Astronomie populaire (Arago)/XXXIII/41

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 719-722).

CHAPITRE XLI

arrivera-t-il un temps où les jours seront égaux entre eux, et jouiront de la même température toute l’année ?


L’année, comme nous l’avons vu (liv. xxxii, chap. xii), a été partagée en quatre saisons ; le printemps est l’intervalle de temps qui s’écoule entre l’équinoxe de la fin de mars et le solstice d’été ; l’été est le temps qui s’écoule entre ce solstice et l’équinoxe d’automne ; l’automne se compose du nombre de jours dont le Soleil a besoin pour aller de l’équinoxe d’automne au solstice d’hiver ; l’hiver, enfin, règne dans l’hémisphère boréal depuis le moment du passage du Soleil par le solstice d’hiver jusqu’à l’équinoxe de printemps.

Quoiqu’il y ait exactement 180 degrés de l’équinoxe de printemps à l’équinoxe d’automne, en passant par le solstice d’été, et 180 degrés, restant du cercle entier, depuis l’équinoxe d’automne jusqu’à l’équinoxe de printemps, en passant par le solstice d’hiver ; quoique la ligne qui joint les deux équinoxes partage ainsi en deux parties égales le cercle de l’écliptique décrit annuellement par le Soleil, en vertu de son mouvement propre apparent, on trouve que les deux moitiés de ce cercle ne sont pas parcourues dans des temps égaux. Le printemps et l’été sont d’environ 8 jours plus longs que l’automne réuni à l’hiver (liv. xxxii, chap. xxi).

Cette différence de longueur entre les temps employés par le Soleil à décrire la moitié boréale et la moitié australe de sa course elliptique annuelle, cette différence, qui tient évidemment à ce que le périgée, ou le point de l’orbite dans lequel le Soleil se meut le plus vite actuellement, est situé dans la portion méridionale de cette courbe, avait jadis joué un grand rôle dans l’explication de ce phénomène météorologique curieux, que les deux hémisphères de la Terre ne jouissent pas de la même température à parité de latitude.

J’ai montré (liv. xxxii, chap. xvi) le peu de fondement de cette explication ; mais j’ajouterai ici quelques mots sur un état hypothétique vers lequel, s’il fallait en croire certains esprits systématiques, la Terre convergerait graduellement ; sur ce printemps perpétuel, préconisé dans divers ouvrages de science, qu’on pourrait, à bon droit, appeler des romans. On a vu, dans l’explication détaillée et minutieuse que nous avons donnée, en son lieu et place, du phénomène des saisons (liv. xxxii, chap. xii), que la chaleur que le Soleil verse en un jour donné sur un horizon déterminé comme celui de Paris, par exemple, que la portion de cette chaleur, qui s’y accumule, dépendent de la durée du jour, de l’inclinaison sous laquelle sont dardés, à midi, les rayons venant de l’astre, et de la chaleur des jours précédents.

Tout cela est évidemment lié à la déclinaison du Soleil. Si cet astre radieux parcourait invariablement le plan de l’équateur, en vertu de son mouvement propre, le jour serait constamment égal à la nuit sur toute la Terre, et les rayons frapperaient tous les jours sous la même série d’inclinaisons les objets dont un horizon déterminé se compose. Il n’y aurait donc pas de raisons pour qu’il existât quelques différences, abstraction faite des circonstances atmosphériques locales, entre les températures des différents jours de l’année.

La constance des températures en chaque lieu serait la suite inévitable de l’événement astronomique dont nous avons fait mention ; mais on se trompe lorsqu’on induit de la dénomination impropre de printemps perpétuel, la conséquence qu’en chaque lieu la température serait la même ; que le climat dont on jouirait en Laponie serait exactement semblable à celui de l’Espagne, par exemple. Ceux qui les premiers se servirent de l’expression vicieuse de printemps perpétuel, voulurent dire seulement que si le Soleil ne sortait pas du plan de l’équateur, il n’y aurait en chaque lieu, ni printemps, ni été, ni automne, ni hiver ; que toutes les saisons seraient pareilles entre elles dans chaque lieu déterminé, mais nullement qu’on éprouverait les mêmes températures sous toutes les latitudes. C’est pour rectifier cette erreur, fort répandue parmi les gens du monde, que j’ai écrit ces quelques lignes. Au reste, la coïncidence de la course annuelle du Soleil avec le plan de l’équateur, que cette idée d’un printemps perpétuel suppose, n’arrivera jamais. On prouve, il est vrai, par les observations, que le plan de l’écliptique, dans lequel est maintenant contenue la courbe décrite annuellement par le Soleil, se rapproche chaque année du plan de l’équateur ; on pouvait dès lors supposer que ces deux plans finiraient, tôt ou tard, par coïncider entre eux. Mais la théorie a fait connaître la cause de ce changement d’inclinaison (liv. xxiii, chap. iv) ; elle a montré qu’après s’être rapprochée de l’équateur pendant un certain temps, l’écliptique s’en éloigne, que les oscillations totales sont comprises entre des limites très-rapprochées, et qu’elles ne pourront apporter dans les climats terrestres que des variations peu considérables.