Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 10/Mathématiques appliquées, article 1

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MATHÉMATIQUES APPLIQUÉES.

Considérations sur l’action exercée par la terre sur les
corps situés loin de sa surface ;

Par M. Georges Bidone, professeur à l’université royale
de Turin.
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La valeur de la gravité, à la surface de la terre, déduite des observations du pendule, est vraiment celle qui convient aux points où ces observations ont été faites : elle est la résultante de toutes les forces qui agissent sur le pendule au point de la surface de la terre où l’on fait l’observation. Mais cette valeur ne peut plus, à la rigueur, être employée, lorsqu’on compare l’action de cette planète sur des corps placés à sa surface avec l’action qu’elle exerce sur des corps situés au loin dans sa sphère d’activité, tels que la lune. L’action de la terre sur ces derniers corps est due à une plus grande masse que celle qui agit sur les corps placés à sa surface. Il faut donc introduire une correction dans la valeur de la gravité terrestre, lorsqu’on veut comparer entre elles les actions dont on vient de parler. Cette correction est, à la vérité, très-petite ; mais, comme elle est due à une cause qui existe réellement, et à laquelle on peut avoir égard, il importe toujours de la connaître et de ne pas la négliger. La correction dont il s’agit provient de ce qu’en supposant la terre sphérique, hypothèse que l’objet qui nous occupe permet d’adopter, tandis que la masse de l’atmosphère terrestre n’a pas d’influence sur le mouvement du pendule, observé à la surface de la terre, cette masse agit néanmoins sur des corps placés hors de ses limites.

On voit par là qu’il faut distinguer dans la terre deux masses distinctes ; l’une est celle de son noyau, à la surface duquel se font les observations du pendule ; l’autre est celle de l’atmosphère qui enveloppe ce noyau et dont l’action, jointe à celle du noyau, s’exerce sur les corps situés au-delà de cette même atmosphère.

Soient la masse du noyau, son rayon moyen, et sa densité ; on aura étant le rapport de la circonférence au diamètre. Pareillement, soit la masse de l’atmosphère, et, la hauteur verticale d’une colonne de matière de même densité que le noyau, équivalente à la pression de l’atmosphère ; on aura

divisant cette équation par la précédente, il viendra

développant le second membre, supprimant l’unité de part et d’autre et négligeant les puissances de supérieures à la première, il viendra

Pour avoir la valeur numérique de ce rapport, il faut connaître et par conséquent la densité moyenne du noyau. La densité moyenne de l’atmosphère est donnée par la hauteur de la colonne barométrique ; et l’on connaît la densité du mercure par rapport à celle de l’eau. Les observations du pendule ont donné et Cavendish a trouvé, par ses expériences, la densité de l’eau étant supposée égale à l’unité. En prenant donc pour la hauteur moyenne du mercure dans le baromètre, pour la densité du mercure et la première valeur de donne

d’où

et la seconde

d’où

En prenant donc pour valeur moyenne

on aura

Si présentement on suppose que, le rayon restant le même, la masse devienne (en faisant ), la gravité deviendra et, puisqu’on a aux latitudes moyennes,

on aura

Ainsi est la valeur qu’il faut employer, lorsqu’on veut comparer l’action de la terre sur les corps placés à sa surface avec l’action qu’elle exerce sur les corps situés au-delà de son atmosphère ; ou bien, on peut conserver pour l’action de la terre sur les corps placés à sa surface la valeur originaire de due à la masse pourvu qu’on introduise dans l’expression de l’action de la même planète, sur les corps situés au-delà de son atmosphère, la masse au lieu de la simple masse

La remarque que l’on vient de faire, sur la gravité à la surface de la terre, doit être appliquée, en sens inverse, à la gravité à la surface des autres planètes. En nommant la masse du noyau solide de la planète, son rayon et la masse de l’atmosphère dont ce noyau peut être recouvert, les quantités sont données par l’observation et par le calcul. Des valeurs de ces quantités on a déduit celle de à la surface de la planète, en supposant visiblement que le rayon de la masse soit Or, dans l’hypothèse de la planète sphérique, on voit que la valeur de à la surface n’est due qu’à la masse dont le rayon est

On peut observer enfin que, si l’on connaissait la gravité, à la surface de la terre, et la gravité à la hauteur au-dessus de la même surface, en nommant la masse du noyau de la terre, supposée sphérique et dont le rayon est et la masse de la couche sphérique d’air dont l’épaisseur est on aurait

ce qui donne

Or, soit maintenant la densité moyenne de la masse et la densité moyenne de l’air, pour la couche dont l’épaisseur est ( étant donné par l’observation du baromètre à la surface du noyau et à la hauteur ) ; on aura

d’où on tire

équation qui donne la valeur de

Tout ce qui précède est rigoureusement vrai, dans la supposition que la figure de la terre et des planètes soit sphérique ; mais on voit que les mêmes remarques subsistent encore, à quelques petites modifications près, pour des figures très-peu différentes de la sphère.

Turin, le 12 avril 1820.