Au bord de l’eau (extraits)/Introduction

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Traduits par Antoine Bazin
Introduction
ROMANS
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LE SIÈCLE DES YOUÊN,
OU
TABLEAU HISTORIQUE
DE LA LITTÉRATURE CHINOISE,
DEPUIS L’AVÈNEMENT DES EMPEREURS MONGOLS
JUSQU’À LA RESTAURATION DES MING.

DEUXIÈME PARTIE.

LANGUE COMMUNE.
NOTICES ET EXTRAITS DES PRINCIPAUX MONUMENTS LITTÉRAIRES.
DE LA DYNASTIE DES YOUÊN.

§ 1. ROMANS.


Dans le nombre de ces productions agréables que les Chinois appellent 小說 « romans », il faut distinguer particulièrement le San-koue-tchi, ou « l’Histoire des trois royaumes », et le Chouï-hou-tchouen, ou « l’Histoire des rivages », chefs-d’œuvre brillants légués par la dynastie des Youên.

Le San-koue-tchi 三國志 est un roman dont le sujet est pris dans l’histoire d’une guerre civile qui dura près d’un siècle, depuis l’an 168 jusqu’à l’an 265 de notre ère. M. Théodore Pavie a mis en français les trois premiers livres de cette grande épopée 大奇書. Sa traduction, publiée en 1841, sous les auspices d’un homme illustre[1], se fait lire avec intérêt et ne mérite que des éloges. Scrupuleusement exacte, souvent élégante, elle paraît quelquefois un peu rude, parce qu’elle est trop fidèle. M. Pavie, qui a pourtant une excellente plume, modifie très-peu les images de son texte et l’on dirait qu’il a moins travaillé pour le public que pour les étudiants. Ce n’est pas un reproche, on le comprendra, que je lui adresse, car je l’en félicite. Quand il s’agit d’une langue savante extrêmement difficile, la traduction littérale n’est jamais un système vicieux. M. Théodore Pavie a lu le San-koue-tchi depuis le commencement jusqu’à la fin ; il a cherché à saisir la physionomie des principaux personnages ; puis, pénétré de son sujet et jetant de côté tous les détails de cet immense ouvrage, il en présente l’analyse dans la seconde partie de son introduction. Cette analyse est faite avec une grande habileté.

On regrettera peut-être que M. Théodore Pavie n’ait pas transmis au lecteur quelques notions bibliographiques sur cette vaste et célèbre composition. Le premier auteur du San-koue-tchi « Histoire des trois royaumes » fut un écrivain, appelé T’chintcheou, qui vivait sous la dynastie des Thsin, dans le IVe siècle de notre ère. Son ouvrage subsiste encore tel qu’il a été originairement publié. On en trouve une notice dans le Catalogue abrégé de la bibliothèque impériale de Peking, IIe classe 史部 « Histoire », 1re section 正史類 « Histoire officielle ». Vers la fin de la dynastie des Song, c’est-à-dire huit cents ans après T’chin-cheou, un autre écrivain, du nom de P’eï-song, publia le texte de cet ouvrage ancien, avec un long commentaire mêlé de merveilleux, de légendes et d’aventures fabuleuses. Sous la dynastie des Youên, un auteur anonyme composa l’ouvrage intitulé : San-koue~tchi-pien-ou « Erreurs contenues dans le San-koue-tchi, ou l’Histoire des trois royaumes, de P’eï-song », ouvrage qui fournit à Lo-kouan-tchong le sujet du roman Sankoue-tchi.

Ainsi l’Histoire des trois royaumes de T’chin-cheou et le commentaire de Peï-song furent les sources principales où Lo-kouan-tchong puisa le fonds de son roman. Si on pouvait lire T’chin-cheou et P’eïsong, on jugerait avec connaissance de cause ; on verrait comment Lo-kouan-tchong a travaillé ce fonds. J’ignore ce qu’il a tiré de l’histoire du premier et des légendes fabuleuses du second ; mais ce qu’il y a de certain, c’est qu’il a su attacher et émouvoir. Je crois que l’intéressant épisode de Tiao-tchan est de son invention. « Le San-koue-tchi, dit M. Théodore Pavie, moins concis que les ouvrages anciens, moins diffus que les textes modernes, représente le style moyen, sévère, soutenu, qui convient à l’histoire. S’il était permis de hasarder une comparaison, on pourrait dire que l’auteur du San-koue-tchi ressemble par sa diction aux écrivains français de la première moitié du XVIIe siècle, en ce sens surtout qu’il incline vers les formes anciennes. » Cette comparaison est fort juste ; j’ajouterai que le style moderne, plus abondant, plus coulant, plus périodique, mieux pourvu de liaisons grammaticales, convient parfaitement aux romans de mœurs ; il est approprié aux situations paisibles. Dans un ouvrage comme le Sankoue-tchi, dont le sujet est l’histoire d’une grande guerre, où les batailles tiennent naturellement beaucoup de place, le style moderne ne répond pas aussi bien que le style intermédiaire aux mouvements brusques et rapides que demande le récit des combats. De là vient que toutes les versions du San-koue-tchi sont inférieures à l’original. La première traduction du San-koue-tchi en style moderne ne remonte pas au delà des Thsing ; ce fut l’an 1644, sous le règne de l’empereur Chun-ti, qu’un spirituel écrivain, appelé Kin-ching-than, mit le roman de Lo-kouan-tchong à la portée de tous les lecteurs. Sa version est très-estimée.

Après le San-koue-tchi de Lo-kouan-tchong vient le Choui-hou-tchouen de Chi-naï-ngan.

Le Chouï-hou-tchoaen 水滸傳, ou « l’Histoire des rivages », est un roman célèbre, où figurent plus de cent personnages principaux, sans compter les agents subalternes, un roman d’une énorme et volumineuse prolixité, car il n’a pas moins de soixante et dix livres. Tous les chapitres se divisent régulièrement en deux parties et l’ouvrage présente la singulière complication de cent quarante intrigues différentes. Cet ouvrage, que Fourmont avait pris pour une histoire ? de la Chine au IIIe siècle, M. Klaproth pour un roman historique, et M. Abel-Rémusat pour un roman semi-historique de la même nature que le San-koue-tchi, est presque tout entier d’invention ; c’est le premier roman comique des Chinois. Quoiqu’on le réimprime tous les jours à mi-page avec le San-koue-tchi, on aurait tort de le regarder comme le pendant de l’Histoire des trois royaumes. Toutes les parties du livre sont traitées trop plaisamment pour être historiques. Il ne me semble point que Chi-naï-ngan ait voulu imiter Lo-kouan-tchong et lutter avec l’Histoire des trois royaumes dans le roman Chouï-hou-tchouen, qui contient pourtant une foule de tableaux analogues et dont le sujet est pris dans l’histoire d’une guerre sociale. A l’exception du prologue, le Chouï-hou n’est point imité du San-koue ; Chi-naï-ngan a travaillé d’après lui-même. Sa manière est plus naturelle que celle de Lo-kouan-tchong, plus agréable. Lo-kouan-tchong se borne à raconter les faits ; Chi-naï-ngan cherche à peindre les mœurs ; il a plus de scènes à effet, mais il s’arrête sur des détails trop minutieux, quelquefois même sur des puérilités. Il ne faut pas comparer, quant au style, le Chouï-hou-tchouen au San-koue-tchi. Le ton du San-koue-tchi, roman héroïque, est plus noble que celui du Chouï-hou-tchouen, qui n’est qu’un roman comique. Avec le style concis et serré du San-koue, l’auteur du Choaï-hou n’aurait jamais pu descendre, comme il la fait, au ton naïf du badinage et de la conversation familière.

Il y a donc une grande différence entre le San-koue-tchi et le Chouï-hou-tchouen. La variété des épisodes, des tableaux et des portraits, la multiplicité des aventures et un dialogue animé recommandent particulièrement le Chouï-hou-tchouen. Un tel ouvrage convenait surtout aux imaginations actives et mobiles. Il est aimé des jeunes gens. « Les jeunes gens ne lisent pas le San-koue, dit un proverbe chinois, les vieillards ne lisent pas le Chouï-hou ». Mais l’amusement que ce livre procure à la jeunesse chinoise n’est pas son seul mérite ; il peut servir à donner une idée très-exacte du caractère et des mœurs des Chinois, au XIIe siècle de notre ère, dans un temps ou la grande dynastie des Song penchait vers son déclin, où le pays, avant de subir la domination des Mongols, était ravagé par la peste, la famine et le brigandage.

Le Chouï-hou-tchouen est un monument précieux du Kouan-hoa ou de la langue commune. Ce célèbre ouvrage, qui parut pour la première fois sous le règne des empereurs mongols, fut réimprimé vers l’an 1650, avec un commentaire perpétuel 外書 par Kin-ching-than 正聖歎 , auteur d’une version du San-koue-tchi, écrivain d’un grand mérite et dont j’ai déjà parlé. Il a intitulé ce roman 施耐菴古本水滸傳 Chi-naï-ngan-koa-pen-chouï-hou-tchouen « Histoire des rivages, conforme à l’ancienne édition de Chi-naï-ngan ». Depuis Kin-ching-than, on a publié une édition du Chouï-hou-tchouen, intitulée 水滸全書 Chouï-hou-thsuen-chu « Edition complète de l’Histoire des rivages », et qui contient cent vingt chapitres au lieu de soixante et dix. J’ai lu avec beaucoup d’attention le nouveau Chouï-hou-tchouen (c’est-à-dire les cinquante chapitres ajoutés à l’ancien), et j’ose affirmer qu’on n’y trouve pas le même fond d’intérêt, ni dans les caractères, ni dans les situations. C’était d’ailleurs l’opinion du P. Prémare, qui recommandait aux missionnaires la lecture du Chouï-hou-tchouen ; il préférait l’édition de Kin-ching-than, « Sed ut secretus hujus libri sapor melius sentiatur, emendus erit qualis ab ingenioso Kin-ching-than fuit editus, cum notis, quibus mirum authoris artificium primus detexit [2] ». — Cependant le Chouï-hou-tchouen, quelque excellent qu’il fût jugé d’ailleurs, sous le rapport de la composition et du style, fut mis à l’index, quelque temps après la publication de Kin-ching-than (1695), par l’illustre empereur Khang-hi, comme capable de pervertir les inclinations les plus douces et les plus bienfaisantes. C’est précisément à ce titre que le roman paraîtra plus remarquable. Pour que des personnages comme Song-kiang, Tseou-ming et tant d’autres, qui ne sont que des chefs de brigands, inspirent un intérêt si vif, il faut que Chi-naï-ngan ait du mérite, et même beaucoup de mérite.

On a souvent parlé d’une habitude prise par les écrivains chinois et qui sent le pédantisme, c’est de faire de perpétuelles allusions à certains passages des King et des principaux ouvrages de l’antiquité, lorsqu’ils intitulent un ouvrage. Or une difficulté de cette nature se présente dans l’explication du titre Chouï-hou-tchouen, ou « Histoire des rivages ». Ce titre est pris dans une phrase du livre des vers que M. Abel Rémusat a parfaitement indiquée [3]. Voici le texte du passage auquel il est fait allusion. C’est la deuxième strophe de la IIIe ode Ta-ya du Chi-king.

« Tan-foui, titulo Kou-kong, die sequenti equum conscendit ; iter habuit juxta ripam occidentalis fluvii, ad radices (montis) Ki pervenit, etc. [4] ».

Le titre du Chouï-hou-tchouen se retrouve visiblement dans le troisième vers 率西水滸 Sousi-chouï-hou « il suivit la rive occidentale du fleuve » [5] ; c’est une allusion au voyage précipité de cet ancien prince, dont parle le Chi-king, de Tan-fou, qui se sauva avec une grande partie de ses sujets, pour échapper à une incursion des Tartares occidentaux ; or, pour comprendre l’allusion, il faut savoir que le Chom-hou-tchouen offre l’histoire d’une guerre sociale qui affligea l’empire, sur la fin de la dynastie des Song, mais une histoire mise en roman, et si plaisamment écrite, que les Chinois regardent encore aujourd’hui le Chouï-hou-tchouen comme le plus divertissant de tous les livres. Il faut savoir en outre que dans une pareille histoire, comme on peut s’y attendre, on rencontre à chaque moment d’infortunés personnages qui prennent la fuite, qui émigrent, comme Tan-fou, non pour échapper à une incursion de Tartares, mais aux mauvais traitements des insurgés. Voilà tout le mystère ; les Chinois attachent de l’importance à ces bagatelles, qui n’en ont pas du tout pour les Européens.

Le Chouï-hou-tchouen est une composition qui échappe à toute analyse. Le lecteur jugera de la variété des tableaux et de la multiplicité des épisodes par la table des matières que je vais présenter. Il y a peut-être dans ce roman une trop grande multitude d’aventures ; mais comme l’intérêt se concentre sur quelques personnages, l’attention n’est point fatiguée.

Table des matières contenues dans les deux premiers volumes du Chouï-hou-tchouen. (Édition de la Bibliothèque nationale.)


PROLOGUE.


Peste de Khaï-fong-fou. Décret de l’empereur. Mission du gouverneur du palais. Un pèlerinage à la montagne des Dragons et des Tigres. Conférence du gouverneur avec les Tao-sse. Comment il laisse échapper, dans sa méprise, des démons et des êtres surnaturels. Le grand maître de la doctrine conjure, par des prières et des sacrifices, une maladie pestilentielle.


CHAPITRE PREMIER.


Mœurs de la cour impériale des Song, à l’époque de la décadence. Jeunesse d’un premier ministre. Histoire et aventures de Kao-khieou. Portrait de Siao-wang-tou, gouverneur du palais impérial. Histoire du prince de Touan. Par quel hasard Kao-khieou gagne la faveur du prince et comment il devint premier ministre. Histoire de Wang-tsin. De quel stratagème il use pour prendre la fuite. Le village Sse-kia ou « des familles Ssé ». Aventures de Sse-tsin, surnommé le dragon à neuf raies. Histoire des brigands du mont Chao-hoa. Tchouwou, Yang-tchun et Tchin-ta. Combat de Sse-tsin et de Tchinta. Quelles en furent les suites.


CHAPITRE II.


Conférence de Sse-tsin avec les chefs militaires. Meurtre de Wang-sse. De la résolution que prend Sse-tsin de mettre le feu à sa ferme. Comment il se venge de Li-ki. Il accompagne les brigands sur le mont Chao-hoa. Voyage de Sse-tsin. Il fait connaissance avec Lou-ta dans une caverne du Hoeï-tcheou. Quel homme c’était que Lou-ta. Histoire de Litchong. De la rencontre que Lou-ta et ses compagnons firent d’une jeune femme qui pleurait. Histoire de Kin-Lao et de sa fille Tsouï-lièn. Du dessein que forme Lou-ta de venger l’injure faite à la jeune femme. Meurtre du boucher Tchintou. Fuite de Lou-ta.


CHAPITRE III.


Par quel hasard Lou-ta reconnaît Kin-lao. Histoire de Tchao, le youên-waï (titre honorifique). Description d’un repas. Lou-ta se retire dans le village des Sept-Diamants. Quels motifs l’engagent à embrasser la profession religieuse. Histoire du monastère de Mañdjous’rî. Ordination de Lou-ta. Description des cérémonies de la tonsure, de la prise d’habits et de l’imposition des mains. Comment le néophyte quitte son nom et s’appelle en religion Savoir-profond. Horrible scandale dans le monastère. Représentations faites par les bonzes au supérieur. De quelle manière Savoir-profond viole les préceptes et les règles du bouddhisme. Marché public. Comment les habitants d’un village relevaient du supérieur d’un monastère. Nouveaux scandales. Intempérance de Savoir-profond. Il brise, dans son ivresse, les statues des saints et détruit un belvédère. Savoir-profond est exclu de la communauté.


CHAPITRE IV.


Départ de Savoir-profond pour le monastère de Tong-king. Il passe par le village Tao-hoa ou « des fleurs de pêcher ». Quelle personne il trouva dans une ferme. Conversation de Savoir-profond avec le fermier Lieou. Un mariage forcé. Des préparatifs qui se firent dans la ferme et ailleurs pour ce mariage. Cortège et toilette du fiancé. Quel homme c’était que ce fiancé. Important service que Savoir-profond rendit au fermier. Par quelle singulière aventure les noces furent tout à coup interrompues. De l’étonnement où fut Tcheou-thong de trouver un homme extraordinaire sur le lit de sa fiancée. Orage de coups de poing dans la chambre nuptiale. Frayeur des brigands. Comment Savoir-profond reconnut Li-tchong parmi les chefs. Le fermier et le religieux acceptent une invitation de Li-tchong et accompagnent les brigands sur la montagne. Réconciliation de Tcheou-thong avec Savoir-profond. Comment on prêtait serment, sous les Song. De quelle manière Savoir-profond fut traité par les brigands, et des sages réflexions qu’il fit à ce sujet. Belle conduite du religieux. Il se brouille avec les brigands et continue son voyage.


CHAPITRE V.


Description d’un monastère abandonné et quelles choses y vit Savoir-profond. De la rencontre qu’il fit d’un bonze qui chantait une romance. Une jeune femme, réduite au désespoir, se jette dans un puits. Par quel hasard Savoir-profond trouva Sse-tsin dans une forêt. Comment ils se séparent. Savoir-profond prend la route du Tong-king, arrive dans la capitale et se présente au couvent des ministres d’État. De quelle façon et avec quel costume il est introduit par les bonzes dans la cellule du supérieur. Organisation des services dans le monastère. Mode d’avancement. Savoir-profond est nommé régisseur du potager.


CHAPITRE VI.


Quelles mauvaises gens Savoir-profond trouva dans le potager du monastère. Histoire de Tchang-san, surnommé le rat des rues, et de Li-sse, surnommé le serpent des prairies. De la singulière aventure qui leur arriva, lorsqu’ils voulurent plaisanter avec Savoir-profond. Portrait de Lin-tchong. Comment Kao, membre du conseil d’État et fils du gouverneur du palais impérial, aperçut la femme de Lin-tchong dans le temple des cinq montagnes et en devint amoureux. Quel parti prit Lin-tchong après cette aventure. Mauvais succès des intrigues de Kao ; tentatives d’enlèvement. Le gouverneur du palais impérial se montre favorable aux amours de son fils et ordonne le meurtre de Lin-tchong. Par quel accident Lin-tchong entra, sans le savoir, dans la salle du conseil.


CHAPITRE VII.

Jugement de Lin-tchong ; probité de Sun-ting. Comment la justice s’administrait sous les Song, dans le tribunal de Khaï-fong-fou. Lin-tchong reçoit la bastonnade ; il est condamné à l’exil. De la conversation touchante que Lin-tchong eut avec sa femme et du conseil qu’il lui donna. Il quitte la capitale pour se rendre à Tsang-tcheou. Comment les deux archers qui conduisaient Lin-tchong l’attachèrent à un arbre dans une forêt ; ce qu’ils voulaient faire.


CHAPITRE VIII.

Par quel hasard Lin-tchong aperçut Savoir-profond dans la forêt, au moment où les archers se disposaient à exécuter les ordres du gouverneur impérial. Conversation de Savoir-profond avec les archers. Générosité de Lin-tchong ; il sauve la vie à ses assassins et reprend la route de Tsang-tcheou. Ferme de Tchaï-lin. Quel homme c’était que Tchaï-lin. Histoire du commandant Hong. Une partie d’escrime. De quelle manière Lin-tchong fut reçu et traité dans le camp de Tsang-tcheou. Corruption des fonctionnaires. De l’embarras où se trouve Lin-tchong et comment il en sort.


CHAPITRE IX.

Lin-tchong rencontre Li-tchaï. De la curieuse conversation qu’ils eurent ensemble. Comment Lin-tchong obtint du gouverneur du camp la permission de faire une promenade dans les environs de Tsang-tcheou. Relation de cette promenade. Lin-tchong s’arrête dans une chaumière. Description d’un ancien temple, qui était consacré au génie de la montagne de Tsang-tcheou et dont la façade représentait d’un côté un juge et de l’autre un petit démon. De ce qui se passa dans le camp de Tsang-tcheou, après le départ de Lin-tchong. Incendie du magasin à fourrage. De ce qui empêcha trois hommes d’exécuter une abominable résolution. Vengeance de Lin-tchong. Il retourne dans le temple et dépose trois têtes sur la table des sacrifices, au pied de la statue du génie. De quelle façon les paysans éteignirent l’incendie du camp. Retour de Lin-tchong à Tsang-tcheou.


CHAPITRE X.

Comment Lin-tchong est accusé d’avoir mis le feu au magasin de Tsang-tcheou. Fuite de Lin-tchong. Dans quel accoutrement il partit pour le mont Liang-chan. Histoire des brigands du mont Liang-chan ; Wang-lun, Thou-thsièn et Song-wan. Un bachelier sans place. De l’accueil que les brigands firent à Lin-tchong. Portrait de Tchu-koueï. Quel homme c’était que Tchu-koueï. Lin-tchong fait connaissance avec un personnage extraordinaire.


CHAPITRE XI.


Histoire de Yang-tchi. Curieuse conversation de Wang-lun et de Yang-tchi. Une entrevue avec le premier ministre. Quel homme Yang-tchi rencontra et de quel événement cette rencontre fut suivie. De quelle façon Yang-tchi se constitua prisonnier, après avoir commis un meurtre. Histoire de Liang, commandant en chef de l’armée de Ta-ming-fou.


CHAPITRE XII.

Description d’un grand tournoi dans le faubourg de l’Est. Le commandant et les principaux officiers de la garnison assistent à cette fête. Combat à cheval de Yang-tchi et de Tcheou-kin. Costumes militaires du temps des Song. Histoire d’un magistrat du Chan-tong. Portraits de Tchu-tong, commandant de la cavalerie, et de Louï-hong, commandant de l’infanterie. La pagode de Ling-kouan. Comment les soldats de Louï-hong emmenèrent un homme qui dormait dans la pagode.


CHAPITRE XIII.

Histoire de Lieou-tang, surnommé le démon aux cheveux rouges. Par quel hasard il se trouvait dans la pagode, quand il fut arrêté par les soldats de Louï-hong. Quel homme c’était que Tchao-khaï. De la réputation dont il jouissait dans son district. Comment il accueillit Lieou-tang et du service qu’il lui rendit.


CHAPITRE XIV.

Conversation de Tchao-khaï avec Ou-yong. Histoire des trois frères Youên. Costume des pêcheurs. Des exactions commises par les brigands dans les villages. Du projet important que Tchao-khaï forma et de quelle manière il fut exécuté par Ou-yong. Réception amicale que Tchao-khaï fit aux trois frères Youên. Entretien secret de trois pêcheurs, de Tchao-khaï, de Lieou-tang et de Ou-yong sur la politique et l’administration. Comment et par qui cet entretien fut interrompu. Quel homme c’était que le Tao-sse Kong-sun-tching.


CHAPITRE XV.

Conciliabule de Tchao-khaï, Ou-yong, Kong-sun-ching, Lieou-tang et des trois pêcheurs. De la résolution qu’ils forment ensemble. Comment ils se séparèrent. Conversation avec Yang-tchi. Yang-tchi est chargé d’une mission dangereuse. De quelle manière il rencontra dans une forêt sept marchands qui vendaient des jujubes. Des inquiétudes de Yang-tchi.


CHAPITRE XVI.

Yang-tchi continue son voyage. De la rencontre qu’il fit dans une hôtellerie. Histoire de Tsao-tching. Le monastère des Perles précieuses ou de la Montagne des deux Dragons. Comment les bonzes de ce monastère, au nombre de cinq cents, laissent croître leurs cheveux et renoncent à la vie religieuse. Ils pillent les villages. Combat de Savoir-profond et de Yang-tchi. Reconnaissance. De quelle manière Savoir-profond, Tsao-tching et Yang-tchi s’introduisirent dans le couvent des Perles précieuses. Aventures de Ho-tsing et de son frère.


CHAPITRE XVII.

Où mène la passion du jeu. Ho-tsing perd son argent et devient teneur de livres chez un marchand. Histoire de Songkiang et de sa famille. Entretien de Song-kiang avec Ho-thao. Par quel incident Tchao-khaï, Ou-yong, Kong-sun-ching et Lieou-tang se trouvent dans la nécessité de prendre la fuite. Des provisions de voyage qu’ils firent, avant de se mettre en route et de ce qui se passa, quand ils arrivèrent dans le village des rochers.


CHAPITRE XVIII.

Exploits de Tchao-khaï et de Kong-sun-ching. Comment ils se dérobent aux poursuites des archers. Incendie d’une ferme. Fidélité des trois frères Youên. Préparatifs dans le port des rochers. Le commandant Ou-tao interroge un villageois. De quelle façon Ou-tao fut jeté dans un fleuve par des pêcheurs. De l’entretien de Tchao-khaï et de ses camarades avec Lin-tchong, et de la résolution qu’ils forment ensemble. Lin-tchong tue Wang-lun.


CHAPITRE XIX.

Comment Lin-tchong reçut des nouvelles de ta capitale et apprit que la femme de Tchang-tsing s’était pendue. Violence dont le gouverneur du palais impérial voulait user envers cette femme. Curieuse conversation de Tchao-khaï avec Kong-sun-ching. Inquiétudes et vigilance des mandarins. Histoire d’une veuve (madame Yen) qui n’avait pas le moyen d’acheter un cercueil pour son mari. Charité de Song-kiang. Il entretient et prend à bail la fille de la veuve. Des suites fâcheuses de ce contrat. District de la Chine où les hommes et les femmes observaient la fidélité conjugale. Quelle réception Song-kiang fit à Lieou-tang.

CHAPITRE XX.

Intrigues de madame Yen et de sa fille Pŏ-si. De la chasteté de Song-kiang et de quelle manière il passait les nuits avec sa concubine. Singulier entretien qu’il eut avec un employé du tribunal. Amours de Tchang-san et de Pŏ-si. Song-kiang refuse de juger Pŏ-si sur les apparences. Comment Pŏ-si trouva dans un portefeuille la correspondance de Song-kiang avec Tcbao-khaï et du parti qu’elle voulut en tirer. Injustes procédés de Pŏ-si. Song-kiang, dans un accès de colère, tue sa concubine. De quelle façon madame Yen se consola de la mort de sa fille.


CHAPITRE XXI.

Procès intenté à Song-kiang ; plainte de madame Yen. Interrogatoire de Tang-nieou-eul. Le juge décerne un mandat d’amener contre Song-kiang. De quelle manière et sous quel costume Song-kiang prit la fuite avec son frère Song-tsing. Perquisitions faites à la campagne dans la ferme du père de Song-kiang. De ce qui se passa dans la ferme de Tchaï-tsin.


CHAPITRE XXII.

De la rencontre que fit Song-kiang dans la ferme de Tchaï-tsin. Histoire de Wou-song. Entretien de Song-kiang avec Tchaï-tsin. Wou-song retourne dans son pays natal. Comment il aperçut un placard affiché sur la porte d’un temple en ruine et contenant un avis du gouverneur aux habitants du district. Force extraordinaire de Wou-song. Il terrasse un tigre dans une forêt et le tue avec son cimeterre. Honneurs rendus à Wou-song ; il est nommé major de la garde du district.


CHAPITRE XXIII.

Histoire de Wou-ta, frère de Wou-song. Comment il épouse Kin-lièn. De la curieuse réception que Kin-lièn fit à son beau-frère. Chasteté de Wou-song. Mission délicate conférée par un gouverneur. Histoire de Si-men-khing, célèbre débauché de la dynastie des Song. Ses liaisons avec une entremetteuse de bas étage. Quelle femme c’était que madame Wang. Amours de Kin-lièn et de Si-men-khing.


CHAPITRE XXIV.


Suite des amours de Kin-lièn et de Si-men-khing ; ils s’abandonnent à la volupté. De quelle manière Wou-ta, étant tombé malade, fut traité par sa femme Kin-lièn, et du poison qu’elle lui administra. Derniers moments de Wou-ta ; sa mort. Hypocrisie de Kin-lièn.


CHAPITRE XXV.

Obsèques de Wou-ta. Toilette du mort ; cérémonial funèbre ; office religieux ; convoi. Kin-lièn, vêtue d’une longue robe de deuil, marche à la tête du cortège. Fausse incinération du corps. Ho-kieou-chô dérobe le cercueil de Wou-ta. Retour de Wou-song. Comment il apprend la mort de son frère. Du chagrin qu’il en ressentit et de la conversation qu’il eut avec sa belle-sœur. Il offre un sacrifice ; apparition de Wou-ta. Révélations faites par un enfant. Entretien de Wousong avec Ho-kieou-chô. Étrange festin auquel il convie Kin-lièn et madame Wang. Il venge la mort de son frère par le meurtre de Kin-lièn et de Si-men-khing. Condamnation de Wou-song.


CHAPITRE XXVI.

Départ de Wou-song pour la prison de Mong-tcheou-fou. Il prend la route de Mong-tcheou et arrive à l’hôtellerie de la Croix. Description de cette hôtellerie. Quelles gens il y trouva. Histoire du maraîcher T’chang-tsing. Anthropophagie.

CHAPITRE XXVII.

Arrivée de Wou-song à Mong-tcheou-fou. Le directeur de la prison le reconnaît et le traite avec magnificence. De l’entretien qu’ils eurent ensemble. Histoire de Chĕ-nghen et de son père. Singulières occupations des prisonniers.


CHAPITRE XXVIII.

Entretien secret de Chĕ-nghen avec Wou-song. De la résolution que Chĕ-nghen et Wou-song formèrent après cet entretien, ils quittent la prison de Mong-tcheou-fou. Histoire de l’aubergiste Tsiang-tchong, surnommé Tsiang-men-chin. De quelle manière Wou-song venge, dans son ivresse, le tort fait à Chĕ-nghen. Combat de Wou-song avec Tsiang-men-chin.

CHAPITRE XXIX.

Réinstallation de Chĕ-nghen dans son auberge. Stratagème de Tsiang-men-chin. Wou-song reçoit une invitation de Tchang, gouverneur militaire de Mongtcheou-fou. Quel accueil on lui fait dans l’hôtel de ce gouverneur. Une jeune musicienne, appelée Yŏ-lan « chrysanthème de jade », chante une romance. Ruses que le gouverneur met en usage pour s’emparer de l’argent et des présents de Wou-song. Nouvelle incarcération de Wou-song. Comment Chĕ-nghen, pour sauver son bienfaiteur, parvient à corrompre les employés du tribunal. Il offre cent taels au greffier.


CHAPITRE XXX.

Wou-song revient à Mong-tcheou-fou. De quelle manière il s’introduit dans l’hôtel du gouverneur Tchang. Pavillon du youên et du yang (oiseaux fabuleux). Orgie du gouverneur. Mémorable vengeance de Wou-song ; il extermine tous ceux qu’il rencontre dans l’hôtel. Fuite de Wou-song. Par quel hasard il entre la nuit dans l’hôtellerie de la Croix et reconnaît T’chang-tsing. Singulier déguisement que la fille de l’aubergiste propose à Wou-song. Il quitte l’hôtellerie, revêtu du costume d’un bonze que T’chang-tsing avait égorgé. Comment il délivre une jeune femme, à laquelle un bachelier voulait faire violence.

CHAPITRE XXXI.

Montagne des Scolopendres. Comment Wou-song fut pris par des paysans, qui rattachèrent à un arbre. Conversation des paysans. Wou-song est délivré par Song-kiang. Reconnaissance et entretien secret des deux amis. Ils voyagent ensemble et se séparent, après avoir traversé le village du Vent-Pur. Song-kiang est arrêté par des brigands dans une forêt. De quel caractère étaient ces brigands. Histoire de Wang-yong et de Yen-chun. Ils rencontrent la femme d’un officier qui portait une cassolette d’argent. Comment Song-kiang empêcha Wang-yong de commettre un adultère.

CHAPITRE XXXII.

Description du village de Thsing-fong ou « du Vent pur ». Camps ou stations gouvernés par un mandarin civil et un mandarin militaire. De la réception que Hoa-yong fit à Song-kiang. Quel homme c’était que Hoa-yong. Une représentation théâtrale. Singulière aventure de Song-kiang. Mission de Lieou-kao. Arrestation de Hoa-yong.


CHAPITRE XXXIII.

Voyage de Hoang-sin et quel en fut le motif. Il rencontre les brigands dans une forêt. Comment ils délivrèrent la femme et la sœur de Hoa-yong. Portrait de Tseou-ming, gouverneur militaire de Thsing-tcheou-fou. Hoa-yong provoque Tseouming. Belle conduite de Tsong-kiang. Attaque nocturne de Thsing-tcheou fou par les brigands. Retour de Tseou-ming à Thsing-tcheou-fou. Dans quel état il retrouve cette capitale. Ce qu’il aperçoit en montant sur les décombres des faubourgs » qui avaient été incendiés. On lui refuse l’entrée de la ville. Singulière conférence de Tseou-ming avec les autorités. Il reconnaît la tête de sa femme suspendue à une pique.

CHAPITRE XXXIV.

Extermination de la famille de Lieou-kao. Song-kiang et Hoa-yong rencontrent dans une expédition deux militaires, dont l’un était habillé de rouge et l’autre habillé de blanc. Quels étaient ces deux hommes. Histoire de Liu-fang et de Kouŏ-tching. Chĕ-yong remet à Song-kiang une lettre, par laquelle celui-ci apprend la mort de son père. Piété filiale de Song-kiang. Histoire de Lin-tchong et de Lieou-kiun. Assemblée générale des chefs Hoa-yong, Tseou-ming, Hoangsin, Yen-chun, Wang-yong, Tchin-ta, Liu-fang, Kouŏ-tching, Chĕ-yong. Conférence dans laquelle on lit une lettre de Song-kiang, après avoir brûlé des parfums. Serment prêté par les chefs. Comment Song-kiang retrouve son père, qu’il croyait mort. »


Obligé de me renfermer dans les limites les plus étroites, j’ai cru devoir m’arrêter au XXXVe chapitre, c’est-à-dire à la moitié du roman, dans l’édition de Kin-ching-than. On jugera mieux du Chouï-hou-tchouen par les extraits qui suivent et qui offrent des tableaux de mœurs. J’ai choisi les morceaux qui m’ont paru avoir quelque chose d’original et de piquant, soit par les opinions, soit par les coutumes ou les superstitions qu’ils nous font connaître. Ainsi le prologue lui-même contient, à travers une foule de puérilités, quelques détails intéressants. On y présente les mœurs et les usages des Tao-ssé sous un jour très-naïf et probablement très-vrai. C’est le motif qui m’a engagé à extraire de ce prologue plusieurs fragments. Quant au dernier extrait, il suffira de remarquer que ce morceau se retrouve tout entier dans le 1er chapitre du fameux Kin-p’ing-meï [6] ;

  1. M. Villemain.
  2. Notitia linguæ sinica, p. 39.
  3. Mélanges asiatiques, t. II, p. 361.
  4. Lacharme, Confucii Chi-king, sive liber carminum, p. 145.
  5. Dans quelques éditions, le roman est intitulé : Si-chouï-hou-tchouen.
  6. « Le Kin-p’ing-meï est un roman célèbre, qu’on dit au-dessus, ou pour mieux dire au-dessous de tout ce que Rome corrompue et l’Europe moderne ont produit de plus licencieux. Je ne connais que de réputation cet ouvrage, qui, quoique flétri par les cours souveraines de Pe-king, n’a pas laissé de trouver un traducteur dans la personne d’un des frères de l’empereur Chiug-tsou, et dont la version que ce prince en a faite en mandchou passe pour un chef d’œuvre d’élégance et de correction. » (Voy. le Livre des récompenses et des peines, traduit du chinois par M. Abel-Rémusat, p. 59.)