Au pays de Rennes/Canton de Saint-Aubin-d’Aubigné

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Hyacinthe Caillière (p. 232-248).


CANTON DE SAINT-AUBIN D’AUBIGNÉ


Peu de localités sont aussi bien partagées que celle de Saint-Aubin-d’Aubigné sous le rapport des communications. De tous côtés partent, du milieu du bourg, des routes qui conduisent aux nombreuses communes du canton.

Ce petit bourg a réellement bon air, lorsqu’on s’y rend par la route de Rennes, et qu’en y arrivant l’on aperçoit, au fond d’immenses prairies, abrité par des bouquets d’arbres, l’antique manoir de Saint-Aubin, qui appartint, en 1427, à Pierre de Beaucé, et en 1500, à Bonabes-Freslon, seigneur de la Freslonniére. Il a subi depuis ces deux dates bien des transformations.

Le bourg possède quelques maisons moyen-âge, et notamment l’hôtel Chevrel qui, avec son porche, ne manque pas d’originalité. De belles propriétés cachées sous les arbres, avec des jardins remplis de fleurs, font soupirer le voyageur, qui se demande, en voyant ces nids de verdure, si le bonheur n’est pas là dans la paix et la solitude.

L’église offre quelques traces de sa primitive construction du XIe siècle. C’est un appareil en feuilles de fougères dans le mur septentrional de la nef et une baie romane aujourd’hui bouchée.

À l’intérieur, on découvre deux pierres tombales, derniers vestiges d’un enfeu seigneurial. Sur l’une d’elles est une épée posée près de l’écu.

Le château de la Morlais, au pied des rochers Moriaux, a conservé, lui aussi, quelques débris de son ancienne splendeur. On voit encore de vastes chambres boisées, une porte et des fenêtres de la Renaissance, et une tourelle au coin d’une ancienne cour d’honneur.

Ce château, aujourd’hui transformé en ferme, est baigné par l’Illet, et une avenue conduit aux rochers Moriaux.

Ces roches, situées au sommet d’une lande formant coteau, ont un aspect étrange. Ce sont des monuments mégalithiques qui atteignent des proportions considérables. Quelques-uns d’entre eux ont jusqu’à trois mètres, tant en largeur qu’en hauteur. Celui que l’on désigne sous le nom de Palet de Gargantua est un superbe dolmen d’un mètre d’épaisseur sur 2 m. 35 de long. Il s’appuie sur trois pierres, et sur la dernière, au moyen d’un petit caillou formant cale.

La lande, couronnée de ces rochers de quartz, ombragée de quelques châtaigniers, ferait certainement le sujet d’un splendide tableau. Nous signalons ce paysage à l’attention des artistes parisiens.

Du haut des rochers, la vue embrasse un horizon presque complet. D’un côté on découvre la forêt de Rennes, à l’est les collines d’Ercé-près-Liffré, au nord celles de Gahard, et au sud et à l’ouest les bourgs de Chasné et de Saint-Aubin-d’Aubigné. C’est un cirque merveilleux dont les rochers sont le centre.

Au point de vue géologique, la commune de Saint-Aubin-d’Aubigné est l’une des plus intéressantes du département. Lorsqu’on va de Saint-Aubin vers Gahard, on rencontre sur des landes des grès dévoniens renfermant des fossiles tels que : Grammysia, — Ptérinées, — Orthocères, etc. Plus loin, vers le Bois-Roux, on découvre du calcaire marbre mêlé à des schistes noirs fossilifères. Ce calcaire forme des bancs d’une hauteur de quarante centimètres à un mètre. Les principaux fossiles qu’il contient sont les suivants : Homalonotus, — Dalmanites, — Calymène, — Orthis, — débris d’Encrines, — Terebratula, etc., etc.

M. Papail, directeur des fours à chaux du Bois-Roux, — toujours si complaisant envers les géologues qui vont lui rendre visite, — a récemment trouvé un fossile superbe, un véritable échantillon de musée. C’est un énorme Homalonotus Gerwillei.

Andouillé-Neuville

Cette commune doit son origine au château de la Magnane, dont les seigneurs, connus dés le XIIe siècle, descendaient des barons de Vitré.

Le petit bourg d’Andouillé, ou plutôt la partie du bourg qui avoisine l’église, se trouve dans une situation extrêmement pittoresque.

L’église, restaurée en 1824, a conservé un antique porche et une fenêtre flamboyante de l’ancien monument, datant de la fin du XVIe siècle. Située sur un rocher, elle a, à ses pieds, le bel étang d’Andouillé, dont la nappe d’eau se profile jusqu’auprès de Sens. Le vieux cimetière entoure encore l’église, et les humbles croix qui penchent tantôt à droite, tantôt à gauche, donnent à ce petit coin, un aspect mélancolique qui forme contraste avec la gaieté du moulin voisin, son tic-tac joyeux et les cascatelles qui gazouillent au milieu des herbes.

Sur la chaussée de l’étang est un vieux et superbe châtaignier d’une grosseur prodigieuse. Ce vétéran, qui doit compter plusieurs siècles d’existence, a vu bien des générations jouer sous ses ombrages. Il fut, sans doute, le contemporain du château d’Andouillé, qui existait au XVe siècle, près de l’église dont nous venons de parler et qui a été complètement détruit.

On trouve aux archives du département d’Ille-et-Vilaine[1] un aveu du 20 juin 1580, rendu au comte de Laval, baron de Vitré et seigneur d’Aubigné, par Noël du Faill, conseiller au Parlement[2] et Jeanne Perraud, sa femme, sieur et dame de La Hérissaye[3], de La Morlaye[4], pour la terre et seigneurie d’Andouillé, s’étendant en la paroisse d’Andouillé-Neuville. Ledit aveu mentionnant un droit d’étalage perçu sur les marchands vendant boissons à l’assemblée tenue en l’honneur de St-Léonard, au bois de Boq.

Ce document, le premier dans lequel il soit question du mariage de l’écrivain Noël Du Faill, est assez curieux pour être cité en entier ; il est d’ailleurs très court :

« Tiennent lesdicts mariez Du Faill de leurs dict seigneur le boays et buisson de Boon où est assise la chapelle Sainct-Léonard, estang audessoulz et aultre attache et vieille chaussée et retenue d’eau et la prée audessoulz dudict estang, avec les landes estantes sur les coustaulx et aesles dudict boays ; a droict de chasses audict breuil prohibitif à tous aultres.

» Droict d’estaillaige sur les vendans et exposans marchandises audict boays et distribuans vins, cildres et aultres breuvaiges aulx assemblées accoustumées, faire audict boays pour l’honneur dudict saint Léonard, avecq ung mouton, avecq sa layne, deu à chaurcun mardi de la Pentecouste ausdicts teneurs par cellui qui fait les fruicts de ladicte chapelle ; avecq la somme de cinq soulz monnaye. »

La terre d’Andouillé relevait d’Aubigné. Les archives de cette dernière seigneurie sont au château de la Magnane.

Ce château, du XVIIe siècle, avec perron, flanqué de tourelles, possédant un jardin merveilleux, est vraiment princier. Il est construit dans une vallée, au milieu d’immenses prairies qu’arrose le ruisseau de l’étang d’Andouillé. Çà et là, des bouquets de beaux arbres rompent la monotonie d’une aussi grande étendue de verdure. En face le château se dresse un coteau couvert de magnifiques futaies et de bois taillis. Enfin, de splendides avenues convergent toutes vers le château.

La Magnane, qui depuis le XIIe siècle appartient à la famille de Montbourcher, est aujourd’hui la propriété de M. René des Nétumières.

En 1559, un ministre protestant du nom de Dugravier fut appelé, de Rennes à la Magnane, par le sire de Montbourcher, pour y baptiser sa fille.

Le village de Neuville prétendait au siècle dernier, être l’ancienne paroisse, et un arrêt du Présidial de Rennes décida, en 1769, que les offices du culte seraient célébrés alternativement à Andouillé et à Neuville.

En allant du village de la Besnardière à Neuville, on rencontre deux jolies vallées au fond desquelles coule un ruisseau qui alimente trois moulins : Surgon, le Moulin-Rouge et celui d’Andouillé.

Gahard

Gahard est l’un des vieux bourgs de notre département qui a conservé le plus de curiosités archéologiques. Lorsqu’on y entre par le chemin vicinal qui vient de la route d’Antrain, on aperçoit à gauche, les ruines du château des Fontaines qui fut construit, en 1450, par un membre de la famille du fameux Pierre Landais, trésorier et favori du duc de Bretagne François II.

Ces ruines ne se composent plus que de quelques pans de murs dans lesquels se trouvent d’immenses cheminées, avec des sculptures fort intéressantes, et qui méritent d’être conservées. Nous sommes surpris que M. de la Fosse, leur propriétaire, ne les mette pas à l’abri des outrages du temps. Un débris de fuie et quelques petites fenêtres curieuses attirent aussi l’attention.

Au pied des ruines, sur le bord de la route, sont des fontaines en granit qui, jadis, ont sans doute donné leur nom au château.

L’église de Gahard porte la date de 1405. Elle renferme, dans la sacristie un très beau coffre antique très artistement sculpté. On voit aussi : un reste de verrière représentant le père éternel vêtu en pape et entouré d’anges ; un bénitier en granit avec personnages ; de nombreuses inscriptions tumulaires sur les dalles en face du chœur.

L’ancienne maison priorale, attenant à l’église, a été transformée en habitation moderne par M. Perrussel auquel elle appartient.

En face l’église, de l’autre côté de la rue, est une maison avec tourelle assez curieuse.

Du milieu du bourg on aperçoit la forêt de Haute-Sève recouvrant un grand coteau qui dévale en pente douce jusqu’au fond de la vallée. Ce coteau assez élevé couronné de grands chênes fait l’effet d’une montagne coupant l’horizon. M. Yves Guyot, lors de sa visite à Gahard, le 28 juillet 1890, avait cueilli dans la propriété de M. Perrussel une branche de l’arbre de la Liberté (arbre planté en 1792), pour la remettre à M. le président de la République.

« Ce souvenir attestera, avait dit M. le ministre des travaux publics, qu’il y a en Bretagne des populations depuis longtemps républicaines. À Ercé, nous avons trouvé le drapeau du centenaire ; aujourd’hui, c’est le chêne de Gahard qui prouve l’ancienne communauté des sentiments qui animent ces communes voisines, restées fidèles aux principes et aux traditions de la Révolution. C’est en conservant ces glorieux souvenirs qu’un pays s’honore. Nous nous souvenons de ce qu’ont fait nos pères : nous saurons les imiter. »

À ce sujet, la lettre suivante a été adressée par M. le général Brugère, au nom de M. le président de la République, à l’honorable maire de Gahard.

« Paris, 30 juillet 1890.
« Monsieur le maire,

« M. le ministre des travaux publics a remis à M. le président de la République le rameau du chêne de la liberté, planté à Gahard, en 1792, que vous l’aviez prié de faire parvenir à l’Élysée.

« M. le président a été très touché du sentiment qui a inspiré cette délicate attention, et il m’a chargé de vous transmettre, à vous ainsi qu’à vos concitoyens, ses vifs remerciements.

« Agréez, monsieur le maire, l’assurance de ma considération distinguée.

Le général de division,
J. Brugère,
Secrétaire général de la Présidence.
Sens

À la limite orientale de la commune de Sens, sur les bords d’un lac aujourd’hui divisé en quatre étangs, on aperçoit les ruines du château du Bouessay, qui garde encore de délicates sculptures en granit dans le style de la Renaissance. Une charmante tourelle est occupée, presque en entier par un superbe escalier de pierre. Quelques fenêtres et deux manteaux de cheminée méritent l’attention du visiteur. Le reste du château ne présente plus qu’un amas de ruines. Quelques murailles, d’une épaisseur considérable, sont recouvertes de lierre et de ronces.

Le savant abbé, M. Guillotin de Corson, nous apprend que ce château du Bouessay fut construit vers la fin du XVe siècle par la famille de Champagné.

Il suppose que cette terre fut vendue au commencement du XVIIIe siècle à René de Montbourcher, seigneur de la Magnane et comte de Betton, époux de Marie de Montaudouin. « Celui-ci, dit-il, président au Parlement de Bretagne, était en effet, seigneur de Bouessay en 1767 ; mais sa femme étant venue à mourir, l’un des héritiers de cette dernière, Charles du Plessix, marquis de Grénedan, prétendit avoir droit à la possesion de la seigneurie de Bouessay à cause de sa propre femme, Elisabeth de Montaudouin.

« En conséquence, Charles du Plessix rendit aveu, le 20 avril 1769, au baron de Sens, pour la terre de Bouessay. Sa déclaration nous apprend que Bouessay était alors à peu près tel qu’aujourd’hui, c’est-à-dire « totalement en ruisne avec la tour au devant et une maison au couchant appelée la chambre où demeure le fermier ». La terre comprenait, en outre des étangs, et des bois, les métairies de la Renaudais et de la Chauvelais. La seigneurie se composait de huit fiefs, parmi lesquels on distinguait « le grand baillage du Bouessay s’étendant en la ville de Sens et valant 25 liv. de rente, quatre chapons, des oignons pour 4 sols au terme de Saint-Léger, et une paire de gants à la fête de Noël ». Enfin l’aveu mentionne, mais sans y appuyer, les prétendus droits de prééminence et de fondation de l’église de Sens que contestaient les barons du lieu.

« Le seigneur de Bouessay exerçait à Sens même une juridiction en haute, moyenne et basse justice ; mais l’on voit qu’en 1769 son manoir n’était plus qu’une ruine. À quelle époque remontait la dévastation d’une si jolie demeure ? Peut-être au temps des guerres de la Ligue. Georges de la Charonnière fut, en effet, l’un des fidèles serviteurs du duc de Mercœur, qui le choisit même pour remplacer Montbarot en qualité de gouverneur de Rennes. Le pillage et la ruine du château de Bouessay ne furent-elles pas l’œuvre de quelques Royaux ennemis des Ligueurs ? »

Romazy et Vieux-Vy

Les paysages que l’on rencontre dans ces deux communes sont avec ceux de Pont-Réan, Bourg-des-Comptes et Pléchâtel, les plus beaux du département.

C’est la nature vraie, pittoresque, abrupte sur les coteaux, fertile dans les vallées, avec des rochers perçant le sol ; c’est en un mot la Bretagne qu’on aime et celle que les poètes ont chantée :

« Avec son sol de pierre et sa rude campagne
Avec ses longs cheveux et son front indompté ».

Les coteaux de Bray, en Vieux-Vy, au confluent de la Minette et du Couesnon, sont admirables. Du haut de ces rochers granitiques, la vue embrasse Vieux-Vy, Orange, Lande pavée et les deux rivières.

Lande pavée est ainsi nommée à cause de la quantité considérable de pierres plates qui la recouvre. Du haut de cette lande on aperçoit une douzaine de clochers.


LA LANDE PAVÉE
près Vieux-Vy

On voyait autrefois près du village d’Orange les vestiges d’un camp romain et il a été trouvé dans ces parages des meules romaines, des projectiles en fer, des cercueils en pierre et un éperon en cuivre.

La vallée de la Minette, avec ses moulins plus ou moins délabrés et la plupart abandonnés, offre aux peintres de nombreux sujets d’études.

M. Savary, qui a eu l’idée du présent ouvrage et de son illustration par les membres de la Société photographique de Rennes, nous a adressé de sa propriété de Montmoron, commune de Romazy, des renseignements sur la vallée de la Minette que nous nous empressons de reproduire ici :

« Les moulins de la Sourde, appelés ainsi on ne sait pourquoi puisqu’ils sont tous sur la rivière de Minette, se trouvent entre la mine argentifère de la Touche et Saint-Christophe de Valains, c’est-à-dire à quelques centaines de mètres du moulin de Bray situé au confluent de la Minette et du Couesnon.

« Un moulin, qui sert à moudre du blé, est construit sur un rocher de granit dans une charmante situation. Il est présentement en pleine activité.

« À cinq cents mètres plus haut on aperçoit les ruines des anciens moulins à papier qui dépendaient de l’usine principale de Vieux-Vy, aujourd’hui abandonnée.

« L’un de ces vieux moulins est utilisé quelquefois, mais à de rares intervalles, au lavage des couvertures de chevaux des régiments de cavalerie. Les couvertures sont déposées dans de grandes cuves traversées par l’eau de la rivière et battues sans interruption par les marteaux qui servaient autrefois à piler la pâte du papier. Après un lavage et un martelage de plusieurs jours les couvertures sortent de là un peu usées peut-être, mais du moins très propres.

« Non loin de là est une carrière de granit, d’où l’on extrait des tables de pierre qui sont employées à daller les trottoirs de Rennes.

« Près des nombreux moulins abandonnés on rencontre de belles auges en granit, qui servaient autrefois à malaxer la pâte du papier. Cette pâte était faite avec les déchets du bois de peuplier provenant des fabriques de lanternes vénitiennes. Le bois mince qui forme le fond et le dessus de ces lanternes est découpé dans des planchettes dont les retailles étaient vendues pour la confection du papier d’emballage ».

Un Monsieur Lebigre, entrepreneur de routes à Romazy, découvrit, il y a près de quinze ans, un gisement de plomb, d’argent et d’autres métaux connexes. Une société se constitua au mois de juillet 1879 et obtint une concession d’une étendue superficielle de dix kilomètres carrés (61 hectares) dans les communes de Romazy, Chauvigné, Saint-Christophe de Valains et Vieux-Vy. C’est cette concession qui a pris le nom de Mine argentifère de la Touche.

Jusqu’à ces dernières années cette mine n’avait été l’objet que de travaux de sondage et n’occupait que quelques hommes ; mais depuis deux ans on a poussé activement les fouilles et entrepris d’importants travaux d’avenir et d’aménagement.

Dans le rapport que M. l’Ingénieur des Mines a préparé pour le Conseil général d’Ille-et-Vilaine (session du mois d’Août 1891), on lit : « Le montant des salaires de la mine de la Touche en 1890, dépasse 48 000 fr. pour un effectif moyen de 50 ouvriers à l’intérieur et 15 à l’extérieur. Actuellement le nombre total des ouvriers dépasse la centaine ; les travaux d’exploitation sont commencés et l’on peut prévoir pour la nouvelle mine un avenir prospère. »

L’espace qui nous est accordé par notre éditeur ne nous permet pas de nous étendre davantage sur les curiosités des autres communes du canton de Saint-Aubin-d’Aubigné.

Nous nous contenterons donc de signaler à nos lecteurs :

Dans la commune de Feins, le bel étang du Boulet dans lequel la rivière d’Ille prend sa source. Il a plus de douze kilomètres de tour.

La fromagerie du chalet à M. Champion et les belles cultures de cet intelligent agriculteur.

Les vestiges d’un camp romain à l’ouest du bourg de Montreuil, d’où la vue embrasse la belle vallée de la rivière d’Ille.

À Aubigné, les ruines du château des sires d’Aubigné, la maison des plaids au milieu du bourg, et le bénitier de l’église orné à la manière du XVe siècle.

Les sites charmants de Saint-Germain-sur-Ille et les ruines d’un ancien monastère au Bois-Lambin.

La magnifique verrière de Chevaigné.

La nouvelle et remarquable église de Melesse, les menhirs du champ du rocher, au village de Couyat.

Enfin le vieux château du Bois-Geffroy dans la commune de Saint-Médard-sur-Ille, et la Roche-du-Diable à 400 mètres du bourg sur la route de Saint-Germain à Aubigné.

C’est là, au pied de cette roche que nous fut narré le conte de Maître-Jean qui terminera nos récits du Pays de Rennes.

Maître Jean

Une fermière du Bois-Geffroy, en Saint-Médard-sur-Ille, se disait la veille de Noël : « Il me faudrait aller au bourg chercher de la saucisse et du boudin pour réveillonner la nuit prochaine, mais je n’ose laisser ma garçaille[5] à la maison, il pourrait lui arriver du ma[6] ».

En effet, un enfant de deux ans environ sommeillait dans un ber[7], près de la cheminée, et il n’était guère prudent de le quitter.

La paysanne attendit le réveil du petit, le débarbouilla avec son mouchoué[8] de poche, le mit sur son bras et s’en alla à Saint-Médard.

C’était à la ressiée[9], et les jours sont si courts à Noël qu’elle eut beau trotter tout le long du chemin, se dépêcher d’acheter ses provisions, il faisait quasiment nuit quand elle quitta le bourg pour rentrer au logis.

Elle prit à travers champs pour abréger sa route ; mais au moment où elle allait enjamber l’échalier d’un pré à trois cônières[10], elle aperçut sous un pommier un linceul étendu sur l’herbe et qui était couvert de pièces de cent sous.

La frayeur la prit, son sang ne fit qu’un tour, et elle crut qu’elle allait laisser chai[11] sa garçaille. Tout de même, la vue des pièces de cent sous l’attirait et, ma foi, elle s’enhardit, passa l’échalier, s’avança vers le drap blanc, y déposa son enfant et se mit à remplir sa devantière[12] de belles pièces d’argent.

L’innocent[13], en voyant sa mère ramasser l’argent, fit comme elle, retroussa le devant de sa petite robe et en serra tant qu’il put.

Quand la femme en eut presque sa charge, elle songea à regagner sa demeure.

De retour à la maison, elle voulut compter sa fortune et ne trouva dans sa devantière que des fleurs fanées. Mais quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’elle vit dans la robe de son fils les quelques pièces qu’il avait ramassées.

Un rire strident lui fit tourner la tête et un gros chat noir, assis sur le husset[14] de la porte, lui dit : « Il n’y a que l’argent touché par les innocents qui se conserve. »

C’était un tour de Maître Jean.


FIN

  1. Saint-Brice. — Baronnie de Sens.
  2. Noël du Faill est connu des bibliophiles pour ses écrits charmants, intitulés : Propos rustiques et contes d’Eutrapel.
  3. En Pleumeleuc.
  4. La Morlaye relevait du Bordage, en Ercé-près-Liffré.
  5. Enfant des deux sexes.
  6. Mal.
  7. Berceau.
  8. Mouchoir.
  9. Après-midi.
  10. En formes de triangle.
  11. Choir, tomber.
  12. Tablier.
  13. Enfant n’ayant pas atteint l’âge de raison.
  14. Bas de porte.