Astronomie populaire (Arago)/XIV/04

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 2p. 87-91).

CHAPITRE IV

particularités relatives aux taches du soleil — pénombre,
noyau, lucules


Les taches à l’aide desquelles on a déterminé la rotation du Soleil sur son axe, ne se montrent pas indistinctement à toutes les distances de l’équateur solaire ; elles font généralement leurs apparitions dans une zone comprise entre 35° de déclinaison boréale et 35° de déclinaison australe comptés à partir de l’équateur du Soleil. M. Capocci, directeur de l’Observatoire de Capo di Monte à Naples, rapporte cependant qu’il a vu une petite tache se former en avril 1826, à 46° de déclinaison australe.

Les taches ont des dimensions très-dissemblables. On a observé des taches noires qui occupaient sur la surface du Soleil une étendue linéaire égale à 167″ ; comme le diamètre de la Terre, vu à la même distance, ne sous tendrait qu’un angle de 17″,2, on voit que les taches en question avaient un diamètre réel environ dix fois plus considérable que celui de la Terre.

Les taches solaires ont peu de permanence ; on en a remarqué cependant qui sont restées visibles pendant cinq à six révolutions consécutives, c’est-à-dire pendant cinq à six mois. On en cite d’autres qui ont disparu tout à coup pendant leur passage du bord oriental au bord occidental du Soleil.

Il est remarquable que les facules se montrent près des taches noires, qu’elles annoncent en quelque sorte leurs apparitions prochaines. Le contour extérieur d’une tache noire est toujours net, bien défini.

Tout autour d’une tache noire, quand elle a de grandes dimensions, existe presque toujours une zone étendue d’une teinte moins sombre, dont les contours sont nettement terminés comme ceux de la tache noire ; cette zone porte aujourd’hui le nom de pénombre. La pénombre est notablement plus lumineuse que la tache noire, mais notablement moins brillante que le reste du Soleil ; son éclat est presque uniforme, excepté dans les parties qui touchent au noyau noir, où l’on remarque sous ce rapport une augmentation sensible.

Supposons qu’à l’époque du passage d’une tache noire par le centre du Soleil la pénombre qui l’entoure ait été également étendue dans tous les sens, en bien, chose singulière, au moment où la tache s’est montrée sur le bord oriental, la pénombre était sensiblement moins étendue du côté du centre que vers le bord.

On observera la même chose vers l’époque de la disparition au bord occidental ; ce sera vers ce bord occidental que la pénombre aura le plus d’étendue. Ces résultats sont contraires à ce qu’on aurait dû prévoir d’après les lois de la perspective, qui veulent qu’un objet paraisse d’autant plus rétréci qu’il est vu plus obliquement. Qui ne comprend, en effet, que la portion de pénombre la plus voisine du bord est celle qui se voit sous un angle plus aigu, et qu’alors elle devrait paraître comparativement moins étendue que la portion comprise entre le noyau noir et le centre du disque solaire ? Puisque c’est l’inverse qu’on observe presque généralement, il faut en conclure que ce qui produit la pénombre n’est pas à la surface extérieure et lumineuse du Soleil, mais existe à une certaine profondeur au-dessous de cette surface.

Le Soleil examiné attentivement et avec un grossissement suffisant, ne paraît pas avoir un éclat uniforme ; il est couvert de rugosités que l’on peut assimiler à celles que présente la peau d’une orange, il ressemble au pointillé dont est formé le fond de certaines gravures. Ces irrégularités dans l’éclat du Soleil ne sont pas circonscrites, comme les taches noires proprement dites, dans une zone d’une largeur limitée au nord et au midi de l’équateur solaire ; elles s’observent dans toutes les parties de la surface, même dans celles qui avoisinent les pôles de rotation.

Les innombrables rides lumineuses dont la surface du Soleil est sans cesse sillonnée, ont été appelées des lucules[1].

Les figures 140 à 155 donnent des représentations exactes de taches solaires dessinées dans les Nouvelles astronomiques de Schumacher, avec leurs diverses particularités, par M. Pastorff, de l’Observatoire de Bucholz, près de Francfort sur Oder, et par M. Capocci, de l’Observatoire de Capo di Monte à Naples.

La figure 140 donne l’aspect remarquable présenté par le Soleil le 24 mai 1828, à 10 heures 1/2 du matin ; il y avait une tache principale ayant 100″ de longueur et 60″ de largeur, et en outre quatre autres taches ayant respectivement 66″, 38″, 66″ et 46″ de long, et 10″, 20″, 26″ et 42″ de large. Toutes les taches alors observées ont été partagées par M. Pastorff, en quatre groupes A, B, C et D, qui sont dessinées avec un fort grossissement dans les figures 141, 142, 143 et 144.

Vingt-sept jours plus tard, le 21 juin, à 9 heures 1/2 du matin, le Soleil présentait l’aspect que montre la figure 145.

Les quatre groupes de taches A, B, C et D, sont de même dessinés avec un fort grossissement dans les figures 146, 147, 148 et 149, qui montrent les déformations considérables qu’une seule révolution solaire a apportées dans le phénomène.

Les figures 150 et 151, 152 et 153, 154 et 155, qui représentent des taches observées le 27 septembre, le 2 et le 6 octobre 1826, à la fois à Francfort et à Naples, donnent une idée des diversités d’aspect que le noyau, la pénombre, les facules et les lucules peuvent offrir au même moment à deux observateurs qui sont placés dans des lieux très-éloignés et qui se servent d’instruments différents.

  1. Du latin lucere, envoyer de la lumière.