A une alouette

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À une alouette
Traduction par Félix Rabbe.
Albert Savine, éditeur (IIIp. 175).

À UNE ALOUETTE

Salut à toi, esprit joyeux ! — Oiseau tu ne fus jamais ! — toi qui, du ciel ou près de lui, répands ton cœur trop plein en une profusion d’accords dont l’art n’est point étudié !

Plus haut, toujours plus haut, tu t’élances de la terre, comme un nuage de feu ; tu fends l’abîme bleu de ton aile, et chantant tu planes encore, et planant tu chantes toujours.

Dans l’éclair d’or du soleil qui sombre, au-dessus duquel les nuages resplendissent, tu flottes et tu cours, comme une joie incorporelle, qui ne fait que de naître.

La pourpre pâle du soir fond autour de ta fuite ; comme une étoile du ciel, dans la large lumière du jour tu es invisible, mais j’entends tes perçantes délices.

Aiguës comme les flèches de cette sphère d’argent dont la lumière intense s’amoindrit dans la blanche clarté de l’aube, jusqu'à ce que nous la voyions à peine, et sentions à peine qu’elle est là.