgirent chez nous après la Réforme, les traducteurs de la Bible, Shakespeare, Spenser, les dramatistes du règne d’Elisabeth, lord Bacon (1), les esprits plus froids de l’époque qui suivit, nous présentent tous, au milieu de toutes leurs dissemblances, de grandes analogies entre eux. A ce point de vue, Ford ne peut pas plus être appelé l’imitateur de Shakespeare, que Shakespeare l’imitateur de Ford. Il y eut peut-être entre ces deux hommes quelques points de ressemblance autres que ceux produits par la générale et inévitable influence de leur siècle. Celle-ci est une influence à laquelle le plus petit écrivailleur ni le plus sublime génie ne peuvent se soustraire : je n’ai pas essayé d’y échapper.

J’ai adopté la stance de Spenser (un rythme d’une inexprimable

beauté), non parce que je la considère comme un 

modèle plus achevé de l’harmonie poétique que le vers blanc de Shakespeare et de Milton, mais parce que dans ce dernier il n’y a pas d’abri pour la médiocrité ; il faut réussir ou échouer. Un esprit ambitieux l’eût peut-être tenté. Mais j’étais aussi attiré par l’éclat et la magnificence

(.1) Bacon domine seul le siècle qu’il a éclairé. S.

112 OEUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

de son qu'un esprit nourri de pensées musicales peut produire par le juste el harmonieux arrangement des repos de cette mesure. On pourra cependant trouver quelques endroits où j'ai complètement échoué dans cette tentative ; un entre autres que je prie le lecteur de considérer comme un erratum, celui où j'ai très étourdiment laissé un alexandrin dans le milieu dune stance (1).

Mais sous ce rapport comme sous tous les autres j’ai écrit sans crainte. C’est le malheur de ce siècle que ses écrivains, trop oublieux de l’immortalité, sont excessivement sensibles à un éloge ou à un blâme passager... Ils écrivent avec la crainte des revues devant les yeux. Ce système de critique a surgi à une époque d’interrègne et d’engourdissement où la poésie n’existait plus. La poésie el l’art qui prétend régler el limiter ses pouvoirs ne peuvent subsister ensemble. Longin n’aurait pas pu être le contemporain d’Homère, ni Boileau celui d’Horace. Cependant cette espèce de critique n’a jamais eu la présomption de donner ses appréciations comme venant de son propre fonds ; elle a toujours, différente en cela de la vraie science, suivi et non précédé l’opinion du public, et même aujourd’hui elle voudrait, à force de lâches adulations, amener quelques-uns de nos plus grands poètes à imposer gratuitement des entraves à leur propre imagination, et à devenir les complices inconscients de l’immolation quotidienne de tout génie moins ambitieux ou moins heureux que le leur. J’ai donc essayé d’écrire (comme je crois qu'écrivait Homère, Shakespeare et Milton), avec un entier dédain de la censure anonyme. Je suis certain que la calomnie et le travestissement des pensées, quelque compassion qu’ils puissent m’inspirer, ne peuvent troubler mon repos. Je comprendrai le silence significatif de ces habiles ennemis, " qui n’osent pas se risquer à parler. » J’essaierai de tirer, du milieu des insultes, du mépris et des malédictions, les conseils qui peuvent concourir à corriger les imperfections que de semblables censeurs auront découverts dans ce premier

(1) Rossetti signale trois exemples de cette même négligence : ch. IV, st. 27 ; (ch. VIII,st27 ; ch. IX. st 36.

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appel sérieux au public. Si certains critiques étaient aussi clairvoyants qu'ils sont méchants, quels bénéfices ils auraient à s’abstenir de leurs violentes diatribes ! En tout cas, je crains d'être assez malicieux pour m'amuser de leurs piètres finesses et de leurs boiteuses invectives. Si le public juge que ma composition est sans mérite, je m’inclinerai devant le tribunal dont Milton a reçu sa couronne d’immortalité ; et je m’appliquerai, si je vis, à puiser de nouvelles forces dans cet échec même, pour m’exciter à une nouvelle entreprise poétique qui ne soit plus sans mérite. Je ne saurais m’imaginer que Lucrèce, quand il méditait ce poème dont les doctrines sont encore la base de notre science métaphysique, et dont l’éloquence a été l’admiration des hommes, ait écrit sous l’appréhension de la censure que quelques sophistes soudoyés par l'impure et superstitieuse noblesse de Rome pourraient infliger à ses écrits. Ce fut à cette période où la Grèce était réduite en servitude, et l'Asie rendue tributaire par une République qui elle-même marchait à grands pas à l’esclavage et à la ruine, ce fut à cette époque que l’on vit une multitude de captifs syriens, sectateurs fanatiques de l’obscène Astaroth, et les indignes successeurs de Socrate et de Zenon trouver une subsistance précaire, en servant, sous le nom d’affranchis, les vices et les vanités des grands.

Ces malheureux furent habiles à plaider, avec force sophismes superficiels, mais plausibles, en faveur de ce mépris de la vertu qui est le propre des esclaves, et de la foi aux prodiges (le plus fatal écueil pour la bienveillance dans l’imagination des hommes), de cette foi qui, née dans les communautés d’esclaves de l’Orient, commença pour la première fois à entraîner dans son courant les nations occidentales. Et la désapprobation d’une telle race d'hommes aurait pu inspirer au sage et sublime Lucrèce une salutaire terreur ! Les derniers et peut-être les plus infimes de ceux ([ui suivent ses traces n’accepteraient pas de vivre dans de telles conditions.

La composition de ce poème ne m’a guère coûté que six mois de travail. Mais j’ai consacré à cette tâche une 114 OEUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

ardeur et un enthousiasme sans repos. A mesure qu’il sortait de mes mains, mon ouvrage était pour moi l'objet d'une critique attentive et ardente. J’aurais voulu ne le lancer dans le monde qu’avec cette perfection qu'un long travail et une longue révision, dit-on, peuvent donner. Mais j’ai trouvé que, si avec cette méthode je pouvais gagner quelque chose en exactitude, je m’exposais à faire perdre à mon ouvrage beaucoup de cette fraîcheur et de cette énergie d’images et de langage, telle qu’elle découlait dun premier jet de mon esprit. Mais, si la pure composition n’a pas occupé plus de six mois, il faut dire que les pensées qui y sont réunies ont été lentement amassées pendant de nombreuses années.

J’aime à croire que le lecteur voudra bien distinguer soigneusement les opinions qui offrent un caractère dramatique en rapport avec les personnages qu’ils doivent expliquer de celles qui me sont particulièrement personnelles. Ainsi, par exemple, j’attaque ; l’idée erronée et dégradante que les hommes se sont faite de l'Être suprême, mais non l’Être suprême lui-même. La croyance que quelques personnes superstitieuses que j’ai mises en scène entretiennent de la Divinité, croyance injurieuse à sa bonté, diffère totalement de la mienne. En appelant aussi un grand et radical changement dans l’esprit qui anime les institutions sociales de l’humanité, j’ai évité de flatter ces passions violentes et méchantes de notre nature qui sont toujours aux aguets pour mêler leur alliage impur aux plus bienfaisantes innovations. Il n’y a pas place ici pour la vengeance, l’envie ou le préjugé-. Partout l'amour y est célébré comme la seule loi qui doive gouverner le monde moral.

Dans la conduite personnelle de mon héros et de mon héroïne, il y a une circonstance destinée à réveiller le lecteur de l’extase de la vie ordinaire. Je me suis proposé de briser la croûte de ces opinions usées d’où dépendent les institutions établies. J’ai donc fait appel au plus universel de tous les sentiments, el j’ai essayé de fortifier le sens moral en l’empêchant de consumer ses énergies en cherchant à éviter des actions qui ne sont que des crimes de LAON ET CYTHNA 115

convention. C’est parce qu’il y a trop de vices artificiels qu’il y a si peu de réelles vertus. Les sentiments seuls de bienveillance ou de malveillance constituent l’essence du bien ou du mal. La circonstance dont je parle, toutefois, n’a été introduite que pour accoutumer les hommes à cette charité et à celte tolérance qui doit trouver son encouragement dans l’exhibition d'une pratique tout à fait différente de la leur (1). Rien en vérité ne serait plus funeste que beaucoup d’actions, innocentes en elles-mêmes, qui pourraient attirer sur les individus le mépris superstitieux et la fureur de la multitude.

(1) Les sentiments caractéristiques de cette circonstance ou ceux qui s’y rattachent n’ont aucun rapport personnel à l’auteur. (Shelley).

Cette circonstance est celle du lien fraternel qui unit les deux héros du poème, les deux amants, Laon et Cythna ; Shelley dut, bien malgré lui, faire disparaître dans l’édition définitive toute trace de cette fraternité ; nous traduisons ici l’édition primitive, telle qu’elle est sortie des mains du poète, nous contentant d’indiquer en note les variantes qui lui furent imposées dans la nouvelle édition qui a pour titre : la Révolte de l’Islam. Voir à ce sujet notre Étude sur Shelley, qui accom pagne cette traduction.

DEDICACE

MARY WOLLSTONECRAFT SHELLEY

"II n’y a aucun danger pour un homme qui sait ce que c’est que la vie et la mort ; il n’y a aucune lui au-delà de fa science ; il ne lui est pas permis d’en reconnaître aucune autre."

(Chapman.)

I

Ma tâche de l'été est achevée, Mary, et je reviens à toi, véritable foyer de mon cœur ; comme vers sa reine quelque chevalier de féerie vainqueur, rapportant de brillantes dépouilles à son château enchanté. Et tu ne dédaignes point qu’avant que ma renommée devienne un astre parmi les astres de la mortelle nuit (si toutefois elle peut percer son obscurité native), je veuille unir ses douteuses promesses à ton nom aimé, toi, enfant de l’amour et de la lumière.

II Le travail qui t'a dérobé tant d'heures est achevé, — le fruit en est à tes pieds. Ou ne me verra pas plus longtemps là où les bois marient leurs branches entrelacées pour former un berceau, où avec un bruit semblable à mille douces voix les chutes d’eau bondissent à travers de sauvages îles vertes, formant à mon bateau solitaire une solitaire retraite d’arbres moussus et d’herbes... Me voici près de toi, où mon cœur n'a cessé d’être.

LAON ET CYTHNA 117

III

Des pensées de grandes actions furent les miennes, chère amie, quand pour la première fois passèrent les nuages qui enveloppent ce monde aux yeux de la jeunesse. Je me rappelle fort bien l'heure où se dissipa le sommeil de mon esprit. C’était un frais matin de mai ; je me promenais sur l'herbe étincelante, et je pleurais, je ne savais pourquoi ; lorsqu’il s’éleva de la chambre d’école voisine des voix qui, hélas ! n’étaient que l’écho d’un monde de douleurs, l’âpre et discordante mêlée de tyrans et d’ennemis.

IV

Et alors, serrant les mains, je regardai autour de moi ; mais il n’y avait personne à mes côtés pour se moquer de mes yeux ruisselants, qui versaient leurs gouttes brûlantes sur la terre ensoleillée. Aussi, sans honte, je m’écriai : « Je veux être sage, juste, libre et doux, si ce pouvoir est en moi ; car je suis las de voir l’égoïste et le fort tyranniser toujours sans reproche et sans frein.» Alors je maîtrisai mes larmes, mon cœur se calma, et je fus doux et hardi.

V Et depuis cette heure, avec une pensée ardente, je me mis à puiser la science aux mines défendues du savoir ; sans me soucier de rien apprendre de ce que savaient ou enseignaient mes tyrans, de ce secret trésor je fis une solide armure pour mon âme, avant qu’elle pût marcher en guerre au milieu des hommes. Ainsi force et espérance s’affermirent de plus en plus en moi, jusqu’au jour où surgit dans mon âme le sentiment de ma solitude, une soif qui me fit languir.

7*

118 OEUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

VI

Hélas ! cet amour serait-il un fléau et un piège pour ceux qui chercheraient toutes les sympathies en une seule ? — Je la cherchai autrefois en vain ! Alors un sombre désespoir, l'ombre d’une nuit sans étoiles, se répandit sur le monde où je me mouvais seul... Pas un être qui pour moi ne fût trompeur ; partout cœurs durs et froids, semblables à des monceaux de pierre, de glace qui écrasaient et desséchaient le mien,.., mon cœur ne pouvait être qu’une motte de terre inanimée, jusqu’à ce qu’il fut ranimé par toi !

VII

Amie, dont la présence sur mon cœur flétri par l’hiver est tombée connue un resplendissant printemps sur une plaine sans herbe, que tu étais belle et calme et libre dans ta jeune sagesse, quand tu brisais et faisais voler en éclats la mortelle chaîne de la Coutume , et que tu marchais aussi libre que légère au milieu des nuages, que plus d’un esclave envieux exhalait en vain du fond de son obscure prison ; et mon Ame s’élança, pour te rencontrer, du sein des douleurs qui l’avaient si longtemps retenue captive !

VIII

Dès lors je ne voyageai plus seul à travers le désert du monde, où cependant j’ai foulé des sites d’une sublime conception ; je ne visitai plus sans compagnon les lieux où la solitude est comme le désespoir. C'est l'austère satisfaction de la sagesse, quand la Pauvreté peut flétrir de son atteinte le juste et le bon, quand l'infamie ose se moquer de l'innocent, et que des amis chéris se mettent du côté de la multitude pour le fouler aux pieds LAON ET CYTHNA 119

Ce fut notre sort , et nous tînmes bon , sans être ébranlés.

IX

Maintenant est descendue une heure plus sereine, et, avec la fortune inconstante, les amis reviennent ; quoique celui qui souffre laisse dire à la science et à la force : « Ne paie pas le mépris par le mépris »... Et de ton flanc deux charmants enfants sont nés, pour remplir notre home de sourires, et ainsi nous marchons, les plus fortunées des créatures, sous le matin rayonnant de la vie ; et ces délices, et toi-même, telle est la source de ce Chant que je te consacre.

X

Mes doigts inexpérimentés ne vont-ils aujourd’hui qu’essayer le prélude d’accords plus élevés ? Ou bien la lyre où mon esprit repose doit-elle bientôt s’arrêter silencieuse, pour ne plus résonner jamais, quoiqu’elle puisse ébranler le règne anarchique de la Coutume et charmer les esprits des hommes aux accords mêmes de la Vérité, plus sainte que la lyre d’Amphion lui-même ?... Je voudrais bien répondre par des paroles d’espérance. — Mais je suis usé, consumé, et la Mort et l’Amour se disputent leur proie !

XI

Et toi, qu’es-tu ? Je le sais, mais je n’ose le dire ; le temps peut le révéler à ses années silencieuses. Cependant dans la pâleur de ta joue pleine de pensée, dans la lumière où ton large front se consume , dans tes si doux sourires, dans tes pleurs, dans ton gracieux langage, j’entends murmurer une prophétie, qui 120 OEUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

triomphe de mes craintes les plus folles ; et à travers tes yeux, dans les profondeurs de ton âme, je vois brûler intérieurement une lampe de vestale.

XII

On dit que tu fus digne d’amour dès ta naissance, de parents glorieux ambitieuse enfant (l). Je ne m'en étonne pas. — Elle a quitté cette terre, celle dont la vie fut comme une douce planète qui se couche, et qui te revêtit du pur rayonnement de sa gloire mourante ; sa renommée brille toujours sur toi, à travers les noires et sauvages tempêtes, qui viennent d'ébranler ces derniers jours ; et tu peux réclamer de ton père l’abri d’un nom immortel (2).

XIII

Une voix s’est fait entendre venant de maint esprit puissant, une voix qui était l’écho de trois mille ans ; et le monde tumultueux en l'entendant resta muet, comme un homme solitaire qi dans un désert entend la musique de sa patrie ; — des terreurs inaccoutumées tombèrent sur les pâles oppresseurs de notre race, et Foi, et Coutume, et les bas et vils soucis, comme des dragons frappés du tonnerre, abandonnèrent pour un temps le cœur humain déchiré, leur pâture et leur domicile.

(1) La mère de Mary Shelley était cette fameuse Mary Wolls- tonecraft, qui prit si chaleureusement en main la cause de l' émancipation des femmes ; elle avait épousé W.Godwin, et était morte en donnant le jour à cette Mary, qui devait devenir la femme bien-aimée de Shelley. Voir notre étude sur Shelley. (2) William Godwin, l'auteur célèbre de la Justice politique.

LAON ET CYTHNA 121

XIV

L’immortelle voix de la Vérité s’arrête parmi les hommes !... Quand il ne devrait y avoir aucune réponse à mon cri, quand même les hommes devraient se lever et fouler aux pieds, avec une aveugle furie, le pur nom de celui qui les aime, — toi et moi, douce amie, nous pouvons briller dans notre sérénité, comme des lampes dans la nuit orageuse du monde, — deux tranquilles étoiles, au milieu des nuages qui en passant les ravissent à la vue du marin sombrant , deux étoiles rayonnant d’année en année d’une inextinguible lumière.

CHANT PREMIER

I

Quand la dernière espérance de la France écrasée fut tombée comme un court rêve de passagère gloire, fuyant les visions de désespoir, je me levai, et escaladai le sommet d’un promontoire aérien, dont la base caverneuse blanchissait sous la houle agitée ; et je vis l’aube d’or jaillir et réveiller chaque nuage et chaque vague ; — mais le calme ne dura qu’un instant : car tout à coup la terre fut secouée, comme si sa masse était surprise par le dernier cataclysme.

II

Comme je me tenais debout, un coup de tonnerre retentissant éclata en grondements lointains le long de l’abîme sans vagues ; et se réunissant rapides dans toutes les directions, de longues trainées de brumes tremblotantes se mirent à ramper, jusqu’au moment où leurs lignes s’emmêlant plongèrent le soleil levant dans l'ombre ; — on n’entendait pas un son ; un horrible repos régnait sur les forêts et les flots, et, tout à l'entour, des ténèbres plus terribles que la nuit se répandaient sur la terre.

LAON EY CYTHNA 123

III

Ecoutez ! C’est le sifflement d’un vent qui balaie la terre et l’Océan ! Voyez ! les éclairs entrouvrent le ciel d’où tombe un déluge d’eau et de feu, pendant qu’au-dessous les abîmes fouettés étincellent et bouillonnent ! La tempête continue de faire rage : impétueux torrent, trombes et vagues bouleversées, éclair et grêle, et ténèbres tourbillonnantes ! — Il se fait une pause. — Les oiseaux de mer, qui s’étaient retirés dans leurs cavernes pour crier, sortent pour voir quel calme est tombé sur la terre, quelle lumière brille dans le ciel !

IV

Car, à l’endroit où l’irrésistible ouragan a déchiré ces ténèbres pleines d’épouvante, on voyait un coin de ciel bleu, découpé d’une multitude de beaux nuages très délicatement entrelacés ; et le vert Océan, sous cette ouverture de bleu pur, frémissait comme une émeraude enflammée. Partout en bas le calme était répandu ; mais bien loin en haut, entre la terre et l’air supérieur, les vastes nuages fuyaient, innombrables et rapides comme les feuilles dispersées par une tempête d’automne.

V

Et toujours, à mesure que la lutte devenait plus furieuse entre les tourbillons et les nuages d’en haut qui fuyaient, l’ouverture devenait de plus en plus sereine ; la lumière bleue perçait la trame de ces nuages blancs, qui semblaient couchés au loin, profonds et immobiles ; pendant qu’à travers le ciel le pâle demi-cercle de la lune passait dans sa lente et mobile 124 OEUVRES POÉTIQIES DE SHELLEY

majesté ; sa corne supérieure était encore revêtue de brouillards, qui bientôt mais lentement s’enfuirent, comme la rosée sous les rayons de midi.

VI

Je ne pouvais m’empècher de regarder ; il y avait une fascination dans celte lune, dans ce ciel et ces nuages, qui entraînait mon imagination, et, dans l'attente de quelque chose que je ne connaissais pas, je restais immobile. La blancbeur de la lune, au milieu du ciel si bleu, tout à coup apparut souillée d'ombre ; une tache, un nuage, une forme grossissait en s’approchant, comme un grand navire dans la sphère du soleil couchant qu’on aperçoit de loin sur la mer, et fut bientôt tout près.

VII Comme une barque, qui au sortir d’un gouffre de montagnes sombres, vastes et surplombantes, s’avance sur une rivière réunissant là toute la force de ses sources, et frémit sous la rapidité de sa course à laquelle contribuent voiles, lames et courant ; ainsi, de cet abîme de lumière, une forme ailée, portée sur tous les vents du ciel, flottait, approchant toujours, et se dilatant à mesure quelle avançai ! ; l’ouragan la poursuivait de ses coups de vent furieux, de ses éclairs rapides et brûlants.

VIII

Une course précipitée, d'une rapidité vertigineuse, suspendant la pensée et la respiration ! Un monstrueux spectacle !... Je vis dans l’air un Aigle et un Serpent combattant enlacés... Dans ce moment, relâchant son vol impétueux devant le roc aérien où je me tenais LAON ET CYTHNA 125

debout l'Aigle, planant, tournoya à gauche et à droite et, ses ailes étendues, resta suspendu sur les eaux, faisant tressaillir de ses cris la vaste solitude de l’air.

IX

Un trait de lumière descendit sur ses ailes, et chacune de ses plumes d’or étincela — plume et écaille inextricablement confondues. Les mille nuances de la cuirasse du Serpent brillaient à travers les plumes ; ses anneaux se tordaient en mille replis gonflés et noueux ; son cou élevé, mince et souple, rejeté en arrière, supportait sa tête crêtée, qui prudemment s’agitait et lançait des coups d’œil furtifs sous le regard fixe de l'Aigle.

X

Tournant dans des cercles sans fin et faisant retentir l’air du bruit de ses ailes et de ses cris, l'Aigle volait toujours, tantôt dérobant dans les hauteurs ses circuits presque invisibles, tantôt, comme s’il tombait, glissant dans l'air : ses cris étaient de plus en plus déchirants, et rejetant en arrière sa tète ardente, du bec et des serres il harcelait sans relâche le Serpent entrelacé, qui cherchait toujours à faire une blessure mortelle au cœur de son ennemi.

XI

Quelle vie, quelle puissance, quelle ardeur, éclatait dans la sphère de cet effroyable combat ! Du choc de ces prodigieux ennemis, une vapeur se forma et resta suspendue dans l’air, comme sur les flots l'embrun de la mer ; bien loin dans le vide, flottaient les plumes dispersées ; les brillantes écailles jaillissaient sous les 126 œUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

atteintes des serres de l’Aigle, comme des étincelles dans les ténèbres ; sur leurs traces le sang tache l’écume de neige du tumultueux abîme.

XII

Les chances se succèdent avec rapidité dans ce combat ; nombreuses alternatives de victoires et de défaites, une noire et sauvage mêlée ! Quelquefois le Serpent parvient à étreindre le cou de son ennemi dans les rigides anneaux de sa corde de diamant, jusqu’à ce que l'Aigle, affaibli par la souffrance et la fatigue, relâche son vol puissant et flotte languissamment près de la mer, désespérant de venir à bout de son adversaire, qui alors lève sa croie rouge et enflammée, rayonnant de sa victoire.

XIII Alors sur le bord blanchissant de la vague entr ’ouverte, où ils sont tombés ensemble, le Serpent voudrait relâcher son étreinte étouffante, et fouetter le vent de ses sauvages anneaux ; et pour briser la chaîne de son tourment, le vaste oiseau voudrait secouer la force de ses invincibles ailes, et, par un effort désespéré de son cou musculeux, rompre d’un choc soudain les anneaux qui l’enchaînent, puis prendre son essor avec la rapidité de la fumée qui s’échappe d’un volcan.

XIV

La ruse déjouait la ruse, et la force résistait à la force, dans un long, mais indécis combat. Enfin cette lutte prodigieuse trouva son terme. Elle dura jusqu’à ce que la lampe du jour fût tout à fait éteinte : alors, épuisé, raidi, déchiré, ce puissant Serpent resta suspendu sur LAON ET CYTHNA 127

l’abîme, puis enfin tomba dans la mer, tandis qu’au-dessus du continent, avec un bruit d’aile et un cri, l’Aigle passait, porté lourdement sur le vent épuisé.

XV

Cependant la tempête s’était enfuie ; l’Océan, la terre et le ciel brillaient de nouveau à travers l’atmosphère. Seulement, c’était un spectacle étrange de voir les vagues rouges s’agiter, comme des montagnes, sur la sphère du soleil couchant qui s’enfonçait, et d’entendre leur furieux rugissement au milieu du calme. Je descendis de ce lieu escarpé au rivage de la mer. — Le soir était clair et splendide, et là je trouvai la mer calme comme un enfant au berceau plongé dans un sommeil sans rêve.

XYI

Il y avait là une femme, belle comme le matin, assise au pied des rochers sur le sable de la mer désolée — belle comme une fleur qui pare un désert de glace. Ses délicates mains étaient croisées sur son sein, et le lien qui retenait sa noire chevelure était tombé, et elle était ainsi assise, regardant les vagues. Sur la plage nue à la limite de la mer, une petite embarcation attendait, belle comme elle, semblable à l’Amour abandonné par l’Espérance et désolé.

XYII

Il semblait que cette belle forme avait suivi les péripéties de cet inimaginable combat, et que maintenant ces tendres yeux étaient fatigués du soleil, dont la lumière éclairait brutalement sa douleur ; car on voyait son éclat suspendu dans les larmes qui ne cessaient 128 OEUVRES POÉTIQUES DE SIIELLEV

de couler silencieusement. Guettant les festons d’écume tissés par la marée affaiblie sur le sable pailleté, elle gémissait profondément, et à chaque gémissement portait son regard sur la mer.

XVIII

Et, quand elle vit le Serpent blessé plonger dans les vagues, ses lèvres pâlirent, s'entr'ouvrirent et tremblèrent ; les larmes cessèrent de couler de ses yeux imperturbables ; aucun accent de plainte ; m ; lui échappa plus ; mais elle se leva et, laissant flotter au gré de la brise sa brillante robe d’étoiles et sa chevelure ombreuse, elle fit entendre sa voix ; les cavernes de la vallée qui s’ouvraient sur l'océan la reçurent, et elle remplit de ses sons d’argent les profondeurs de l’air.

XIX

Elle parlait dans un langage dont l'étrange mélodie n’appartient pas à la terre. J'entendais seul — et cette solitude rendait sa musicque plus mélodieuse encore — la pitié et l’amour de chacune de ses modulations ; mais ces doux accents étaient connus du Serpent, leur langue native à tous deux ; il ne battait plus languissamment l'embrun blanchissant, mais, s'enroulant à travers les vertes ombres des vagues qui battent le rivage, il vint s'arrêter à ses pieds de neige.

XX

Alors la femme s’assit de nouveau sur le sable, elle pleura et serra convulsivement ses mains, tout en reprenant l'inintelligible accent de sa voix mélodieuse et son air éloquent ; et elle découvrit son sein . et les ombres vertes et lumineuses de la mer jouèrent dans LAON ET CYNTHNA 129

res profondeurs marmoréennes — un seul instant aper- çues ; car l’instant d’après le Serpent obéit à sa voix, et, doucement replié, se reposa dans son embrassement.

XXI

Alors elle se leva et me sourit avec des yeux sereins, quoique tristes, semblable aune belle planète, qui, pendant que la lumière du jour s’attarde encore dans les cieux, fend l’air rouge sombre de ses perçants rayons ; puis elle dit : « 11 est sage de s’affliger ; mais vain et faible était le désespoir qui du sein du som- meil ta conduit ici. Tu apprendras cela, et bien plus encore, si tu oses nous accompagner moi et ce Serpent sur l'abime... un étrange et divin voyage. »

XXII

Sa voix avait l’accent si étrange et si triste, et cependant si doux, de quelques voix aimée qu’on n’a pas entendue depuis longtemps. Je pleurai. « Cette femme si belle aller toute seule sur la mer avec ce terrible Serpent ! Sa tète repose sur son cœur, et qui peut savoir le peu de temps qu’il lui faut pour dévorer sa faible proie ? » — Telles étaient mes pensées , quand la marée commença à monter ; et cet étrange bateau, comme l’ombre de la lune, glissa sur les flots, au milieu des étoiles réfléchies par les eaux.

XXIII

Un bateau d’un rare dessin, qui n’avait d’autre voile que sa propre proue recourbée de mince pierre de lune, travaillée connue un tissu d’une trame fine et légère, pour emprisonner ces aimables brises qu’on n’entend pas souiller, et qui se devinent seulement à la vitesse souPage:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/136 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/137 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/138 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/139 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/140 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/141 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/142 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/143 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/144 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/145 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/146 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/147 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/148 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/149 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/150 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/151 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/152 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/153 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/154 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/155 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/156 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/157 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/158 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/159 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/160 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/161 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/162 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/163 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/164 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/165 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/166 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/167 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/168 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/169 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/170 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/171 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/172 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/173 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/174 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/175 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/176 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/177 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/178 LAON ET CYTHNA 173

bres nus) dans la crainte que ce ne fût un démon. En- fin, il pencha sur moi sa vénérable tête, comme pour dissiper ces pensées de crainte, et son sourire caressant descendit au plus profond de mon âme.

XXXIl

De temps en temps il portait à mes lèvres un doux et salutaire breuvage ; tantôt il levait les yeux au ciel pour observer si le géant étoile plongeait sa ceinture dans la sombre mer ; tantôt, bien qu’il dit peu à la fois, il me parlait gaiement : « Tu as un ami près de toi ; tiens- toi en joie, pauvre victime, te voilà maintenant en liberté ! » En entendant ces accents humains, je me réjouissais, comme ceux qui ont langui de longues années dans la solitude d’un profond cachot.

XXXIII

Une obscure et faible joie, dont les lueurs souvent s’éteignirent dans l’égarement de nouveaux rêves ! Cependant il me semblait toujours que nous voguions, jusqu’au moment où dans le ciel les étoiles de la nuit pâlirent, et les rayons du matin descendirent sur les courants de l’Océan ; et toujours ce grand et doux vieillard me veillait, de même qu’une mère abîmée dans la douleur se penche dans l’espérance sur son enfant mourant, jusqu’à ce que les ténèbres s’amoncelassent de nouveau dans l'est azuré.

XXXIV

Puis le vent de la nuit, s’exhalant du rivage, envoya des parfums qui venaient doucement mourir le long de la mer, et les petites vagues qui portaient le rapide bateau furent coupées en biais par sa quille tranchante ; bientôt je pus entendre les feuilles soupirer, et je pus voir les fleurs du myrte étoilant l’obscur bosquet, et au-delà de la grève caillouteuse, le bateau s’enfuit sur un vent oblique dans une crique silencieuse, où les pins d’ébène entremêlaient leurs ombres sous la lumière des étoiles.


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profonde soif de science avait conduit ses pas, et il savait lire dans toutes les voies des hommes à travers l’humanité.

IX

Mais la coutume rend aveugles et endurcit les cœurs les plus hauts ; il avait vu les malheurs qui enchaînaient l’espèce humaine ; mais il jugeait que le destin qui l’avait condamnée à cette abjection la maintiendrait dans cet état ; et dans une telle conviction, pour goûter quelque solide joie, il avait cherché cette retraite. Cependant, quand le bruit se répandit quun homme en Argolide souffrait la torture pour la liberté, et que la foule avait entendu et compris les hautes vérités qui sortaient de ses lèvres inspirées.

X

Quand il apprit que les multitudes s’ébranlaient, son esprit tressaillit dans son vieux corps ; il ne pouvait plus vivre dans une douce paix ; il vint sur la terre où la fureur du vainqueur s’était assouvie, sur ma terre natale. Là tout cœur était un bouclier, toute langue une épée... de vérité ; le nom du jeune Laon ralliait leurs secrètes espérances , pendant que les tyrans chantaient des hymnes de triomphante joie au milieu de nos tribus dispersées.

XI

Il arriva à la colonne solitaire sur le rocher, vl sa douce et puissante éloquence i)ut attendrir les cœurs de ceux qui la gardaient, et faire couler de leurs yeux les larmes du repentir. Ils le laissèrent entrer librement pour m’emporter. — « Depuis lors, dit le vieillard, sept Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/185 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/186 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/187 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/188 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/189 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/190 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/191 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/192 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/193 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/194 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/195 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/196 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/197 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/198 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/199 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/200 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/201 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/202 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/203 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/204 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/205 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/206 LAON ET CYTHNA 201

XXXVI

Alors la foule silencieuse l'accompagna à la demeure qui lui était assignée pour son repos ; et là, pour adoucir son esprit envenimé, on l’entoura de tout ce qui pouvait lui rappeler son ancien état. Et, si son cœur avait pu être innocent, comme le cœur de ceux qui lui pardonnaient, il aurait pu achever ses jours en paix ; mais ses lèvres tendues se contractèrent, dit-on, en un sourire qui présageait la trahison ; à cette vue l’enfant ressentit une impression mêlée d'espérance et de crainte.

XXXVII

Il était minuit, la veille de ce grand jour où les nombreuses nations, à la voix desquelles les chaînes de la terre fondaient comme le brouillard, avaient décrété de célébrer une fête sacrée, une cérémonie qui devait attester légalité de tout ce qui vit. Tous se retirèrent dans leurs demeures pour rêver ou veiller. Le silence ; sans sommeil rappela Laone à mes pensées, avec des espérances qui font reculer le courant où elles cher- chent à étancher leur soif.

XXXVIII

L’aube flottait, et à ses fontaines de pourpre je buvais ces espérances qui font languir l’esprit, lorsque j’arrivai tout pâle à la plaine qui s’étend entre les montagnes brumeuses et la grande cité. C’était un spectacle capable de faire couler des yeux des hommes des larmes de triomphe, quand pour la première fois le voile redoublant qui cachait le pouvoir humain était déchiré, de voir la Terre vomir partout de ses entrailles les essaims de ses fils pOur un destin fraternel ;... Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/208 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/209 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/210 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/211 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/212 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/213 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/214 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/215 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/216 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/217 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/218 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/219 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/220 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/221 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/222 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/223 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/224 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/225 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/226 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/227 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/228 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/229 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/230 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/231 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/232 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/233 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/234 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/235 230 ŒUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

immense, inondé d’éclairs, était rayé de poutres noir- cies, et tout autour étaient étendus des femmes, des enfants et des hommes massacrés pêle-mêle.

XL VII

Je descendis vers la fontaine, sur la place du marché, et je vis ces (cadavres, leurs yeux rigides grands ouverts fixés sur la face l'un de l’autre, et sur la terre et sur l’air vide, et sur moi-même, tout près de la fontaine où je me penchai pour étancher ma soif. — Je reculai en la goûtant, elle avait l’amertume salée du sang ; j’attachai près d’elle mon coursier, et cherchai en toute hâte s’il y avait encore quelque vivant dans ce spectral désert.

XLVIII

Il n’y avait rien de vivant, qu'une femme que je ren- contrai errant dans les rues ; quelque étrange misère avait changé en démon celle apparence humaine. Aussitôt qu’elle entendit mes pas, elle sauta sur moi, et colla ses lèvres brûlantes aux miennes, poussa un long, retentissant et frénétique échu de lire de joie, et cria : « Maintenant, mortel, tu es profondément abreuvé des bleus baisers de la Peste... bientôt des millions d’autres baisers le feront raison !

XLIX

« Mon nom est la Peste ! Ce sein desséché nourrit autrefois deux enfants, une sœur et un frère... Quand je rentrai à la maison, l’un était couché dans le sang de trois mortelles blessures ; les flammes avaient dévoré LAON ET CYTHNA 231

l’autre !... Depuis lors je n’ai plus été une mère : je suis la Peste !... Je voltige de côté et d’autre, afin de pouvoir étoutïer et tuer ! Toute lèvre que j’ai baisée doit sûrement se flétrir, excepté celles de la Mort !... Si lu l’es, allons travailler ensemble !

L

« Que cherches-tu ici ?... La lumière de la lune fait éclater ses rayons, l’humide rosée s’élève de la vallée ; elle va faire sentir sa moiteur !... et tu verras les balafres sur le corps de mon doux petit garçon, maintenant plein de vers !... Mais dis d’abord ce que tu cherches. » — « Je cherche à manger. » — « C’est bien, tu auras à manger. La Famine, mon amante, nous attend à la fête ; elle est cruelle et féroce, la Famine, mais elle ne repousse pas de sa porte ceux que ces lèvres ont baisés, ceux-là seuls... Plus jamais ! Plus jamais !!... »

LI

Quand elle eut ainsi parlé, elle m’empoigna avec la violence de la folie, et me fit marcher à travers maint foyer ruiné, et sur mille cadavres. Enfin nous arrivâmes à une hutte solitaire ; là sur la terre , qui lui servait de plancher, dans sa joie de spectre, elle avait réuni de tous ces foyers, maintenant désolés, et empilé trois monceaux de pains, faisant ainsi la disette chez les morts... Autour de ces monceaux elle disposa en cercle les petits enfants froids et raidis par la mort ; ils étaient assis innnobiles et silencieux !...

LII

Elle sauta sur un monceau, et levant vers l’éclair ses 232 ŒUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

regards en démence, elle cria : « Mangez ! prenez votre part de la grande fête ; demain nous devons mourir ! » Puis de son pied pâle elle poussa les pains vers ses hôtes exsangues... Ce spectacle déchira mes yeux et mon cœur, et si celle qui m aimait n avait, de ses regards absents, prévenu mon désespoir, j’aurais pu par sympathie tomber aussi dans le délire ; mais je pris la nourriture que cette femme m'offrait ;

LIII

Et, après avoir vainement lutté avec sa folie, pour essayer de la décider à venir avec moi, je partis. Dans les régions orientales du ciel, l'éclair maintenant pâlissait ; rapidement le noir coursier m'emporta le long du rivage de la mer tempétueuse : et bientôt la grise montagne retentit sous ses sabots, et je pus voir Cythna parmi les rocs, où elle était restée assise, ses yeux inquiets fixés sur le jour tardif.

LIV

Nous nous retrouvâmes avec joie. Elle était très pâle, affamée, mouillée, épuisée ; je passai mes bras autour d’elle pour l'empêcher de tomber pendant que nous regagnions notre retraite ; et ainsi embrassée, son cœur plein sembla goûter une joie plus profonde que n’en a jamais connu le bonheur. Le coursier allait paisiblement au pas derrière nous le long de la montagne déserte. Nous atteignîmes notre abri avant que le Matin ait pu détacher le dernier voile de la Nuit, et nous nous étendîmes sur notre couche nuptiale. LAON ET CYTHNA 233

LV

Quand elle eut réchauffé dans mon sein son cœur frissonnant, après les plus doux baisers, nous partageâmes notre paisible repas. Comme une fleur d’automne après de froides averses étend ses feuilles flétries ainsi que des arcs-en-ciel dans l’air ensoleillé, ainsi sur ses lèvres et sur ses joues s’étendit l’esprit vital et dans ses yeux une atmosphère de santé et d’espérance ; près d’elle le chagrin s’assoupit, ainsi que la crainte, et tout le cortège du sombre découragement. Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/240 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/241 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/242 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/243 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/244 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/245 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/246 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/247 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/248 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/249 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/250 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/251 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/252 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/253 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/254 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/255 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/256 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/257 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/258 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/259 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/260 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/261 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/262 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/263 258 ŒUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

sont les miroirs de la même ! Mais le noir démon qui, de sa plume de fer trempée dans le brûlant poison du mépris, y a immortalisé sa gloire, passerait inoffensif sur la tête des hommes, s’ils dédaignaient de faire de leurs cœurs son repaire.

XXI

« Oui, c’est la Haine ! cette chose diabolique et informe, qui porte tant de noms, tous mauvais, quelques- uns divins, que le mépris de soi-même arme dun mortel aiguillon ; et, lorsque le cœur qu’elles enlace de ses replis de serpent est tout à fait épuisé, et qu'elle se lasse de dévorer une proie si amère, elle tourne cet aiguillon de tous côtés avec une rage multipliée ; semblable au serpent amphisbène, qui, après avoir étreint quelque bel oiseau, bientôt sur sa masse putride menace tout ce qui l’environne.

XXII

« Ne gourmande point ton âme ; mais connais-toi toi- même ; ne hais point le crime d’un autre, ni ne déteste le tien. C’est la sombre idolâtrie de soi-même qui veut, quand une fois nos pensées et nos actions ne sont plus, que l’homme pleure, et saigne, et gémisse. O vide expiation !... Reste en paix ; le passé appartient à la Mort, l’avenir est à toi ; l'amour et la joie peuvent faire du cœur le plus immonde un paradis de fleurs, où la paix pourrait bâtir son nid.

XXIII

« Parle, toi ! D'où venez-vous ? — Un jeune homme prit la parole : — Péniblement, péniblement nous naviguons Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/265 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/266 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/267 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/268 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/269 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/270 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/271 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/272 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/273 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/274 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/275 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/276 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/277 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/278 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/279 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/280 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/281 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/282 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/283 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/284 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/285 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/286 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/287 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/288 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/289 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/290 LAON ET CYTHNA 285

de pustules livides ; enfants, jeunes gens, vieillards se tordaient dans de sauvages tortures.

XXII

Bientôt ce ne fut plus lu soif, mais la folie ! Beaucoup voyaient partout leur maigre image ; un spectre d’eux- mêmes plus terrible encore se tenait à côté d’eux, jusqu’à ce que l’épouvante de cette affreuse vision forçât à se détruire elles-mêmes ces victimes éperdues. Quelques-uns, avant que la vie s’envolât, cherchaient, dans une horrible sympathie, à répandre la contagion sur ceux qu’elle n’avait pas atteints ; d’autres arrachaient l<»ur chevelure emmêlée, et criaient bien haut : « Nous marchons sur du feu ! Dieu tout-puissant (l) a versé son enfer sur la terre ! »

XXIII

Quelquefois les vivants étaient cachés sous les morts. Près de la grande fontaine sur la place publique, où les cadavres formaient une pyramide s’effritant sous le soleil, on entendait une prière étouffée implorant la vie, dans le silence brûlant de l’air ; et il était étrange de voir au milieu de ce hideux monceau des figures enveloppées dans le linceul de leur longue chevelure d’or, comme si elles n’étaient pas mortes, mais doucement assoupies, semblables à des formes sculptées, aimer jusque dans l’agonie.

XXIV

La Famine avait épargné le palais du Roi ; ils s’étourdissaient dans des fêtes continuelles, lui, ses gardes et (1) Variante de la Récolte de l'Islam : « le Pouvoir vengeur. » Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/292 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/293 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/294 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/295 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/296 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/297 292 OEUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

pourrez prier, afin que par ce sacrifice la colère desséchante de Dieu (1) puisse être apaisée. » — II se lut, et un instant l’auditoire resta silencieux, pendant qu’au loin, courant de rang en rang, les échos de sa voix expiraient ; puis il s’agenouilla dans la poussière, murmurant toujours les malédictions de son muet orgueil, pendant que la honte et la terreur séparaient les armées.

XL

Sa voix fut comme une trombe qui fit éclater les portes du fabuleux enfer ; et, pendant qu’il parlait, chacun vit s’ouvrir sous lui les goufires de feu immortel, et en haut le Ciel semblait se fendre, laissant voir un trône entouré d’ouragans et d’ombres, sur lequel Dieu était assis, le seul Dieu (2), leur Roi et leur Juge. Alors la crainte tua dans chaque poitrine tonte pitié naturelle, une crainte inconnue jusqu'alors ; et embrasés d'un feu intérieur, ils entrèrent dans une rage semblable à celle de bêtes sans asile cernées par les bois incendiés.

XLI

C’était le matin. — A midi, le crienr public vint faire cette proclamation au milieu des vivants et des morts : « Le Monarque dit que la fortune de son grand empire repose sur la tète de Laon et de Laone. Celui qui pourra amener ici vivant l’un des deux seulement, ou qui leur arrachera à tous deux la vie du cœur, sera l'héritier du royaume, — une glorieuse récompense ! Mais celui qui les amènera tous deux ici vivants épousera la Princesse, et régnera l’égal du Uoi. »

(1) Révolte de l'Islam : « du Ciel ». {2) Révolte de l'Islam : : •- sur lequel était seul assis leur Roi et leur Juge ». Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/299 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/300 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/301 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/302 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/303 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/304 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/305 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/306 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/307 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/308 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/309 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. 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sa mémoire et me raconta, telle qu’elle lavait entendue, cette lugubre histoire : « la santé de ce pauvre malheu- reux avait commencé à faiblir deux ans après mon départ ; alors, la dame qui lavait laissé revint. Elle avait eu l’air impérieux ; mais maintenant ses regards s’étaient adoucis ; peut-être le remords l’avait abattue. A son arrivée il se trouva mieux ; et ils restèrent ensemble chez mon père (je jouais, il m’en souvient, avec le châle de la dame ; je pouvais avoir six ans) ; Mais enfin, elle le laissa. »

— « Quoi ! son cœur a pu être si dur ! Comment cela finit-il ? »

— « N’était-ce pas assez ? Ils se rencontrèrent, ils se séparèrent. »

— « Enfant, est-ce tout ? »

— « Dans cet intervalle, on sut à peu près par la presse comment ils s'étaient rencontrés et pourquoi ils s’étaient séparés. Mais si tes yeux vieillis ne veulent pas mouiller ces joues ridées des larmes que fait couler le souvenir de la jeunesse, ne m’en demande pas davantage ; laissons les années silencieuses se fermer et se sceller sur leur mémoire, comme le marbre muet où gisent leurs cadavres. »

Je la pressai et la questionnai encore. Elle me dit comment tout était arrivé... Mais le monde froid ne le saura pas.


APPENDICE


NOTE DE L’AVERTISSEMENT


Pour quelques parties de l’œuvre de Shelley, le chemin nous était frayé par d’excellents essais de traduction, tels que ceux de Mme Tola Dorian pour les Cenci et l’Hellas, de M. Sarrazin pour l’Alastor, de F. V. Hugo pour quelques fragments de la Reine Mab, de M. Maurice Boucher pour un assez grand nombre de poésies détachées. Tout en cherchant à lutter avec ces traductions de fidélité et d’exactitude, nous n’avons pas affecté de nous en écarter là où il nous semblait qu’il n’était pas possible de faire autrement, ni d’éviter des rencontres matériellement commandées par les exigences d’une traduction à peu près littérale, la seule qui puisse avoir quelque mérite, quand il s’agit d’un poète aussi hardi, aussi original, aussi subtil que Shelley.



II


Nous donnons ici la traduction des principales variantes introduites par Shelley dans le poème qu’il a tiré de la reine mab, intitulé : le démon du monde.

Page 13 : Le Squelette au sceptre de fer, qui règne sur les sépulcres infects, a-t-il pu, aux chiens de l’enfer couchés sous son trône, jeter une si belle proie ?

Ibid : Ou bien est-ce que les Sommeils aux ailes de duvet ont charmé leur nourrice Silence près de ses paupières pour veiller sur leur repos ? Iront-ils, quand le rayon du matin coulera à travers ces deux sources de lumière, chercher loin du bruit et du jour quelque caverne occidentale, où les bois et les courants tissent avec les douces et calmes brises un berçant murmure ?

Non, Ianthe ne dort pas le sommeil sans rêve de la mort ; et dans sa chambre éclairée par la lune, Henri n’écoute pas en silence palpiter son pouls régulier, ne regarde pas se succéder sur sa joue délicate les reflets nuancés de la large lune, n’endure pas les fatigues d’une nuit de veille, sans une récompense assurée…

Écoutez ! D’où vient ce son retentissant ? Il est comme le concert prodigieux qui se fait entendre autour d’une ruine solitaire, quand les vents d’est soupirent et que les vagues du soir répondent en chuchotements du rivage ; il est plus étrange que les notes sans mesure que des lyres invisibles des vallées et des bocages tirent les génies des brises. Flottant sur des vagues de musique et de lumière, le char du Démon du Monde descend dans son silencieux pouvoir ; sa forme repose à l’intérieur, légère comme un nuage qui ne retient que la plus pâle teinte du jour quand le soir cède à la nuit, brillante comme cette trame fibreuse, quand les étoiles revêtent leur robe éphémère. Quatre ombres sans forme, brillantes et belles, tirent cet étrange char de gloire ; des rênes de lumière répriment leur célérité qui n’est pas de la terre ; elles s’arrêtent et replient leurs ailes d’air tressé ; le Démon se penchant sur son char éthéré regardait la vierge assoupie. Œil humain n’a jamais vu forme aussi fantastique, aussi brillante, aussi belle que celle qui, sur le sommeil enchanté de la vierge agitant une baguette étoilée, était suspendue comme une buée de lumière. Puis des sons, comme la respiration des brises odorantes au réveil du printemps, s’élevèrent tout autour, remplissant la chambre cl le ciel éclairé par la lune.

« Vierge, l’esprit le plus sublime du monde sous l’ombre de ses ailes enveloppe tout ce que la mémoire doit conserver de la ruine des plus divines choses, sentiments qui te leurrent pour te trahir, et lueurs de pensées qui s’évanouissent. Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/401 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/402 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/403 398 APPENDICE

« Il m’est donné d'observer les prodiges du monde humain, espace, matière, temps et esprit ; que cette vue fasse renaître et fortifie toute ton espérance défaillante...

« La vaste étendue du désert desséché et sablonneux est aujourd’hui féconde en ruisseaux sans nombre et en bois ombreux ; et là où la solitude tressaillait d’entendre un sauvage conquérant souillé du sang des siens chanter sa victoire, ou le serpent plus doux écraser les os de quelque frêle antilope dans ses replis d’airain, la clairière pleine de rosée, offrant sou doux encens au lever du soleil, sourit de voir un enfant devant la porte de sa mère partager avec le basilic vert et d’or qui vient lui lécher les pieds son repas du matin...

« L’homme ne tue plus la bêle qui joue autour de sa de- meure, ne dévore plus affreusement sa chair déchirée, ou ne boit plus son sang vital, qui comme un courant empoisonné coulait dans ses veines enfiévrées, nourrissant une peste qui secrètement consumait son faible corps

Page 72 : « Qu’il est aimable le front intrépide de la jeunesse ! qu’ils sont doux les sourires de l’enfance sans tache !...

« Les temples de la Crainte et du Mensonge n’entendent plus la voix qui autrefois appelait les multitudes à la guerre, emplissant toutes leurs nefs de son tonnerre ; aujourd’hui à la mort ne répond plus que le chaut funèbre du vent mélancolique...

Page 75 ; « N’y a-t-il pas en toi des espérances qu'a confirmées la vision de la chaîne du progrès graduel de l’être ? Espérances que toi, et les flambeaux vivants de l’esprit, aussi radieux et aussi purs que loi, avez fait briller sur les sentiers des hommes ! Retourne, Esprit supérieur, à ce monde, etc. »

Page 76 : Le Démon appela ses ministres ailés...

Puis l’Esprit descendit ; et, quittant la terre, les ombres de leurs ailes rapides regagnèrent aussi vite que la pensée la lumière du Ciel... Le Corps et l’Ame, etc. .


TABLE


DU PREMIER VOLUME



Pages
 11
 393
ERRATA

Page 41, lig. 10, lire : dépouillés de leurs aimables formes…

Page 182, str. XXII, lire : dans ses hideux repaires…

Page 215, str. VIII, lire : alors une fête…

Page 260, str. XXVIII, lire : ses mille échos…




TOURS. — IMP. E. ARRAULT ET Cie



SHELLEY


ŒUVRES POÉTIQUES COMPLÈTES




SHELLEY ŒUVRES POETIQUES COMPLETES Traduction F. RABBE II Les Cenci. — Prométhée délivré. La Magicienne de l’Atlas. — Epipsychidion. — Adonais. Hellas.

PARIS NOUVELLE LIBRAIRIE PARISIENNE ALBERT SAVINE, ÉDITEUR 18, RUE DROUOT, 18 1887 Tous droits réservés JUGEMENTS DE LA CRITIQUE SUR SHELLEY ET SON TRADUCTEUR FRANÇAIS

« Si nous introduisions Shelley auprès de nos lecleurs, ils feraient des comparaisons, et ils ont du flair… « Il y a un homme sur le comple de qui le monde s’est méchamment, grossièremenl et brutalement trompé. Maintenant qu’il est mort, peut-être lui rendra-t-il justice. » Byron.

« Shelley, honni de son temps, à peine deviné par ses meilleurs amis, nous apparaît aujourd’hui comme un de ces malheureux et bienheureux solitaires, qui, pénétrés des aspirations inconscientes de leur époque, sont par là même en contradiction flagrante avec la société qui les environne. Ils demeurent un mystère pour leurs contemporains et vivent dans le cercle magique de leurs rêves comme dans une île escarpée el inaccessible. Privés de l’hommage des vivants, ils jouissenl d’un privilège autrement enviable, puisqu’ils habitent une région supérieure aux vicissitudes du siècle. Par l’âme de leur pensée, ils sont de tous les temps, car ils se rattachent à tout ce qu’il y a de plus noble dans le passé, comme ils annoncent ce qu’il y a de plus beau dans l’avenir. » Edouard Schuré. Revue des Deux-Mondes. 1er février 1877. II

« Shelley, le moins égoïste des hommes, a eu beau s’incliner un instant devant les prétentions bruyantes et populaires de Byron, le temps a définitivement remis à leurs places l’homme généreux et l’homme envieux. Otez à Byron sou enjouement cynique et son éloquence sentimentale, mélange inégal de Louvet et de Rousseau, ôtez-lui la puissance d’imagination satirique, ses nobles élans révolutionnaires et ses grandes qualités de combattant, il ne restera de ce géant manqué qu’un poète de troisième ordre, le moins viril et le plus égoïste des hommes de lettres. Otez à Shelley sa foi sublime, son dévouement héroïque, son amour du droit et de l’idéal, il sera toujours un des plus grands poètes de tous les siècles. » Algernon-Charles Swinburne . « Shelley a été poète dans toutes les acceptions de ce mot, qui en a tant. » E.-D. Forgues. Originaux et beaux esprits de l’Angleterre contemporaine. « Shelley grandit davantage à mesure que l’on s’éloigne de la date de sa mort. Son nom inconnu en France ne tardera pas à prendre place dans l’Europe entière auprès du nom de Byron, qu’il éclipsera sans doute aux yeux de la postérité. » Odysse Bahot. lîcrKv aiiiffiiijxiniiiir. 30 novembre 1867.

« Nous (loiiliMis (|u un : iiili’i’ poète miMJenie ail possédé à un i’- ; . ; :) ! degr(> les plus hautes <|ualil*-s des plus grands maîtres anciens. Les mots de hardc cl d’inspiration, (|iii semblent si froids et si aiïecli’s <|uaiid on les appli(|ue à daiiires (’ciivains luoilernes, oui une piopiit’-lé |)arl’aite qujuil nu les applique i Shelley. Ce u’esl pas un auteur, mais un barde ; sa |i()e-.ie ne semble pas de l’art, mais de linspiiatiou. > Macaulay « On n’a guère vu d’esprit dont la pensée planât plus haut et plus loin des choses réelles. Un profond sentiment germanique allié à des émotions païennes a produit sa poésie, poésie panthéiste, et pourtant pensive, presque grecque et pourtant anglaise, où la fantaisie joue comme une enfant folle et songeuse avec le magnifique écheveau des formes et des couleurs. Mais quelle ardeur secrète par delà ces splendides images, et comme on sent la chaleur de la fournaise par delà les fantômes colorés qu’elle fait flotter sur l’horizon ! Quelqu’un depuis Shakespeare et Spencer a-l-il trouvé des extases aussi tendres et aussi grandioses ?… Tout vit ici. tout respire et désire. » TAINE Hisltiirc (Ir lu liltcrtidirc ani/luiac.

« Wordsworth avait chanté l’hymen de la nature et de Ihonnne ; Shelley, c’est l’hymen même qui s’accomplit dans toute livresse de la jeunesse, hymen incessamment renouvelé de lame en ce qu’elle a de plus profond, de plus passager ou de i)lus intime, avec toutes les apparences de la nature les plus durables ou les plus évanescentes… Dans la vie réelle, cette puissance d’enchantement et d’illusion a transfiguré les êtres quelle rencontrait et qu’elle transportait au ciel, quitte à retomber brisée sur la terre sous les insultes-et les trahisons de la réalité. Ainsi tous ses rêves ont été vécus, comme toute sa vie a été rêvée. Sa destinée d’homme et de poète s’est épanouie tout entière, les racines dans la vie, la fleur dans le songe. Impossible de distinguer Ihomme du poète ; ils ne font qu’un dès le premier battement, et delà la réalité saisis- sante de ces créations nuageuses et la variété infinie de leur monotonie. ». JAMES DARMFSTETER. Essais de littérature anglaise, 1883.

« Saisir nellement certains aspects de la vie et les rendre avec perfection ne satisfait pas pleinement Shelley. Il cherPage:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/14 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/15 qui semble comme tissu de l’élément de quelque rêve divin… A ceux qui voudraient connaître quelque chose du plus juvénile et du plus ardent esprit que le monde ait jamais vu. je leur dirai : Lisez la traduction de M. Rabbe. »


George Moore.
Figro du 22 mai 1886.


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LES CENCI

TRAGÉDIE EN CINQ ACTES

1819

A M. Henri MERCIER

Traducteur de Keats.

Le traducteur de Shelley, F. Rabbe.

« These are two friends whose lifes were undivided ; « So let their memory be, now they have glided « Under the grave…. »

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PROMÉTHÉE DÉLIVRÉ

DRAME LYRIQUE EN QUATRE ACTES

1820

« Audisne haec, Amphiarae, sub terram abdite ? »

A M. Maurice BOUCHOR

le |io("’l(’ (l(> VAid-fUT l’I lies Si/ m hoirs Hommage du traducteur F. R.

« Hark ! Spirils sjx’fil : . Tlir lit/nid rrspnitsos Of î hoir ficrlfil l<)ti<jHcs yet sound. >■ SHELLEY, Prométhée délivré. Acte IIl. scène I. PREFACE Les tragiques grecs, en empruntant leurs sujets à leur histoire nationale ou à leur mythologie, ont usé dans leur manière de les traiter d’un certain choix arbitraire. Ils ne se sont aucunement considérés comme obligés de s’en tenir à la commune interprétation ou d’imiter dans le récit comme dans le titre leurs rivaux et prédécesseurs, lin tel système, en les amenant à sacrifier ces exigences au désir d’être préférés à leurs compétiteurs, favorisait puissam- ment la composition. L’histoire d’Agamemnon était exposée sur le théâtre athénien avec autant de variantes qu’il y avait de drames. J’ai cru devoir user de la même licence. Le Prométhée délivrée d’Eschyle supposait la réconciliation de Jupiter avec sa victime, comme prix de la révélation du danger qui menaçait son empire par suite de la consommation de son mariage avec Thélis. Dans celte donnée, Thétis épousait Pelée, et Prométhée, par la permission de Jupiter, était délivré de sa captivité par Hercule. Si j’avais construit mon histoire sur ce plan, je n’aurais tenté autre chose que de refaire le drame perdu d’Esciiyle : et une telle aml)ition, si ma préférence pour cette manière de traiter le sujet me l’eût fait concevoir, la seule pensée de la dangereuse com- paraison qu’une semblable entreprise aurait provoquée devait certainement suffire à la décourager. Mais, en réalité, j’avais de la répulsion pour un dénouement aussi faible que celui qui consistait à réconcilier le Champion de l’Huma120 œUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY nilé avec son opprcssour. L’intérêt moral do la fable, si pnissaninicnt soiiltMiu par la fermeté et la constance de Prométhée, disparaîtrait, si nons ponvions le concevoir rétractant son hardi langage et faiblissant devant son heu- reux et perfide adversaire. Le seul être imaginaire ressemblant en quelque degré à Prométhée, c’est Satan ; et Prométhée, à mon avis, est un caractère bien plus poétique que Satan, parce qu’avec le courage, la majesté, la ferme et patiente opposition à la force toute-puissante, il s’offre au peintre connue exempt de toute teinte d ambition, d’envie, de revanche, de désir d’agrandissement personnel, de tout ce qui, dans le héros du Paradis Perdu, entre en conflit avec lintt’rèt. Le carac- tère de Satan fait naître dans l’esprit une dangereuse ca- suistique, qui nons conduit à peser ses fautes avec ses mal- heurs et à excuser les premières parce que les seconds dépassent tonte mesure. Pour ceux (|ui considèrent cette merveilleuse fiction avec le sentiment religieux, elle engen- dre quelque chose de pire encore. Mais Prométhée est, pour ainsi dire, le type de la plus haute perfection morale et iulellecluelle. obéissant aux |)lus purs, aux plus legiti- mes motifs, aux meilleures et aux plus nobles fins. Ce poème a été pres(|ue entièrement écrit sur les ruines montagneuses des bains de Caracalla. parmi les clairières en fleurs, les bosciiiets d’arbres à la floraison odoriférante, qui couvrent les labyrinllies tortueux de cette immense j)late-forine, et les arches suspendues dans l’air (|ui don- nent le vertige. Le brillant ciel bleu de Unme. le vigoureux éveil du printemps sous ce divin climat, la nouvelle vie qu’il ri’pand dans les sens ius(|u"à l’enivrement, furent rins|)iraliou de ce drame. Les images que j yai employéi’s ont é-li- tirt-es. en grande partie, des opérations de lespril liiimaiu. ou des actions extérieures qui les expriment : chose assez, inusitée dans la poésie moderne. quoi(|ne hante et Shakespeare soient pleins d’exemples de ce genre, et Dante plus (juaucun autre pctète et avec un plus grand succès. .Mais les poètes grecs, en écrivains à qui ne fut inconnue aucune des ressourci’S Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/139 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/140 123 Les poètes, comme les philosophes, les peintres, les sculp- teurs et les musiciens, sont dans un sens les créaleurs, et dans un autre sens les créations de leur temps ; les plus grands n’échappent point à cette sujétion. II y a une cer- taine simililude entre Homère et Hésiode, entre Eschyle et Euripide, entre Viriiile et Horace, entre Dante et Pétrarque, entre Shakespeare et Elelcher. entre Dryden et Pope : il y a dans chacun deux une ressemblance générique, sous laquelle se combinent leurs différences spécifiques. Si cette similitude est le résultat de rimilalion, je confesse volon- tiers que j’ai imité. Je saisis cette occasion de reconnaître que j’ai ce qu’un philosophe écossais appelle en termes caractéristiques « une passion pour réformer le monde » ; quelle passion le poussait à écrire et à publier son livre, il néglige de le dire. Quant à moi. j’aimerais mieux être damné avec Platon et lord Bacon, qu’aller au ciel avec Paley et Malllius. On se tromperait cependant, si l’on supposait que j’ai consacré mes compositions poétiques au seul but d’avan- cer directement cette réforme, et que je les considère en quelque façon comme renfermant un système raisonné de la théorie de la vie humaine. J’ai en horreur la poésie didactique ; tout ce qui peut être également bien exprimé en prose ne saurait être en vers qu’une ennuyeuse redon- dance. Mon buta été tout simplement de familiariser l’ima- gination élevée et aflinée de l’élite des lecteurs avec les beautés idéales de la perfection morale ; je n’ignore pas que, jusqu’à ce que l’esprit sache aimer, admirer, croire, espérer, endurer, les principes raisonnes de conduite mo- rale sont des semences jetées sur la grande route de la vie, que le voyageur inconscient foule aux pieds dans la pous- sière, tandis qu’elles devraient porter la moisson de son bonheur. Puissé-je vivre pour accomplir ma tâche, c’esl-à-dire pour exposer une histoire scientifique de ce qui m’apparaît comme les éléments naturels de la société humaine, et ne pas laisser les avocats de l’injustice et de la superstition se flatter de me voir prendre Eschyle plutôt que Platon pour mon modèle ! 124 ŒUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

La sincérité sans affectation avec laquelle j’ai parlé de moi-même n'a pas besoin de beaucoup d’excuses auprès des gens de bonne foi ; pour ceux qui ne le sont pas, qu’ils considèrent qu’ils me font moins d’injure qu’à leur propre cœur et à leur propre jugement, en dénaturant les choses. Quelques faibles talents qu'un homme puisse avoir pour amuser et instruire ses semblables, encore est-il obligé de les exercer ; si sa tentative est sans effet, l'insuccès sera pour lui une punition suffisante ; épargnez-vous la peine d’entasser sur ses efforts la poussière de l’oubli ; votre amas de poussière ne fera que déceler son tombeau, qui, sans cela, fût resté inconnu. Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/143 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/145 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/146 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/147 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/148 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/149 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/150 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/151 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/152 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/153 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/154 PROMÉTHÉE DÉLIVRÉ 137

IONE

Il parle ! Oh, abritez-moi !

PROMÉTHÉE

Je vois la malédiction écrite sur ses gestes orgueilleux et froids, et sur ses regards de ferme défi et de calme haine, dans ce désespoir tel qu’il se moque de lui-même avec des sourires.... écrite comme sur une liste ; cependant parle : oh ! parle !

LE FANTOME

« Ennemi, je te défie ! Avec un esprit calme et ferme je t'invite à essayer contre moi tout ce que tu peux m'infliger, affreux Tyran et des Dieux et de l’espèce humaine ; Il n'y a qu’un seul être que tu ne soumettras pas. Fais pleuvoir alors ici sur moi tes fléaux, les affreux maux, et la crainte délirante ; fais alterner la gelée et le feu pour ronger mes entrailles et que ta colère soit éclair, grêle coupante, et légions de Furies, accourant sur les tempêtes déchirantes.

« Ah ! fais ce quïl y a de pire ! Tu es tout-puissant. Sur toutes choses je t’ai donné pouvoir, exepté sur toi-même et sur ma propre volonté. Envoie tes maux rapides flétrir l'humanité, du haut de ta tour éthérée. Que les esprits méchants se déchaînent dans l’ombre sur ceux que j’aime : sur moi et les miens j’appelle les dernières tortures de ta haine ; et je dévoue à une agonie sans sommeil cette tête inflexible, tant que tu dois régner là-haut.

« Mais toi, qui es le Dieu et Seigneur ! O toi qui remplis de ton âme ce monde de douleurs, devant qui toutes choses sur la terre et dans le ciel plient dans la

138 OEUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

crainte et l'adoration ; tout-puissant ennemi ! Je te maudis ! Que la malédiction d’un patient t’étreigne, toi son bourreau, comme un remords ! Jusqu'à ce que ton Infinité soit pour toi une robe d’agonie empoisonnée ; et ton Omnipotence une couronne de douleur, qui se colle, cercle d’or brûlant, autour de ta cervelle dissoute ! « Amoncelle sur ton âme, en vertu de cette malédiction, les œuvres du mal, et que la vue du bien soit ton supplice : tous deux infinis, comme est l’univers, et toi, et ta solitude qui est son propre bourreau. Quoique tu sois maintenant une puissante image de calme Pouvoir, l'heure viendra où tu apparaîtras ce que tu es intérieurement ; et après nombre de crimes perfides et sans fruit, la honte suivra à la trace ta chute traînante à travers l’espace et le temps sans bornes ! »

PROMÉTHÉE

Sont-ce bien là mes paroles, ô ma mère ?

LA TERRE

Ce sont bien tes paroles.

PROMÉTHÉE

Je m'en repens ; ce sont de vives et vaines paroles ; le chagrin est souvent aveugle, et tel fut le mien. Je veux qu'aucune créature vivante ne souffre.

LA TERRE

Malheur, oh ! malheur à moi, que Jupiter à la fin triomphe de toi ! Pleurez, gémissez hautement, Landes et Mers, le cœur déchiré de la terre vous répondra ! Pleurez, Esprits des vivants et des morts, votre refuge, votre appui est tombé, et vaincu ! Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/157 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/158 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/159 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/160 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/161 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/162 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/163 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/164 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/165 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/166 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/167 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/168 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/169 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/170 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/171 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/172

Premier esprit

Sur le souffle d’une trompette de bataille j’ai accouru ici, vite, vite, vite, au milieu des ténèbres répandues dans l’air. De la poussière des croyances vermoulues, de la bannière déchirée du tyran, réunis autour de moi, portés devant moi, éclataient mille cris confondus, — Liberté ! Espérance ! Mort ! Victoire ! — jusqu’à ce qu’ils se soient évanouis à travers le ciel. Et un seul son, au-dessus, autour, un seul son au-dessous, autour, au-dessus, se fit entendre ; c’était l’âme de l’amour ; c’était l’espérance, la prophétie, qui commence et finit en toi !

Second esprit

Un arc-en-ciel s’étendait sur la mer, qui se balançait au-dessous, inébranlable ; et la tempête triomphante s’enfuyait, comme un conquérant, agile et orgueilleux, au milieu d’une foule de nuages captifs, multitude informe, ténébreuse et rapide, chacun fendu en deux par l’éclair ; j’entendis le tonnerre rire d’une voix rauque ; des flottes puissantes furent dispersées comme des bulles, et un enfer de mort se déploya sur les eaux blanches. Je m’abattis sur un grand vaisseau entr’ouvert par l’éclair ; et je me hâtai de venir, sur le soupir d’un blessé qui donna à un ennemi sa planche, et puis plongea pour mourir.

Troisième esprit

J’étais assis auprès du lit d’un sage, et la lampe brûlait rouge à côté du livre où il s’était nourri, quand un Songe avec des ailes de flamme vint voltiger à son oreiller. Et je reconnus que c’était le même qui Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/174 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/175 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/176 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/177 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/178 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/179 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/180 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/181 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/182 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. 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Rabbe.djvu/369 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t2, 1887, trad. Rabbe.djvu/370 HELLAS 353 même un Sphinx plus subtil trouverait des énigmes de mort que Thèbes ne connut jamais. Une autre Athènes se lèvera, et aux temps à venir léguera, comme un coucher du soleil aux cieux, la splendeur de son aurore ; et laissera, puisque rien d’aussi beau ne saurait vivre, tout ce que la terre peut recueillir et le ciel peut donner. Saturne et l’Amour sortiront de leur long repos (1), plus brillants et meilleurs que tous ceux qui tombèrent, que le Seul qui s’éleva, que tant d’autres dieux encore debout ; ni l’or, ni le sang ne s’offrent sur leur autel, mais des larmes votives et des fleurs symboliques. Oh ! arrêtez ! la haine et la mort doivent-elles revenir ?

(1) Saturne et l’Amour furent du nombre des divinités d’un état réel ou imaginaire d’innocence et de boniieur. Tous ceux- qui tomljrrent, c’est-à-dire les Dieux de la Grèce, de l’Asie et de l’Égypte ; le Sml (/)fi s’rlei’u, ou Jésus-Christ, à l’apparition de qui les idoles du monde païen furent dépossédées de leur culte ; tant (ranlrcs ciicori’ dchont, c’est à-dire les monstrueux objets de l’idolâtrie de la Chine, de l’Inde, des îles Antarctiques et des tribus indigènes de l’Amérique, tous ces Dieux ont certainement régné sur les entendements humains ensemble ou l’un après l’autre, durant des périodes où nous savons que le mal a triomphé d’une façon prodigieuse, et avec une activité toujours croissante, jusqu’à la renaissance des sciences et des arts. Les Dieux de la Grèce semblent, en vérité, avoir été personnellement plus innocents, quoiqu’on ne puisse pas dire que, sous le rapport de la tempérance et de la chasteté, ils aient donné des exemples aussi édifiants que leur successeur. Le sublime carac- tère humain de Jésus-Christ a été défiguré par l’identification qu’on en a faite avec un pouvoir, qui tentait, trahissait et punis- sait les êtres que sa seule volonté avait appelés à l’existence : et pendant une période de mille ans, l’esprit du plus juste, du plus sage et du plus bienveillant des hommes a été apaisé par les myriades d’hécatombes de ceux qui se rapprochaient le plus de son innocence et de sa sagesse, immolés en sacrifices aggravés encore par l’atrocité et la variété des tortures. Les horreurs des superstitions mexicaines, péruviennes et indiennes sont bien connues. S.

  • Arrêtez ! les hommes doivent-ils tuer et mourir ?

Arrêtez ! n’épuisez pas jusqu’à la lie l’urne d’une amère prophétie ! Le monde est las du passé ; oh ! puisse-t-il mourir ou reposer enfin !


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Mais, de peur que tu ne faiblisses, les chiens ailés, la famille et la peste, te surveilleront ; le serpent aux cent dards, l’insatiable superstition sera toujours… derrière tes pas ; la guerre en haut voltigera, et en bas la fraude bâillera, et le changement volera devant toi sur ses ailes de dragon, bouleversant et consumant. J’y ajoute trois fioles des larmes que les démons pleurent quand les esprits ver- tueux à travers la porte de la mort passent triomphants sur les épines de la vie, sceptres et couronnes, mitres, épées et pièges, les foulant aux pieds dans le mépris, comme ils ont fait, lui et Socrate. La première est l’anarchie ; quand le pouvoir et le plaisir, la gloire. la science et la paix pendront à la liberté comme un fruit à l’arbre vert, alors verse-la, et les hommes seront réduits en cendres. La seconde, la tyrannie… CHRIST Esprit endurci ! Tu ne vois que le passé dans l’avenir. L’orgueil est ton erreur et ton châtiment. Ne te vante pas de ton empire ; ne rêve pas que tes mondes soient quelque chose de plus que les étincelles d’une fournaise ou que des gouttes d’arc-en-ciel devant le Pouvoir qui les gouverne et les anime. La vraie grandeur n’a pas besoin d’espace ; la vraie excellence vit dans l’esprit de toutes les choses qui vivent, qui la prête aux mondes que tu appelles tiens… . MAHOMET Hâte-toi, et remplis le croissant qui pâlit de rayons aussi acérés que ceux qui percèrent l’ombre de la nuit chré- tienne refoulée sur l’Occident, quand la lune orientale de l’Islam triompha du Tmolus aux neiges Acrocéranniennes… Éveille-toi, parole de Dieu, et, du trône de la Destinée aux dernières limites de ta roule, puisse triompher.. Sois une malédiction sur ceux dont la croyance divise et multiplie le Dieu suprême !… 1821



TABLE


DU SECOND VOLUME



Pages
 281
 313


Appendice.





TOURS. — IMP. E. ARRAULT ET Cie.



SHELLEY


ŒUVRES POÉTIQUES COMPLÈTES




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À la Société Shelléïenne
de Londres,
et à son illustre Président William Michael Rossetti,
éditeur et biographe
de
Shelley.
Hommage de profonde gratitude.


F. Rabbe.
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près de l’urne aérienne du Nil, poussant avec de rapides enchantements ces eaux à leur puissante embouchure. Sur la terre d’Égypte, des inondations sont le niveau de la mémoire et ce sont les tiennes, ô Nil ! et tu sais bien que les airs qui soutiennent l’âme, et les coups de vent du mal, et les fruits et les poisons surgissent partout où tu coules. Prends garde, ô homme ! car la science doit toujours être pour toi ce qu’est pour l’Égypte la grande inondation !


OZYMANDIAS (Sonnet)

J’ai rencontré un voyageur venu d’une terre antique qui m’a dit : « Deux jambes de pierre vastes et sans tronc se dressent dans le désert. Près d’elles, sur le sable, à moitié enfoncé, gît un visage brisé, dont le froncement de sourcil et la lèvre plissée, et le ricanement de froid commandement disent que le sculpteur sut bien lire ces passions qui survivent encore, empreintes sur ces choses sans vie, à la main qui les imita et au cœur qui les nourrit. Et sur le piédestal apparaissent ces mots : Mon nom est Ozymandias, roi des rois ; regardez mes œuvres, ô puissants, et désespérez ! Il ne reste rien à côté. Autour de la ruine de ce colossal débris, sans limites et nus, les sables étendent au loin leur niveau solitaire. » Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/40 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/41 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/42 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/43 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/44

Ou cherche quelque esclave du pouvoir et de l’or, pour en faire le cher compagnon de ton cœur ; ton amitié pourra toucher ce froid bigot, plus tôt que moi ta haine.

Une passion comme celle que j’éprouve ne saurait se diviser ; je hais en toi le manque de vérité et d’amour ; comment pourrais-je alors te haïr ?


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transatlantique pèsera, dans les balances de quelque système de critique nouveau et non encore imaginé, les mérites relatifs des Bell et des Fudge et ceux de leurs historiens,

Je suis toujours, mon cher Tom,
sincèrement à vous,
Miching Mallecho.

1er Décembre 1819.


P. S. — Excusez-moi sur le lieu d’où je date ; aussitôt que la publication rapportera quelque chose, j’ai l’intention de louer un logement dans une rue plus respectable.



PETER BELL III

PROLOGUE

Les Peter Bell un, deux et trois, sont errants sur le vaste monde. Le premier, l’aîné des Peter, affublé d’habillements de la même mesure, ce long vêtement prédestiné dont s’affubla aussi le second Peter pour faire son chemin ; — toute l’ambition de celui-ci est d’enchaîner la proposition, comme le moyen terme relie les deux extrêmes (il avait appris cela dans les thèmes d’Aldrich) (1), en préservant du crime de schisme l’orthodoxe syllogisme ; — le premier Peter était comme l’ombre dans le miroir du second, avant même qu’il fût de ce monde, son substantiel antitype (2). Puis vint Peter Bell le Second, que l’on doit considérer désormais comme le corps d’une double âme, et cette portion du tout, sans laquelle le reste ressemblerait aux bouts d’un rêve disjoint (3). Le troisième est celui qui, sur la tombe, a été forcé de passer de l’autre côté, qui est (allez y voir) juste comme celui-ci. Peter Bell Premier fut un Peter plus coquet, plus civilisé, plus délicat, plus soigné, comme l’âme avant qu’elle passe de l’autre monde dans celui-ci. Peter Bell le Second,

(1) Manuel de Logique classique alors suivi dans les Universités anglaises. (2) Le Peter Bell de Reynolds parut avant celui de Wordsworth, dont il était une satire anticipce. (3) Le Peter Bell de Wordsworthi, sans lequel les satires de Reynolds et de Shelley seraient inintelligibles. Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/60 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/61 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/62 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/63 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/64 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/65 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/66 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/67 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/68 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/69 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/70 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/71 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/72 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/73 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/74 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/75 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/76 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/77 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/78 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/79 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/80 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/81 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/82 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/83 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/84 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/85 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/87 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/88 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/89 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/90 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/91 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/92 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/93 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/94 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/95 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/96 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/97 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/98 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/99 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/100 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/101 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/102 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/103 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/104 Qu’est-ce que le ciel ? Un globule de rosée, emplissant au matin nouveau l’œil de quelque fleur, dont les jeunes feuilles s’éveillent à un monde non imaginé ; des constellations de soleils inébranlables, orbites sans mesures, sont ferlées dans cette frêle et fugitive sphère, avec dix millions rassemblés là, pour trembler, luire et disparaître !


ODE AU VENT D’OUEST[2]

Ô farouche vent d’ouest, toi souffle de l’être de l’Automne, toi dont l’invisible présence chasse les feuilles mortes comme des spectres fuyant devant un enchanteur, jaunes, et noires, et pâles, et d’un rouge de fièvre, multitudes frappées de la peste ! Ô toi, qui charries les semences ailées vers leur sombre lit d’hiver, où elles gisent glacées et enfouies, chacune comme un cadavre dans son tombeau, jusqu’à ce que ta sœur azurée du Printemps souffle dans son clairon au-dessus de la terre qui rêve, et (conduisant de suaves bourgeons comme des troupeaux pour les paître dans l’air) remplisse de couleurs et d’odeurs vivantes la plaine et la colline ; farouche Esprit, qui te meus en tout lieu, pour détruire ou préserver ; — écoute, oh ! écoute !

Toi, dont le courant, au milieu de la commotion du ciel escarpé, est parsemé, comme la terre, de feuilles flétries, de nuées flottantes, secouées des rameaux entrelacés du ciel et de l’océan, anges de la pluie et de l’éclair ! Là, sur la surface bleue de ta houle aérienne, s’épandent, semblables à la brillante chevelure soulevée de la tête de quelque féroce Ménade, du bord obscur de l’horizon à la hauteur du zénith, les boucles de l’ouragan qui approche. Toi, chant funèbre de l’année mourante, pour qui cette nuit en se fermant sera le dôme d’un vaste sépulcre, voûté de toutes tes puissantes vapeurs réunies, dont la solide atmosphère éclatera en pluie noire, en feu, et en grêle, — oh ! écoute !

Toi, qui éveillas la bleue Méditerranée de ses rêves d’été où elle gisait, bercée au bruit de ses courants cristallins, auprès d’une île de pierre ponce dans la baie de Baïa ; toi qui vis sommeiller les palais et les tours antiques, tremblants dans la lumière plus intense de la vague, tout couverts d’une mousse d’azur, et de fleurs si douces que le sentiment défaille à les peindre ! Toi, pour le passage de qui les puissantes plaines de l’Atlantique s’entrouvrent en gouffres, tandis qu’au-dessous bien loin les fleurs de mer et les forêts limoneuses, qui portent le feuillage sans sève de l’océan, reconnaissent ta voix, et soudain grisonnent de frayeur, tremblent et se dépouillent elles-mêmes ; — oh ! écoute !

Si j’étais une feuille morte que tu pusses porter ; si j’étais un agile nuage pour voler avec toi ; une vague, pour palpiter sous ta puissance, et partager l’impulsion de ta force, seulement moins libre que toi, ô toi qui ne connais aucun frein ! Si même j’étais comme dans mon enfance, et pouvais être le camarade de tes courses errantes à travers le ciel, comme au temps où devancer ta rapidité céleste semblait à peine un rêve ; je n’aurais jamais songé à t’importuner ainsi de mes prières dans mon douloureux besoin. Oh ! soulève-moi comme une vague, une feuille, un nuage ! Je tombe sur les épines de la vie ! Je saigne ! Le lourd poids des heures a enchaîné et courbé un être trop semblable à toi, indompté, rapide et fier !

Fais de moi ta lyre, comme est la forêt. Mes feuilles ne tombent-elles pas comme les siennes ? Le tumulte de tes puissantes harmonies nous empruntera à tous deux un profond accent automnal, doux, bien qu’imprégné de tristesse. Sois, ô Esprit superbe, mon propre esprit ! Sois moi ! être impétueux ! Entraîne mes pensées mortes sur l’univers, comme des feuilles flétries, pour hâter une nouvelle naissance ; et, par l’incantation de ces vers, disperse, comme des cendres et des étincelles d’un foyer inextinguible, mes paroles parmi l’humanité ! Sois à travers mes lèvres, pour la terre encore assoupie, la trompette d’une prophétie ! Ô Vent, si l’Hiver s’approche, le Printemps peut-il être loin derrière ?


EXHORTATION[3]

Les caméléons se nourrissent de lumière et d’air ; la Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/108 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/109 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/110 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/111 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/113 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/114 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/115 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/116 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/117 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/118 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/119 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. 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Rabbe.djvu/184 Je suis la fille du Sol et de l’Eau, et le nourrisson du Ciel ; je passe à travers les pores de l'Océan et des rivages ; je change, mais je ne puis mourir. Car, après la pluie, lorsque sans une tache le pavillon du ciel est à nu, et que les vents et la lumière du soleil avec ses rayons convexes construisent le dôme bleu de l’air, je ris silencieusement de mon propre cénotaphe, et hors des cavernes de la pluie, comme un enfant hors de la matrice, comme un fantôme hors de la tombe, je m’élève et le détruis encore.


À UNE ALOUETTE

Salut à toi, esprit joyeux ! — Oiseau tu ne fus jamais ! — toi qui, du ciel ou près de lui, répands ton cœur trop plein en une profusion d’accords dont l’art n’est point étudié !

Plus haut, toujours plus haut, tu t’élances de la terre, comme un nuage de feu ; tu fends l’abîme bleu de ton aile, et chantant tu planes encore, et planant tu chantes toujours.

Dans l’éclair d’or du soleil qui sombre, au-dessus duquel les nuages resplendissent, tu flottes et tu cours, comme une joie incorporelle, qui ne fait que de naître.

La pourpre pâle du soir fond autour de ta fuite ; comme une étoile du ciel, dans la large lumière du jour tu es invisible, mais j’entends tes perçantes délices.

Aiguës comme les flèches de cette sphère d’argent dont la lumière intense s’amoindrit dans la blanche clarté de l’aube, jusqu'à ce que nous la voyions à peine, et sentions à peine qu’elle est là. Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/186 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/187 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/188 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/189 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/190 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/191 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/192 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/193 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/194 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/195 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/196 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/197 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/198 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/199 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/200 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/201 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/202 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/203 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/204 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/205 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/206 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/207 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/208 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/209 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/210 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/211 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/212 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/213 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/214 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/215 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/216 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/217 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/218 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/219 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/220 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/221 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/222 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/223 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/224 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/225 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/226 Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t3, 1887, trad. Rabbe.djvu/227


FRAGMENTS
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CHARLES IER
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TABLE


DU TROISIÈME VOLUME



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TOURS. — IMP. E. ARRAULT ET Cie.
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  1. Les astérisques renvoient aux notes de l’Appendice, page correspondante.
  2. Ce poème fut conçu et presque entièrement écrit dans un bois qui borde l’Arno, près de Florence, un jour que ce vent orageux, dont la température est à la fois douce et tumultueuse, ramassait les vapeurs qui versent sur la terre les pluies d’automne. Elles commencèrent, comme je le prévoyais, au coucher du soleil avec une violente tempête de grêle et de pluie, accompagnée de ce tonnerre et de ces éclairs magnifiques particuliers aux régions Cisalpines.

    Le phénomène auquel il est fait allusion dans la conclusion de la troisième stance est bien connu des naturalistes. La végétation du fond de la mer, des rivières et des lacs sympathise avec celle de la terre dans les changements de saisons, et par conséquent est influencée par les vents qui les annoncent. S.

  3. M. Rossetti présume avec raison que ce poème est celui que Shelley envoya à Mistress Gisborne le 8 mai 1820 avec la remarque suivante : « En excuse de mon incurable stupidité, je vous envoie ce petit rien sur les poètes ; il pourra aussi servir d’excuse pour Wordsworth. »