Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 02/Analise élémentaire, article 4

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Méthode facile pour exécuter le développement des
puissances des polynômes ;
Pour faire suite à l’article précédent ;
Par M. Thomas-Lavernède.
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1. Dans le mémoire qui précède, M. Gergonne est parvenu, d’une manière simple et élégante, au terme général du développement d’une puissance quelconque d’un polynôme. Je me propose ici de donner des règles faciles pour efFectuer ce développement d’après la connaissance de son terme général.

2. Il vient d’être prouvé que le terme général du développement de est

avec la condition or, ce terme peut être écrit comme il suit :

et deviendra conséquemment, en réduisant,

Mais, par ce qui précède, on a

il viendra donc, en substituant,

ce qui fournit la règle suivante :

Le coefficient d’un produit quelconque des lettres dans le développement de est une fraction qui a pour numérateur le produit d’autant de termes consécutifs de la suite qu’il y a d’unités dans la somme des exposans des lettres qui multiplient , et pour dénominateur le produit d’autant de termes consécutifs de la suite naturelle, à partir de l’unité, pour chaque lettre qui multiplie , qu’il y a d’unités dans l’exposant de cette lettre.

3. Concevons présentement que le développement soit ordonné par rapport à , et considérons, comme un terme unique, l’ensemble de tous ceux qui sont affectés d’une même puissance de cette lettre. Dans le n.me terme, sera multiplié par tous les produits de dimensions que l’on peut faire avec les lettres et, dans le me sera multiplié par tous les produits de dimensions que l’on peut faire avec ces mêmes lettres. Or, en supposant déjà formés les produits de dimensions que peuvent fournir les lettres il est évident qu’en les multipliant par on aura tous ceux de dimensions qui doivent contenir cette lettre comme facteur ; et on aurait de même tous ceux de dimensions qui doivent renfermer la lettre , en les multipliant par cette dernière lettre, au lieu de les multiplier par  ; mais, comme parmi ces derniers, il y aurait des produits qui renfermeraient le facteur , et que ceux-ci sont déjà déterminés par la première multiplication, il est clair qu’en multipliant par , il faudra opérer seulement sur les termes de dimensions qui ne contiendront pas le facteur  ; réunissant donc les derniers résultats aux premiers, on aura ainsi tous ceux des termes de dimensions dans lesquels doivent entrer les lettres et . Par un semblable raisonnement on trouvera qu’en réunissant à ces termes les produits par de tous ceux des termes de dimensions qui ne renferment ni ni les produits par tous ceux qui ne renferment ni , ni , ni , et ainsi de suite, on parviendra à obtenir tous les produits de dimensions qu’il est possible de faire avec les lettres . Nous déduirons de là la règle suivante pour former le me terme de la m.me puissance du polynome ordonnée par rapport à , lorsque le n.me terme de cette puissance est déjà connu.

Multipliez par tous les produits des lettres qui entrent dans le n.me terme, par tous ceux des ces produits qui ne contiennent pas le facteur , par tous ceux de ces mêmes produits qui ne contiennent ni , ni , par tous ceux qui ne contiennent ni , ni , ni , et ainsi de suite, enfin, donnez à chacun des produits obtenus le coefficient que lui assigne la règle prescrite (2).

Cette règle étant générale, et le premier terme du développement de étant toujours connu et égal à il est évident que son application fera trouver successivement tous les autres ; elle suffira donc pour développer en une suite de monomes.

4. Examinons présentement, d’une manière plus particulière, la loi que suivra le développement ; et, pour cela, considérons un produit quelconque dans lequel, étant des nombres entiers ou zéro, on ait Si nous supposons la somme constante et égale à , quelles que soient d’ailleurs les valeurs particulières des exposans il est visible que sera l’expression générale des produits des lettres qui doivent entrer dans le terme du développement de dont le rang est désigné par ou . Or, nous avons vu (2) que le coefficient de est

ou ce qui revient au même

ou encore

et, comme on a évidemment

on pourra écrire encore

d’où il suit que la formule

représentera généralement les quantités monomes qui doivent composer le eme terme da développement. Or, dans cette expression, le facteur

est constant, et son co-facteur

qui est variable, à cause des exposans variables

est, d’après le précédent mémoire, le terme général du développement de donc le eme terme du développement de sera

et conséquemment, en posant ce développement est

comme il résulte d’ailleurs du développement de par la formule du binome.

5. Il résulte de ce que nous venons de dire, que, étant un nombre entier positif, le développement de , donné par la règle (3), revient à celui qu’on obtiendrait par l’application de la formule du binome ; puis donc qu’il est démontré que cette formule a lieu quel que soit l’exposant , il parait légitime d’en conclure que la règle dont il s’agit, pourra également être appliquée quel que soit , ce qui se vérifie, en effet, pour des cas particuliers.

6. Il suit de tout ce qui vient d’être dit 1.o, que , exprimant le nombre des termes du polynome, et étant un nombre entier positif, la somme des coefficiens des monomes qui composent le développement de est , ce qu’on aperçoit d’ailleurs sur-le-champ, en supposant 2.o que lorsque l’on connaît, abstraction faite de leurs coefficiens, les monomes qui doivent composer le développement de on en peut déduire ceux qui doivent entrer dans le développement de toujours abstraction faite de leurs coefficiens, en les multipliant d’abord tous par , puis par tous ceux qui ne contiennent pas a, puis par ceux qui ne contiennent ni ni , par ceux qui ne contiennent ni , ni , ni , et ainsi de suite ; de manière qu’il ne sera plus question alors que d’affecter chacun des termes obtenus du coefficient convenable.

7. Le sujet que nous venons de traiter nous conduit à nous occuper de la recherche des formules qui expriment les puissances entières, et de degrés déterminés, d’un polynome quel que soit le nombre de ses termes. Ces formules peuvent être écrites d’une manière fort simple, et les considérations qui précèdent, fournissent un moyen très-facile de les construire.

8. Il est d’abord à remarquer que, parmi les termes du développement de ceux qui ne diffèrent que par l’ordre suivant lequel se succèdent les mêmes exposans , tels, par exemple, que les termes doivent être affectés des mêmes coefficiens, ainsi qu’il résulte de la forme assignée au coefficient du terme général, dans le mémoire précédent, et comme on peut aussi le déduire, a priori de ce que est une fonction symétrique des quantités ,

Cela posé, désignons par la somme des produits des facteurs , et de leurs puissances, dans lesquels les exposans sont quelles que soient d’ailleurs les lettres que ces exposans affectent. Dans le développement de il y aura, outre la classe de produits comprise dans l’expression autant d’autres classes de produits qu’il y aura d’autres manières de satisfaire à la condition avec des nombres entiers positifs ou nuls, c’est-à-dire, autant qu’il y aura d’autres manières de former le nombre , par addition, avec des nombres compris dans la suite naturelle, depuis 1 jusqu’à inclusivement. Nous voilà donc conduits d’abord à cette question : trouver toutes les manières de former par addition de nombres entiers positifs un nombre donné  ?

Nous indiquerons ici, pour résoudre cette question, deux règles fort simples ; et d’abord, pour fixer les idées, nous supposerons que le nombre qu’il s’agit de former par addition, est 6. Alors toutes les manières de le former seront comprises dans le tableau suivant, dans lequel les chiffres écrits les uns à côté des autres, sans aucune interposition de signe, doivent être considérés comme séparés entre eux par le signe , et conséquemment comme devant être ajoutés ensemble pour former le nombre demandé,

La formation de ce tableau présente peu de difficultés. Sa première colonne verticale à gauche n’a qu’un seul terme, et, quel que soit le nombre proposé, ce terme est toujours composé d’autant d’unités que ce nombre en contient. Quant aux autres colonnes, elles se déduisent successivement les unes des autres par la règle que voici :

Pour former la colonne du rang changez deux unités en 2 dans les termes de la me colonne, trois unités en 3 dans ceux de la me qui ne renferment pas 2, quatre unités en 4 dans ceux de la me qui ne renferment ni 2 ni 3, et ainsi de suite, jusqu’à ce que vous soyez parvenu à la première colonne dans laquelle vous changerez unités en .

Cette règle étant générale pour toutes les colonnes qui suivent la première, et celle-ci étant toujours connue, il est clair qu’elle fera trouver successivement toutes les colonnes qui doivent composer le tableau, et par conséquent toutes les manières de former, par addition, le nombre donné.

On peut encore disposer le tableau des diverses manières de former le nombre 8 dans l’ordre suivant.

alors chaque colonne dépend uniquement de celle qui la précède, et on forme celle du rang, par la règle qui suit : changez dans les termes de la me colonne deux unités en 2, puis trois unités en 3 dans tous ceux de ces termes qui ne renferment pas 3, puis quatre unités en 4 dans tous ceux qui ne renferment ni 2 ni 3, et ainsi de suite ; l’ensemble des termes obtenus par ce procédé formera la colonne du rang .

On doit observer, dans l’application de l’une ou de l’autre règle, que, si un terme d’une colonne sur laquelle on opère ne contient pas le nombre d’unités nécessaire pour faire l’échange prescrit, ce terme ne doit point être employé dans la recherche de ceux de la colonne que l’on calcule.