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Arômes du terroir/La vieille église

La bibliothèque libre.
Imprimerie Beauregard (p. 29-31).

La vieille église


Au sommet le plus haut, elle est dans la clarté.
Son clocher monte droit vers le ciel qui l’attire.
Symbole de l’Amour et de la Foi martyre,
La Croix se tient debout devant l’Éternité.

La campagne voulut élever sa prière
Avec l’ascension des neumes du plain-chant,
Et dressa sur les murs l’humble pierre des champs,
Pour témoigner à Dieu la croyance ouvrière.


La nef est embrumée, et l’odeur se répand
Des vœux que tout le jour laissent monter les cierges
Pieusement brûlés par les sereines vierges,
Dont le cantique pur ennoblit le serpent.

Dans les bancs noirs, rangés en scrupuleuse ligne,
L’usure du prie-dieu parle de piété
Plus que les paroissiens aux feuillets tachetés,
Où sont les oraisons que l’image souligne.

La Table-Sainte creuse, aux endroits où les vieux
Sont venus en pleurant prendre le viatique,
Pour tromper leur faiblesse en un repas mystique
Et gravir sans terreur la route des adieux.

Et les surplis froncés cachant la soutanelle
Portent le souvenir des générations
Qui font la force et la grandeur des nations,
En conservant la foi des choses éternelles.

Le vieux curé n’est plus, qui pour les miséreux
Saintement dépouillait les jeûnes de sa table.
En songeant qu’un Enfant naquit dans une étable
Pour que les dénûments fussent moins rigoureux.


Le Temple survivra dans sa vieillesse auguste
À tous ceux que la mort atteindra de sa main,
Car, dans l’âme, la foi n’a pas de lendemain
Et marque de son sceau l’éternité du Juste.

Janvier 1918.