Astronomie populaire (Arago)/XIX/07

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 2p. 524-526).

CHAPITRE VII

montagnes de vénus


Je citerai, par ordre de date, les observations d’où l’on a pu déduire que la planète Vénus est couverte de très-hautes montagnes.

Les historiens de l’astronomie ont laissé dans l’oubli deux de ces anciennes observations sans aucun motif plausible.

En 1700, dans le mois d’août, La Hire observant Vénus de jour près de sa conjonction inférieure, aperçut sur la partie intérieure du croissant des inégalités qui ne pouvaient être produites que par des montagnes plus hautes que celles de la Lune.

La lunette dont La Hire se servait avait 5m,20 de distance focale et grossissait 90 fois.

Voici un passage extrait de la Théologie astronomique de Derharn : « En regardant Vénus avec les verres de M. Huygens (télescope de 30m) j’ai cru voir des sinuosités et des inégalités sur la partie concave de son bord éclairé, telles que nous en apercevons dans la nouvelle Lune. »

Schrœter portant son attention sur la partie du croissant très-voisine des cornes, les vit quelquefois tronquées ; il y a plus, le 28 décembre 1789, le 31 janvier 1790 et le 27 février 1793, il aperçut près de la corne méridionale, comme cela serait arrivé en observant la Lune, un point lumineux tout à fait isolé, c’est-à-dire séparé par un espace obscur du reste du croissant.

Schrœter employa divers grossissements, et plusieurs personnes présentes à l’observation la confirmèrent par leur témoignage.

Supposons la planète sans aspérités, parfaitement lisse. Son croissant se terminera toujours par deux pointes exactement pareilles et très-aiguës. Admettons, au contraire, que Vénus soit couverte de montagnes. Leur interposition sur la route des rayons éclairants venant du Soleil, pourra empêcher quelquefois l’une ou l’autre des cornes, ou toutes les deux à la fois, de se former régulièrement ; le croissant n’aura plus alors une entière symétrie ; les cornes ne seront pas constamment pointues, constamment semblables ; on les apercevra tronquées. C’est ainsi que les choses se passent, comme nous l’avons vu précédemment par les dessins (fig. 224) donnés par MM. Beer et Masdler ; donc Vénus n’est pas un corps poli ; donc il existe à sa surface des montagnes, comme nous verrons que cela a lieu pour la Lune.

Les phénomènes de la troncature ou de rallongement irrégulier des cornes, ont donc servi à prouver qu’il existe, à la surface de cette planète, des montagnes, dont la hauteur surpasse énormément celle des montagnes terrestres.

Le résultat général des mesures prises a été que les plus hautes montagnes de Vénus sont cinq fois plus élevées que les plus hautes montagnes de la Terre, que leur hauteur atteint 44 000 mètres ou 11 lieues.

William Herschel crut devoir répandre des doutes sur ces résultats.

Schrœter répondit, en faisant remarquer le peu de valeur qu’ont des faits négatifs ; il ajouta que les jours et les heures où Herschel n’avait pas aperçu d’irrégularités dans le croissant de la planète, coïncidaient avec les jours et les heures où l’on n’avait pas non plus vu d’irrégularités à Lilienthal, ainsi que cela découlait du Mémoire soumis antérieurement à la Société royale de Londres et inséré dans les Transactions philosophiques.