Annales de pomologie belge et étrangère/Framboise Large fruited Montley

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Framboise Large fruited Montley (des Anglais),

ou
Framboisier des quatre saisons à gros fruit rouge (des Français).

Est-ce à la France, est-ce à l’Angleterre que cette variété doit son origine ? C’est une question qu’il nous est impossible de résoudre ; car, en même temps qu’elle nous venait d’Angleterre en 1849, les catalogues français l’annonçaient comme une nouveauté.

Ce n’est pas, au reste, la première fois que les pomologues des deux pays, en dépit de la cordiale entente qui existe entre ces deux grandes puissances, se font la guerre au sujet des variétés identiques que des deux parts on revendique comme nationales, en les baptisant d’un nom du pays et en supprimant celui du pays rival, comme s’il s’agissait de fruits complètement différents. C’est ainsi, par exemple, que nous voyons figurer cette année dans les catalogues français, sous le nom de Belle de Fontenay, la framboise Queen Victoria, que nous avons décrite dans le premier volume de ces Annales (page 8), et dont nous avons attribué le gain aux Anglais.

Il semblerait que la contrefaçon, partout flétrie du nom de piraterie et bannie de l’Europe, au nom du respect dû à la propriété intellectuelle, par des arrangements internationaux, veuille chercher un refuge dans les travaux de la pomologie, que son caractère modeste et primitif eût dû préserver d’une honte semblable. C’est pour nous un devoir de protester contre ces actes d’indélicatesse, et s’ils se perpétuaient, force nous serait de demander, pour la constatation des découvertes pomologiques, la création d’un bureau spécial, analogue aux bureaux des brevets et de librairie, où l’on prend date pour les inventions industrielles et pour les publications littéraires. Cette prétention peut paraître étrange à première vue, et cependant n’est-elle pas justifiée par les tentatives que fait la contrefaçon française pour attribuer à nos voisins du Midi, au moyen de changements de noms, des découvertes pomologiques dont l’origine belge n’est pas contestable ?

Nous citerons entre autres :

Le Bon-Chrétien de Rance, nommé en France : Beurré de Noirchain.
Le Beurré-Diet, » Beurré magnifique, royal, incomparable, etc.
L’Urbaniste, » Beurré Picquery.
Le Beurré d’Amanlis » Poire Delbert ou d’Albert, poire Kaissoise.
Le Beurré Scheidweiler, » Gros sucré.
La Marie-Louise Van Mons, » Marie-Louise Delcourt.
Le Passe-Colmar. » Souverain d’hiver, Pucelle condésienne.

La variété de framboise qui est le sujet de cet article, et dont une digression nous a quelque peu éloigné, est cotée, dans certains catalogues français, à un prix très-élevé. D’autres, au contraire, l’offrent à un prix inférieur au prix remunérateur ; ce qui tient très-probablement à ce qu’ils confondent cette variété à gros fruit avec la variété commune, connue sous le nom de Framboisier des quatre saisons à fruit rouge.

Les Français donnent le Framboisier des quatre saisons à gros fruit pour une variété de toute première qualité ; les Anglais, au contraire, ne l’estiment pas beaucoup, et ne le cultivent que parce que le fruit est beau, fertile et très-remontant. Cette divergence d’appréciation provient, sans doute, de ce que cette variété, qui a besoin de chaleur pour mûrir sa récolte d’automne, en a assez en France et trop peu en Angleterre, où les brouillards de la fin de l’été paralysent les effets des rayons solaires. Cette variété ne laisse à désirer en Belgique que pendant les automnes pluvieux ; c’est dire qu’elle y est ordinairement bonne, surtout quand elle est placée en plein soleil. Depuis le 15 août, époque où elle commence à donner sa seconde récolte, jusque vers la mi-septembre, elle produit des fruits gros, succulents et très-abondants ; plus tard, ils diminuent de volume, de parfum et de saveur, sans être toutefois moins abondants. Ils donnent ainsi jusqu’aux premières gelées ; nous en avons cueilli cette année vers la fin de novembre.

L’arbuste est très-vigoureux. Les branches sont cylindriques, à épiderme rougeâtre, à aiguillons courts et très-espacés. Les feuilles, ternées au sommet des rameaux, sont à cinq folioles à leur base ; elles sont arrondies, acuminées, gaufrées, d’un vert-foncé en dessus, tomenteuses en dessous. Les grappes à fruits sont terminales ; elles se composent de dix à quinze fruits de couleur rouge, qui se succèdent depuis août jusqu’aux gelées.

Cette variété est parfaitement remontante ; mais elle effrite beaucoup la terre, et, pour que sa culture soit profitable et durable, elle a besoin d’être fumée chaque année et rigoureusement taillée à la fin de février. Nous avons indiqué, à la page 7 du premier volume de ces Annales, la culture du Framboisier en général.

L. de Bavay.