Anthologie des poètes français du XIXème siècle/Octave Lacroix

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Anthologie des poètes français du XIXème siècle, Texte établi par (Alphonse Lemerre), Alphonse Lemerre, éditeur** 1818 à 1841 (p. 220-221).




OCTAVE LACROIX


1829




Au sortir du collège de Juilly et encore à l’école de Droit, M. Octave Lacroix connut Sainte-Beuve et Prosper Mérimée, qui ont été les amis de sa jeunesse. Il fut pendant quatre ans le secrétaire de Sainte-Beuve, qui a dit de lui qu’il le considérait « comme son filleul littéraire et poétique. »

M. Octave Lacroix a publié, dans les journaux et dans les revues, de nombreux articles de critique française et étrangère et aussi de critique d’art. Il a donné en outre une édition d’Hégésippe Moreau (1851), les Chansons d’Avril (1852), Padre Antonio, nouvelles (1864), etc.

Le Théâtre français a joué avec succès une comédie en vers de M. Octave Lacroix, L’Amour et son train (1855), qui est restée au répertoire. On lui doit encore La Fille de l’Orfèvre, un acte en vers écrit en collaboration avec M. Welschinger et représenté à l’Odéon (1884).

A. L.




L’IDÉAL




La mer n’est qu’un vaste trésor
Où les poissons aux larges queues
Sont écaillés d’argent et d’or
Sous les ondes vertes ou bleues.
La perle a la couleur du lait,
Le corail l’éclat de la rose…
Plongeur distrait, pêcheur morose,
Jette au moins, jette ton filet.


— « Sous les flots des mers azurées
Je cherche à voir, dit le Pêcheur,
La Nymphe aux épaules nacrées…
Dans un rêve elle a pris mon cœur. »

Que d’enchantements ! que d’ivresses
Appellent tes illusions :
Ici, l’amour et ses caresses,
Là-bas, la gloire et ses rayons !
Plus loin la fortune sonore
Et ses adorateurs jaloux…
Poète, entre des biens si doux,
Choisis… Peux-tu tarder encore ?

— « Mon cœur, dit l’autre, est tourmenté
D’un désir immense et sans trêve.
J’aime la belle Vérité…
Une nuit, je l’ai vue, en rêve. »

Vous êtes deux fous ici-bas,
Pauvre Pêcheur, pauvre Poète !
Vos amantes ne viendront pas…
En vain l’eau s’agite, inquiète,
Dans les gouffres mystérieux,
Il n’est aucune Nymphe, aucune !
Et nul ne voit, hormis les dieux,
La Vérité, s’il en est une.

— « Tais-toi, car tu nous fais du mal.
Va-t’en ! répondent les deux Frères.
Passant, retourne à tes affaires…
La nôtre, à nous, c’est l’Idéal ! »