Anthologie des poètes français contemporains/Delpit Albert

La bibliothèque libre.
Anthologie des poètes français contemporains, Texte établi par Gérard WalchCh. Delagrave, éditeur ; A.-W. Sijthoff, éditeurTome premier (p. 436-437).








Bibliographie. — L’Invasion, poèmes, ouvrage couronné par l’Académie française (1870) ; — Robert Pradel, pièce représentée sur la scène du théâtre de l’Odéon (1873) ; — Jean-nu-pieds, pièce représentée sur la scène du théâtre du Vaudeville (août 1875) ; — Le Message de Scapin, pièce représentée sur la scène du Théâtre-Français (janvier 1876) ; — Les Chevaliers de la patrie, pièce représentée sur la scène du Théâtre Historique (février 1876) ; — La Vieillesse de Corneille, à-propos en vers (1877) ; — Le Fils de Coralie, roman (1879) ; — Le Mariage d’Odette, roman (1880) ; — Le Fils de Coralie, pièce en quatre actes (1880) ; — Les Dieux qu’on brise, poèmes, ouvrage couronné par l’Académie française (1881) ; — Le Père de Martial, roman (1881) ; — La Marquise, pièce en quatre actes (1882) ; — Les Amours cruelles, roman (1884) ; — Solange de Croix-Saint-Luc, roman (1885) ; — Mademoiselle de Bressier, roman (1886) ; — Thérésine, roman (1888) ; — Disparu, roman (1888) ; — Toutes les deux, roman (1890) ; — Passionnément, comédie en quatre actes (1891).

Les œuvres d’Albert Delpit se trouvent chez Paul Ollendorff.

Albert Delpit a collaboré à la Revue des Deux-Mondes, etc.

Albert Delpit, né le 30 janvier 1849 à la Nouvelle-Orléans, mort à Paris en 1892, est surtout connu comme romancier. Ses dernières œuvres, après avoir paru pour la plupart dans la Revue des Deux-Mondes, ont obtenu un grand succès.

Fils d’un riche négociant en tabacs, il vint de bonne heure en France et collabora encore adolescent aux journaux éphémères fondés par Alexandre Dumas père vers la fin de l’Empire. Il fit, comme garde mobile, la campagne de 1870, et écrivit au jour le jour de petits poèmes d’un caractère patriotique, qu’il réunit plus tard sous le titre de L’Invasion.

Après la guerre, il fut décoré de la Légion d’honneur, sur la proposition de l’amiral Saisset, Son volume L’Invasion fut couronné par l’Académie française, de même que Les Dieux qu’on brise, recueil de vers d’une belle et noble inspiration.




COMMENT NAQUIT LA POÉSIE


Adam était assis à l’ombre d’un grand chêne.
Le soleil déclinait, la nuit était prochaine ;
Les animaux repus dormaient dans les halliers ;
Et l’Homme, ayant fini ses travaux journaliers,
Triste, rêveur, songeant aux choses inconnues,
Regardait les oiseaux s’ébattre dans les nues.
Or, comme il contemplait l’immensité des cieux,
Adam sentit des pleurs qui coulaient de ses yeux.

« Mon Dieu, dit-il, pourquoi n’ai-je donc pas des ailes,
Afin de traverser les plaines éternelles ?
Avant de m’endormir du sommeil du tombeau,
Je voudrais voir ton ciel si paisible et si beau ;
Je voudrais m’élancer sur cette mer profonde
De nuages d’azur qui flottent sur le monde
Et mon cœur ulcéré se guérirait bientôt
Si je pouvais enfin jeter l’ancre là-haut ! »
A peine il achevait sa demande attristée,
Dieu lui dit :
Dieu lui dit : « Ta prière, Adam, est écoutée.
Tu souffres, tu voudrais des ailes à ton corps,
Pour voler à travers ce monde du dehors,
Où vivent les oiseaux sous le soleil de flamme ?
Homme, je donnerai des ailes à ton âme ! »

Et, depuis, la Pensée, avec des ailes d’or,
Dans le monde idéal prend souvent son essor,
Au gré de la Douleur ou de la Fantaisie.
— Et c’est ainsi que Dieu créa la Poésie.

(Les Dieux qu’on brise.)