Aux honorables chevaliers, citoyens et bourgeois, les Communes du Royaume-Uni de la Grande Bretagne et d’Irlande, assemblées en Parlement, 1834

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Aux Honorables Chevaliers, Citoyens et Bourgeois, les Communes du Royaume-Uni de la Grande Bretagne et d’Irlande, assemblé’es en Parlement.


Qu’il plaise à Votre Honorable Chambre.


Nous les fidèles et loyaux sujets de Sa Majesté, les Communes du Bas-Canada assemblées en Parlement Provincial, nous nous adressons avec respect et confiance à Votre Honorable Chambre, pour lui représenter les maux nombreux et sans cesse croissans dont souffre le Peuple de cette Province, par suite de défectuosités dans ses Lois et sa Constitution, et par suite de la manière abusive, partiale, inconstitutionnelle et violente dont les Lois et la Constitution existante ont été et continuent d’être administrées.

S’il était besoin d’autres motifs que de ceux de la justice pour engager Votre Honorable Chambre à accueillir les plaintes d’une portion nombreuse des sujets de ce vaste et glorieux Empire, cette Chambre pourrait se réclamer du grand attachement que le Peuple qu’elle représente a constamment montré pour sa liaison avec la Grande Bretagne ; du courage avec lequel il l’a défendue dans la guerre à deux diverses fois ; de son refus d’accéder à l’appel que lui firent les ci-devant Colonies Anglaises de ce continent à l’époque qui a précédé leur indépendance ; de la confiance qu’il a manifestée dans le Gouvernement de Sa Majesté, même dans des temps difficiles et sous des Administrations Provinciales qui foulaient aux pieds ses droits les plus chers ; de la libéralité fraternelle avec laquelle il a accueilli ses co-sujets venus des diverses parties du Royaume-Uni, et de ses dépendances. Cette Chambre pourrait également s’appuyer de son empressement à faciliter à ces derniers, en autant qu’il a dépendu d’elle, la participation aux avantages politiques et matériels du Pays, et à applanir pour eux de nombreuses difficultés provenues du vice des Administrations Provinciales ; de ses soins pour avancer la prospérité générale du Pays, en assurant la paix et le contentement de toutes les classes de ses habitans sans distinction, sur la base solide et durable des mêmes liens politiques, d’un intérêt commun et d’une égale confiance dans la protection de la Mère-Patrie ; de ses efforts pour introduire et consolider dans la Province, le droit constitutionnel et parlementaire, nécessaire à l’opération de son gouvernement, et toutes les parties du droit public anglais, qui lui ont paru salutaires et protectrices et conformes aux besoins et aux vœux du Peuple ; de l’analogie, aussi rapprochée qu’il a été possible, qu’elle a établie entre ses procédés et ce qui se pratique dans Votre Honorable Chambre.

Mais persuadés que ces considérations simplement indiquées sont appréciées par Votre Honorable Chambre, nous en viendrons au détail des principes et des faits sur lesquels reposent nos humbles prières.

À une époque récente, une très-grande majorité du Peuple de cette Province, par ses Requêtes signées de 87,000 personnes, se plaignit d’abus graves et nombreux qui régnaient alors ; ses plaintes soumises à la considération du Parlement du Royaume-Uni, furent suivies dans Votre Honorable Chambre, le 18 Juillet 1828, d’un Rapport fait par un Comité dont faisait partie le Principal Secrétaire d’État actuel de Sa Majesté, pour le Département Colonial, ainsi que plusieurs autres Membres du Gouvernement actuel ; lequel Rapport, basé sur des recherches étendues et une soigneuse délibération, en venait à ces conclusions très justes : 1o. Que les difficultés et les mécontentemens, qui avaient longtems existé dans les Canadas, provenaient de défectuosités sérieuses qui se trouvaient dans le système de lois et de constitutions établi dans ces Colonies ; 2o. Que les difficultés et les mécontentemens devaient en grande partie être attribués à la manière dont le système existant avait été administré ; 3o. Que ni les recommandations de Votre Honorable Comité, ni aucune autre amélioration dans les lois et les constitutions des Canadas, ne produiraient l’effet désiré, à moins qu’on ne suivît envers ces Colonies loyales et importantes un système de Gouvernement impartial, conciliatoire et constitutionnel.

C’est avec regret que nous déclarons à Votre Honorable Chambre, que ses recommandations n’ont été suivies d’aucun résultat efficace, et de nature à produire l’effet désiré, non plus que les intentions bienveillantes, exprimées depuis par le Gouvernement Exécutif de Sa Majesté ; que la Constitution de cette Province, avec ses défectuosités sérieuses, a continué d’être administrée de manière à multiplier les difficultés et à augmenter les mécontentemens ; et que la plûpart des abus qui régnaient alors, existent encore aujourd’hui sans adoucissement ni mitigation.

En réfléchissant avec soin sur cet état de choses, cette Chambre s’est convaincue que la source du mal gisait dans la première des causes mentionnées par Votre Honorable Comité ; elle a reconnu également que la défectuosité la plus sérieuse de l’Acte de la 31me George III, chapitre 31, la cause la plus active d’abus de pouvoir, d’infraction des lois, de dilapidation du revenu et du domaine publics, se trouvait dans la disposition injudicieuse, dont les résultats furent prévus, dans le tems, par l’un des hommes publics dont l’Angleterre s’honore le plus, savoir : celle qui donne à la Couronne le pouvoir exorbitant, incompatible avec tout Gouvernement tempéré et basé sur la loi et la justice et non sur la force et la coercition, de choisir et composer sans règles, sans limites, sans qualifications prédéterminées, toute une branche de la Législature, réputée indépendante par la nature de ses attributions, mais inévitablement asservie à l’autorité qui la choisit, la compose, la décompose, la peut modifier chaque jour au gré de ses intérêts ou de ses passions du moment ; pouvoir illimité dont l’abus est inséparable de l’usage, et qui de fait a toujours été exercé en cette Province dans l’intérêt du monopole, et du despotisme exécutif et judiciaire, et jamais en vue de l’intérêt général : cette Chambre d’ailleurs expose comme sa ferme conviction, que même en supposant que les Administrations Coloniales eussent réussi par de meilleurs choix à calmer les alarmes et à assoupir pour un tems de profonds mécontentemens, cette forme de Gouvernement n’en est pas moins essentiellement vicieuse, qui fait dépendre le bonheur ou le malheur d’un Pays, d’un Exécutif sur lequel il n’a aucune influence, et qui n’y a aucun intérêt commun ni permanent.

Le remède efficace à ce mal avait déjà été pressenti par Votre Honorable Comité, lorsqu’on y demandait à l’un des Agens du Peuple de cette Province, s’il pensait que le Conseil Législatif pût commander la confiance et les respects du Peuple, ou être en harmonie avec la Chambre d’Assemblée, à moins que, d’une manière ou d’une autre, on y introduisît le principe d’Élection ; sur quoi deux moyens furent indiqués par le dit Agent, l’un de faire de bons choix par la prérogative royale, en appelant à ce corps des personnes indépendantes de l’exécutif, et l’autre de rendre le corps électif.

Cette Chambre croit, avec le même Agent du Peuple, qu’à en juger par l’expérience, il n’y aurait aucune sûreté dans le premier de ces modes, tandis que le second serait sûr pour toutes les parties ; mais quant aux suggestions, faites par le dit Agent, d’avoir des Électeurs d’une qualification plus élevée et de déterminer la qualification foncière des personnes qui pourraient siéger dans le Conseil, cette Chambre a depuis, dans son humble Adresse à Sa Très Gracieuse Majesté, en date du vingt de Mars, mil-huit-cent-trente-trois, déclaré comment, dans son opinion, ce principe pouvait être admissible en Canada, en le restreignant dans des limites définies qu’il ne faudrait en aucun cas dépasser ; même en précisant ces limites et en consentant à voir attacher à l’éligibilité au Conseil Législatif une qualification foncière, qui très heureusement et très sagement n’est pas requise pour l’éligibilité à la Chambre d’Assemblée, cette Chambre n’a pu avoir en vue que de ménager les opinions reçues en Europe, où la loi et les mœurs donnent de grands priviléges et avantages artificiels à la naissance, au rang et à la fortune, tandis qu’en Amérique ces privilèges et avantages introduits dans l’ordre public, en faveur de la grande propriété, ne pourraient se soutenir longtems contre la préférence donnée aux vertus, aux talens et aux lumières, dans des élections libres, et contre une pauvreté honnête, contente et dévouée, que dans le système électif, la société doit avoir le droit de consacrer au service de la Patrie, lorsqu’elle l’y juge plus propre que la richesse, qui n’exclut pas les autres avantages, mais qui ne les accompagne pas toujours.

Nous ne sommes donc nullement disposés à admettre l’excellence du système actuel de constitution du Canada, quoique par une Dépêche dont la date ne nous est pas connue, et dont partie seulement a été communiquée à cette Chambre durant la présente Session, le Secrétaire d’État de Sa Majesté pour le Département Colonial (cette Chambre ne sachant pas si c’est le Secrétaire Colonial actuel ou son prédécesseur) allègue mal à propos et très erronément, que ce système a conféré aux deux Canadas les institutions de la Grande Bretagne ; nous ne repoussons nullement le principe d’étendre beaucoup plus loin qu’il ne l’est aujourd’hui, l’avantage d’un système d’élections fréquentes, mais nous pensons qu’en particulier ce système devrait être appliqué au Conseil Législatif, quoiqu’il puisse être regardé par le Secrétaire Colonial, comme incompatible avec le Gouvernement Britannique, appelé par lui Gouvernement Monarchique, ou comme trop analogue aux institutions que se sont données les divers États qui composent l’industrieuse, morale et prospère confédération des États-Unis d’Amérique. Nous différons également d’avec le même haut fonctionnaire public, lorsqu’il dit qu’un examen de la composition du Conseil Législatif, à l’époque où elle fut si justement censurée par le Comité de Votre Honorable Chambre, et dans le tems actuel, montrera suffisamment dans quel esprit le Gouvernement de Sa Majesté s’est efforcé d’accomplir les désirs du Parlement, quoique nous recevions avec reconnaissance cette assurance des intentions justes et bienveillantes avec lesquelles, en exécution de son devoir, le Gouvernement de Sa Majesté a souhaité accomplir ces désirs.

Votre Honorable Chambre ne peut, sans doute, trouver convenable qu’on impose, sous la forme de Conseil Législatif, une Aristocratie à un Pays, où il n’y a aucuns matériaux naturels à son existence ; elle pensera sans doute plutôt, nous osons l’espérer, que le Parlement du Royaume-Uni, en accordant aux Sujets Canadiens de Sa Majesté le pouvoir de réviser la Constitution dont ils tiennent leurs droits les plus chers, montrerait une politique libérale, indépendante de la considération d’intérêts antérieurs et de préjugés existans, et que par cette mesure d’une vaste, mais sage libéralité, il entrerait dans une noble rivalité avec les États-Unis d’Amérique ; empêcherait que les Sujets de Sa Majesté en Canada eussent rien à leur envier, et conserverait des relations amicales avec cette Province comme Colonie, tant que durera notre liaison, et comme alliée, si la suite des tems amenait des relations nouvelles. Nous émettons ces opinions avec d’autant plus de confiance, qu’elles sont données pour avoir été émises, entr’autres dans le même sens, par le Très Honorable Edward Geoffrey Stanley, maintenant principal Secrétaire d’État de Sa Majesté pour le Département Colonial, et par plusieurs autres hommes publics éclairés, dont quelques-uns forment maintenant partie du Gouvernement de Sa Majesté, auxquels cette Chambre ne fait que servir d’écho, en affirmant qu’en effet le Conseil Législatif de cette Province, n’a été autre chose qu’un écran impuissant entre le Gouverneur et le Peuple, qui en mettant l’un en état de se maintenir contre l’autre, a servi à perpétuer un système de discorde et de contention, et qu’il a sans cesse agi en hostilité ouverte contre les sentimens du Peuple, tels qu’exprimés constitutionnellement par la Chambre d’Assemblée.

La conduite du Conseil Législatif, depuis la réforme prétendue, opérée comme devant le lier plus étroitement aux intérêts de la Colonie, en conformité aux désirs du Parlement, fait voir que les opinions qu’on avait alors sur ce sujet dans le Royaume-Uni et dans cette Province, n’ont rien perdu de leur application ni de leur justesse, quant à la composition actuelle de ce corps, qui fortifié d’une majorité ennemie des droits de cette Chambre et du Peuple qu’elle représente, a reçu de nouveaux moyens de perpétuer et d’agraver le système d’abus dont s’est, jusqu’à ce jour, inutilement plaint le Peuple de la Province, et qu’inutilement aussi, jusqu’à ce jour, le Parlement et le Gouvernement de Sa Majesté en Angleterre ont souhaité corriger. C’est même depuis cette prétendue réforme, que le Conseil Législatif a renouvelé d’une manière plus alarmante pour les Habitans de cette Province, et en particulier dans son Adresse à Sa Majesté en date du premier Avril, mil-huit cent-trente-trois, sa prétention injuste à n’avoir, pour mission que de donner de la sécurité à une classe particulière des Sujets de Sa Majesté en cette Province, comme ayant des intérêts qui ne pourraient être suffisamment représentés dans cette Assemblée, dont les sept-huitièmes des Membres, dit-il très erronément, sont d’origine française et parlent la langue française. Une prétention de cette nature est une violation de la Constitution, et ne peut que susciter et perpétuer, entre les diverses classes des habitans de la Province, des méfiances, des distinctions et des animosités nationales, et tendre à donner à une partie du Peuple une supériorité injuste et factice sur l’autre, avec l’espoir de la domination et d’une préférence indue. Cet appel du Conseil Législatif, comme l’un de ses premiers actes après cette prétendue réforme, aux préventions et aux rigueurs du Gouvernement de Sa Majesté, contre le Peuple de cette Province et contre la Branche Représentative de sa Législature, a fait perdre au Peuple et à cette Chambre ce qu’il restait d’espoir de voir le dit Conseil opérer le bien du Pays, tant que sa Constitution reposera sur les bases actuelles ; tous sont au contraire intimement persuadés que l’application du principe électif à la Constitution du dit corps, est le seul refuge dans lequel on puisse entrevoir un avenir de protection égale et suffisante, pour tous les habitans de cette Province indistinctement ; et c’est à la suite de l’examen des Dépêches du Secrétaire d’État de Sa Majesté pour le Département Colonial, et à la veille d’élections générales, que cette Chambre réitère solennellement sa demande, que la Législature du Royaume-Uni, se rendant aux vœux du Peuple de cette Province et de cette Chambre, veuille bien accorder le remède le plus efficace aux maux présens et à venir, en rendant le Conseil Législatif Électif, en la manière demandée par cette Chambre, dans sa dite Adresse du 20 Mars 1833, à Sa Très Gracieuse Majesté, ou en mettant le Peuple à même d’exprimer son opinion, d’une manière encore plus directe, sur les moyens d’effectuer cette réforme, et sur telles autres modifications au système de Lois et de Constitution, que pourraient requérir les besoins du Peuple et l’intérêt du Gouvernement de Sa Majesté.

Nous devons exprimer notre regret, que l’accomplissement des désirs du Parlement ait été laissé au Principal Agent du Gouvernement de Sa Majesté en cette Province, le Gouverneur-en-Chef actuel, au pouvoir duquel il était, plus qu’en celui d’aucun de ses prédécesseurs, vu la latitude qui lui a été laissée quant au nombre et au choix des personnes qu’il appellerait au Conseil Législatif, d’assoupir, momentanément du moins, les dissentions intestines qui déchirent la Colonie, et de donner à ce corps un plus grand caractère de respectabilité et d’indépendance, par des nominations judicieuses. Les choix qui ont eu lieu, ont détruit cet espoir, et ont confirmé les Sujets de Sa Majesté dans leur opinion sur le principe constitutif de ce corps. Malgré seize nominations faites en deux ans, nombre plus grand que n’en fournit aucune autre période de dix ans, ou aucune autre administration, et malgré les directions que le Gouverneur-en-Chef a pu recevoir du Gouvernement de Sa Majesté, les influences malfaisantes qui veulent perpétuer un régime d’irresponsabilité absolue dans le Pays, ont prévalu au point de rendre la majorité du dit Conseil, plus ennemie du Pays et moins liée à ses intérêts qu’à aucune époque antérieure ; de sorte que sa composition actuelle, au lieu d’être propre à effectuer entre les deux Chambres de la Législature Provinciale, un rapprochement nécessaire au bien du Pays, détruit toute espérance de voir adopter par ce corps les opinions et les sentimens du Peuple de la Province et de cette Chambre, sur son droit inaliénable au contrôle plein et entier de tout le revenu prélevé dans la Province ; sur la nécessité où elle se trouvait pour amener la réforme des abus, depuis longtems inutilement demandée, de ne subvenir aux dépenses du Gouvernement Civil, que par des appropriations annuelles, ainsi que sur une foule d’autres questions d’intérêt public, sur lesquelles l’Exécutif et le Conseil Législatif de son choix et de sa création, diffèrent diamétralement avec le Peuple de la Province, et avec cette Chambre. Ce fait confirme le jugement porté par le Comité de Votre Honorable Chambre, en censurant les Conseils Législatifs tels qu’ils avaient existé, et la justesse d’opinion de ceux des Membres de ce Comité, qui voulaient introduire dans les dits Conseils, le principe d’Élection.

La combinaison vicieuse à laquelle on s’est attaché, est aussi contraire à l’accomplissement des désirs du Parlement, que l’aurait été celle qui, pour résister aux vœux de Votre Honorable Chambre, et à ceux du Peuple Anglais, sur la Réforme Parlementaire, aurait jeté dans la Chambre des Lords une accession d’hommes connus par leur opposition factieuse et violente à cette grande mesure. Aussi la majorité du dit Conseil se compose-t-elle d’hommes, qui ont perdu sans retour la confiance publique, pour avoir encouragé les violences commises sous l’administration du Comte de Dalhousie, pour avoir sans cesse outragé le Peuple et sa Représentation ; d’hommes pour ainsi dire inconnus, depuis peu d’années dans le Pays, sans propriétés foncières ou n’en ayant que de très modiques ; la plupart n’ayant jamais été délégués à l’Assemblée, et quelques uns mêmes ayant été refusés par le Peuple ; lesquels d’ailleurs n’avaient jamais donné de preuves de leur aptitude à remplir les fonctions de Législateurs, et n’ont été portés, que par leur communauté de sentimens avec l’Administration Provinciale, à une situation où ils pourront influer, durant tout le cours de leur vie, sur la législation et le sort de cette Province, dont les Lois et les Institutions ont de tout tems été l’objet de leur animadversion. Les nouveaux Conseillers, pris en moindre nombre dans la majorité de l’Assemblée, et qui avaient l’espoir qu’on leur adjoindrait un nombre suffisant de personnes indépendantes, et d’opinions conformes à celles de la majorité du Peuple et de ses Représentans, ont ainsi été noyés dans une majorité hostile au Pays. Le résultat en a été d’autant plus funeste, que le Peuple a dû regarder le Conseil Législatif, recomposé par le Gouverneur-en-Chef actuel, comme l’expression des sentimens du Gouvernement Exécutif Colonial, et que ces deux autorités paraissent s’être liguées, pour proclamer des principes subversifs de toute concorde dans la Province, et pour dominer et gouverner d’après d’odieuses et aveugles antipathies nationales. Cette Chambre a, néanmoins, la satisfaction de voir que la grande majorité de la classe des Sujets de Sa Majesté d’origine Britannique, dans la Province, soit qu’elle y soit au nombre porté dans la dite Adresse du Conseil Législatif, ou comme le veut la vérité, à environ la moitié de ce nombre, se convainc de plus en plus, chaque jour, que ses intérêts et ses besoins sont uns et communs avec ceux des habitans d’origine Française et parlant la langue française : les uns aiment la terre de leur naissance, les autres celle de leur adoption ; la plupart de ces derniers ont reconnu la tendance bienfaisante des Lois et des Institutions du Pays en général, ont travaillé de concert avec les premiers à y introduire graduellement, par l’autoritée du Parlement Provincial, les améliorations dont elles ont paru de tems à autre susceptibles ; ont réprouvé la confusion qu’on a tenté d’y introduire dans des vues de monopole et d’abus, et désirent pour tous indistinctement un Gouvernement impartial et protecteur.

Parmi les Conseillers nommés sous l’Administration Provinciale actuelle, il se trouve, en violation manifeste de la Constitution, plusieurs Sujets nés des États-Unis, et d’autres Pays étrangers, qui au tems de leur nomination n’avaient pas été naturalisés par Acte du Parlement Britannique ; de l’un desquels, Horatio Gates, la résidence n’a été que tolérée durant la dernière guerre contre les États-Unis, et lequel a refusé alors de prendre le serment d’allégeance et les armes, pour la défense de ce Pays, où il ne restait que pour des motifs de lucre, et après ces antécédans a pris son siège au Conseil Législatif, le 16 Mars 1833, pour y voter quinze jours plus tard, savoir : le 1er Avril, l’Adresse mentionnée ci-dessus, contre ceux qui, pendant cette guerre, étaient armés sur la frontière pour repousser l’agression des armées Américaines et des concitoyens du dit Horatio Gates ; — un autre, James Baxter, résidait, durant la dite guerre, dans les États-Unis, et était tenu par les lois du Pays de sa naissance, dans certaines circonstances, d’envahir cette Province à main armée ; de poursuivre, détruire et prendre, s’il le pouvait, les armées de Sa Majesté, ainsi que ceux de ses Sujets Canadiens qui étaient en armes sur la frontière, pour repousser l’agression des armées Américaines, et des concitoyens du dit James Baxter, qui peu qualifié d’ailleurs sous le rapport de la propriété, devient par la nomination du Gouverneur-en-Chef, Législateur à vie pour le Bas-Canada, le 22 Mars 1833, pour voter huit jours plus tard, le dit 1er Avril, la même Adresse, dont les accusations calomnieuses et insultantes ont provoqué la juste expression du regret, qu’avait Sa Majesté, qu’on y eût employé des expressions, qui parussent attribuer à une classe de Ses Sujets d’une origine particulière, des vues opposées à l’allégeance qu’ils doivent à Sa Majesté.

La dite Adresse, votée à l’unanimité le dit premier Avril, mil-huit-cent-trente-trois, par le Conseil Législatif prétendu réformé, l’a été par sept Conseillers sous l’influence de l’Exécutif actuel, et par cinq autres de sa nomination, un seul de ceux qui l’ont votée, l’Honorable George Moffatt, ayant été nommé sous l’administration précédente. Les douze qui ont concouru, outre le dit Honorable George Moffatt, sont les Honorables le Juge-en-Chef de la Province, Jonathan Sewell, à qui le Très Honorable Vicomte Goderich, recommandait dans une Dépêche du Département Colonial, de se garder avec soin de tous les procédés qui pourraient l’engager dans aucune contention qui sentirait l’esprit de parti ; John Hale, Receveur-Général actuel, qui a payé de fortes sommes à même les deniers publics, en violation des lois et du dépôt qui lui est confié, et sur des ordonnances illégales du Gouverneur ; Sir John Caldwell, Baronet, ci-devant Receveur-Général, péculateur condamné à payer près de cent mille livres, en remboursement de même somme prélevée sur le Peuple de cette Province, et accordée par les lois à Sa Majesté, Ses Héritiers et Successeurs, pour les besoins publics de cette Province, et le soutien du Gouvernement de Sa Majesté en icelle, et qui a pris et détourné la plus grande partie des dites sommes de leur destination, et les a convertis à son usage particulier ; Herman Witsius Ryland, Greffier du Conseil Exécutif et Pensionnaire de l’établissement civil de la Province ; Matthew Bell, Concessionnaire indûment et illégalement favorisé par l’Exécutif dans le Bail des Forges St. Maurice, et dans l’acquisition de grandes étendues de terres vacantes, et par le bail de grandes étendues de terre du ci-devant ordre des Jésuites ; John Stuart, Conseiller Exécutif, Commissaire des Biens des Jésuites, et jouissant d’autres places lucratives ; lesquels sous le rapport d’intérêts pécuniaires et personnels sont tous sous l’influence de l’Exécutif ; les Honorables George Moffatt, Peter McGill, John Molson, Horatio Gates, Robert Jones, James Baxter, tous nés hors du Pays, ainsi que les précédens, à l’exception de deux, et lesquels à l’exception d’un seul, qui pendant plusieurs années a été Membre de l’Assemblée, et a de grandes propriétés foncières, n’ont que de modiques qualifications sous ce dernier rapport, et n’avaient jamais été assez engagés dans la vie publique pour faire présumer de leur aptitude à remplir les fonctions de Législateurs à vie ; et l’Honorable Antoine Gaspard Couillard, seul natif du Pays d’origine française qui se soit soumis à y concourir, qui aussi n’ayant que de très modiques qualifications foncières, n’avait jamais été engagé dans la vie publique, et qui depuis sa nomination au Conseil, et avant le dit premier Avril, s’était placé sous la dépendance de l’Exécutif, en sollicitant un emploi lucratif subordonné. Le Peuple du Pays est ainsi fondé à regarder la dite Adresse comme l’œuvre de l’administration actuelle de cette Province, l’expression de ses sentimens, l’explication de ses actes et la proclamation des principes et des maximes qu’elle veut prendre pour règle à l’avenir.

Le Conseil Législatif dans la dite Adresse, impute à cette Chambre d’accuser calomnieusement le Représentant du Roi de partialité et d’injustice dans l’exercice des pouvoirs de sa charge, et de calomnier délibérément les officiers de Sa Majesté, tant Civils que Militaires, comme une faction combinée portée par l’intérêt seul à lutter pour le soutien d’un gouvernement corrompu, ennemi des droits et contraire aux vœux du Peuple : sur quoi cette Chambre déclare que ses accusations n’ont jamais été calomnieuses, mais sont vraies et fondées, et que le tableau fidèle du Gouvernement Exécutif de cette Province, dans toutes ses parties, se trouve tracé par le Conseil Législatif dans ce passage de son Adresse. Cette Adresse du Conseil serait criminelle et séditieuse, si sa nature même n’en détruisait le danger, puisqu’elle va à dire que, si le Parlement du Royaume-Uni se rendait au désir de cette Chambre, le résultat de cet acte de justice et de bienveillance, serait d’inonder le Pays de sang. La même Adresse n’est pas moins injurieuse au petit nombre des Membres indépendans du Conseil Législatif, à ceux qui avaient appartenu à cette Assemblée et avaient secondé ses efforts pour qu’elle obtînt le contrôle de tout le revenu provincial ; qui approuvaient la démarche constitutionnelle et salutaire, et non audacieuse, de s’adresser à Sa Majesté, pour obtenir un Conseil Législatif électif ; qui blâmaient le projet de la formation d’un Monopole étendu des Terres, en faveur de Spéculateurs résidant hors du Pays ; qui croyent que les intérêts et les vœux du Peuple, sont fidèlement représentés par la majorité de ses représentans, et que la liaison entre cette Colonie et la Métropole sera d’autant plus durable, que le Peuple aura une influence plus grande sur la passation des lois ; qui sont d’avis que les Sujets de Sa Majesté, venus nouvellement s’établir dans le Pays, profiteront de toute la liberté et de toutes les améliorations qui s’y développeraient rapidement, si, au moyen de l’extension du système électif, l’administration était empêchée de monopoliser le pouvoir et le lucre, en faveur d’une origine particulière contre la majorité d’une autre origine, et de faire donner à toutes les discussions publiques un caractère alarmant, de lutte et d’antipathie nationale. Ces Membres indépendans, convaincus de la tendance de ce corps, et désabusés sur les motifs qui les avaient engagés à s’y aggréger, s’absentent maintenant pour la plupart des Sessions du dit Conseil, où ils se trouveraient en présence d’une majorité ennemie de leurs principes et de leur Pays.

Si, comme nous aimons à le croire, le Gouvernement de Sa Majesté, en Angleterre, n’a pas en vue de nourrir systématiquement les discordes civiles dans la Colonie, la marche et les allégués contraires des deux Chambres, lui imposent l’obligation de connaitre mieux sa situation réelle, qu’il ne paraît le faire, d’après la longue tolérance des abus, que ses Agens commettent impunément. Il ne doit pas croire aux louanges que se donnent ceux qui ont eu la direction des affaires d’une Colonie, passant selon eux à un état d’anarchie ; mais que, si sa protection donnée à des fonctionnaires accusés par une autorité compétente, cette Chambre, au nom de tout le Peuple, pouvait pendant un tems par la force et la crainte, aggraver en leur faveur, et contre les droits et l’intérêt du Peuple, le système d’insulte et d’oppression, que nous souffrons impatiemment, le résultat serait d’affaiblir les sentimens de confiance et d’attachement que nous avons eus pour le Gouvernement de Sa Majesté, et finirait par enraciner les mécontemens et le dégoût insurmontable qu’ont inspirés de déplorables administrations, et qu’inspirent encore actuellement la majorité des fonctionnaires coloniaux, combinés en faction, et portés par l’intérêt seul à lutter pour le soutien d’un Gouvernement corrompu, ennemi des droits et contraire aux vœux du Peuple.

Outre son Adresse méchante et calomnieuse, le Conseil Législatif, prétendu réformé, a prouvé combien il était peu lié aux intérêts de la Colonie, par le fait que près de la moitié des Bills qui lui ont été envoyés, ont été par lui rejetés ou amendés d’une manière contraire au principe et à l’essence de ces Bills, et la même unanimité qui, quant à la plupart, avait dans cette Assemblée présidé à leur adoption, a dans le Conseil Législatif, accompagné leur rejet. Cette violente opposition fait voir que l’Exécutif provincial, et le Conseil de son choix, ne considèrent pas ou ne veulent pas considérer le corps représentatif, comme l’interprète fidèle et le juge équitable des vœux et des besoins du Peuple, ni comme propre à proposer des lois conformes à la volonté générale. Dans de telles circonstances, si l’on se fût rattaché à l’analogie, entre les institutions de la Grande Bretagne, et celles de la Province, il devenait du devoir du Chef de l’Exécutif, d’en appeler au Peuple, par une dissolution du Parlement Provincial.

Le Secrétaire d’État de Sa Majesté pour le département colonial reconnaît dans ses dépêches, qu’il a souvent été admis que les habitans du Canada ne devraient rien trouver dans les institutions des Pays voisins, qu’ils pussent voir avec envie, et qu’il a encore à apprendre qu’un tel sentiment existe actuellement chez les sujets de Sa Majesté en Canada : sur quoi nous sollicitons la liberté de représenter à Votre Honorable Chambre, que les États voisins ont une forme de Gouvernement très propre à empêcher les abus de pouvoir, et très efficace à les réprimer ; que l’inverse de cet ordre de choses a toujours prévalu pour le Canada sous la forme actuelle de Gouvernement ; qu’il y a dans les Pays voisins un attachement plus universel et plus fort pour les institutions nationales, que nulle part ailleurs, et qu’il y existe une garantie du perfectionnement progressif des institutions politiques, dans leur revision à des époques rapprochées et déterminées, au moyen de conventions du Peuple, pour répondre sans secousses ni violences aux besoins de toutes les époques. C’était d’après des notions correctes de l’état du Pays et des sociétés Américaines en général, qu’on demandait dans le Comité de Votre Honorable Chambre, à John Neilson, Écuyer, l’Agent du Peuple mentionné ci-dessus, s’il n’y avait pas dans les Canadas une inclination croissante à voir les institutions devenir de plus en plus populaires, et s’il ne croyait pas qu’il fût sage de chercher, dans tous les changemens aux institutions de la Province, à rencontrer de plus en plus les désirs du Peuple, et à rendre ses institutions extrêmement populaires : et cette Chambre pour et au nom du Peuple qu’elle représente, Répond solennellement et délibérément : « Oui cela est sage, cela est excellent. »

Nous pensons humblement, qu’il plaise à Votre Honorable Chambre, que la Constitution et la forme de Gouvernement, qui conviendraient le mieux à cette Colonie, ne doivent pas se chercher uniquement dans les analogies que présentent les institutions de la Grande-Bretagne, dans un état de société tout-à-fait différent du nôtre ; qu’on devrait plutôt mettre à profit l’observation des effets qu’ont produits les Constitutions très variées que les Rois et le Parlement Anglais ont données à différentes plantations et colonies en Amérique, et des modifications que des hommes vertueux et éclairés leur ont fait subir avec l’assentiment des parties intéressées. Le consentement unanime avec lequel tous les Peuples de l’Amérique ont adopté et étendu le système électif, montre qu’il est conforme aux vœux, aux mœurs et à l’état social de ses habitans. Ce système prévaut également chez ceux d’origine Espagnole, quoique pendant la durée de leur régime colonial ils eussent été courbés sous le joug de l’ignorance et de l’absolutisme.

Nous n’hésiterons pas à demander à un Prince de la maison de Brunswick, et d’un Parlement réformé, tout ce que les Princes de la maison de Stuart et leurs Parlemens accordèrent de liberté et de pouvoirs politiques, aux plus favorisées des plantations formées à une époque, où de telles concessions devaient paraître moins favorables qu’à l’époque actuelle. Nous le ferons d’autant mieux, que ce ne fut pas le meilleur et le plus libre régime colonial qui hâta la séparation des anciennes colonies, puisque la Province de New-York, dont les institutions étaient des plus monarchiques, dans le sens que semble comporter la dépêche mentionnée ci-dessus, fut la première à refuser obéissance à un Acte du Parlement, et que les Colonies du Connecticut et de Rhode-Island, avec des constitutions purement démocratiques, quoiqu’en connexion étroite et affectionnée, pendant une longue suite d’années, avec la Mère-Patrie, furent des dernières à entrer dans une confédération nécessitée par la conduite de mauvais serviteurs de la Couronne, qui invoquaient l’autorité suprême du Parlement et de la Constitution, pour gouverner arbitrairement ; qui écoutaient les Gouverneurs et leurs Conseillers, plutôt que le Peuple et ses Représentans, et qui couvraient de leur protection ceux qui consumaient les taxes et non ceux qui les payaient. Cette Chambre n’éprouve donc aucune crainte d’être taxée de déloyauté, pour avoir tenté d’introduire dans les institutions du Pays, ce que celles des Pays voisins présentaient de bon et d’applicable, et en particulier pour avoir passé, pendant longues années, et enfin obtenir une loi de représentation fondée sur le principe arithmétique de la population ; et si par le malheur des circonstances elle a été forcée d’acquiescer à des amendemens qui violent ce principe, c’est une injustice dont notre devoir nous oblige de chercher le remède.

En demandant ainsi l’application du principe d’élection au Conseil Législatif, et en général l’extention de ce principe, nous devons protester en même temps contre tout changement à l’acte constitutionnel de la 31ème George III, chap. 31, fondé sur les fausses représentations du Conseil Législatif et autres Membres et suppôts intéressés de l’administration coloniale, et à l’encontre des droits, des libertés et du bien-être des habitans de cette Province ; nous croyons que le Conseil Législatif, corps fortement accusé depuis longtemps par le Peuple de ce Pays, et justement censuré par le Comité de Votre Honorable Chambre, et qui ne représente que les opinions de quelques individus, n’est pas une autorité compétente à demander de tels changemens ; que cet Acte ne peut ni ne doit être changé, que dans les occasions où, et de la manière dont le demande le Peuple de la Province, dont cette Chambre est seule compétente à représenter les sentimens ; que toute intervention de la Législature en Angleterre, dans les Lois et la Constitution de cette Province, qui ne serait pas basée sur les vœux du Peuple librement exprimés, soit par cette Chambre, soit de toute autre manière constitutionnelle, ne saurait tendre en aucune manière à arranger aucune des difficultés qui peuvent exister dans cette Province, mais ne pourrait au contraire que les aggraver et les prolonger.

Au milieu des désordres et des souffrances que le Pays endure depuis longtemps, cette Chambre et le Peuple avaient nourri l’espoir et professé la foi que le Gouvernement de Sa Majesté en Angleterre, ne participait pas sciemment à la démoralisation politique de ses employés coloniaux : c’est avec étonnement et douleur qu’ils ont vu dans les extraits de Dépêches du Département Colonial, communiqués à cette Chambre par le Gouverneur en Chef durant la présente Session, que l’un des Membres, au moins, du Gouvernement de Sa Majesté, est animé contre eux de sentimens de prévention et d’animosité, et enclin à des projets d’oppression et de vengeance, peu propres à changer un système abusif, dont la continuation découragerait tout-à-fait le Peuple, lui enlèverait l’espoir légitime de bonheur, qu’il tire de son titre de sujets Britanniques, et le mettrait dans la dure alternative de se soumettre à un servage ignominieux, ou de voir en danger les liens qui l’unissent à la Mère-Patrie.

L’approbation par le département colonial de la composition actuelle du Conseil Législatif, dont les Actes, depuis sa prétendue réforme, ont été signalés par l’esprit de parti, et par d’odieuses distinctions et préférences nationales, est un juste sujet d’alarmes pour les sujets Canadiens de Sa Majesté en général, et en particulier pour la grande majorité d’entre eux, qui ne l’a cédé en aucun temps à aucune autre classe des habitans de cette Province, par son attachement au Gouvernement de Sa Majesté, son amour de la paix et de l’ordre, son respect pour les lois et son désir d’effectuer l’union si désirable de tout le Peuple, aux fins de jouir librement et également des droits et des avantages de sujets Anglais, et des institutions assurées et chères au Pays. Néanmoins ces distinctions et préférences, ont été presque constamment exploitées par les administrations coloniales de la Province, et la majorité des Conseillers Législatifs, Juges, et autres Fonctionnaires sous leur dépendance ; et il n’a fallu rien moins que l’esprit d’union des différentes classes du Peuple, et la conviction de l’unité de leurs intérêts, pour prévenir des collisions incompatibles avec la prospérité et la sécurité de la Province.

Votre Honorable Chambre ne peut avoir manqué d’observer que le monde politique est agité, dans ce moment, par deux grands partis en Europe, qui se montrent sous différens noms dans ses différens Pays ; sous les noms de Serviles, Royalistes, Torys, Conservatifs et autres, d’une part ; sous ceux de Libéraux, Constitutionnels, Républicains, Whigs, Réformateurs, Radicaux et autres, d’autre part ; que ce premier parti est, sur le continent Américain, sans autre poids ni influence, que ce que peuvent lui en donner ses suppôts Européens, avec un très petit nombre de personnes, qui se mettent sous leur dépendance en vue de projets personnels, et d’autres qui tiennent par l’âge ou l’habitude, à des idées qui ne sont partagées par aucune classe nombreuse ; tandis que le second parti couvre l’Amérique tout entière. Nous avons donc l’assurance d’être compris, au sujet de l’indépendance que nous désirerions voir donner au Conseil Législatif, en disant que le Secrétaire d’État de Sa Majesté se méprend, s’il pense que l’exclusion de quelques fonctionnaires salariés, suffirait pour mettre ce corps en harmonie avec les vœux, les opinions et les besoins du Peuple, tant que les Gouverneurs coloniaux conserveront la faculté de le recruter en majorité de Membres serviles par leurs antipathies contre les idées libérales.

Cette Chambre et le Peuple qu’elle représente, ne veulent ni ne prétendent menacer ; mais appuyés sur les principes des lois et de la justice, ils sont et doivent être politiquement assez forts pour n’être exposés à l’insulte d’aucun homme quel qu’il soit, et tenus de la souffrir en silence. Cette Chambre ne peut donc taire, que les extraits de Dépêches du Secrétaire Colonial, tels que communiqués à cette Chambre durant la présente Session, sont dans leur style insultans et inconsidérés, à un degré tel que nul corps constitué par loi, même pour des fins infiniment subordonnées à celles de la législation, ne pourrait ni ne devrait les tolérer ; qu’on n’en trouve aucun exemple, même de la part des moins amis des droits des Colonies d’entre ses prédécesseurs en office ; et que dans leur substance les dites Dépêches sont incompatibles avec les droits et les privilèges de cette Chambre, qui ne doivent ni être mis en question ni définis par aucun fonctionnaire, quelque élevé qu’il soit, mais qui selon que les occasions le requerront, devront être successivement promulgués, et mis en force par cette Chambre. Ceci est un sujet qui est si familier à Votre Honorable Chambre, et qui tient de si près à ses propres droits et privilèges, que Votre Honorable Chambre ne pourra que regretter avec nous que Sa Majesté ait été conseillée d’agir dans un pareil cas, ainsi qu’on le voit par l’une des dites Dépêches. Dans la circonstance à laquelle il y est fait allusion, nous avons usé d’un privilège solennellement établi par Votre Honorable Chambre, avant que le principe sur lequel il repose, fût devenu loi du Pays. Ce principe que nous avons constaté dans nos résolutions, du quinze Février, mil-huit-cent-trente-un est nécessaire à l’indépendance de cette Chambre, et à la liberté de ses votes et de ses procédés. Nous croyons nos dites résolutions constitutionnelles et bien fondées, et appuyées sur l’exemple de Votre Honorable Chambre. Nous avons à plusieurs reprises passé des Bills pour mieux en assurer le principe, mais ils ne sont pas devenus loi, d’abord par les obstacles éprouvés dans une autre branche de la Législature Provinciale, et ensuite par la réserve du dernier de ces Bills, pour la sanction de Sa Majesté en Angleterre, d’où il n’est pas revenu. Nous pensons que le refus de Son Excellence le Gouverneur en Chef actuel de cette Province, de signer un Writ pour l’élection d’un Chevalier, pour le Comté de Montréal, en remplacement de Dominique Mondelet, Écuyer, dont le siège a été déclaré vacant, est un grief dont cette Chambre a droit d’obtenir réparation, et qui aurait dû suffire pour mettre fin à toutes relations entre elle et l’exécutif colonial actuel, si les circonstances du Pays n’eussent présenté une foule d’autres abus et griefs, contre lesquels nous devions réclamer.

À l’occasion des termes suivans, d’une des Dépêches mentionnées ci-dessus : « si les événemens venaient malheureusement à forcer le Parlement à exercer son autorité suprême, afin d’appaiser les dissentions intestines des Colonies ; mon objet, ainsi que mon devoir, serait de soumettre au Parlement telles modifications à la Charte des Canadas, qui pourraient tendre, non pas à introduire des institutions qui sont incompatibles avec l’existence d’un Gouvernement Monarchique, mais dont l’effet serait de maintenir et cimenter l’union avec la Mère-Patrie, en adhérant strictement à l’esprit de la Constitution Britannique, et en maintenant dans leurs véritables attributions, et dans les bornes convenables, les droits et les privilèges mutuels de toutes les classes des Sujets de Sa Majesté ; » et si ces termes comportent quelque menace de modifier, autrement que ne le demande la majorité du Peuple de cette Province, dont les sentimens ne peuvent être légitimement exprimés par aucune autre autorité que celle de ses Représentans, cette Chambre croirait manquer au Peuple Anglais, si elle hésitait à lui faire remarquer que, sous moins de vingt ans, la population des États-Unis d’Amérique sera autant ou plus grande que celle de la Grande Bretagne ; que celle de l’Amérique Anglaise sera autant ou plus grande que ne le fut celle des ci-devant Colonies Anglaises, lorsqu’elles jugèrent que le tems était venu de décider, que l’avantage inappréciable de se gouverner au lieu d’être gouvernées, devait les engager à répudier un régime colonial, qui fut, généralement parlant, beaucoup meilleur que ne l’est aujourd’hui celui de l’Amérique Anglaise. Votre Honorable Chambre voudra bien sans doute être assez juste envers les fidèles Sujets de Sa Majesté, pour ne pas voir une menace dans cette prévision, fondée sur le passé, d’un fait qui n’est pas de nature à être prévenu. Nous avons au contraire l’assurance que sa juste appréciation par Votre Honorable Chambre, préviendra des malheurs que personne ne déplorerait plus que nous, et qui seraient également funestes au Gouvernement de Sa Majesté et aux habitans de ces Provinces. C’est peut-être ici l’occasion d’exposer avec le même respect, mais avec la même franchise, que la fidélité des Peuples et la protection des Gouvernements, sont des obligations corrélatives, dont l’une ne saurait longtems subsister sans l’autre ; et que cependant, par suite des défectuosités qui se trouvent dans les lois et la constitution de cette Province, et de la manière dont ces lois et cette constitution ont été administrées, les fidèles Sujets Canadiens de Sa Majesté ne sont pas suffisamment protégés dans leur vie, leurs biens et leur honneur.

Parmi les Sujets qui tiennent aux défectuosités des lois et de la constitution de cette Province, il en est un, sur lequel nous ne pouvons trop particulièrement solliciter l’attention de Votre Honorable Chambre, savoir : les Actes de Législation intérieure pour cette Province, adoptés de tems à autre dans le Parlement du Royaume-Uni, sans que le Peuple de ce Pays ait été consulté. Nous devons entre autres signaler l’Acte de 6me George IV, chapitre 59, communément appelé l’Acte des Tenures. Nous croyons que ce n’a pu être qu’en trompant la justice du Parlement, et en abusant de ses intentions bienveillantes, qu’on en a obtenu la passation. Toutes les classes du Peuple sans distinction en ont unanimement demandé le rappel par leurs représentans, peu après l’augmentation dans la représentation de cette Province. Cette Chambre toutefois, n’a pu encore obtenir du Représentant de Sa Majesté, ou d’aucune autre source, des renseignemens sur les vues du Gouvernement de Sa Majesté en Angleterre, quant au rappel du dit Acte. Il avait pour objet, suivant les intentions bienveillantes du Parlement, et comme son titre l’énonce, l’extinction des Droits Féodaux et Seigneuriaux, et Redevances Foncières, sur les terres tenues en cette Province, à titre de Fief et à Cens, dans la vue de favoriser et de protéger contre des charges regardées comme onéreuses, la masse des habitans de cette Province ; mais d’après ses dispositions, le dit Acte loin d’avoir cet effet, facilite aux Seigneurs, à l’encontre des censitaires, les moyens de devenir propriétaires absolus de grandes étendues de terre non concédées, qu’ils ne tenaient en vertu des lois du Pays, que pour l’avantage de ses habitans, auxquels ils étaient tenus de les concéder moyennant des redevances limitées. De sorte que le dit Acte, s’il était généralement mis à exécution, priverait la masse des habitans permanens du Pays, de l’accès aux terres seigneuriales vacantes ; tandis que l’entrée des terres du domaine de la Couronne, à des conditions faciles et libérales, et sous une tenure conforme aux lois du Pays, leur a constamment été interdite par la manière partiale, secrète et vicieuse, dont ce département a été régi, et par les dispositions du même Acte des Tenures, quant aux lois applicables à ces mêmes Terres ; et les applications faites par quelques Seigneurs pour des mutations de Tenures, en vertu du dit Acte, paraissent justifier la manière dont cette Chambre en a envisagé l’opération.

Ce ne peut être que d’après une supposition erronée, que les charges féodales étaient inhérentes au corps du droit de ce Pays, quant à la possession et à la transmission des propriétés, et aux diverses tenures que ce droit reconnaissait, qu’il a pu être statué au dit Acte, que les terres dont la mutation aurait ainsi été obtenue tomberaient sous la tenure du franc et commun soccage. Les charges seigneuriales n’ont principalement été onéreuses, en certains cas, que par le défaut de recours auprès des administrations provinciales et des tribunaux, pour le maintien des anciennes lois du Pays à cet égard ; d’ailleurs, la Législature Provinciale aurait été tout-à-fait compétente à passer des lois pour permettre le rachat de ces charges, d’une manière qui se conciliât avec les intérêts de toutes les parties, et avec les tenures libres reconnues par nos lois. Cette Chambre s’est occupée à plusieurs reprises de cet important sujet, et s’en occupe encore actuellement ; mais le dit Acte des Tenures, insuffisant par lui-même, pour opérer d’une manière équitable, le résultat qu’il annonce, est de nature à embarrasser et à empêcher les mesures efficaces que cette Législature pourraient être disposée à adopter à ce sujet, avec connaissance de cause ; et nous devons croire que l’application ainsi faite, à l’exclusion de la Législature Provinciale, au Parlement du Royaume-Uni, bien moins à portée de statuer d’une manière équitable sur un sujet aussi compliqué, n’a pu avoir lieu que dans des vues de spéculations illégales, et de bouleversement dans les lois du Pays, au moyen d’une combinaison contraire aux engagemens antérieurs du Parlement Britannique, et propre à créer injustement des appréhensions, sur les vues du Peuple et du Gouvernement de la Mère-Patrie, et à mettre en danger la confiance et le contentement des habitans du Pays, qui doivent être assurés sur des lois égales, autant que sur une justice égale, imposée comme règle de conduite à tous les Départemens du Gouvernement. Nous pensons qu’aucune violation des droits du Peuple, ne pourrait obtenir une obéissance de choix et d’affection, mais seulement de crainte et de coercition, tant qu’elles pourraient durer. Nous devons exprimer la même opinion à l’égard de toute mesure administrative, qui aurait la même tendance.

Quoiqu’un fait qui n’a pas dépendu du choix de la majorité du Peuple de cette Province, son origine Française et son usage de la langue française, soit devenu pour les autorités coloniales, un prétexte d’injure, d’exclusion, d’infériorité politique et de séparation de droits et d’intérêts, sur quoi cette Chambre en appelle à la justice du Gouvernement de Sa Majesté et de son Parlement, et à l’honneur du Peuple Anglais, la majorité des habitans du Pays, n’est nullement disposée à répudier aucun des avantages qu’elle tire de son origine et de sa descendance de la nation Française, qui sous le Rapport des progrès qu’elle a fait faire à la civilisation, aux sciences, aux lettres et aux arts, n’a jamais été en arrière de la nation Britannique, et qui, aujourd’hui, dans la cause de la liberté, et la science du Gouvernement est sa digne émule ; de qui ce Pays tient la plus grande partie de ses lois civiles et ecclésiastiques, la plupart de ses établissemens d’enseignement et de charité, et la religion, la langue, les habitudes, les mœurs et les usages de la grande majorité de ses habitans. Les Sujets de Sa Majesté, d’origine britannique en cette Province, sont venus s’établir dans un Pays, « dont les habitans professant la Religion de l’Église de Rome, jouissaient d’une forme stable de Constitution, et d’un système de Lois, en vertu desquelles leurs personnes et leurs propriétés ont été protégées et gouvernées, pendant une longue suite d’années, depuis le premier établissement du Canada. » Ce fut, appuyé sur ces considérations et guidé par les règles de la justice et du droit des gens, que le Parlement Britannique statua, que dans toutes les matières relatives à la propriété et aux droits civils, on recourrait au droit du Canada. Dans les occasions où le Gouvernement s’écarta du principe ainsi reconnu, par l’introduction du droit criminel anglais, en premier lieu, et plus tard par celle du système représentatif, avec toute la portion du droit constitutionnel et parlementaire, nécessaire à sa pleine et libre action, il l’a fait en conformité aux vœux suffisamment connus du Peuple Canadien ; et toute tentative de la part de fonctionnaires publics ou autres, qui ont fait volontairement leur condition, en venant s’établir dans le Pays, contre l’existence d’aucune partie des lois et des institutions propres et particulières au Pays, et toute prépondérance à eux donnée dans les Conseils Législatif et Exécutif, dans les Tribunaux et les autres Départemens, sont contraires aux engagemens du Parlement Britannique, et aux droits assurés aux Sujets Canadiens de Sa Majesté, sur la foi de l’honneur national anglais et sur celle des capitulations et des traités.

La disposition de l’Acte des Tenures mentionné ci-dessus, qui a excité le plus d’alarmes, parcequ’elle a paru la plus contraire aux droits des habitans du Pays et à ceux du Parlement Provincial, et aux faits et aux principes que nous venons d’invoquer, est celle qui statue que les terres tenues en fief ou en censive, dont la tenure aura été commuée, seront tenues en franc et commun soccage, et par là même, sujettes d’après les dispositions du dit Acte, aux lois de la Grande Bretagne, dans les diverses circonstances y mentionnées et énumérées. Outre son insuffisance en elle-même, cette disposition est de nature à mettre en contact dans tous les anciens établissemens, sur des points multipliés et contigus, deux systèmes opposés de lois, dont l’un d’ailleurs est entièrement inconnu dans le Pays, et y est impossible dans ses résultats. D’après les dispositions manifestées par les autorités coloniales et leurs partisans envers les Habitans du Pays, ces derniers ont juste raison de craindre que cette disposition ne soit que le prélude du renversement final, au moyen d’Actes du Parlement de la Grande Bretagne, obtenus frauduleusement, du système qui a continué de régir heureusement les personnes et les biens des Habitans de la Province. Ils ont aussi des motifs raisonnables d’appréhender que les prétentions élevées aux biens du Séminaire de St. Sulpice de Montréal, ne soient dues au désir des administrations coloniales et de leurs employés et suppôts, de hâter le déplorable état de choses prévu ci-dessus. Le Gouvernement de Sa Majesté en Angleterre, en rassurant ses fidèles Sujets Canadiens à cet égard, ferait disparaître les alarmes du Clergé Catholique, et de tout le Peuple sans distinction, et mériterait leur vive reconnaissance.

Indépendamment de ces vices sérieux, le dit Acte des Tenures ne parait pas avoir été basé sur une connaissance suffisante des lois qui régissent les personnes et les biens dans cette Province, en déclarant l’application des lois de la Grande Bretagne, à certains accidens de la propriété ; il n’a été propre qu’à augmenter la confusion et les doutes qui avaient régné dans les tribunaux et dans les contrats privés, au sujet de l’application des lois, aux terres auparavant concédées, sous la tenure du franc et commun soccage.

C’est pourquoi cette Chambre persiste humblement à solliciter le rappel absolu du dit Acte des Tenures.

Qu’il nous soit permis de revenir maintenant à la manière dont les Lois et la Constitution ont été administrées ; Votre Honorable Chambre y verra un tableau alarmant de griefs et abus, dont une partie existaient avant le commencement de l’administration actuelle, qui les a maintenus, et dont une partie est son ouvrage, et s’est accrue en violence et en nombre, avec rapidité. Il en existe beaucoup d’autres dont l’énumération serait trop longue, et dont nous nous réservons le droit de porter plainte et de demander réparation. Nous nous bornerons à représenter à Votre Honorable Chambre.

Que depuis un grand nombre d’années, le Gouvernement Exécutif a élevé, au contrôle et l’application d’une grande partie du revenu prélevé dans la Province, qui de droit appartiennent à cette Chambre, des prétentions contraires à ces droits et à la constitution du Pays ; que les dites prétentions ont été vagues et variables ; que les documens au sujet d’icelles prétentions, et les comptes et estimations de dépense soumis à cette Chambre, ont de même été variables, irréguliers et insuffisans pour permettre à cette Chambre de procéder avec connaissance de cause, sur ce qui en faisait l’objet ; que des branches considérables du revenu public de la Province, perçu soit d’après les lois ou d’après les règles arbitraires de l’Exécutif, ont été omises dans les dits comptes ; que des items nombreux ont été payés a même le revenu public sans l’autorisation et en dehors du contrôle de cette Chambre, pour rétribuer des sinécures, des situations non reconnues par cette Chambre, et même pour des objets auxquels, après mûre délibération, elle avait jugé à propos de n’appliquer aucune partie du revenu public ; et que le compte des dites dépenses n’ont pas non plus été communiqués à cette Chambre.

Que le Gouvernement Exécutif s’est efforcé au moyen des dits réglemens arbitraires, et principalement par la vente des terres vacantes des bois sur icelles, de se créer, à même le revenu sujet uniquement aux appropriations de cette Chambre, des ressources pécuniaires indépendantes du contrôle des Représentans du Peuple ; et qu’il en est résulté une diminution dans l’influence salutaire, que le Peuple a droit d’exercer, d’après la Constitution, sur la branche administrative du Gouvernement, et sur l’ensemble et la tendance de ses mesures.

Que cette Chambre ayant de tems à autre, dans la vue de procéder par Bills, à rétablir la régularité dans le système financier de la Province, et à pourvoir aux dépenses de l’administration de la Justice et du Gouvernement Civil de Sa Majesté en icelle, demandé par Adresse à l’Exécutif Provincial, la production de divers documens et comptes, liés aux affaires financières, et aux abus qui y existaient, a éprouvé de nombreux refus, surtout durant la présente Session et la précédente ; que divers fonctionnaires publics subalternes, sommés par des Comités de cette Chambre, de communiquer divers renseignemens sur le même sujet, s’y sont refusés, par suite de cette prétention des administrations provinciales de soustraire une grande partie du revenu et de la dépense publique, au contrôle et même à la connaissance de cette Chambre ; que durant la présente Session, l’un des dits fonctionnaires subalternes de l’exécutif, sommé de produire divers Régistres des Warrants et Rapports en original, dont l’examen importait à cette Chambre, a persisté à être présent aux délibérations du Comité délégué à cet effet par elle ; et que l’administration, informée du fait, s’est abstenue d’intervenir, quoiqu’en conformité à l’usage parlementaire, cette Chambre eût promis de remettre les dits documens, et que le Gouverneur-en-Chef, lui-même, se fût engagé à les communiquer.

Que par suite de la distribution secrète et illégale d’une grande partie du revenu public de la Province, la comptabilité financière du Pays, de la part du Gouvernement Exécutif, excepté quant aux votes pour des objets d’une nature locale, a sans cesse été envers les Lords Commissaires de la Trésorerie en Angleterre, et suivant leurs réglemens et leurs directions, et non envers cette Chambre, et en conformité à ses votes, ni même en conformité aux lois passées dans la Législature Provinciale ; et que les comptes et apperçus, soumis de tems à autre à cette Chambre, n’ont jamais formé un système régulier de comptabilité appréciable par bilan, mais ont été tirés successivement, avec les changemens et les irrégularités qu’il plaisait à l’administration du jour d’y introduire, des comptes tenus envers les Lords de la Trésorerie, où se trouvait comprise toute la recette, ainsi que tous les items de dépense autorisés ou non autorisés par cette Législature.

Que ces prétentions et ces abus ont ôté à cette Chambre même l’ombre de contrôle sur le revenu public de la Province, et l’ont mise hors d’état de connaître, à aucune époque, le revenu perçu, le montant disponible sur icelui, et les besoins du service public ; et que cette Chambre ayant depuis plusieurs années passé des Bills, dont le modèle se trouve dans les Statuts de la Grande Bretagne, pour établir une comptabilité et une responsabilité régulières dans les départemens liés à la recette et à l’emploi du revenu, ces Bills ont échoué dans le Conseil Législatif.

Que depuis la dernière Session du Parlement Provincial, le Gouverneur en Chef de cette Province, et les Membres de son administration provinciale, s’appuyant des prétentions ci-dessus, ont payé sans appropriation légale, de très fortes sommes du revenu public, sujet au contrôle de cette Chambre, et que la répartition des dites sommes a été faite suivant leur bon plaisir, et même d’une manière contraire aux votes de cette Chambre, tels qu’incorporés dans le Bill de subsides, passé par elle lors de la dernière Session, et rejeté dans le Conseil Législatif. Desquelles sommes, ainsi que de toutes autres payées autrement qu’en vertu d’une loi de cette Législature, ou sur une Adresse de cette Chambre, à même le revenu public de la Province, ou qui pourront l’être à l’avenir, cette Chambre doit à ses constituans de tenir pour responsables tous ceux qui auront autorisé ces paiemens, ou y auront participé, jusqu’à ce que les dites sommes aient été remboursées, ou qu’un Bill ou des Bills d’indemnité, librement passés par cette Chambre, aient obtenu force de loi.

Que la pratique adoptée par cette Chambre, dans le Bill de subsides passé durant la dernière Session, d’attacher certaines conditions à certains de ses votes, dans la vue de prévenir le cumul de situations incompatibles, et d’obtenir la réparation d’abus et griefs, laquelle a été blâmée par le Secrétaire d’État de Sa Majesté, pour le département colonial, dans l’une de ses Dépêches, est dans notre humble opinion, sage et constitutionnelle, et a été souvent adoptée par Votre Honorable Chambre, dans des circonstances analogues ; et que si maintenant elle n’y a plus aussi souvent recours, nous avons dû penser que c’est parce qu’elle a heureusement obtenu l’entier contrôle du revenu de l’état, et que le respect pour son opinion, au sujet de la réparation des abus et griefs, de la part des autres autorités constituées, a régularisé la marche de la constitution d’une manière également avantageuse à la stabilité du Gouvernement de Sa Majesté, et aux intérêts du Peuple.

C’est d’après ces motifs, que Votre Honorable Chambre, nous l’espérons, voudra bien ne pas trouver légers, et pour obtenir le redressement des griefs du Pays, qu’après mûre délibération, nous nous sommes décidés dans la conjoncture actuelle à retenir les subsides, suivant la pratique ancienne de Votre Honorable Chambre ; et en suivant cet exemple, nous nous sommes crus appuyés dans nos procédés, tant par les antécédans les plus approuvés, que par l’esprit de la constitution même.

Nous demandons la permission de représenter de plus à Votre Honorable Chambre que, quoique sur la population de cette Province, les habitans d’origine française surpassent en nombre de sept à huit fois ceux d’origine britannique ou étrangère, l’établissement du Gouvernement Civil du Bas-Canada pour l’année mil-huit-cent-trente-deux, lequel continue d’être à-peu-près le même, contenait d’après les rapports annuels, dressés par l’administration provinciale pour l’information du Parlement Britannique, les noms de cent-cinquante-sept officiers et employés salariés, en apparence d’origine Britannique ou Étrangère, et les noms de quarante-sept des mêmes, en apparence natifs d’origine Française ; que cette disproportion ne présente pas toute celle qu’il y a dans la distribution du revenu ni du pouvoir, ces derniers étant en plus forte proportion, appelés aux charges inférieures et moins lucratives, et ne les obtenant, le plus souvent, qu’en se plaçant dans la dépendance de ceux qui ont les charges supérieures et plus lucratives ; que le cumul prohibé par les lois et la saine politique de plusieurs emplois incompatibles des mieux rétribués, et de ceux qui donnent le plus de pouvoir, se trouve surtout en faveur des premiers ; que dans la dernière Commission de la Paix publiée pour la Province, les deux tiers des Juges de Paix, sont en apparence d’origine Britannique ou Étrangère, et le tiers seulement d’origine Française.

Que cet usage partial et abusif, de n’appeler en grande majorité aux fonctions publiques dans la Province, que ceux qui tiennent le moins à ses intérêts permanens et à la masse de ses habitans, a été particulièrement appliqué au département judiciaire, les juges ayant été systématiquement choisis pour les grands Districts, à l’exception d’un seul dans chacun d’eux, d’entre la classe qui, née hors du Pays, est la moins versée dans ses lois et dans la langue et les usages de la majorité de ses habitans ; que par suite de leur immiscement dans la politique du Pays, de leurs liaisons avec les Membres des administrations coloniales, et de leurs préjugés en faveur d’institutions étrangères et contre celles du Pays, la majorité des dits Juges ont introduit une grande irrégularité dans le système général de notre jurisprudence, en négligeant de co-ordonner leurs décisions à ses bases reconnues ; et que les prétentions des dits juges à régler les formes de la procédure d’une manière contraire aux lois du Pays, sans l’intervention de la Législature, ont souvent été étendues aux règles fondamentales du droit et de la pratique ; qu’en outre, par suite du même système, l’administration de la justice criminelle a été partiale, peu sûre, et peu protectrice, et a manqué d’inspirer la confiance qui en doit être la compagne inséparable ; et que par suite de ces liaisons et de ces préjugés, quelques-uns des dits Juges ont, en violation des lois, tenté d’abolir dans les Cours de Justice, l’usage de la langue parlée par la majorité des habitans du Pays, nécessaire à la libre action des lois, et formant partie des usages à eux assurés de la manière la plus solennelle, par des actes du droit public, et des Statuts du Parlement Britannique.

Que plusieurs des dits Juges, par partialité, dans des vues politiques, et en violation du droit criminel Anglais, tel qu’établi dans le Pays, de leur devoir et de leur serment, se sont entendus avec divers officiers en loi de la Couronne, agissant dans l’intérêt des administrations provinciales, pour laisser accaparer à ces derniers le monopole de toutes les poursuites criminelles, de quelque nature qu’elles fussent, sans vouloir permettre à la partie privée, d’intervenir ou d’être entendue, ni même aux Avocats d’exprimer leurs opinions, comme amis de la Cour, lorsque les dits officiers de la Couronne s’y opposaient ; qu’en conséquence, de nombreuses poursuites d’une nature politique ont été élevées dans les Cours de Justice par les dits officiers de la Couronne, contre ceux dont les opinions étaient opposées aux administrations d’alors, tandis qu’il était impossible à la classe nombreuse des sujets de Sa Majesté, dont ces derniers faisaient partie, de traduire devant les tribunaux, avec la moindre confiance, ceux qui, protégés par les dites administrations, et aidant à leurs violences, avaient pu se rendre coupables de crimes ou de délits ; que les dits Juges ont été illégalement appelés par les administrations provinciales à donner secrètement leurs opinions sur des questions qui pouvaient, plus tard, être discutées publiquement et contradictoirement devant eux ; que de telles opinions ont été données par la plupart des dits Juges, devenus des partisans politiques, dans un sens contraire aux lois, mais favorable aux administrations ; et que le personnel des tribunaux, n’a, jusqu’à ce jour, éprouvé aucune modification, et inspire les mêmes craintes pour l’avenir.

Que cette Chambre, comme représentant le Peuple de cette Province, possède de droit et a exercé de fait dans cette Province, quand l’occasion l’a requis, les pouvoirs, privilèges et immunités, réclamées et possédées par Votre Honorable Chambre, dans le Royaume-Uni de la Grande Bretagne et d’Irlande ; et que c’est son privilège indubitable d’envoyer quérir tous papiers et records, et d’ordonner la comparution de toutes personnes civiles ou militaires, résidantes dans la Province, sur tout sujet d’enquête dont elle s’occupe, et de requérir de tels témoins la production de tous papiers et records étant sous leur garde, lorsqu’elle le juge nécessaire à l’avancement du bien public.

Que comme grande enquête pour toute la Province, il est du devoir de cette Chambre, de s’enquérir de tous griefs et de toutes circonstances dangereuses au bien-être général des habitans de la Province, ou propres à les alarmer par rapport à leur vie, leur liberté, ou leurs propriétés, aux fins que telles représentations puissent être faites à Notre Très Gracieux Souverain, et à son Parlement, ou que telles dispositions législatives puissent être proposées, qui procureraient la réparation des griefs, feraient cesser le danger, ou appaiseraient les alarmes ; et que loin de pouvoir mettre obstacle à l’exercice de ces droits et privilèges, le Gouverneur-en-Chef est député par son souverain, et revêtu de grands pouvoirs et rétribué de forts appointemens, aussi bien pour défendre les droits du sujet et faciliter l’exercice des privilèges de cette Chambre, et de tous les corps constitués, que pour maintenir les prérogatives de la Couronne.

Que depuis le commencement de la présente Session du Parlement Provincial, un grand nombre de requêtes relatives à l’infinie variété de sujets qui tiennent à l’utilité publique, ont été présentées à cette Chambre, plusieurs messages et communications importantes, reçus de la part du Gouvernement de Sa Majesté, en Angleterre, et de la part du Gouvernement Provincial de Sa Majesté ; plusieurs Bills ont été introduits dans cette Chambre, et plusieurs enquêtes importantes ordonnées par elle, dans plusieurs desquelles le Gouverneur-en-chef, se trouve personnellement et profondément impliqué ; lesquelles Requêtes de nos Constituans, le Peuple de toutes les parties de la Province, lesquels Messages du Gouvernement de Sa Majesté et du Gouvernement Provincial, lesquels Bills déjà introduits ou qui l’auraient été ci-après, lesquelles Enquêtes, commencées pour être continuées avec diligence, peuvent et doivent nécessiter la présence de nombre de témoins, la production de nombre d’écrits, l’emploi de nombre d’écrivains, messagers, assistans, impressions, déboursés inévitables et journaliers, formant les dépenses contingentes de cette Chambre.

Que depuis l’année mil-sept-cent-quatre-vingt-douze jusqu’à la présente, des avances pour ces objets, en conformité à ce qui se pratique dans Votre Honorable Chambre, ont été constamment faites sur des adresses semblables à celles que cette Chambre a présentées cette année au Gouverneur-en-Chef ; qu’une telle adresse est le vote de crédit le plus inviolable qu’elle puisse donner, et que la presque totalité d’une somme de plus de deux-cent-soixante-dix-sept mille livres a été avancée sur de tels votes de crédit, par les prédécesseurs de Son Excellence le Gouverneur-en-Chef actuel et par lui-même, comme il le reconnaît par Son Message du dix-huit Janvier mil-huit-cent-trente-quatre, sans qu’il y ait jamais eu de risque à l’accorder pour aucun autre Gouverneur, quoique plusieurs aient été impliqués dans des difficultés violentes et injustes de leur part contre la Chambre d’Assemblée, et sans qu’ils aient appréhendé qu’un Parlement prochain, ne fût pas disposé à faire bon de ses engagemens ; et que le refus du Gouverneur-en-Chef dans la circonstance actuelle, nuit essentiellement à la Dépêche des affaires pour lesquelles le Parlement a été convoqué, est contraire aux droits et à l’honneur de cette Chambre, et est un nouveau grief contre l’administration actuelle de cette province.

Parmi les autres maux et abus non suffisamment exposés ci-dessus, nous signalerons à Votre Honorable Chambre : la composition vicieuse et irresponsable du Conseil Exécutif, dont les Membres sont en même temps Juges de la Cour d’Appel, et le secret dans lequel on a tenu envers cette Chambre, lorsqu’elle a travaillé à en enquérir, non seulement les attributions du dit corps, mais même les noms de ceux qui en forment partie ; l’accroissement des dépenses du Gouvernement, sans l’autorité de la Législature, et la disproportion des salaires comparés aux services rendus, aux revenus des biens-fonds, et aux profits ordinaires de l’industrie chez des personnes d’autant et de plus de talens, de travail et d’économie, que les fonctionnaires publics ; les honoraires exorbitans illégalement exigés dans divers bureaux publics de l’administration et du département judiciaire, d’après des réglemens du Conseil Exécutif, des Juges, et d’autres fonctionnaires usurpant les pouvoirs de la Législature ; le cumul des places et emplois publics, et les efforts d’un nombre de familles, liées à l’administration, pour perpétuer en leur faveur cet état de choses, et pour dominer à toujours le Peuple et ses représentans, dans des vues d’intérêt et d’esprit de parti ; l’immiscement de Conseillers Législatifs dans les Élections des représentans du Peuple, pour les violenter et les maitriser, et les choix d’officiers-rapporteurs souvent faits pour les mêmes fins, dans des vues partiales et corrompues ; l’intervention du Gouverneur-en-Chef actuel lui-même dans les dites Élections ; son approbation donnée à l’immiscement des dits Conseillers Législatifs dans les mêmes Élections ; la partialité avec laquelle il s’est interposé dans les procédures judiciaires liées aux dites Élections pour influer sur ces procédures dans l’intérêt du pouvoir militaire et contre l’indépendance du pouvoir judiciaire, et les applaudissemens par lui donnés en sa qualité de Commandant des Forces, à l’exécution sanglante du citoyen par le soldat, dont les auteurs n’avaient pas été acquittés par un petit jury ; l’intervention de la force militaire, par quoi trois citoyens paisibles, soutiens nécessaires de leurs familles, et étrangers à l’agitation de l’Élection, ont été tués et fusillés dans la rue ; les divers systèmes fautifs et partiaux d’après lesquels on a disposé, depuis le commencement de la Constitution, des terres vacantes en cette Province, lesquels ont mis la généralité des habitans du Pays dans l’impossibilité de s’y établir ; l’accaparement frauduleux et contraire aux lois, et aux instructions de la Couronne, de grandes étendues de ces Terres par les Gouverneurs, Conseillers Législatifs et Exécutifs, Juges et employés subordonnés ; le monopole dont la Province est menacée à l’égard d’une partie étendue des mêmes Terres, de la part de spéculateurs résidans en Angleterre, et les alarmes répandues sur la participation du Gouvernement de Sa Majesté à ce projet sans qu’on ait daigné rassurer ses fidèles sujets à cet égard, ni répondre à l’humble Adresse de cette Chambre à Sa Majesté adoptée durant la dernière Session ; le manque de recours dans les tribunaux, pour ceux qui ont des réclamations justes et légales à exercer contre le Gouvernement ; la réserve trop fréquente de Bills par les Gouverneurs, pour la sanction de Sa Majesté en Angleterre, et la négligence du Bureau Colonial à s’occuper de ces Bills, dont un grand nombre ne sont pas revenus dans la Province, et dont quelques-uns n’en sont revenus qu’à une époque où il pouvait exister des doutes sur la validité de leur sanction, ce qui a produit l’irrégularité et l’incertitude dans la législation de la Province, et gêné cette Chambre dans son désir de renouveler dans les Sessions postérieures, les Bills réservés dans une Session précédente ; la négligence du Bureau Colonial, à répondre à des Adresses transmises de la part de cette Chambre sur des sujets importans ; l’usage des Gouverneurs de ne communiquer que d’une manière incomplète, par extraits et souvent sans date, les Dépêches reçues de tems à autre sur les sujets, dont s’est occupée cette Chambre ; le recours trop fréquent des administrations provinciales, à l’opinion des Ministres de Sa Majesté en Angleterre, sur des points dont il est en leur pouvoir et de leur compétence de décider ; la détention injuste du Collége de Québec, formant partie des biens du ci-devant ordre des Jésuites, ravi à l’éducation, pour y loger des Soldats ; le bail d’une partie considérable des mêmes biens renouvelé par l’exécutif provincial, à l’un des Conseillers Législatifs, depuis leur remise à la Législature, à l’encontre de la prière de cette Chambre, et du désir connu d’un grand nombre de Sujets de Sa Majesté, d’y obtenir des concessions pour s’y établir ; le refus du dit exécutif de communiquer à cette Chambre, les baux y relatif et autres renseignemens à ce sujet ; les injustes obstacles opposés par un exécutif ami des abus et de l’ignorance, à la fondation de Colléges dotés par des hommes vertueux et désintéressés, pour répondre aux besoins et eux désirs croissans de la population, de recevoir une éducation soignée ; le refus de faire droit sur les accusations portées au nom du Peuple par cette Chambre, contre des Juges, à l’égard de malversations flagrantes, d’ignorance et de violation des lois ; les refus des Gouverneurs, et surtout du Gouverneur-en-Chef actuel, de communiquer à cette Chambre un grand nombre de renseignemens demandés de tems à autre sur les affaires publiques de la Province, et qu’elle a droit d’avoir ; le refus du Gouvernement de sa Majesté, de rembourser à la Province le montant de la défalcation du ci-devant Receveur-Général, et sa négligence à exercer les droits de la Province, sur les biens et la personne du même ci-devant Receveur-Général.

L’exposé véridique que nous venons de faire à Votre Honorable Chambre, démontrant qu’à aucune époque les lois et la constitution de la Province, n’ont été administrées d’une manière plus contraire aux intérêts du Gouvernement de Sa Majesté, et aux droits du Peuple, que sous la présente administration, nous attendons de l’honneur, du patriotisme, et de la justice du Parlement Réformé du Royaume-Uni, et nous avons résolu de supplier, et nous supplions Votre Honorable Chambre, que des accusations parlementaires soient portées et appuyées devant la Chambre des Lords, contre Son Excellence, Matthew Whitworth Aylmer, Lord Aylmer de Balrath, Gouverneur-en-Chef actuel de cette Province, pour avoir dans l’exécution des devoirs de sa charge, en contravention au désir du Parlement, et aux directions qu’il a pu recevoir, à l’honneur et la dignité de la Couronne, aux droits et privilèges de cette Chambre, et du Peuple qu’elle représente, recomposé le Conseil de manière à augmenter les dissentions qui déchirent la Colonie ; mis des entraves sérieuses aux travaux de cette Chambre, comme grande enquête du Pays ; avoir disposé du revenu public de la Province, contre le consentement des Représentans du Peuple, en contravention à la loi et à la constitution ; maintenu des abus existans, et en avoir fait naitre de nouveaux ; avoir refusé de signer un Writ d’Élection pour remplir une vacance occasionnée dans la Représentation de cette Province, et de compléter la dite représentation au nombre voulu par la loi ; et en général, par suite et à raison de son administration illégale, injuste et inconstitutionnelle du Gouvernement de cette Province ; et contre tels des Conseillers méchans et pervers qui l’ont guidé, que cette Chambre pourra ci-après accuser, s’il n’y a pas moyen d’obtenir justice contre eux dans cette Province, ou de la part du Gouvernement Exécutif de Sa Majesté en Angleterre. Nous espérons que les deux Chambres du Parlement du Royaume-Uni, seront disposées autant par inclination que par devoir, à soutenir les accusations portées par cette Chambre, à veiller à la conservation de ses droits et privilèges souvent et violemment attaqués, surtout par l’Administration actuelle, et à faire en sorte qu’on ne puisse, en opprimant le Peuple de cette Colonie, lui faire regretter sa dépendance de l’Empire britannique, et chercher ailleurs un remède à ses maux.

NOUS SUPPLIONS donc Votre Honorable Chambre, de vouloir bien prendre en sa considération favorable, notre présente humble Adresse, travailler de concert avec les autres branches du Parlement du Royaume-Uni, à ce que les défectuosités qui existent dans les lois et la constitution de cette Province, soient modifiées d’une manière conforme aux vœux, aux intérêts et aux droits du Peuple de cette Province et de cette Chambre ; veiller à la réparation pleine et entière des griefs et abus qui ont régné et continuent de régner en cette Province, et à en faire punir les auteurs et perpétrateurs d’une manière conforme à la justice et à l’honneur du Peuple Anglais et à la dignité de la Couronne ; et exercer l’influence salutaire de Votre Honorable Chambre, pour prévenir le retour des mêmes griefs et abus à l’avenir, et pour que les lois et la constitution de la Province, soient administrées d’une manière constitutionnelle, équitable et impartiale.


En autant par inclination que par devoir, nous ne cesserons
de prier pour Votre Honorable Chambre.


Chambre d’Assemblée,
Québec, Samedi 1 Mars 1834.
(Signé)xxxx L. J. PAPINEAU,
Orateur de la Chambre d’Assemblée.