Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 02/Géométrie, article 24

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QUESTIONS RÉSOLUES.

Solutions du premier des deux problèmes de géométrie
proposé à la page 256 de ce volume ;
Par MM. Legrand ; Rochat et Penjon.[1]
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Avant d’en venir à la solution du problème propose ; MM. Legrand, professeur de mathématiques, et Rochat, professeur de navigation à Saint-Brieux, ont cru nécessaire d’établir d’abord un théorème préparatoire. Ce théorème, qui peut être considéré comme un des points fondamentaux de la Géométrie de la règle, a été énoncé par M. Legrand, ainsi qu’il suit :

THÉORÈME. Soit un quadrilatère complet quelconque, dont les côtés soient indéfiniment prolongés ; que ses trois diagonales soient aussi indéfiniment prolongées ; elles se couperont, deux à deux, en trois points. Par chacun de ces points soient menées des droites aux deux extrémités de la diagonale sur laquelle il ne se trouve pas, on aura ainsi six droites dont chacune déterminera deux points sur deux côtés du quadrilatère ; en sorte qu’on aura en tout douze de ces points, distribués, trois par trois, sur les quatre côtés de ce quadrilatère.

Or, il arrivera que ces douze points se trouveront, deux à deux situés sur douze nouvelles droites, concourant quatre à quatre aux trois points d’intersection des diagonales du quadrilatère proposé.

Les démonstrations de ce théorème ; données par MM. Legrand et Rochat, sont, l’une et l’autre, purement analitiques, et reviennent à peu près à ce qui suit.

Démonstration. Soit (fig. 5) le quadrilatère proposé, dont les diagonales sont se coupant, savoir : et en et en et en Soit joint le point aux points et par deux droites dont la première coupe les côtés en et et dont la seconde coupe les côtés en et Comme la construction serait évidemment la même pour le point , relativement à la diagonale et pour le point relativement à la diagonale  ; il suffit de démontrer 1.o que les droites et concourent au point  ; 2.o que les droites et concourent au point

Soient prises pour axe des et pour axe des et soient

on aura, d’après cela, pour les équations

du côté
du côté
de la diagonale
de la diagonale

en conséquence, les équations du point seront

l’équation de la troisième diagonale sera donc

D’après cela on trouvera, pour les équations


du point


du point
du point

on aura donc pour les équations

de
de

d’après quoi on trouvera les équations des points ainsi qu’il suit

pour pour

pour pour

il est remarquable que la situation du point est indépendante de celles des points et et que celle du point est indépendante de celles des points et

D’après ces résultats, les équations des quatre droites pourront être mises sous cette forme

pour

pour
pour
pour

or, on voit que les deux premières équations sont satisfaites par les coordonnées du point et que les deux dernières le sont par les coordonnées du point

Soient les intersections de et de et de et de et  : ces quatre points étant situés par rapport au quadrilatère de la même manière que le sont les quatre points par rapport au quadrilatère on en peut conclure, par ce qui précède, que les points ainsi que les points sont en ligne droite avec le point et que les points ainsi que les points sont en ligne droite avec le point

En général, en remarquant que la propriété qui est contenue dans l’énoncé du théorème appartient non seulement au quadrilatère proposé, mais encore à tous les quadrilatères que forment les lignes de la figure, prises quatre à quatre, on trouvera une multitude de points qui jouissent de la propriété d’être trois à trois sur une même ligne droite ; et c’est une remarque qui a été faite également par MM. Legrand et Rochat.

Le théorème qui vient d’être démontré se déduit aisément de la proposition suivante :

Si par un point pris comme on le voudra sur le plan d’un angle quelconque (fig. 6), on mène tant de droites qu’on voudra, coupant l’un des côtés de l’angle en et l’autre en et que soient les points d’intersection des diagonales des quadrilatères ces points seront tous en ligne droite entre eux et avec le sommet de l’angle dont il s’agit.

Cette dernière proposition se démontre facilement, en considérant que le quadrilatère est toujours, pour une situation convenable de l’oeil et du tableau, la perspective d’un rectangle (fig-7); que (fig. 6), concourant au même point que et doit être la perspective d’une parallèle (fig. 7) à et  ; que conséquemment les points (fig. 6) doivent être les perspectives des centres (fig.7) des rectangles  ; et que ces centres se trouvant sur une parallèle à et les perspectives de ces trois droites doivent concourir en un même point (fig. 6)

Ce tour de démonstration, outre son extrême brièveté, a encore l’avantage précieux de faire apercevoir sur-le-champ, dans la figure 6, une multitude de points qui doivent se trouver en ligne droite.

On pourrait aussi démontrer la même proposition en observant que, par une propriété connue des lignes du second ordre, et qui a été employée, avec avantage, par M. Rochat lui-même[2], cette proposition serait vraie, si l’on substituait une quelconque de ces lignes à l’angle (fig. 6) ; et qu’ainsi elle doit avoir également lieu pour cet angle, puisque le système de deux droites est véritablement une ligne du second ordre.

M. Legrand remarque encore que, dans le cas particulier où les droites (fig. 8), sont parallèles, elles sont toutes divisées en deux parties égales par la droite qui joint les points

La solution du problème proposé est une conséquence toute naturelle des considérations précédentes : voici à quoi elle se réduit.

PROBLÈME. On connaît dans un quadrilatère complet (fig. 9) deux côtés la diagonale qui joint leurs extrémités, et le point d’intersection des deux autres diagonales ; il faut, avec la règle seulement, achever le quadrilatère ?

Construction. Soient le point de concours de et et celui de et  ; soit le point de concours de et  ; Soient enfin et les intersections de et avec  ; les droites seront les deux autres côtés du quadrilatère cherché.

Cette construction est aussi celle qu’indique M. Penjon, professeur de mathématiques au lycée d’Angers, qui renvoie, pour sa démonstration, à la Géométrie de position de M. Carnot, et à son Mémoire sur les transversales. Il remarque que ce n’est que par pure élégance qu’on opère sur le point donné et qu’en lui substituant tout autre point de la droite les points qu’on substituerait aux points et appartiendraient à une droite qui couperait le prolongement de au même point où elle est coupée par M. Penjon observe encore que, si le prolongement de passe par le milieu de se trouvant alors parallèle à cette dernière droite, le problème ne peut plus être résolu avec la règle seulement.

  1. M. Penjon a adressé aux Rédacteurs une solution du problème de la page 318 de ce volume ; mais cette solution est parvenue trop tard pour pouvoir être publiée avec les autres ; elle diffère peu, au surplus, de celle de M. Rochat.
    (Note des éditeurs.)
  2. Voyez le tome 1.er des Annales, page 342.