Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 04/Géométrie analytique, article 2

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Texte établi par Joseph Diez Gergonne (4p. 284-294).

QUESTIONS RÉSOLUES.

Solution de deux problèmes de géométrie, proposés à
la page 132 de ce volume.
Par M. Bérard, principal et professeur de mathématiques
au collège de Briançon, membre de plusieurs sociétés
savantes.
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Problème I. Déterminer l’ellipse de plus grande surface inscriptible à un triangle donné ?

Solution. Soient deux des côtés du triangle donné et l’angle compris. Soient pris le sommet de cet angle pour origine, le côté pour axe des et le côté pour axe des  ; si alors on désigne par les coordonnées inconnues du centre de l’ellipse cherchée, son équation sera de la forme

étant des coefficiens qu’il s’agit de déterminer et qui, avec et forment les inconnues du problème.

Il faut d’abord exprimer que cette ellipse touche chacun des côtés du triangle. Pour cela, soit d’abord fait dans son équation  ; en exprimant que les valeurs qui en résultent pour sont égales, on trouvera, pour l’abscisse du point de contact avec le côté

avec la condition

(1)

Si, dans la même équation, on fait  ; en exprimant que les valeurs qui en résultent pour sont égales, on trouvera, pour l’ordonnée du point de contact avec le côté

avec la condition

(2)

Combinant enfin la même équation avec l’équation du troisième côté, mise, pour plus de commodité, sous cette forme et exprimant que les deux systèmes de valeurs qui en résultent pour et se réduisent à un seul ; on trouvera, pour les coordonnées du point de contact avec ce troisième côté,

avec la condition

laquelle, si on en retranche les produits respectifs des équations (1), (2) par se réduit simplement à

(3)

Si donc et étaient connus, c’est-à-dire, si le centre de l’ellipse était donné, les seules inconnues du problème seraient données par les équations (1), (2), (3), desquelles on tire, en négligeant les valeurs zéro, qui ne peuvent être admises,

Nous avons donc résolu le problème où l’on proposerait de décrire une ellipse d’un centre donné, qui touchât les trois côtés d’un triangle donné.

Rendons actuellement à et leur indétermination, et assujettissons l’ellipse à être la plus grande possible. On sait que l’aire d’une ellipse n’est autre chose que le nombre multiplié par le produit de ses deux demi-diamètres principaux ; d’où il suit que, pour remplir la condition exigée, il faut que ce produit, ou son quarré, soit un maximum ; or, d’après les résultats obtenus dans le troisième volume des Annales [pag. 106, équat. (4)], ce quarré est

ce qui donne pour la condition du maximum

(M)

ou en développant

Différenciant pareillement les équations (1), (2), (3), en ayant égard à l’équation (M) et faisant varier et il viendra

(s)

Si, entre les quatre équations on élimine on trouvera, toutes réductions faites,

et, comme les variables sont indépendantes, on en conclura

(4)(5)

équations qui, jointes aux équations (1), (2), (3) résolvent le problème.

En mettant dans ces derniers pour et leurs valeurs données par les équations (4) et (5), et divisant par on obtiendra pour trois valeurs au premier degré, et en égalant chacune des deux premières à la troisième, les deux équations en qui en résulteront, pourront être mises sous cette forme

Comme il suffit, pour satisfaire à ces équations d’égaler à zéro un quelconque des deux facteurs du premier membre de chacune d’elles, il s’ensuit qu’elles doivent donner, pour les inconnues quatre systèmes de valeurs. De ces quatre systèmes trois doivent être rejetés, parce qu’ils appartiennent aux milieux des côtés du triangle donné, lesquels ne sauraient être des centres d’ellipses inscrites ; quant au quatrième système qui résulte de l’égalité des derniers facteurs à zéro, il donne

on en conclut ensuite

d’où

et les points de contact seront les milieux des côtés.

Ainsi, la plus grande ellipse inscriptible à un triangle a son centre au centre de gravité de l’aire de ce triangle, et touche ses trois côtés à leurs milieux ; d’où il suit que le triangle dont les sommets sont aux points de contact à ses côtés respectivement parallèles à ceux du triangle donné. L’aire de cette ellipse est à celle du triangle donné Son équation est

PROBLÈME II. Déterminer l’ellipse de moindre surface circonscriptible à un triangle donné ?

Solution. En conservant les mêmes conventions et notations que dans le problème précédent, l’équation de l’ellipse sera encore

Cette ellipse devant passer par l’origine, on aura d’abord

et l’équation de sa tangente en ce point sera

Cette ellipse devant ensuite passer par le point dont les coordonnées sont et 0, on aura

équation qui, en en retranchant l’équation (c), se réduit à

et l’équation de la tangente en ce point est

Cette ellipse devant enfin passer par le point dont les coordonnées sont et on aura encore

équation qui, en en retranchant l’équation se réduit à

(2)

et l’équation de la tangente en ce point est

Si ensuite on retranche le double de l’équation de la somme des produits respectifs des équations (1) et (2) par et par il viendra

(3)

Et, au moyen des équations (1), (2), (3) celles des tangentes aux trois sommets deviendront respectivement

Les mêmes équations (1), (2), (3) donnent

et telles seraient les valeurs des inconnues, si les coordonnées étaient données, c’est-à-dire, si l’on proposait de décrire une ellipse d’un centre donné, qui passât par les trois sommets d’un triangle donné.

Rendons présentement à et leur indétermination, et assujettissons l’ellipse à être la plus petite possible. Pour cela il faudra encore que la différentielle de soit nulle ; or, d’après les valeurs qui viennent d’être assignées à on a

prenant donc la différentielle de cette fraction, par rapport à et et égalant séparément à zéro les multiplicateurs de et de il viendra, toutes réductions faites,

La combinaison de ces facteurs semblerait devoir fournir seize solutions du problème ; mais, en discutant ces solutions, on voit que la seule qui puisse tire admise est celle qui est donnée par les deux équations

desquelles on tire

et ensuite

d’où

d’après ces valeurs de les équations (P), (Q), (R) des tangentes menées à l’ellipse par les sommets du triangle deviendront simplement

Ainsi, la plus petite ellipse circonscriptible à un triangle donné a son centre au centre de granité de l’aire de ce triangle, et ses tangentes par les trois sommets sont respectivement parallèles aux côtés opposés ; d’où il suit que le triangle donné a ses sommets aux milieux des côtés de celui que forment les trois tangentes. L’aire de cette ellipse est à celle du triangle Son équation est

On voit donc que, si deux triangles sont inscrits et circonscrits l’un à l’autre, de manière que leurs côtés soient parallèles chacun à chacun, une même ellipse sera, en même temps, la plus grande ellipse inscrite au plus grand et la plus petite ellipse circonscrite au plus petit.

PROBLÈME III. Déterminer l’ellipsoïde de plus grand volume inscriptible à un tétraèdre donné ?

En désignant par les trois arêtes d’un même angle du tétraèdre dont il s’agit, prenant ces arêtes pour axes des coordonnées et dénotant par les coordonnées du centre de l’ellipsoïde cherché, l’équation de cet ellipsoïde sera de la forme

et les inconnues du problème, au nombre de neuf, seront

Il faudra d’abord exprimer qu’en faisant successivement chacune des coordonnées nulle, l’équation résultante entre les deux autres exprime un point unique. La condition d’où dépend cette circonstance est facile à déduire de l’équation (4) de la page 106 du 3.e volume des Annales. On aura donc ainsi trois équations de condition au moyen desquelles l’ellipsoïde se trouvera tangent aux trois plans coordonnés ; en dès points qu’il sera facile d’assigner.

Il faudra exprimer, en outre, que cet ellipsoïde est tangent à la quatrième face du tétraèdre dont l’équation est

et pour cela il suffira d’exprimer que l’une quelconque des trois projections de leur intersection se réduit à un point.

On n’aura ainsi que quatre équations de relation entre les six coefficiens d’où l’on voit qu’une infinité d’ellipsoïdes de même centre peuvent être inscrits à la fois à un même tétraèdre.

Supposant donc, en premier lieu, pour plus de simplicité, que le centre est donné, on cherchera, entre tous les ellipsoïdes à qui ce centre appartient, quel est celui de plus grand volume. Pour y parvenir, il suffira d’exprimer que le produit des trois demi-diamètres principaux, produit dont j’ai donné l’expression, page 110 du mémoire déjà cité, est un maximum. Différenciant ensuite les quatre équations de condition, en y traitant comme des constantes, on aura en tout cinq équations différentielles entre lesquelles on éliminera quatre des six différentielles égalant donc séparément à zéro les multiplicateurs des deux différentielles restantes, on obtiendra deux nouvelles équations finies qui, jointes aux quatre premières, détermineront les valeurs des six coefficiens qui répondent aux maximum, du moins lorsque le centre est donné.

On substituera ensuite ces valeurs dans l’expression du produit des trois demi-diamètres principaux, et exprimant de nouveau que ce produit est un maximum, mais en faisant, pour cette fois, varier . Égalant ensuite séparément à zéro les multiplicateurs de il en résultera trois équations qui donneront les coordonnées du centre.

On parviendra ainsi à cette conclusion remarquable : Le plus grand ellipsoïde inscriptible à un tétraèdre donné a son centre au centre de gravité du volume de ce tétraèdre et touche ses faces aux centres de gravité de leurs aires respectives ; d’où il suit que le tétraèdre qui a ses sommets aux points de contact, a ses faces respectivement parallèles à celles du tétraèdre donné.

PROBLÈME IV. Déterminer l’ellipsoïde du plus petit volume circonscriptible à un tétraèdre donné ?

Ce problème se traite exactement comme le précédent, avec cette seule différence que les quatre équations qui expriment que l’ellipsoïde touche les faces du tétraèdre, y sont remplacées par celles qui expriment qu’il passe par ses sommets.

On parvient ainsi à ce résultat non moins remarquable que celui qui vient d’être énoncé : le plus petit ellipsoïde circonscriptible à un tétraèdre donné, a son centre au centre de gravité du volume du tétraèdre, et ses plans tangens par les quatre sommets sont respectivement parallèles à ceux des faces opposées ; d’où il suit que le tétraèdre donné a ses sommets aux centres de gravité des aires des faces de celui que forment les quatre plans tangens.

On voit donc que, si deux tétraèdres sont inscrits et circonscrits l’un à l’autre, de manière que leurs faces soient parallèles chacune à chacune, un même ellipsoïde sera, en même temps, le plus grand ellipsoïde inscrit au plus grand et le plus petit ellipsoïde circonscrit au plus petit.

Ceux qui désireront plus de détail sur ces quatre problèmes pourront consulter un ouvrage que je viens de faire paraître sous le titre d’Application du calcul différentiel à la discussion et à la construction des lignes et surfaces du second ordre rapportées à des coordonnées quelconques avec plusieurs problèmes et théorèmes nouveaux[1] ; ouvrage dans lequel ces problèmes, ainsi que beaucoup d’autres du même genre, se trouvent traités avec tous les développemens convenables.

  1. À Paris, chez F. Didot ; et à Turin, chez Pic.