Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 02/Géométrie, article 5

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GÉOMÉTRIE.

Détermination du centre des moyennes distances d’un
triangle sphérique.
Par M. Lhuilier, professeur de mathématiques à l’académie
impériale de Genève.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈
§. I.

Le centre des moyennes distances d’un triangle rectiligne est le point de section des droites menées de chacun de ses sommets aux milieux des côtés opposés, ou ce centre est sur chacune des parallèles aux côtés du triangle dont les distances à ces côtés sont moitié de leurs distances aux sommets des angles opposés.

Cette propriété du centre des moyennes distances d’un triangle rectiligne découle de cette autre propriété du même triangle : la droite menée de l’un des sommets d’un triangle rectiligne au milieu du côté opposé coupe en deux parties égales chacune des droites parallèles à ce côté terminées aux côtés adjacens à ce sommet.

Cette dernière proposition n’a pas sa correspondante dans les triangles sphériques. Aussi la détermination du centre des moyennes distances d’un triangle sphérique n’est-elle pas susceptible du même degré de simplicité que la recherche analogue relative au triangle rectiligne. J’ai fait des efforts inutiles pour la ramener aux simples élémens. Parmi les divers procédés qu’on peut suivre pour parvenir à cette détermination, le suivant m’a paru le moins compliqué ; et, en particulier, il me paraît plus simple que celui qui serait fondé sur la doctrine générale des coordonnées.

§. 2.

Lemme. Soit une équation différentielle proposée. Dans la double supposition que et doivent devenir nuls en même temps, et que on a

Cette intégrale se vérifie facilement par la différentiation ; mais, comme le moyen de l’obtenir ne se trouve indiqué dans aucun des ouvrages qui sont à ma disposition, et en particulier dans celui d’Euler, je crois devoir indiquer ici la route par laquelle j’y suis parvenu, et considérer, en même temps, les différens cas qu’elle peut présenter.

Soit donc

soit fait d’où et partant

De là

Première supposition. Soit, on aura

d’où

Si, en particulier, on suppose que et doivent être nuls en même temps, on aura

Seconde supposition. Soit , on aura

d’où on conclura

Si l’on veut, en particulier, que et soient zéro en même temps, la constante devra être nulle.

Troisième supposition. Soit enfin on aura

d’où on conclura

si, en particulier, on veut que et soient zéro en même temps, on aura,


§. 3.

Soit une partie de la surface sphérique terminée par deux arcs égaux de grands cercles et par l’arc de petit cercle qui, joignant leurs extrémités, a pour pôle leur point de section. On demande le moment de cette surface relativement au plan tangent mené à la sphère par le point de concours des deux arcs égaux ?

Soit (fig. 1) une partie de la surface sphérique terminée par deux arcs de grands cercles , égaux entre eux, et par l’arc de petit cercle joignant leurs extrémités, et ayant le point pour pôle. On demande le moment de cette surface relativement au plan tangent mené par .

Soit mené le rayon . Que les arcs soient divisés en un même nombre de parties égales, et soient menés les arcs de petits cercles qui joignent les points correspondais, et qui ont pour pôle le point . Que les arcs , soient deux de ces parties correspondantes. Sur le rayon soient abaissées les perpendiculaires Que les arcs rencontrent, en , le grand cercle dont est le pôle. Qu’enfin le rayon de la sphère soit désigné par  ; et soit la circonférence du cercle dont le diamètre est l’unité, on aura

Hémis. :
doncHémis.
MaisHémis.
donc

La limite du moment de l’espace relativement au plan tangent en est et partant, le moment de l’espace est

Or, l’espace a pour expression donc la distance du centre des moyennes distances de l’espace au plan tangent en, est

Remarque. Il est facile de ramener aux simples élémens cette proposition particulière.

§. 4.

Soit un triangle sphérique dont un des côtés est constant, et dont un des angles, ayant pour sommet une des extrémités de ce côté, est aussi constant. On demande le moment de ce triangle relativement au plan tangent à la sphère mené par l’autre extrémité de ce côté.

Soit (fig.2) un triangle sphérique dont le côté est constant, ainsi que l’angle . On demande le moment de ce triangle relativement au plan tangent à la sphère mené par l’extrémité de ce côté ?

Soit décomposé le triangle proposé en espaces sphériques ayant en leur sommet commun. Que les arcs rencontrent, en , le grand cercle dont est le pôle. Soit aussi un arc

de petit cercle dont est le pôle, et terminé en à l’arc

Le moment de l’espace ou , relativement au plan proposé, est (§. 3.)

en observant donc que

on trouvera pour le moment du triangle (§. 2.)

Le moment du triangle , relativement au même plan, sera donc,

§. 5.

Comme on a tout est symétrique, dans cette expression par rapport aux angles et aux côtés opposés excepté le dénominateur ; mais nous allons faire voir que ce dénominateur peut aussi être rendu symétrique, ainsi que cela doit être.

En effet,

donc

donc aussi,

ou

donc enfin

§. 6.

Le moment du triangle sphérique , exprimé d’une manière symétrique dans les côtés et rapporté au plan tangent en , est donc

Que le produit continuel des sinus de la demi-somme des trois côtés du triangle sphérique et des sinus des excès de cette demi-somme sur chacun d’eux, soit désigné par  ; on aura que de plus l’arc soit exprimé dans le rayon pris pour unité ; le moment du triangle , relativement au plan tangent en \mathrm{A}, sera

Soit la surface du triangle sphérique, rapportée à l’octant pris pour unité de surface ; et partant, soit droits ; on aura

(Voyez la Géométrie de Legendre.)

Donc le moment du triangle, relativement au plan tangent en , sera

§. 7.

Puisque est la surface du triangle , la distance au plan tangent en du centre des moyennes distances de ce triangle, est

La distance de ce centre au plan mené par le centre de la sphère perpendiculairement au rayon , est donc

ce qui donne la proposition suivante :

THÉORÈME. Du centre des moyennes distances d’un triangle sphérique soient abaissées des perpendiculaires sur les rayons menés à ses sommets. Les segmens de ces rayons retranchés depuis le centre de la sphère, sont entre eux comme les exposans des rapports que les arcs opposés à ces rayons ont à leurs sinus ; et le coefficient constant de l’exposant de ce rapport est

Remarque. On a donc ce coefficient constant est aussi

§. 8.

Soit le centre des moyennes distances du triangle sphérique (fig. 3), et soient les perpendiculaires abaissées du point sur les rayons  ; les droites sont entre elles respectivement comme les cosinus des angles que fait la droite avec les rayons  ; et la droite est le diamètre d’une sphère qui passe par les points  ; ou qui est circonscrite au tétraèdre dont les sommets sont .

Or, le quarré du diamètre de la sphère circonscrite à un tétraèdre est exprimé, comme il suit, d’une manière symétrique, dans les élémens d’un de ses angles solides.

Soit prise la somme des trois produits des quarrés de chacune des arêtes de cet angle solide par le quarré du sinus de la face opposée.

Soit prise la double somme des trois produits continuels des arêtes deux à deux par les sinus des deux faces non comprises entre ces arêtes et par le cosinus de l’inclinaison de ces deux faces.

De la première somme soit retranchée la seconde.

Que l’excès soit divisé par le quadruple du produit continuel des sinus de la demi-somme des trois faces et des excès de cette demi-somme sur chacune d’elles.

Le quotient qu’on obtient est le quarré du diamètre de la sphère cherchée.

Partant on a, dans le cas présent,

Savoir : Le quarré de la distance du centre des moyennes distances d’un triangle sphérique au centre de la sphère à laquelle il appartient, est au quarré du rayon de cette sphère, comme l’excès de la somme des quarrés des côtés de ce triangle sur le double de la somme de leurs produits, deux à deux, par les cosinus de leurs inclinaisons, est au quarré du double de la surface du triangle.

Pour abréger, soit le troisième terme de cette proportion désigné par , on aura d’où on conclura

On aura donc

Partant, la position du centre des moyennes distances d’un triangle sphérique proposé est entièrement déterminée, soit par la position du rayon sur lequel ce centre se trouve, ou par les inclinaisons de ce rayon aux rayons menés aux trois sommets, soit par la distance de ce centre au centre de la sphère à laquelle ce triangle appartient.

Exemple. Que le triangle proposé soit un octant, on aura

Application. La distance au sommet du centre des moyennes distances d’une pyramide dont la base est un triangle sphérique, est

Que le triangle soit un octant, cette distance sera à peu près.

§. 9.

Au lieu d’exprimer, comme je l’ai fait dans le § précédent, le rayon de la sphère circonscrite au tétraèdre dans les neuf élémens de l’un de ses angles solides, savoir : dans les trois arêtes de cet angle solide, dans les angles que font ces arêtes deux à deux, enfin dans les angles que forment deux à deux les faces qui les contiennent ; il est aisé d’exprimer ce rayon dans six seulement de ces élémens, en substituant aux inclinaisons des faces les angles de ces faces et réciproquement.

Mais, de même que le rayon du cercle circonscrit a un triangle peut être exprimé dans deux seulement des élémens de ce triangle : savoir, dans un de ses côtés et dans l’angle qui lui est opposé ; on peut aussi exprimer le rayon de la sphère circonscrite à un tétraèdre dans quatre seulement des élémens de ce tétraèdre ; savoir, dans une de ses arêtes, dans l’inclinaison des deux faces dont cette arête est la commune section et dans les angles opposés à cette arête dans les plans de ces faces.

En effet, soient (fig.4) les extrémités de l’une des arêtes d’un tétraèdre ; soient , les sommets apposés à cette arête, dans les plans des faces , que les angles , soient donnés ; et que l’inclinaison de ces deux faces soit aussi donnée. Je dis que le rayon de la sphère circonscrite au tétraèdre est déterminé par ces quatre élémens du tétraèdre.

Soient les centres respectifs des cercles circonscrits aux faces  ; l’arête ainsi que les angles étant donnés, les points seront donnés sur les plans de ces faces.

De ces points , soient abaissées sur l’arête des perpendiculaires ; elles rencontreront cette arête au même point qui en est le milieu, et l’angle sera l’inclinaison connue des deux faces

Des points, soient élevées aux plans des faces , des perpendiculaires qui se coupent en  ; le point sera le centre de la sphère circonscrite au tétraèdre proposé.

Or, dans le quadrilatère dont les angles sont donnés, et dont les côtés , sont aussi donnés, la diagonale est déterminée, et partant, le quarré de qui est égal à la somme des quarrés de et de , est aussi déterminé.

Calcul.

donc

donc aussi

De là on peut exprimer le rayon de la sphère circonscrite à un tétraèdre dans les élémehs de l’un de ses angles solides tels que , en substituant à et les valeurs suivantes.