ABC : Petits Contes/I

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ABC : Petits ContesMaison Alfred Mame et fils (p. 25-26).

Ibis


Dans la basse-cour d’un château se trouva, parmi toutes sortes de volailles, un ibis rose.

Il avait été rapporté d’Égypte par le fils de la maison, qui était grand voyageur.

Au commencement, on eut beaucoup d’égards pour ce noble étranger. Aussitôt que l’ibis déployait ses ailes, les pigeons roucoulaient :

« Oh ! que c’est beau ! On dirait des pêchers en fleur ! »

Les poules admiraient la courbe élégante de son bec. Les canards, qui sont si bas sur pattes, regardaient

avec envie les longues jambes de l’ibis, qui semblaient peintes au ripolin rose.

Flatté, l’ibis marchait de long en large. Il leur parlait de sa patrie l’Égypte, du Nil, des autruches, des pyramides et des minarets du Caire.

D’abord on l’avait écouté avec respect ; mais peu à peu on trouva qu’il racontait toujours la même chose.

Le dindon disait avec colère :

« Quel rabâcheur ! »

La pintade se moquait de son nez d’ivrogne, et un caneton poussa l’impertinence jusqu’à lui demander combien les baguettes qui lui servaient de jambes lui avaient coûté le centimètre.

Alors le pauvre ibis rose se retira dans un coin. Et il se tenait tout raide sur une patte, rêvant de son pays, du Nil, des pyramides et des minarets.