Astronomie populaire (Arago)/XVI/04

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 2p. 209-214).

CHAPITRE IV

mouvements apparents des planètes rapportés au mouvement apparent du soleil


Tous les phénomènes singuliers que nous venons de passer en revue montrent que les planètes ne peuvent être comparées aux étoiles, qu’il faut chercher à les rattacher au Soleil avec l’orbite apparente duquel leurs orbites apparentes semblent, dès le premier examen des figures 166 et 167, avoir des rapports intimes. Un pareil rapprochement des mouvements apparents du Soleil et des planètes montre d’abord que les plus grandes vitesses, soit du mouvement direct, soit du mouvement rétrograde, ont toujours lieu quand les centres de la Terre, du Soleil et de la planète observée semblent former une même ligne droite. On reconnaît ensuite que les planètes que nous avons appelées inférieures, que Mercure et Vénus ne s’éloignent jamais du Soleil qu’à des distances angulaires assez petites, tandis que les planètes supérieures s’écartent de l’astre radieux à toutes les distances angulaires possibles.

Lorsqu’une planète vue de la Terre est à gauche du Soleil, on dit qu’elle est en digression orientale ; la digression est au contraire occidentale, si la planète est aperçue à droite du Soleil.

Une planète est en conjonction avec le Soleil, quand elle s’interpose entre le Soleil et la Terre ; la planète est en opposition avec le Soleil, quand c’est la Terre qui est interposée entre elle et le Soleil ; enfin elle est en opposition avec la Terre, quand c’est le Soleil qui est interposé entre elle et notre globe.

Lorsqu’une planète se trouve sur une même ligne droite avec la Terre et le Soleil, mais au delà de ce dernier par rapport à la Terre, on dit que la planète et le Soleil sont en conjonction supérieure ; il sont en conjonction inférieure, quand la planète est placée entre le Soleil et la Terre. Les positions des planètes à 90° des conjonctions ou des oppositions sont dites les quadratures.

Ces définitions posées, voyons quelles sont les apparences des mouvements des planètes rapprochés du mouvement apparent du Soleil autour de la Terre.

Occupons-nous d’abord des planètes inférieures.

Nous rappellerons seulement que le mouvement apparent du Soleil, par rapport aux étoiles, a toujours lieu dans le même sens, et que la vitesse de l’astre radieux est sensiblement constante. À une certaine époque, la planète considérée est invisible pour nous ; elle est en opposition avec la Terre, c’est-à-dire que le Soleil nous la cache. Quelque temps après, nous la voyons apparaître à l’orient du Soleil et elle semble s’en éloigner. Elle exécute alors, en même temps que le Soleil, un mouvement direct par rapport aux étoiles. Mais tandis que la vitesse du Soleil est sensiblement constante, celle de la planète va en diminuant, elle parait exécuter un mouvement rétrograde par rapport au Soleil, quoique son mouvement par rapport aux étoiles soit encore direct. La vitesse de la planète par rapport aux étoiles devient nulle un peu plus tard, et alors elle paraît stationnaire sur la sphère étoilée, quoiqu’elle continue, à avoir un mouvement apparent rétrograde par rapport au Soleil. Le mouvement rétrograde par rapport aux étoiles commence ensuite, et pendant toute la durée de ce mouvement apparent, le mouvement par rapport au Soleil continue à être rétrograde. La planète fait une nouvelle station par rapport aux étoiles, puis sa vitesse change de signe, son mouvement redevient direct d’abord par rapport aux étoiles, puis par rapport au Soleil dont elle se rapproche, et ainsi de suite.

De telles apparences conduisent évidemment à penser que la planète se meut autour du Soleil dans une orbite emportée par l’astre radieux dans son mouvement apparent autour de la Terre. Cette conclusion est fortifiée quand on s’occupe des phases que présentent les planètes inférieures. En effet, lors de ses plus grandes élongations, la planète nous offre l’apparence d’un demi-disque lumineux dont le bord rectiligne est tourné vers le Soleil. Entre ses élongations extrêmes, la planète se présente comme un croissant dont la convexité regarde l’astre radieux. Une figure bien simple rend compte de toutes les circonstances des apparences observées. Si on suppose le Soleil en S et la Terre en T, et que la planète P soit d’abord en opposition avec le Soleil (fig. 168), elle tourne évidemment vers la Terre son disque entièrement éclairé. Elle s’éloigne alors du Soleil en exécutant un mouvement rétrograde, jusqu’à ce qu’elle ait atteint sa plus grande digression orientale en P″, lorsque l’angle SP″T est droit. Dans l’intervalle, la partie éclairée du disque qu’elle nous présente, par exemple, en P′, va en diminuant ; en P″, la moitié seule nous apparaît lumineuse. Il y a station en P″, puis le mouvement devient direct, et il y a conjonction en Piv ; dans l’intervalle, en P‴ par exemple, on ne voyait qu’un croissant.
Fig. 168. — Mouvement d’une planète inférieure autour du Soleil,
vu de la Terre.
Au moment de la conjonction, si la planète est par hasard dans le plan de l’écliptique, elle se projette sur le Soleil, où elleproduit une tache noire, qu’on ne peut confondre avec les taches solaires, parce qu’elle traverse le disque du Soleil d’un mouvement uniforme et en formant un cercle exact.

Le mouvement devient rétrograde par rapport au Soleil jusqu’au maximum de la digression occidentale en Pvi ; il y a alors une station, et le mouvement paraît ensuite direct par rapport au Soleil, dont la planète semble se rapprocher, jusqu’à ce qu’elle soit en opposition en P. Dans les intervalles, en Pv et Pvii, elle présente à la Terre un croissant, puis une partie de plus en plus complète de son disque éclairé.

Fig. 169. — Mouvement apparent d’une planète supérieure,
vu de la Terre.

Pour les planètes supérieures, les apparences ne seront plus les mêmes. Il y a un moment où la planète considérée est en conjonction supérieure en P, et le Soleil S (fig. 169) nous la cache. À partir de cet instant, les deux astres prennent un mouvement direct par rapport aux étoiles, mais le Soleil a un mouvement plus rapide que celui de la planète. Celle-ci est animée d’un mouvement rétrograde par rapport au Soleil. La planète a atteint bientôt une position P′ à peu près stationnaire par rapport aux étoiles, et elle prend un mouvement rétrograde. Lorsqu’elle est arrivée en p au maximum de vitesse et au milieu de l’arc de son mouvement rétrograde, le Soleil est en S′ en opposition avec elle. A partir de ce moment, la planète a un mouvement direct par rapport au Soleil, quoique rétrograde encore par rapport aux étoiles. Arrivée en P″, la planète reprend un mouvement direct par rapport aux étoiles. Le Soleil vient de nouveau se mettre en conjonction supérieure en S′ avec la planète, lorsque celle-ci arrive en P‴ au maximum de vitesse et au milieu de l’arc de son mouvement direct.

Ces faits démontrent évidemment que le Soleil joue un rôle important dans le mouvement des planètes supérieures, tout aussi bien que dans celui des planètes inférieures.

Comme les planètes supérieures ne présentent pas de phases sensibles, à l’exception de Mars, on est conduit à penser qu’elles se meuvent autour du Soleil dans des orbites dont le rayon est plus grand que la distance du Soleil à la Terre. On conçoit en effet que, dans cette hypothèse, quelles que soient les positions relatives du Soleil et des planètes, nous devrons toujours apercevoir celles-ci entièrement, excepté aux époques des conjonctions.