Astronomie populaire (Arago)/XXXIII/15

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 675-678).

CHAPITRE XV

réformation julienne


Jules César résolut de porter remède à tous les désordres que nous venons de signaler, et d’établir une intercalation régulière, invariable, exempte d’arbitraire, qui les prévînt à l’avenir. Un astronome égyptien, Sosigène, lui prêta son concours ; et leur travail commun conduisit à ce qu’on est convenu d’appeler réformation julienne, du nom de Jules César.

L’idée de régler l’année civile sur une période dans laquelle il y aurait un nombre fractionnaire de jours dut être rejetée de prime abord par l’esprit éminemment judicieux de César.

Supposons, en effet, que l’année civile eût été réglée sur une durée de 365 jours 1/4, et qu’une certaine année de ce nouveau calendrier eût pour origine le 1er janvier à minuit ; l’année suivante aurait commencé à six heures du matin, l’année d’après à midi : ce n’eût été qu’après une période de quatre ans que le commencement fût revenu à minuit. On conçoit, sans que nous insistions davantage, tous les inconvénients qui seraient résultés d’un commencement d’année variable avec la date.

Une seconde condition à laquelle il fallait satisfaire, pour que les années se prêtassent à une facile transformation en un nombre équivalent de jours, était que l’intercalation s’opérât d’une manière régulière et simple. On peut affirmer que cette condition est remplie dans le calendrier julien.

Pour réparer le mal qui était résulté de la longueur défectueuse donnée au mois intercalaire mercedonius, et des mauvaises pratiques des pontifes, César assigna à l’an 708 de Rome une durée de 445 jours. Ces 445 jours se composèrent, de l’année ordinaire, d’un mercedonius de 23 jours et de deux mois intercalaires, l’un de 33 jours, l’autre de 34, qui furent placés entre novembre et décembre.

L’année où s’opéra cette réforme s’appela l’année de confusion. C’est la quarante-sixième avant notre ère.

La réformation julienne fixa la longueur de l’année astronomique à 365j,25. Le mercedonius disparut, et les jours dont on eut alors à disposer furent répartis de manière à choquer le moins possible les idées et les préjugés des Romains. Ainsi février conserva ses 28 jours : en lui en donnant 30 on eût cru compromettre le salut de l’État. Sept mois, et non plus seulement cinq, comptèrent dès lors 31 jours : les nouveaux mois, portés à la dignité de menses majores, de grands mois, furent les mois sextilis et décembre.

Après que Jules César eut réformé le calendrier, Marc-Antoine, alors consul, fit décréter que, pour perpétuer la mémoire d’un pareil bienfait, le mois quintilis, dans lequel César était né, prendrait le nom de Julius (juillet).

Plus tard (en l’an 730 de Rome), le sénat décida, comme nous l’apprend Macrobe, qu’en mémoire des nombreux services qu’Auguste rendit à l’empire pendant le mois sextilis, ce mois s’appellerait Augustus (août).

Ces deux changements de nom furent acceptés. De là les tentatives que firent Tibère, Claude, Néron, Domitien pour inscrire leurs noms dans le calendrier. Heureusement le monde n’a pas eu à souffrir cette ignominie.

Jules César et Sosigène placèrent le jour complémentaire dans le mois de février ; mais la hardiesse ne fut pas aussi grande qu’elle le paraît d’abord ; ce mois malheureux, ce mois pair, conserva son caractère antique : au lieu de le porter à 29 jours dans les années à intercalation, on lui laissa en apparence ses 28 jours primordiaux.

Il y avait dans ce mois un sixième jour avant les calendes de mars, un jour qu’on appelait sexto-calendas, dans lequel on célébrait la fête du régifuge, instituée en mémoire de l’expulsion de Tarquin. C’est entre ce jour et la veille qu’on plaça le jour intercalaire sous le nom de bissexto-calendas. De là le nom de bissextile donné aux années de 366 jours[1].

Les pontifes successeurs de César furent chargés de présider à l’exécution de la réforme qu’il avait établie ; mais ils se trompèrent en considérant chaque bissextile écoulée, comme faisant partie des quatre années qui devaient fixer la bissextile suivante ; en sorte qu’en réalité, les bissextiles revenaient de trois en trois ans.

Ainsi ces graves personnages, qui n’auraient pas hésité à prédire l’avenir d’après le vol des oiseaux ou sur l’inspection des entrailles d’un animal égorgé par le sacrificateur, ne comprirent pas qu’il fallait multiplier 1/4 par 4 pour obtenir 1. Cette erreur, dans l’application de la réforme julienne, dura trente-six ans. Auguste y porta alors remède, en retranchant les bissextiles de trop qu’on avait introduites dans cette période.

  1. Ce fut vers l’année 45 avant Jésus-Christ, suivant la manière de compter des astronomes, que s’opéra la réforme julienne ; on voit que cette grande transformation ne précéda guère que d’un an la mort de César.