Astronomie populaire (Arago)/XVIII/04

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 2p. 498-506).

CHAPITRE IV

grandeur et constitution physique de mercure


La distance moyenne de Mercure au Soleil étant 0,387, celle de la Terre étant 1, on trouve 14 706 000 lieues pour cette distance, exprimée en lieues de 4 kilomètres.

La valeur de 0,206 pour l’excentricité conduit à une distance périhélie de 0,307 et à une distance aphélie de 0,467, c’est-à-dire que la plus petite distance de Mercure au Soleil est de 11 666 000 lieues et la plus grande de 17 746 000 lieues.

Connaissant la distance de la Terre au Soleil, en un instant donné, et celle du Soleil à la planète, on peut toujours, les positions des orbites étant d’ailleurs parfaitement déterminées, obtenir par le calcul d’un triangle la distance de la Terre à Mercure. On trouve que la plus grande distance et la plus petite sont respectivement de 51 000 000 et de 18 700 000 lieues.

Mercure ayant presque toujours des phases, on ne parvient à déterminer avec certitude sa forme réelle, que lorsqu’on le voit négativement pendant son passage sur le Soleil.

Les astronomes qui ont vu passer Mercure sur le Soleil, ont rarement négligé de mesurer son diamètre en secondes, à l’aide d’observations micrométriques. Ce diamètre, ramené par le calcul à la distance moyenne de la Terre au Soleil, et comparé à celui que notre globe doit présenter à la même distance, a servi à calculer le rapport du volume de Mercure au volume de la Terre.

On se fera une idée des variations que cette appréciation a dû subir, en parcourant des yeux le tableau suivant des diamètres de Mercure ramenés à la distance moyenne de la planète au Soleil, observés pendant le passage de 1832, et en se rappelant que les volumes varient proportionnellement aux cubes des diamètres :

Bessel 
 6″,70
Maedler et Beer 
 5″,82
Gambart 
 5″,18


Le diamètre apparent de Mercure oscille de 4″,4 à 12″ ; à une distance de la Terre égale à la distance moyenne de la Terre au Soleil, il a une valeur de 6″,75. Le diamètre réel est par conséquent de 1 243 lieues, ou les 391 millièmes du diamètre de la Terre. Le volume de la planète est donc égal à 0,060, celui de notre globe étant pris pour unité. La figure 219 montre les rapports desgrandeurs du disque de Mercure, dans son plus grand éloignement de la Terre en A, dans sa distance moyenne en B et dans son plus fort rapprochement en C.

Fig. 219. — Grandeurs apparentes du disque de Mercure aux distances extrêmes
et à la distance moyenne de la Terre.

En observant le passage de Mercure en 1779, Lalande crut remarquer un aplatissement sensible dans la tache noire qui dessinait Mercure sur le corps du Soleil. Mais les moyens de mesure de l’astronome français étaient-ils suffisamment précis pour qu’il pût répondre d’une très-petite fraction de seconde ?

On a cité à ce sujet une observation plus ancienne, faite par Gallet à Avignon, en 1677, avec une lunette de Borelli, de 7m,5, et dans laquelle Mercure parut ovale, son plus grand axe étant parallèle au plan de l’équateur. Mais n’aurait-on pas dû remarquer que le même observateur décrivant la tache que formait Mercure sur l’image amplifiée du Soleil à la surface d’un écran, rapporte que cette tache était toute ronde et non pas ovale ?

Messier, Méchain et Schrœter disent avoir aperçu, autour du disque noir de Mercure, passant sur le Soleil, un anneau très-mince et faiblement lumineux, ce qu’ils ont attribué à l’affaiblissement que la lumière solaire éprouvait en traversant une épaisse atmosphère dont la planète serait entourée ; mais je dois ajouter que ces observations ont été contredites.

Herschel notamment prétend avoir constaté que le contour de Mercure reste parfaitement terminé pendant toute la durée du passage. Or, on sait que la lumière s’affaiblit et se colore inévitablement en traversant une atmosphère. Si donc l’attention la plus soutenue ne fait apercevoir autour de la tache aucun anneau qui soit différent, par l’intensité ou par la teinte, du disque solaire, il est difficile d’admettre l’existence d’une atmosphère autour de la planète. Il est bon de remarquer, au surplus, que ces considérations n’ont rien d’absolu et qu’on peut échapper aux conséquences qui semblent découler des observations que fit Herschel pendant le passage de 1802, en atténuant suffisamment par la pensée la densité, la réfrangibilité ou la hauteur de l’atmosphère de la planète.

Si Mercure était entouré d’une atmosphère, les rayons lumineux éprouveraient une déviation en la traversant ; cette déviation semblerait devoir se manifester par une déformation du limbe du Soleil, au moment où le prolongement de la ligne menée réellement de l’œil de l’observateur au bord de la petite planète, serait à peu près tangent au contour du grand astre. Aucune déformation de ce genre ne se fit remarquer à l’instant précis où le bord de Mercure allait cesser de se projeter sur le Soleil, dans la matinée du 9 novembre 1802. Les rides du Soleil (corrugations) auraient été aussi un moyen très-délicat pour juger de l’existence et même de la valeur des déformations engendrées par l’atmosphère de Mercure. Les rides conduisirent à un résultat négatif, comme le contour du disque.

Pendant toute la durée du passage, Mercure parut considérablement plus noir et d’un noir plus uniforme que les noyaux de deux grandes taches solaires auxquels il fut possible de le comparer.

Mais nous le répétons, les observations contradictoires de divers astronomes sur l’apparence du disque de Mercure passant sur le Soleil, ne sont point suffisantes pour nier ou pour affirmer l’existence d’une atmosphère dans cette planète. L’état particulier des couches atmosphériques correspondantes au bord de la planète peut servir à expliquer le désaccord apparent d’observateurs également exercés.

Une preuve plus évidente de l’existence d’une atmosphère autour de Mercure, résulte de la formation subite de bandes obscures qu’on remarque sur son disque lumineux.

Ces bandes occupent souvent des espaces considérables et occasionnent sur la surface de la planète des variations très-sensibles d’éclat.

Les observations concernant la formation de bandes obscures sur la surface de Mercure et les variations momentanées d’éclat de cette planète, d’où l’on a déduit avec quelque certitude l’existence d’une atmosphère, appartiennent à Schrœter et Harding, et sont de l’année 1801.

On a cru voir une démonstration nouvelle de l’existence d’une atmosphère dans ce fait, au demeurant très-difficile à constater, que le cercle terminateur de la partie éclairée de la planète pendant ses phases serait plus faible que le reste du disque.

Enfin, en calculant pour le 29 septembre 1832 l’étendue de la phase, MM. Beer et Mædler ont trouvé qu’elle était supérieure à la phase visible. De là, en attribuant à un défaut de diaphanéité une plus grande influence qu’à la réfraction, on est arrivé, par une voie totalement différente des déductions que nous avons précédemment examinées, à la conséquence que Mercure est pourvu d’une atmosphère.

La question de savoir si Mercure est doué d’un mouvement de rotation a justement appelé l’attention des astronomes.

Si la planète était sans aspérités sensibles, son croissant serait toujours terminé par deux cornes également aiguës, résultant de l’intersection de la bordure circulaire et de la courbe elliptique qui la dessinent dans l’espace (fig. 220) ; mais on remarque, en quelques circonstances, que l’une des cornes, la méridionale, s’émousse sensiblement, qu’elle présente une véritable troncature (fig. 221). Pour rendre compte de ce fait, on a admis que, près de cette corne méridionale, il existe une montagne très-élevée qui arrête la lumière du Soleil et l’empêche d’aller jusqu’au point que la corne aiguë aurait occupé sans cela.

Fig. 220. — Croissant à cornes également aiguës.
Fig. 221. — Troncature de la corne méridionale de Mercure.

La réapparition régulière de ce phénomène de troncature pourra donc être regardée comme l’indice du retour de la montagne au bord du disque apparent.

La comparaison des moments où la troncature se manifeste, a conduit à la conséquence que Mercure tourne sur lui-même en 24h 5m de temps moyen.

L’étendue de cette troncature peut servir à calculer la hauteur de la montagne qui la produit. Cette hauteur a été trouvée égale à environ 5 lieues de 4 kilomètres ; elle est la 125e partie à peu près du rayon de la planète, c’est-à-dire extrêmement grande si on la compare aux hauteurs des montagnes qui existent à la surface de la Terre.

Les observations des cornes à l’aide desquelles on a déterminé le mouvement de rotation de Mercure sur lui-même, et évalué la hauteur de la montagne produisant la troncature de la corne méridionale, remontent à 1800 et 1801, et sont dues à Schrœter de Lilienthal.

D’autres observations, quoique peu propres à déterminer le temps de la rotation de la planète, les observations de bandes (fig. 222), faites par Schrœter et Harding, ont semblé prouver que l’équateur de Mercure fait avec le plan de son orbite un angle d’environ 70°.

Fig. 222. — Bandes de Mercure[1].

Pendant le passage de Mercure de 1799, Schrœter et Harding à Lilienthal, Kœhler à Dresde, virent sur son disque obscur un petit point lumineux d’où l’on a conclu qu’il y a dans cette planète des volcans actuellement en ignition.

Le déplacement de ce point, relativement au bord apparent de Mercure, servit, sinon à mesurer, du moins à constater le mouvement de rotation de la planète sur son centre.

Ceux qui voudront se livrer à des spéculations sur l’état thermométrique de Mercure, pourront partir de ce fait que la lumière et la chaleur solaires arrivent à la surface de la planète avec une intensité moyenne égale à 7 ou plus exactement à 6,67, cette intensité étant supposée être égale à 1 à la surface de la Terre, lorsque notre globe se trouve à sa distance moyenne de l’astre radieux qui nous éclaire et nous échauffe.

On arrive à ce résultat en admettant que l’intensité de la lumière et de la chaleur émises par une source, et qui tombent sur des corps diversement éloignés, varie en raison inverse du carré des distances de ces corps à la source. D’après cette loi et à cause de l’excentricité considérable de l’orbite de Mercure, la lumière et la chaleur que cette planète reçoit du Soleil varient depuis 4,59 à l’aphélie, jusqu’à 10,58 au périhélie.

  1. Les figures 218, 219, 220, 221, 222, 223 et 226, qui donnent les grandeurs relatives de Mercure et de Vénus dans différentes positions, ont été faites à la même échelle, en prenant 1 millimètre pour représenter une seconde.