Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 10/Géométrie mixte, article 1

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GÉOMÉTRIE MIXTE.

Solution nouvelle du problème où il s’agit d’inscrire
à un triangle donné quelconque trois cercles tels
que chacun d’eux touche les deux autres et deux
côtés du triangle ;

Par M. Lechmütz, docteur en philosophie à Berlin.
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Au Rédacteur des Annales.

Monsieur,

En donnant, dans votre estimable recueil[1], l’historique du curieux problème dont je vais avoir l’honneur de vous entretenir, et en faisant connaître la solution extrêmement simple qui en a été donnée par un célèbre géomètre italien ; vous avez témoigné le regret qu’on en fût réduit à justifier à posteriori la formule finale de Malfatti, en prouvant qu’elle satisfait aux équations qu’il s’agit de résoudre ; sans qu’on aperçoive comment, à l’aide de ces seules équations, on pourrait parvenir à cette même formule, si elle était inconnue, ou du moins à toute autre équivalente et d’une facile construction.

Cette considération m’ayant déterminé à revenir de nouveau et tout récemment sur ce singulier problème ; j’ai été assez heureux pour en obtenir une solution que sa simplicité et son élégance vous feront peut-être juger de nature à ne point déparer votre recueil ; et qu’en conséquence je vais exposer brièvement.

Soient les trois sommets d’un triangle quelconque ; soit le centre du cercle inscrit, dont nous prenons le rayon pour unité. De ce centre, soient abaissées respectivement, sur les côtés les perpendiculaires et soient de plus menées du même point aux sommets les droites

Soient faits

nous aurons

Nous aurons de plus, parce que vaut quatre angles droits,

ou bien, en chassant le dénominateur et transposant

Il s’agit donc d’inscrire à ce triangle trois cercles tels que chacun d’eux touche les deux autres et deux côtés du triangle ; et il est d’abord clair que les centres de ces cercles devront être situés sur les droites qui divisent ces angles en deux parties égales. Soient respectivement ces centres, et les rayons qui leur correspondent.

Si l’on projette orthogonalement les centres sur le côté leurs projections diviseront ce côté en trois segmens dont les extrêmes seront évidemment Quant au segment intermédiaire, il ne sera autre chose que la projection de la distance des centres et sera conséquernment

égalant donc la somme de ces trois parties à la première expression du côté on aura

La considération des deux autres côtés donnera des équations analogues, de sorte qu’en faisant, pour abréger,

tout se trouvera réduit à résoudre, par rapport à les trois équations

avec la condition

(4)

En multipliant en croix les équations (2, 3) et réduisant, on a

mais l’équation (4) donne

d’où

substiluant donc, et supprimant le dénominateur commun, on aura

ou encore

ou, en transposant,

ou encore

ou, en extrayant les racines et divisant,

Nous ne donnons pas de double signe au second membre de cette équation, parce qu’ici nous n’avons simplement en vue que les cercles intérieurs au triangle, se touchant extérieurement.

Par une simple permutation de lettres, on conclura de là

ajoutant ces deux dernières membre à membre, disparaîtra, et il viendra

mais, à cause de

on a

substituant donc, et chassant les dénominateurs, il viendra

Les coefficiens des deux membres peuvent d’abord être écris ainsi

en considérant ensuite que

ils prendront cette nouvelle forme

c’est-à-dire, qu’ils ont un facteur commun ; en supprimant donc ce facteur, l’équation deviendra simplement

En posant donc ; pour abréger,

on tirera de là, par une simple permutation de lettres,

d’où

(5)

Retournons présentement à nos équations primitives ; si de la somme des équations (2, 3) nous retranchons l’équation (1), en supprimant le facteur commun à tous les termes de l’équation résultante ; elle deviendra

mettant dans celle-ci pour et leurs valeurs (5), elle deviendra

ou

(6)

Or, on a, d’après les valeurs de

ou bien, en remplaçant par son égal

On a ensuite

d’où, en multipliant par et remplaçant respectivement et par et ,

donc, en ajoutant et réduisant,

En remplaçant par son équivalent cela deviendra

substituant donc celle valeur dans l’équation (6), et supprimant le facteur commun aux deux membres, elle deviendra simplement

Par une simple permutation de lettres, on obtiendra les équations en de sorte qu’on a finalement

Cela posé, soient prolongés jusqu’à ce qu’ils rencontrent de nouveau la circonférence du cercle insciit en puis des sommets pris respectivement pour centres, et avec les rayons soient décrits des arcs coupant respectivement en nous aurons ainsi

Les trois longueurs étant ainsi déterminées, on en pourra conclure, par une construction unique, les trois rayons cherchés Pour cela, on construira un triangle dont les trois côtés soient respectivement égaux à ces trois longueurs ; par les sommets on mènera des droites se terminant aux côtés opposés en et tellement dirigées qu’on ait

alors, en vertu de la proportionnalité des côtés homologues des triangles semblables, les longueurs seront les diamètres des cercles cherchés, ayant respectivement leurs centres en

Ces expressions des rayons des cercles une fois trouvées, rien de plus facile que de leur substituer telles autres inconnues qu’on voudra. En prenant, par exemple, pour inconnues les distances des sommets auxquelles les cercles cherchés touchent les côtés du triangle, ces inconnues seront et l’on aura

Or, d’après les valeurs trouvées ci-dessus pour et on a

donc

c’est-à-dire,

ou encore

ce qui revient exactement à la construction de Malfalti. (Voyez l’article cité, tom. I, pag. 347).

Si l’on voulait prendre pour inconnues les distances des sommets aux centres correspondans, ces inconnues seraient respectivement et l’on trouverait, par exemple, d’après ce qui précède,

Si enfin on voulait prendre pour inconnues les distances ces inconnues seraient respectivement et l’on trouverait, par exemple,

En variant les signes des radicaux d’une manière convenable, et en substituant au cercle inscrit, proprement dit, chacun des trois autres cercles qui peuvent toucher à la fois les trois côtés du triangle, on obtiendra toutes les solutions dont le problème peut être susceptible[2].

Berlin, le 23 janvier 1820.
  1. Voyez tom. I, pag. 343 ; tom. II, pag. 60 et 65.
  2. La simplicité de cette solution engagera peut-être quelqu’un à tenter celle au problème analogue pour le tétraèdre, qui a été proposé à la page 287 du II.e volume de ce recueil.
    J. D. G.