Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 13/Analise transcendante, article 5

La bibliothèque libre.

GÉOMÉTRIE TRANSCENDANTE.

Solution d’un problème de géométrie, dépendant des
équations aux différences mêlées ;

Par M. Vernier, professeur de mathématiques au collége
royal de Caen, ancien élève de l’école normale.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

PROBLÈME. Trouver la courbe plane sur laquelle un point lumineux, parvenant d’un point donné de son plan, dans quelque direction que ce soit, après avoir subi deux réflexions, retourne au point même de départ ?[1]

Solution. Soient le point donné, les points de la courbe où les deux réflexions consécutives doivent avoir lieu ; il faudra donc que, quelle que puisse être la direction primitive en menant les normales on ait et

Soit pris le point pour origine des coordonnées rectangulaires. Soient les coordonnées du point et soient celles du point et soient enfin désignées par respectivement, les différences

Concevons une ellipse qui, ayant les points et pour foyers, passe par le point par la propriété fondamentale de cette courbe les coordonnées satisferont à l’équation

La différentielle de cette équation, prise en considérant comme variables et comme constans, et en remplaçant respectivement et par est

Or, par les propriétés connues de l’ellipse, les lois de la réflexion et la nature du problème, il est aisé de voir qu’au point l’ellipse dont il s’agit doit avoir un élément commun et par conséquent une tangente commune avec la courbe cherchée, de sorte que, dans l’équation ci-dessus, le coefficient différentiel de l’ellipse peut être remplacé par celui de cette courbe. Désignant donc ce dernier par et substituant, notre équation pourra mise sous la forme

ce qui donne, en quarrant, chassant les dénominateurs et transposant

cette équation est évidemment satisfaite en posant

mais c’est une valeur introduite par l’élévation au quarré, puisqu’elle ne satisfait pas à l’équation sous sa première forme.

En faisant le développement, l’équation peut être mise sous cette forme

et donne conséquemment, pour la véritable valeur de

(1)

La considération d’une seconde ellipse qui, ayant pour foyers les points et passerait par le point donnera pareillement, en désignant par le coefficient différentiel au point

(2)

Les équations aux différences mêlées (1, 2) ne paraissent facilement intégrales que dans le cas où le point est infiniment éloigné ; c’est-à-dire, dans le cas où les rayons et sont parallèles. Alors et sont respectivement infinis par rapport à et ce qui réduit les équations (1, 2) aux suivantes

ce qui donne

d’où résultent ces deux valeurs

Occupons-nous d’abord de l’équation

dans le cas où on a c’est-à-dire, dans le cas où les tangentes à la courbe en et sont parallèles. Soit d’où

et soit la dérivée de ou de manière qu’on ait nos équations seront alors

La première revient

(5)

en la différenliant, la différentielle de son premier membre sera

en y mettant pour sa valeur donnée par la seconde équation, cette différentielle se réduira à de sorte qu’où aura

Cette équation différentielle entre et s’intègre facilement et donne, comme on peut le vérifier par la différentiation,

en mettant cette valeur dans l’équation (5), „ elle devient

(A)

où, pour plus de simplicité, nous avons mis et pour et

Posons étant une fonction de la variable indépendante de telle forme qu’on ait

(B)

Posons encore puisque nous aurons aussi au moyen de quoi les équations (A et B) deviendront, en n’écrivant, pour plus de simplicité, que les caractéristiques des fonctions,

Cela posé, l’équation, prouve que ne change pas, lorsque se change en ce qui prouve que ne doit pas changer non plus, lorsque devient Donc est égal à une fonctibn arbitraire qui ne change pas, lorsque devient de sorte qu’on a

d’où l’on tire

étant des fonctions arbitraires de dont la différence doit être nulle, mais qui ne sont pas indépendantes entre elles ; car, comme on a supposé il faut qu’on ait

étant les dérivées respectives de prises par rapport à Cette équation de condition se réduit à

d’où

et les valeurs de et c’est-à-dire de et seront, en conséquence

Passons au second des deux cas pour lesquels on peut facilement intégrer les équations du problème ; c’est-à-dire au cas où l’on a

et où, par conséquent, les tangentes en et sont perpendiculaires l’une à l’autre.

Posons encore

et

nos deux équations deviendront

Posons ensuite étant une fonction de la variable indépendante de telle forme qu’on ait

Posons enfin nous aurons, comme ci-dessus

au moyen de quoi nos deux équations deviendront

Soit la deuxième équation deviendra et pourra s’intégrer. En effet, remplaçant par elle deviendra d’où et par suite

Or, la différence du second membre est nulle ; car, si se change en il devient qui est la même chose que puisque l’équation donne

et

on a donc

étant une fonction de dont la différence est nulle ; d’où l’on tire, en intégrant, par la méthode connue,

Revenant ensuite à l’équation

elle pourra être mise sous la forme

puis donc qu’on a elle deviendra

donc

étant une fonction arbitraire de dont la différence est nulle.

Il reste donc à obtenir une seconde intégrale. Pour cela, nous donnerons à celle que nous venons d’obtenir la forme suivante

d’où

mais on a, comme nous l’avons vu tout à l’heure,

d’où

égalant donc ces deux valeurs de on aura

Posons

alors la valeur de dépendra de l’équation linéaire du premier ordre

d’où on tirera, en intégrant,

étant une constante arbitraire. Cette équation jointe à l’équation

donnera, pour résoudre le problème, deux équations en ou en renfermant deux fonctions arbitraires à différence nulle, et en outre une constante arbitraire.

Par la difficulté d’intégrer les équations du problème, dans les deux cas particuliers que nous venons de traiter, et par la complication des résultats, on peut juger des obstacles que présenterait l’intégration dans le cas général. Toutefois nous osons croire que l’essai qui précède sera reçu avec quelque indulgence par les géomètres qui savent combien est peu avancée encore la théorie des équations aux différences mêlées.

  1. Ce problème, proposé dans les Acta eruditorum (septembre 1745), a été traité pour la première fois par Euler (même recueil, 1746). M. Biot s’en est aussi occupé (Mémoires présentés à l’Institut, tom. I). Voyez le Traité des différences et des séries de M. Lacroix, pag. 588.
    J. D. G.