Astronomie populaire (Arago)/I/09

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 24-30).

CHAPITRE IX

notions relatives aux lignes parallèles et aux angles formés par de telles lignes lorsqu’elles sont coupées par une sécante. — somme des angles d’un triangle. — proposition du carré de l’hypoténuse. — angles de deux plans.


Deux lignes tracées dans le même plan, sont dites parallèles lorsqu’elles ne se rencontrent pas, quelque loin qu’on les prolonge.

Soit AB (fig. 5), une ligne droite rencontrant en A une seconde ligne droite AC. Concevons qu’on ait découpé dans une surface flexible et inextensible, telle qu’une lame de fer ou de cuivre, un angle B′A′C′ égal à l’angle BAC. Cet angle B′A′C′ pourra être porté sur l’angle BAC de manière à coïncider complétement avec lui ; il suffit pour cela que A′ coïncide avec A, A′C′ avec AC, d’où résultera la coïncidence indéfinie de A′B′ avec AB. Cette coïncidence une fois obtenue, faisons marcher l’angle B′A′C′ de gauche à droite, mais de manière que le côté A′C′ coïncide toujours avec le côté AC. Chacun trouvera évident, je l’espère, que lorsque ce mouvement s’effectuera de gauche à droite, par exemple, en sorte que le point A se soit transporté en A′, le côté A′B′ se sera déplacé tout entier, quelque loin qu’on le suppose prolongé.

Fig. 5. — Égalité des angles correspondants formés par des droites parallèles

Les côtés AB et A′B′, d’après la définition de ce mot que nous avons donnée, seront donc parallèles ; mais, par supposition, l’angle BAC étant égal à l’angle B′A′C′, nous pourrons dire conséquemment que, lorsque deux parallèles AB et A′B′ sont coupées par une seconde droite AC, les angles tournés du même côté, formés par les deux parallèles et par la sécante, sont égaux entre eux. Ces angles, en géométrie, se nomment des angles correspondants.

Par un point A″ de la ligne A′B′ (fig. 6) menons la ligne A″C″ parallèle à AC coupée par la sécante A′B′. En vertu de ce que nous venons de dire, l’angle B′A″C″ sera égal à l’angle B′A′C, puisque ces deux angles satisfont à la définition des angles correspondants. Mais l’angle B′A′C est égal à l’angle BAC. Deux quantités égales à une troisième sont évidemment égales entre elles ; ainsi les angles A″ et A, égaux l’un et l’autre à l’angle A′, sont égaux entre eux. Les deux côtés de l’angle A″ sont par construction parallèles respectivement aux côtés qui forment l’angle A. Nous pouvons donc établir ce principe général : lorsque deux angles tournés dans le même sens sont formés de côtés parallèles, ils sont exactement égaux.

Fig. 6. — Égalité de deux angles tournés dans le même sens et formés
de côtés parallèles.

Prenons maintenant deux parallèles (fig. 7) AB, CD, et coupons-les par une sécante EF. L’angle BIG, formé par la ligne EF, est égal à l’angle DGF comme angles correspondants.

L’angle DGF est égal à l’angle CGI, puisqu’ils sont opposés par le sommet ; donc l’angle CGI est égal à l’angle BIG. Les deux angles en question sont tous les deux placés entre les parallèles ou internes, et des deux côtés de la sécante ou alternes ; d’où résulte cet énoncé : lorsqu’une sécante coupe deux parallèles, elle forme avec elles des angles alternes-internes égaux entre eux.

Fig. 7. — Égalité des angles alternes-internes formés par des droites parallèles.

À l’aide de ces données, nous pourrons démontrer le principe fondamental de toute la géométrie relatif à la somme des trois angles d’un triangle rectiligne ayant des côtés quelconques. Ce principe est le suivant :

La somme des trois angles d’un triangle rectiligne quelconque est égale à 180°.

Soit ABC (fig. 8) un triangle rectiligne quelconque. Prolongeons le côté AC dans la direction AE, et menons par le point C une ligne droite CD parallèle à la ligne AB.

Je vais démontrer que les trois angles réunis au point C du même côté de la ligne ACE sont égaux aux trois angles du triangle ABC.

L’angle BCA est, en effet, l’un des trois angles du triangle ; l’angle BCD est égal à l’angle ABC, puisque ce sont les angles alternes-internes résultant de la rencontre des deux lignes parallèles AB et CD par la sécante BC. L’angle DCE est égal à l’angle BAC, puisque ce sont deux angles correspondants qui résultent de la rencontre des deux parallèles AB et CD pour la sécante AE. Ainsi nous sommes parvenus par une construction très-simple, et qui consiste à nous aider de la parallèle CD, à réunir au point C trois angles égaux à ceux du triangle primitif BAC. Or, comme nous l’avons vu, la somme de tous les angles formés autour d’un point C d’une ligne AE et d’un même côté de cette ligne, vaut 180°.

Fig. 8. — Égalité de la somme des angles d’un triangle à 180 degré ou deux angles droits.

Donc la somme des trois angles d’un triangle quelconque satisfait à la même condition et est exactement égale à 180°.

Je voudrais bien pouvoir dire quel est le très-ancien géomètre auquel appartient la découverte de la belle proposition que je viens de démontrer ; mais l’histoire ne nous a rien transmis à cet égard, elle qui cependant s’est attachée à inscrire dans ses fastes le souvenir de tant de faits insignifiants, et même de tant de crimes, qui sont une flétrissure pour l’esprit et le cœur des hommes. Je me bornerai donc à dire que la proposition sur la somme des trois angles d’un triangle est devenue la clef des plus grandes découvertes, et que, sans elle, l’astronomie en particulier n’existerait pas ou serait réduite à des rudiments insignifiants et sans valeur.

Tout triangle, dans lequel il y a un angle de 90° ou un angle droit, s’appelle un triangle rectangle ; le côté opposé à l’angle droit, dans un triangle rectangle, se nomme l’hypoténuse. Si l’on forme trois carrés, l’un sur l’hypoténuse d’un triangle rectangle, les deux autres sur les côtés qui comprennent entre eux l’angle droit, la surface du premier carré est égale à la somme des surfaces des deux petits côtés.

C’est la fameuse proposition du carré de l’hypoténuse, dont l’énoncé a pris place dans le langage vulgaire. Cette locution : « c’est évident comme le carré de l’hypoténuse, » est connue de tout le monde.

La proposition du carré de l’hypoténuse peut être énoncée ainsi qu’il suit, et c’est sous cette seconde forme que nous en ferons usage lorsque nous chercherons, par exemple, à déterminer la hauteur des montagnes de la lune :

Si l’on mesure la longueur de l’hypoténuse en se servant d’une unité linéaire quelconque, du millimètre, par exemple, si l’on mesure de même les deux côtés comprenant l’angle droit, le carré du premier nombre sera égal à la somme des carrés des deux autres nombres.

C’est à Pythagore qu’on attribue la découverte de la proposition du carré de l’hypoténuse. Quelques historiens rapportent qu’il en fut tellement transporté, que pour témoigner sa reconnaissance aux dieux de l’avoir si bien inspiré, il leur sacrifia cent bœufs. Mais d’autres auteurs ont révoqué l’anecdote en doute en se fondant, non sans raison, sur la fortune très-bornée du philosophe et sur les principes, fruits de son voyage dans l’Inde, en conséquence desquels verser le sang des animaux était un crime.

Des surfaces planes peuvent, comme les lignes droites, être parallèles ou se couper. Lorsqu’elles se coupent, elles forment autour de leur commune intersection des angles qui sont plus ou moins ouverts, des angles de , de , de , etc., suivant que le plus grand angle rectiligne qu’on puisse introduire entre les-deux plans est de , de de , etc. On détermine la valeur de celui de ces angles rectilignes qui mesure l’angle des deux plans à l’aide d’une opération géométrique très-simple ; on mène par un point de la commune intersection deux perpendiculaires situées l’une dans un des plans, et la seconde dans l’autre.