BAnQ/Émeutes de Québec de 1918/Témoignage d’Henri-Edgar Lavigueur, maire de la Cité de Québec

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Émeutes de Québec de 1918 - Témoignage d’Henri-Edgar Lavigueur, maire de la Cité de Québec
(p. 1-57).

Témoignage d’Henri-Edgar Lavigueur, maire de la Cité de Québec[1]



HENRI E. LAVIGUEUR, de Québec, Maire de la Cité de Québec, étant dûment assermenté sur les Saints Évangiles dépose ainsi qu’il suit :

INTERROGÉ par le Coroner.


Q. Voulez-vous dire aux Jurés, Monsieur le Maire, qu’est-ce que vous connaissez des évènements de jeudi soir, ce qui s’est passé ce soir là et les autres soirs, en commençant par jeudi soir ― les différentes entrevues que vous avez eues avec les autorités militaires enfin ce que vous connaissez de toute l’affaire en commençant jeudi soir ?


R. Je suis arrivé d’Ottawa jeudi, le vingt huit. Je n’avais rien entendu parler dans le courant de la journée. Jeudi soir, vers dix heures, je reçois un message téléphonique ― quelqu’un m’appelait. Je suis allé au téléphone. Le général Landry me téléphonait en disant qu’il y avait des officiers de la police fédérale qui étaient au poste de police No 3 à St.-Roch et qui étaient mal pris ; qu’on semblait vouloir leur faire un mauvais parti ; me disant même qu’il avait reçu un message de ces gens là, qu’ils étaient en danger qu’ils avaient besoin de protection. J’ai immédiatement ordonné une automobile et j’ai téléphoné au poste No 3. On m’a dit là, le sergent Letarte m’a répondu. Je lui ai demandé si le chef était là. Il m’a dit que oui. Il m’a dit qu’ils étaient une dizaine dans le poste et qu’ils étaient en danger, de descendre le plus tôt possible. J’oubliais de dire la réponse que j’avais donnée au Général Landry que je descendais immédiatement et de tenir ses troupes prêtes, que si c’était nécessaire, je lui téléphonerais. Je suis descendu et j’ai donné instruction à mon chauffeur de passer parmi la foule, de passer même assez vite, et j’ai arrêté en face de la station, du poste No 3. Dans le temps les projectiles arrivaient sur le poste. Je me suis levé dans l’auto et j’ai apaisé la foule. Je leur ai parlé et je leur ai demandé de se tenir — je leur ai demandé du calme, d’arrêter, que je n’étais pas au courant de ce qui s’est passé, que je voulais me rendre compte de ce qui s’était passé, que j’entrerais dans la station, et que du moment que je me serais renseigné, que je leur parlerais de nouveau. Les gens ont arrêté, tout a cessé dans le temps. Je me suis rendu au poste No 3. J’ai cherché à voir le chef de notre police municipale. Il n’y était pas. Le sergent en charge du poste, le sergent Letarte m’a dit que le chef était dans la foule. On disait que le détective Bélanger et Éventurel étaient dans le poste. Je leur ai demandé si ces gens étaient là. On m’a dit que non. On m’a assuré que ces gens là étaient parti de là. Je suis sorti et j’ai demandé à la foule ― je lui ai fait part de la chose, je leur ai dit qu’il n’y avait aucune nécessité pour eux-autres de rester là, qu’il n’y avait personne d’autres que les constables de la police et que je ne croyais pas qu’ils en voulaient aux constables de la police municipale. et je leur ai demandé de se retirer. La foule semblait se disperser par groupes. J’ai attendu quelques minutes ― j’ai accompagné dans le temps de M. Lesage, l’échevin Lesage que j’avais rencontré là et de M. Lacroix. J’ai vu aussi M. Létourneau le député de Québec Est à la Procédure. Croyant qu’en restant là plus longtemps que cela aurait peut-être pour effet de retenir la foule là, j’ai cru bon de m’en aller. Je suis parti et je suis monté tranquillement. Nous sommes monté tranquillement jusqu’au coin de la rue St.-Valier et de la rue de la Couronne et là je suis reviré, j’ai retourné en passant par la rue Dorchester pour retourner sur les lieux, voir si réellement la foule se dispersait oui ou non. J’ai retourné au coin et je suis descendu par la rue Dorchester et je suis passé par la rue St.-François en arrière de la place Jacques Cartier. J’ai constaté que tout était calme et que les gens continuaient à s’en aller. Je voyais la foule qui se dispersait dans différentes directions. Je suis remonté chez moi et j’ai téléphoné immédiatement au Général Landry que je venais de la place Jacques Cartier et qu’on m’avait assuré que les constables, que la police fédérale, étaient partis, qu’il n’y avait personne là, que tout semblait se calmer, que les gens, la foule, se dispersait. Vers une heure du matin j’ai reçu un message du Capitaine Desrochers me disant que les troubles avaient commencé, qu’ils avaient pris Bélanger, qu’ils l’avaient tué, qu’ils étaient en frais d’aller le jeter à la dompe. J’ai immédiatement téléphoné au poste No pour avoir d’autres renseignements. Je n’ai pas pu avoir le poste No. J’ai téléphoné chez M. Louis Létourneau le député de Québec Est, qui demeure à proximité je crois du poste No afin d’avoir d’autres renseignements, et M. Létourneau m’a répondu qu’il partait ― le chef était chez M. Létourneau, le Docteur Martin, l’échevin Martin, qu’il partait, qu’il avait entendu dire qu’ils venaient de poigner Bélanger. J’ai retéléphoné ― on m’avait dit aussi qu’on avait assommé le détective, le constable Éventurel de la police fédérale. J’ai téléphoné chez Éventurel et Madame Éventurel m’a répondu elle-même que M. Éventurel venait d’arriver chez-lui ; qu’il avait été battu, maltraité, mais qu’il ne semblait pas avoir de blessures graves ; que son médecin même n’avait pas jugé à propos de se rendre le voir en disant qu’il le verrait le lendemain matin. J’ai immédiatement téléphoné chez le Docteur Fortier dans la rue de la Couronne. Le Docteur Fortier m’a dit que Bélanger avait été rentré là et qu’il lui avait donné les premiers traitements, qu’il était mortellement blessé et qu’il venait de l’envoyer à l’Hôtel Dieu. J’ai téléphoné à l’Hôtel Dieu afin de me renseigner sur l’état de Bélanger et là une sœur m’a répondu que Bélanger n’était pas aussi gravement blessé qu’on semblait le croire ; il était debout et il se préparait pour s’en retourner chez lui. J’ai rappelé le Capitaine Desrochers et je lui ai fait part de la chose. Le Capitaine Desrochers m’a dit que les troupes étaient parties pour St.-Roch. Dans ce moment là j’ai téléphoné de nouveau à St.-Roch, à l’Hotel St.-Roch, deux ou trois fois, pour savoir ce qui se passait. On m’a dit après ça que tout était rentré dans le calme, qu’ils ne voyaient plus personne sur la rue.


Q. C’est tout pour ce soir là ?


R. C’est tout pour ce soir là.


Q. Quand vous avez été au poste de police, M. Lavigueur, la première fois, quand vous avez harangué la foule, avez-vous entendu des cris dans la foule, des menaces, — est-ce qu’on disait pourquoi on s’était porté à ces excès là ?


R. Oui.


Q. Est-ce qu’on a donné des raisons pour ça ?


R. Oui, on en voulait à Bélanger.


Q. Pourquoi ?


R. J’ai entendu dire même qu’on voulait prendre Bélanger pour le lyncher.


Q. A-t-on dit pourquoi, pour quelles raisons ?


R. Non je n’ai pas entendu de raison, mais probablement, j’ai vu des gens qui me disaient : ils en veulent à Bélanger, parce que Bélanger agit mal, il a maltraité les gens. Ça m’a répondu ça.


Q. Comme spotter ?


R. Comme spotter oui. — on m’a raconté de quelle façon s’était faite l’arrestation du jeune Mercier.
Tout le monde semblait condamner la chose, la manière dont l’arrestation avait été faite.


Q. Le principal grief de la foule était justement contre ces officiers militaires qui outrepassaient leur devoir ?


Le Major Barclay s’objecte à cette question comme étant une question suggestive.


Q. Qu’est-ce que c’est qui était leur principal grief, qu’est-ce qu’ils ont dit ?


R. C’est ce qui se disaient dans le public depuis longtemps que les gens en voulaient à ces gens là.


Le Major Barclay. — Depuis longtemps ?


R. Oui.


Q. À votre connaissance ?


R. Oui Monsieur. Et ce soir là je l’ai entendu dire par tout le monde. Les gens étaient indignés de la manière dont l’arrestation du jeune Mercier avait été faite.


Q. Avez-vous, dans d’autres circonstances, ce soir là, entendu d’autres remarques que celles-là ?


R. Oui, beaucoup, ça se disait parmi la foule.


Q. Vous avez eu de nouveaux troubles ensuite le lendemain n’est-ce pas ?


R. Le lendemain soir, le vendredi soir.


Q. Voulez-vous dire ce dont vous avez eu connaissance, ce qui s’est passé ?


R. Le lendemain toute la journée, même le lendemain matin, il circulait toutes espèces de rumeurs. Les gens devaient aller défoncer divers établissements à Québec, on devait se rendre à l’Auditorium, au Manège Militaire, au Bureau de Poste, à différents endroits. J’ai reçu un téléphone vendredi matin de M. Gobeil, le Régistraire en chef du Bureau du Régistraire à Québec, me disant qu’il était rumeur que les gens, que les manifestants devaient se rendre à l’Auditorium ce soir là. J’ai immédiatement prévenu le chef de police et je lui ai demandé de mettre tous les hommes à ma disposition.


Q. (Par le Major Barclay) Quelle heure était-il à peu près ?


R. Il pouvait être à peu près vers les dix heures ou onze heures. J’ai reçu ensuite, dans le cours de l’après-midi une lettre de M. Gobeil à cet effet là, confirmant son message par téléphone.


Q. Qu’est-ce-qu’il vous disait dans la lettre ?


R. Il me demandait de voir……


Q. L’avez-vous la lettre ?


R. Non je ne l’ai pas apportée. Il me disait simplement que pour confirmer le message téléphonique du matin, il était rumeur que les manifestants devaient se rendre à l’Auditorium et me demandant la protection de la police municipale. J’ai immédiatement communiqué avec le chef et je l’ai fait demander à mon bureau. Je lui ai dit de ne rien épargner, de mettre tous les hommes possibles là à l’Auditorium afin de protéger le bureau de M. Gobeil le régistraire. Je lui ai même demandé de mettre quarante ou cinquante hommes s’il y avait possibilité, bien armés avec des instructions de faire leur devoir. Le chef a répondu que c’était impossible de mettre autant d’hommes que cela, mais que dans tous les cas son organisation serait bonne et que tout marcherait bien. Je lui ai dit dans le temps que le Général Landry m’avait téléphoné aussi pour me faire part des rumeurs qui circulaient en me disant que nous pourrions avoir les troupes à notre disposition dans cinq minutes d’avis si cela était nécessaire. J’en ai fait part au chef et je lui ai dit que si c’était nécessaire que nous pourrions avoir la milice pour aider nos constables de la police municipale. Dans le courant de la journée j’ai communiqué plusieurs fois avec le chef de police et je me suis tenu au courant de tout ce qui se passait. J’ai resté à mon bureau ou à ma résidence toute la journée et vers sept heures du soir j’ai téléphoné au chef de police lui demandant s’il y avait quelque chose, quelques développements nouveaux, que je voulais le voir, le mettre au courant de ce qui se passait exactement, savoir quelle était son organisation pour la soirée. Il était chez lui. Je lui ai demandé s’il voulait arrêter à ma résidence en passant afin que nous puissions causer de la chose. Le chef est arrêté chez-nous il est arrivé vers sept heures et demi huit heures moins quart. Nous étions après causer de l’organisation de la soirée lorsqu’il a été appelé par téléphone. Là il m’a fait part qu’un constable de St.-Roch l’avisait que des rassemblements commençaient à St.-Roch, que les gens se préparaient à monter à la Haute-Ville.


Q. (Par le Major Barclay) Quelle heure était-il ?


R. Il pouvait être à peu près huit heures moins quart, huit heures peut-être. J’ai immédiatement fait venir l’auto et j’ai téléphoné au général Landry. C’est le chef de police qui l’a appelé pour moi. Là je suis allé au téléphone et j’ai parlé au général Landry. Je lui ai fait part de la chose. Le général Landry m’a demandé de le rencontrer à son bureau. Je me suis rendu immédiatement à son bureau. Nous sommes partis pour aller rencontrer le général Landry. En passant à l’Auditorium j’ai constaté que la foule commençait à monter un peu et rendu près de la Côte du Palais, j’ai rencontré trois ou quatre manifestants qui se dirigeaient vers le Chronicle et l’Événement. J’avais quelqu’un avec moi ― mon beau-frère ― le chef de police était avec moi et mon beau-frère était avec moi, M. Edmond Valin. Je lui dis que je me rendais chez le général Landry, d’arrêter au Chronicle et de prévenir le Chronicle au cas où il y aurait quelque chose. Je me suis rendu au Bureau xxxxxxxxx du général Landry accompagné du chef de police. Lorsque nous sommes arrivés, nous n’avons pas pu trouver personne. Le Bureau était fermé ― il n’y avait personne. Finalement on a rencontré un militaire, un messager qui nous a ouvert le bureau et de là nous avons téléphoné à la résidence du Général Landry. Madame Landry je présume m’a répondu, elle m’a dit que le Général était parti pour son bureau. Nous avons attendu. ― je ne peux pas préciser au juste, mais je crois sans exagération au delà d’une demi heure avant l’arrivée du Général Landry à son bureau. Dans l’interval les manifestants sont arrivés au Chronicle, ils ont défoncés le Chronicle. Nous étions dans la fenêtre du coin du Bureau de Poste et nous pouvions constater tout ce qui se passait. Je les voyais faire. Le général Landry est arrivé et je lui ai fait part de la chose. Je lui ai demandé les troupes. Le général m’a dit que oui, que les troupes seraient à notre disposition mais il fallait faire une réquisition signée par le Maire. J’avais la réquisition dans ma poche. Je lui ai donné la réquisition. Le général m’a dit qu’il manquait la signature de deux Juges de Paix. J’avais téléphoné ― j’avais fait préparer la réquisition dans le courant de la journée au cas où la chose serait nécessaire. J’avais téléphoné à deux ou trois échevins afin de les rencontrer pour les faire signer comme Juges de Paix et je n’avais pas pu rejoindre ces gens là. En partant de chez moi pour me rendre chez le Général Landry j’ai encore téléphoné aux échevins, deux ou trois échevins ― j’ai téléphoné chez M. Lepage, j’ai téléphoné chez M. le Docteur Bédard et chez M. l’échevin Gauvin, leur donnant instructions de me rencontrer à l’Auditorium afin de pouvoir avoir leur signature si la chose est nécessaire. Lorsque je suis passé là je ne les ai pas vus. Lorsque le Général Landry a demandé les signatures, lorsqu’il a pris le document et qu’il a constaté qu’il manquait les signatures de deux Juges de Paix j’ai dit au général Landry qu’il s’agissait de défendre la propriété du Gouvernement Fédéral, il s’agissait de défendre le Bureau du Régistraire, que notre police municipale était impuissante, et je lui ai demandé de nous donner de l’assistance, du renfort et que je m’engageais d’ici à une demi heure de trouver les signatures de deux Juges de Paix et que d’ailleurs je prenais tout sous ma responsabilité. Le Général Landry m’a dit qu’il ne pouvait faire la chose à moins d’avoir la signature de deux Juges de Paix et j’ai rencontré une dizaines de personnes dont je pouvais croire qu’elles pouvaient être Juges de Paix et je leur ai demandé si elles étaient Juges de Paix et je n’ai pu trouver personne. Finalement j’ai rencontré M. Messervey et je l’ai fait signer. Partant de là je suis monté chez le Notaire Paradis, passé l’Auditorium, croyant rencontrer quelques échevins ou quelqu’un qui pourrait signer. Je n’ai rencontré personne. Je me suis rendu chez le Notaire Paradis ; le notaire Paradis n’était pas chez lui. Je suis retourné et j’ai descendu la rue St.-Jean et j’ai passé de nouveau à l’Auditorium. Les gens étaient en frais de tout briser, de tout saccager dans le temps. De là je me suis rendu chez M. Foley, l’ex-greffier de la Cour du Recorder pour le faire signer. M. Foley est très âgé, il entend difficilement, cela m’a pris peut-être un quart d’heure ou dix minutes avant de pouvoir lui expliquer de quoi il s’agissait et le faire signer. Il a fallu qu’il cherche ses lunettes, sa Bible, cela a pris probablement du temps. Du moment que j’ai eu sa signature je me suis rendu chez le Général Landry, il était dix heures moins dix dans le temps et je lui ai donné le document. Le Général Landry m’a dit de me rendre au pied de la Côte de la Citadelle, en face du club de la garnison et que les troupes me rejoindraient là et que je descendrais avec les troupes, et que les troupes seraient absolument sous mon commandement ; qu’il me donnait cinq à six cents hommes avec carabines chargées à balles et deux mitrailleuses, Maxim-guns de six cents coups à la minute. Le général Landry m’a fait remarquer que dès que je lirais l’Acte d’Émeute que les troupes tireraient sur les émeutiers. Je lui ai demandé qu’ils ne tirent pas au premier coup sur les émeutiers ; s’il y avait possibilité de faire quelques coups de feu seulement, peut-être que ceci suffirait pour calmer les esprits et faire retirer les gens. Il dit : Non Monsieur, nous n’avons pas le droit, du moment que vous donnerez l’ordre, les troupes tireront sur les émeutiers. Elles ne peuvent pas tirer en l’air, il faut qu’elles tirent sur les personnes. Je me suis rendu et j’ai rencontré les troupes et je suis descendu avec. Lorsque je suis arrivé tout semblait être calme à l’Auditorium. Les pompiers travaillaient et le feu avait même l’air d’être sous contrôle, et personne n’intervenait dans le travail des pompiers, et cependant lorsque je suis arrivé avec les troupes j’ai entendu les gens dire : Commandez vos troupes de tirer si vous voulez, M. le Maire, on est prêt à mourir, on en a trop enduré, on en endurera pas plus. J’ai réussi à calmer les gens et je suis resté là jusqu’à une heure du matin. La foule était passablement dispersée quand je suis parti, il n’y avait presque plus de monde. C’est d’après moi ce qui s’est passé.


Q. Dans cette soirée là ?


R. Dans cette soirée là.


Q. Si je comprends bien, M. le Maire, au moment où les troupes sont descendues, l’émeute était pour ainsi dire apaisée ?


R. Apaisée.


Q. Il n’y avait plus de démonstration ― les pompiers faisaient leur ouvrage régulier.


R. Très bien.


Q. Personne ne mettait d’obstacle ?


R. Personne n’y mettait d’obstacle. J’ai eu un rapport du Chef de la Brigade du Feu disant que personne n’avait mis d’obstacle au travail des pompiers du moment qu’ils sont arrivés sur les lieux.


Q. Quand la foule a vu arriver les militaires avez-vous constaté s’il y avait une recrudescence ?


R. Il y a eu un peu d’excitation, surtout les jeunes gens ― il y en a qui sont venus me trouver, et qui m’ont dit : On est prêts à se battre et on est prêts à mourir si c’est nécessaire. Je les ai calmés et tout est revenu dans l’ordre. Il y avait beaucoup de monde sur la place du marché Montcalm, des gens qui étaient là comme spectateurs, ― on n’entendait pas un mot.


Q. Avez-vous vu beaucoup de figures de gens que vous connaissiez ?


R. Non, malheureusement, là et à St.-Roch je n’ai pas pu constater de figures connues. Presque tous les gens que je voyais me semblaient être des figures inconnues. J’ai vu des gens qui m’ont suivi et dont je n’ai pas été capable de me débarrasser.


Q. Essayaient-ils à se cacher à se masquer la figure ?


R. Non.


Q. À se déguiser ?


R. Non, mais j’ai vu des étrangers, j’ai vu deux ou trois étranger ― un grand gaillard qui m’a suivi et qui est resté absolument à côté de moi du moment que je suis rentré dans le poste No 3 jeudi soir. J’ai demandé à ces gens là ― c’était des gens de quarante à cinquante ans ― je leur ai dit : Vous êtes des citoyens paisibles vous autres, donnez donc le bon exemple sortez donc et tâchez de nous aider à clairer la foule. On m’a dit : M. le Maire, mêlez-vous de vos affaires.


Q. En français ?


R. En français, et je connais passablement la population de Québec. Je ne crois pas que ce soit des gens de Québec, par leur mine leur allure, et d’ailleurs c’était absolument des figures étrangères ici. Ces gens là m’ont entouré tout le temps que j’ai été là.


Q. C’est le soir du vendredi ça ?


R. Oui.


Q. Dans la journée de samedi, qu’est-ce-qui s’est passé ?


R. Dans la journée du samedi, comme dans les jours précédents il a circulé toutes espèces de rumeurs. Je suis allé voir le Général Lessard qui est arrivé ici samedi, et là je lui ai fait part de ce qui se passait encore. Je lui ai dit que j’étais à sa disposition, tout ce que nous pouvions faire, que nous serions heureux de l’assister par tous les moyens possibles ; que notre police était à sa disposition. Le général Lessard m’a dit qu’il avait des ordres d’Ottawa, qu’il prenait tout sous son contrôle et qu’il allait prendre les moyens nécessaires pour ⁁réprimer ces troubles là.


Mtre. Paul Drouin. — N’est-ce-pas plutôt le lundi que le samedi que vous avez rencontré le général Lessard ?


R. Il me semble que c’est le samedi.


Le Major Barclay. — Il est arrivé le dimanche soir.


R. Dans ce cas là c’est le général Landry que j’ai rencontré et le Général Landry m’a dit qu’il avait reçu des ordres d’Ottawa et que maintenant il prenait les choses en mains.


Le Major Barclay. — Vous êtes certain de ça ?


R. Oui Monsieur. Je sais que je suis allé les voir le samedi, c’est ce qu’ils m’ont dit dans le temps.


Le Coroner. — Tâchez de vous en rappeler Monsieur si vous n’êtes pas sûr…


R. Je suis certain que je suis allé voir soit l’un ou l’autre. J’étais sous l’impression que c’était le général Lessard.


Q. S’il est arrivé rien que le dimanche soir…


R. Alors c’est le général Landry dans ce cas-là, parce que je sais que le samedi je suis allé voir le général et qu’il m’a dit : On prend tout sous nos ordres. Nous avons les ordres et nous allons agir. Nous allons avoir une bonne organisation, nous allons surveiller partout. C’est ça qu’ils m’ont dit. Il a été question que les manifestants montent au Manège, et là on m’a dit : Il s’agit maintenant de défendre nos propriétés, nous n’avons pas besoin d’ordres nous allons les défendre nous-mêmes.


Q. C’est le Général Landry qui vous a dit ça ?


R. C’est le Général Landry si le Général Lessard n’était pas ici.


Q. Avez-vous eu connaissance Monsieur Lavigueur, de ce qui s’est passé dans la soirée de samedi ?


R. Oui Monsieur.


Q. De quelle manière la ville a été gardée ce soir là ?


R. Bien, le Colonel O’Mears m’a téléphoné et il m’a demandé de faire mettre des hoses à l’Auditorium, de connecter des hoses à l’Auditorium et au Bureau de Poste, et de mettre des pompiers en charge de ces hoses là. Le soir les gens sont montés premièrement au Manège.


Le Major Barclay. — À quelle heure ?


R. Il pouvait être à peu près huit heures et demi ou neuf heures lorsque j’ai eu la nouvelle qu’ils montaient au Manège. Je me suis rendu sur les lieux avec l’Acte d’Émeute dans ma possession au cas où on aurait besoin de moi et qu’on me demanderait de lire l’Acte d’Émeute. Là j’ai vu des officiers que je ne connais pas, ils semblaient être les officiers en charge et je leur ai dit que j’étais à leur disposition et que si toutefois c’était nécessaire, dans un cas d’urgence que j’étais prêt à lire l’Acte d’Émeute à leur demande. Là on m’a répondu que ce n’était pas nécessaire, qu’ils avaient des ordres du Département de la Milice et que chaque officier avait l’Acte d’Émeute en sa possession, au cas où la chose serait nécessaire pour le lire lui-même. C’est ça qu’on m’a dit dans le temps. Je suis resté là pendant quelque temps afin de me rendre compte de ce qui se passait. La cavalerie chargeait les manifestants dans les rues, les rues en arrière de la grande allée, les chassait. Quand je suis descendu, quand je suis parti de là la chose a eu l’air ― la foule avait l’air à s’éloigner un peu, à se disperser un peu. Je suis descendu sur la rue St.-Jean. Là le trouble existait un peu. Les gens criaient après les militaires, leur jetaient des morceaux de glaces, des plottes de neige, etc. J’ai constaté que nous avions la police à l’Auditorium, que les pompiers étaient là et qu’il y avait des militaires. C’était gardé par un cordon de la milice. Le lendemain on m’a fait rapport que malgré tout ça que les hoses avaient été coupées que nos pompiers avaient été refoulés par la foule qui était arrivée à couper la hose à peu près à quinze pieds de l’hydrant.


Q. Vous ne savez pas qui est-ce qui a fait cela ?


R. Non.


Q. Ça c’est le samedi soir, M. le Maire ?


R. Oui Monsieur c’est le samedi soir.


Q. Il n’y a pas eu d’autres manifestations que celle-là ?


R. Il n’y a pas eu d’autres manifestations que celle-là le samedi soir à ma connaissance.


Q. Vous avez eu connaissance comment la cavalerie a paradé dans les rues ce soir là pour éloigner les gens ?


R. Oui Monsieur, ils ont chargé la foule avec des batons, j’ai vu même la cavalerie frapper quelques jeunes gens avec des batons.


Q. Sur la rue ou sur le trottoir ?


R. Je les ai vus sur la rue. J’ai vu la cavalerie charger sur les trottoirs aussi.


Q. Dimanche qu’est-ce qui s’est passé ?


R. Le dimanche j’ai téléphoné au Colonel O’Mears dans le courant de la journée une couple de fois, et le soir à sept heures et demi je lui ai téléphoné et je lui ai dit que des rassemblements commençaient sur la rue du Pont, et près de la rue de la Couronne. Je lui ai demandé s’il enverrait des troupes là. Il m’a dit que oui, qu’on avait des ordres, que tout était organisé et qu’il enverrait, du moment qu’il serait appelé n’importe où, qu’il enverrait des troupes. Je lui ai dit que ça commençait, que les gens commençaient à se rassembler et qu’il était question qu’on devait aller défoncer chez les marchands de fer de la basse ville pour se procurer des armes ; qu’ils devaient se rendre chez Doyle, à la Mechanic Supply et ailleurs. Le Colonel O’Mears m’a dit que les troupes descendraient, partiraient immédiatement pour se rendre à St. Roch pour rencontrer les manifestants. Au bout de quelque temps j’ai été avisé que les manifestants avaient changé d’endroits et qu’ils se réunissaient sur la place du marché Jacques Cartier. J’ai téléphoné pour le mettre au courant de la chose. J’ai reçu ensuite un autre téléphone de M. Martineau, xx Omer Martineau & Cie, disant que les gens arrivaient chez lui et défonçaient son magasin. J’ai immédiatement téléphoné encore au Colonel O’Mears pour lui faire part de la chose. Le Colonel O’Mears m’a dit que les troupes partaient pour descendre mais passaient par la basse-ville. J’ai dit : Pourquoi ne les envoyez-vous pas par la route la plus directe. En les faisant passer par la basse-ville, ils ont le temps de mettre tout à feu et à sang au magasin Martineau. Il dit : C’est les ordres. Nous les envoyons par la basse-ville et les troupes vont les refouler au Palais, parce qu’il est question qu’ils doivent se rendre à la basse-ville. Partant de chez Martineau ils se sont rendus au Palais ― j’ai reçu un téléphone qu’ils étaient rendus en face du magasin Samson & Fillon et que M. Armand Lavergne leur adressait la parole. J’ai immédiatement communiqué encore avec le Colonel O’Mears pour le mettre au courant de la chose et lui demander où étaient les troupes. Il m’a dit qu’elles étaient parties et qu’elles devaient arriver sur les lieux. De là les manifestants sont partis, à la demande de Monsieur Lavergne je crois, et ils se sont rendus sur la place du Marché Jacques Cartier où M. Lavergne leur a adressé la parole. J’ai su que les troupes étaient arrivées au marché Jacques Cartier à peu près neuf heures et demi ou dix heures. M. Lavergne leur adressa la parole dans le temps.


Q. Vous n’avez pas xxxx assisté à l’assemblée ?


R. Je n’ai pas assisté à l’assemblée, c’était les rapports que je recevais.


Q. Qu’est-ce que vous avez vu personnellement ce soir là ?


R. Ce soir là je ne suis pas sorti. Je suis resté chez moi pour prendre les rapports, me mettre au courant de ce qui se passait.


Q. Vous n’avez pas eu aucun rapport qu’il y avait danger d’émeutes ce soir là ?


R. Ce soir, oui il en a été question. J’entendais dire dans le courant de la journée que les gens devaient aller défoncer les magasins chez les marchands de fer et se procurer des armes.


R. Le soir même ?


R. Oui.


Q. Est-ce que à ce moment là vous co-opériez comme Maire à la protection de la ville avec les militaires ou si les militaires avaient pris la charge complète ?


R. Non, c’est-à-dire que j’étais sous l’impression que c’était le général Lessard qui me xxxx l’avait dit le samedi mais c’est le général Landry dans tous les cas qui m’a dit que le Département de la Milice prenait en charge de tout, que c’était les ordres qui étaient arrivés de prendre charge de tout.


Q. Les ordres qui étaient arrivés d’Ottawa ?


R. Qui étaient arrivés d’Ottawa.


Q. Vous n’aviez plus à y voir personnellement ?


R. Je n’avais plus rien à y voir. Lundi matin je me suis rendu voir le général Lessard et le Général Lessard m’a dit encore qu’il arrivait et qu’il avait des ordres d’Ottawa et qu’il avait tout sur ses charges.


Q. Vous a-t-il demandé votre aide ou l’aide de votre police ?


R. Oui je la lui ai offerte.


Q. Vous l’a-t-il demandé ou si c’est vous qui la lui avez offerte ?


R. Je crois que c’est moi qui la lui ai offerte. Il m’a dit que oui, qu’il ne demandait pas mieux. Je lui ai dit que la police serait à sa disposition, tout ce que nous pourrions faire. Le lundi matin, M. Armand Lavergne m’a téléphoné me demandant de me voir et il s’est rendu à la maison. Il m’a fait part de ce qui s’était passé le dimanche soir, il m’a dit qu’il avait eu une entrevue avec la Colonel Machin et que le Colonel Machin l’avait chargé d’aller rencontrer les manifestants ce qu’il avait fait, à sa demande, et qu’il avait dit aux manifestants de le rencontrer sur la place Jacques Cartier, qu’il devait retourner lundi soir, et que maintenant il semblait y avoir malentendu avec les autorités militaires et que si les militaires ne descendaient pas à St.-Roch ce soir là, qu’il croyait que tout se passerait dans le calme et qu’il n’y aurait rien du tout, qu’il n’y aurait aucun trouble. Il m’a demandé de voir le général Lessard. J’ai téléphoné au général Lessard et le Général Lessard m’a dit de le rencontrer entre trois heures et trois heures et demi, et qu’il serait là. Je suis allé voir le général Lessard et le Général Lessard a dit que les ordres étaient bien précis ; il ne connaissait pas les engagements ou les pourparlers que M. Lavergne avait pu avoir avec le Colonel Machin et que le Colonel Machin n’était pas autorisé de traiter avec personne, et que les troupes descendraient et se placeraient sur le marché Jacques Cartier et qu’il y aurait mille hommes là et que si c’était nécessaire les troupes avaient instructions de tirer et faire ce qu’ils croyaient xxxxxx qu’il fallait faire pour faire cesser l’émeute.


Q. Avez-vous essayé de lui représenter qu’il serait important de tâcher d’en venir à une entente à propos du renvoi des troupes ou de les retirer, si vous croyiez qu’il était mieux de les retirer, et de ne pas les laisser sortir ce soir là ?


R. J’ai discuté assez longuement avec le Général Lessard. Je lui ai dit d’abord ce que M. Lavergne m’avait dit et je lui ai dit que j’avais reçu des messages par téléphone et même que des citoyens étaient venus me trouver et plusieurs m’avaient dit que si des troupes descendaient sur le marché Jacques Cartier, que la chose pourrait être considérée par les manifestants comme une provocation, et que si d’un autre côté les troupes ne descendaient pas, qu’on me garantissait qu’il n’y aurait rien du tout ce soir là, que Lavergne n’irait pas. M. Lavergne m’a dit qu’il n’irait pas et que tout se passerait tranquillement. J’ai dit au Général Lessard : Tenez donc vos troupes prêts, ayez des piquets militaires si vous voulez à différents endroits et du moment qu’on constatera qu’il y aura un commencement de rassemblement il sera toujours temps d’envoyer les troupes. Le Général Lessard m’a dit : Non Monsieur nous n’avons pas d’ordres à recevoir de personne, et je prends des moyens — vous n’avez pas pu contrôler la situation par votre police municipale, maintenant j’ai la nôtre en mains et je prends les moyens nécessaires de réprimer la chose le plutôt possible. Sur ça il m’a dit : Nous allons tirer et nous allons faire des prisonniers.


Q. De sorte que lundi soir vous n’avez eu rien à faire comme Maire, soit pour lire l’Acte d’Émeute ou autrement ?


R. Non absolument rien. J’ai demandé au Général Lessard si c’était nécessaire, s’il avait besoin de moi pour lire l’Acte d’Émeute au cas où la chose serait nécessaire. Il m’a dit que non que la chose ne serait pas nécessaire, qu’il avait tous les pouvoirs nécessaires d’Ottawa.


Q. Avez-vous d’autres remarques à ajouter M. le Maire ?


R. Je ne vois pas d’autre chose.


Le Coroner invite alors les membres du Jury et les représentants des différentes parties présentes à poser des questions qu’il jugeront convenables au témoin.

INTERROGÉ par M. F. Levasseur.


Q. Le soir quand vous étiez au Poste de Police No 2 et qu’il y avait des individus que vous ne connaissiez pas, est-ce que le chef de police était avec vous ?


R. Non je ne l’ai pas vu au Poste de Police. Je me suis informé où était le chef et le constable m’a dit que le chef était dans la foule. J’ai demandé à des constables qui étaient là s’ils connaissaient ces gens là. On m’a dit que non.


Q. Était-ce des gens habillés en pantalon courts ?


R. Non.


Q. Ou déguisés de quelque manière ?


R. Non ce n’étaient pas des gens qui semblaient déguisés, ― ils étaient habillés ordinairement mais ils semblaient être des gens qui avaient l’initiative du mouvement, qui semblaient être des leaders. Du moment que je suis descendu de l’automobile il y en a un qui s’est mis à côté de moi, qui s’est collé à côté de moi et je ne pouvait pas parler xx privément au sergent en charge de la station n’importe ni à aucun de ses hommes sans que ces gens là m’accompagnent. Je leur ai dit : Vous êtes des gens âgés, des gens d’un âge mûr, vous n’êtes pas des enfants, aidez nous donc. On m’a dit : Mêlez-vous de vos affaires.

INTERROGÉ par M. Monaghan.


Combien de policemen étaient en garde à l’Auditorium ? vendredi soir ?


R. Vendredi soir avant de partir chez moi j’ai fait venir le chef chez moi afin de m’assurer si toute son organisation était complète, et le chef m’a dit qu’il avait à peu près vingt quatre à trente hommes de police à l’Auditorium.


Q. Combien ont été blessés ?


R. Il y a eu à ma connaissance deux hommes de blessés.


Q. Où est-ce que vous étiez pendant le feu ?


R. Comme je l’ai dit tantôt, j’ai fait venir le chef chez-moi vers les huit heures moins quart ou huit heures afin de connaître exactement quelle était l’organisation qu’il avait à l’Auditorium et ailleurs. Le chef m’a dit qu’il avait vingt quatre à trente hommes à l’Auditorium, qu’il avait tout le monde, tous les hommes nécessaires.


Q. Est-ce qu’on a montré aucune résistance du tout excepté les deux autres qui ont été blessés en dehors ? on a dit que la Police ne faisait rien, d’après le rapport de beaucoup de gens ?


R. D’après les rapports que j’ai eus, ces hommes là ont fait tout ce qu’ils ont pu, mais ils étaient refoulés par la foule. Ils n’ont pas été capables ― ils ont dit qu’il y avait un piquet militaire là c’est le rapport que j’ai reçu du sergent qui était en charge de ces hommes ― et que le piquet militaire ne leur a pas aidé. Ils ont demandé au sergent en charge du piquet militaire de téléphoner pour avoir de l’assistance des troupes, deux fois, et la première fois ils ont reçu la réponse du Capitaine Desrochers qu’ils allaient avoir des troupes, de l’assistance, et l’assistance n’est pas venue.


Q. M. le Maire, quand ils étaient entrés dans l’Auditorium, ce xxxx n’était pas très difficile pour vingt cinq hommes d’arrêter quelqu’un ? Personne n’a été arrêté le soir dans tout le fracas et la police évidemment, d’après l’apparence et d’après l’opinion de beaucoup de monde était tranquille et ne faisait rien du tout ?


R. Je ne sais pas s’il y avait vingt cinq hommes là, M. Monaghan, ce qu’on m’a dit, on m’a dit qu’il y avait vingt quatre à trente hommes là, c’est le rapport que j’ai eu du chef le soir avant l’émeute.


Q. Est-ce que le chef était là ?


R. Non le chef n’était pas là. Le chef est parti avec moi. En passant à l’Auditorium je lui ai demandé s’il ne serait pas préférable pour lui de rester avec ses hommes, de commander ses hommes ? Le chef m’a dit que non, que toute son organisation était parfaite, et qu’il fallait qu’il reste à son bureau pour voir à l’organisation de toute la ville.


Q. Qui est-ce qui conduisait les hommes alors, la police ?


R. Il m’a dit que les hommes à l’Auditorium était en charge du député chef de police M. Burke et d’un sergent.


Q. Il a été blessé au commencement ― il n’y avait personne pour le remplacer ?


R. M. Burke a été blessé, je l’ai su après.


Q. Qui l’a remplacé ?


R. J’ai su la chose seulement que tard le soir que M. Burke avait été blessé. Dans ce temps là l’émeute était finie.


INTERROGÉ par M. Ed. Picher.


Q. Si j’ai bien compris, vendredi soir lorsque le Chronicle a été enfoncé vous étiez en automobile près du bureau de Poste ?


R. Oui.


Q. Et vous les avez vu enfoncer ?


R. Oui.


Q. Parmi les gens qui enfonçaient, avez-vous remarqué ces mêmes gens qui vous avaient entouré la veille à St.-Roch ou si c’était des gens que vous connaissiez, que vous étiez habitué de voir dans les rues de la ville de Québec ?


R. J’ai remarqué qu’il y avait d’abord en avant des enfants qui allaient chercher dans la rue du Fort, dans les rues en montant, des morceaux de glace et qui les donnaient à des gens en arrière qui tiraient.


Q. Était-ce des gens que vous aviez l’habitude de voir ?


R. Non, je n’ai pas pu reconnaître personne. J’étais absolument au-dessus d’eux, la lumière était très bonne, j’étais dans le châssis du coin du bureau du Général Landry, et je n’ai pas pu reconnaître une seule figure de Québec.


Q. Pour vous c’était des étrangers ?


R. Pour moi c’était des étrangers.


Q. Était-ce les mêmes que vous aviez vu à St.-Roch ?


R. Je n’ai pas pu les reconnaître.


Q. Y avait-il de la police au Chronicle ?


R. J’en ai vu en sortant de chez le Général Landry. Je n’ai pas constaté s’il y avait de la police lorsqu’on défonçait, mais lorsque je suis sorti de chez le général Landry, la foule commençait à se disperser, j’ai vu que la police était sur les lieux.


Q. Vous n’avez pas vu si la police avait fait aucun effort pour empêcher les malfaiteurs d’entrer au Chronicle ?


R. J’ai vu la police quand je suis sorti du bureau du général Landry. J’ai vu qu’il y avait de la police. J’ai demandé si on avait reconnu quelqu’un et on m’a dit que non.


Q. D’après les renseignements que vous avez pris, vous avez eu la réponse que c’était des gens inconnus ?


R. C’est le rapport que j’ai reçu de toutes les parties de la ville, partout. J’ai téléphoné à bien des gens et je leur ai demandé s’ils connaissaient quelques uns des manifestants, dans St.-Sauveur, St.-Malo, Limoilou et partout on me disait : Ça nous a l’air des étrangers à Québec ― nous voyons passer ces gens là, des xxx figures inconnues, ça nous parait être des gens déguisés ― on voit des hommes de vingt cinq à trente ans et même on a vu des gens qui étaient chauves et qui étaient habillés en pantalons courts avec une petite x calotte.


Q. Vous êtes passablement convaincu que les chefs étaient des étrangers ?


R. C’est ce que j’ai toujours pensé.


INTERROGÉ par M. Lesage.


Q. M. le Maire, d’après le rapport que le chef vous a fait, est-ce que les vingt quatre ou trente hommes avaient ordre de stationner devant l’Auditorium ou s’il devaient se séparer, aller devant le Chronicle et d’autres rester dans les environs de l’Auditorium ou s’ils devaient tous être stationnés devant l’Auditorium ?


R. J’avais demandé dans le courant de la journée au chef de mettre quarante à cinquante homme de police bien armés, bien disciplinés à l’Auditorium. Le chef m’a dit qu’il ne pouvait pas en mettre un nombre aussi considérable que ça, mais qu’il en mettrait le plus possible et il m’a dit le soir chez moi, qu’il avait vingt quatre à trente hommes de polices là.


Q. Dans les environs.


R. À l’Auditorium.


INTERROGÉ par M. Monaghan.


Q. À neuf heures et demi lorsque les militaires sont descendus on ne voyait qu’une demi douzaine d’hommes de police à l’Auditorium, c’est le plus. J’ai passé là à neuf heures et j’ai vu cinq à six policemen, pas plus. S’il y en avait plus on ne les voyait pas.


R. Je ne sais pas M. Monaghan s’il y avait vingt cinq hommes de police, mais le chef m’a dit qu’il y aurait vingt quatre à trente hommes sur les lieux. Maintenant quand je suis passé par là pour me rendre chez le général Landry vers huit heures ou huit heures et quart j’ai constaté qu’il y avait de la police qui faisait la garde. J’ai remarqué plusieurs hommes de police qui étaient là.


INTERROGÉ par M. L. Picher.


Q. Quelle est la force régulière en temps ordinaire ?


R. Nous avons à peu près une centaine d’hommes.


Q. En tout et partout ?


R. En tout et partout oui.


Q. Mais ordinairement combien est-ce qu’il y en a qui sont en devoir ?


R. Ordinairement il y en a la moitié.


Q. Dans toute la ville ?


R. Dans toute la ville.


Q. À peu près cinquante ?


R. Oui.


Q. Est-ce que ce soir là tous ces gens là y étaient ?


R. J’avais donné instructions de garder tout son monde, et même j’ai demandé au chef de tâcher d’assermenter des constables spéciaux ― dès vendredi matin j’ai demandé la chose et on m’a dit que c’était impossible. J’ai constaté par moi-même que c’était absolument impossible sous les circonstances d’assermenter des constables spéciaux. Je sais que le Gouvernement Provincial a essayé de faire la chose et qu’il n’a pas pu réussir.


INTERROGÉ par le Coroner.


Q. Il y avait d’autres endroits dans la ville qui devaient être protégés aussi ?


R. J’ai reçu des demandes de partout. J’ai reçu des demandes de Terreau & Racine etc.


INTERROGÉ par M. Monaghan.


Q. Si vous aviez eu vingt cinq policemen devant l’Auditorium et s’ils avaient quelques fait quelques efforts pour empêcher ces jeunes gens là d’avancer — une foule de petits jeunes gens ― certainement la police aurait pu faire quelques efforts ?


R. Bien, d’après les rapports que j’ai eus c’est la foule, ― il y avait déjà de la foule, des citoyens qui étaient là comme spectateurs, des femmes et des enfants, et la police qui était à l’Auditorium se faisait assommer par des blocs de glace qui venaient par en arrière, on ne pouvait pas voir qui est-ce qui les envoyait. À un moment donné, le coup a été donné de monter et de défoncer, et ils sont arriver à l’Auditorium et à la porte, les deux premiers qu’ils ont assommés ç’a été M. Burke qui commandait la force de police, qui était le député chef, et le détective Walsh qui était là. Il y avait un piquet militaire aussi avec eux autres qui étaient absolument impuissants.


Le major Barclay.- On vous a dit ça ?


R. C’est le rapport qui m’a été fait.


INTERROGÉ par Mtre. Alleyn Taschereau.


Q. Quel âge a M. Burke ?


R. M. Burke est un homme très âgé.


Q. N’est-il pas vrai qu’il a soixante et douze ou soixante et quinze ans ?


R. Je ne sais pas s’il a soixante et quinze ans mais je sais que c’est un homme très âgé.


Q. Avez-vous assermenté des constables spéciaux dans la journée du vendredi ?


R. Non, j’ai demandé de faire la chose et on m’a dit que c’était impossible.


Q. Au Bureau du Régistraire, on vous a téléphoné qu’il y avait une commotion qui devait se faire ce soir là pour bruler l’Auditorium ?


R. Oui Monsieur.


Q. Est-ce que dans le moment vous avez assermenté des constables spéciaux ?


R. Non, j’ai fait venir le Chef et je lui ai demandé s’il y avait possibilité de se procurer des constables spéciaux. Il m’a dit que non, que la chose était absolument impossible.


Q. C’était dans vos attributions à vous d’assermenter des constables spéciaux ?


R. Je ne sais pas si c’était absolument dans mes attributions. Je pouvais donné des ordres en conséquence.


Q. Est-ce que vous avez donné des ordres d’en assermenter.


R. J’ai demandé si la chose pouvait se faire et on m’a dit que c’était impossible, que cela ne pouvait pas se faire.


Q. Vous a-t-on donné la raison de cette impossibilité ?


R. On m’a dit que quand même on voudrait assermenter les constables spéciaux, que les esprits étaient tellement montés à Québec, qu’on ne savait pas se procurer des gens sur qui on pourrait se fier oui ou non, et que d’ailleurs, envoyer des gens qui ne seraient pas drillés, qui ne seraient pas disciplinés, que cela n’aurait pas aucun effet.


Q. Vous auriez pu avoir des militaires comme constables spéciaux si vous aviez voulu en xxxxxx assermenter ― en avez-vous xxxx demandé ?


R. Des militaires ? … non, j’avais la promesse des autorités militaires que si nous avions besoin des troupes elles seraient à notre disposition à cinq minutes d’avis.


Q. Des troupes comme militaires ?


R. Oui.


Q. Leur avez-vous demandé s’ils voulaient vous en passer un certain nombre comme constables spéciaux ?


R. Non je ne l’ai pas demandé. J’ai parlé de la chose au chef de police et il m’a dit que la chose ne pourrait pas se faire, que c’était impossible. Même j’ai consulté M. Lanctot, l’assistant Procureur Général ― on m’avait dit que le Gouvernement Provincial cherchait à augmenter sa force de police provinciale. M. Lanctot m’a dit qu’il avait chargé le chef Mccarthy d’assermenter des constables spéciaux pour eux-autres et que le chef Mccarthy lui avait fait part que partout où il s’était adressé il s’était heurté à des refus, et que la chose était impossible.


Q. Comme question de fait en avez-vous assermenté ?


R. Non j’ai simplement demandé si la chose pouvait se faire ― c’est-à-dire j’ai donné l’ordre ― j’ai fait venir le chef et je lui ai dit : tâchez donc de trouver des constables spéciaux et d’en assermenter quarante ou cinquante et même cent si vous pouvez en trouver ― payez les n’importe quel prix mais tâchez d’avoir du monde. Le chef m’a dit que c’était impossible de songer à ça, qu’on n’en trouverait pas et que quand même on en trouverait, cela n’aurait aucune efficacité.


Q. Ceci était dans l’après midi ?


R. Je ne suis pas capable de préciser au juste le temps mais c’était dans la journée du vendredi.


Q. M. le Maire vous dites que lorsque vous étiez en face de l’Auditorium que vous avez parlé à la foule, vous leur avez demandé n’est-ce-pas de se tenir tranquille ?


R. Lorsque je suis arrivé avec les troupes vers dix heures ou dix heures et quart.


Q. Vous n’y êtes pas allé avant ça ?


R. J’ai passé une couple de fois.


Q. Vers quelle heure ?


R. Je suis passé la première fois vers huit heures et quart lorsque je me rendais au Bureau du Général Landry, mais était bien paisible. J’ai rencontré un détachement de manifestants qui se se rendaient au Chronicle ou à l’Événement.


Q. Les avez-vous rencontré de nouveau ?


R. Ensuite de ça quand je suis passé de nouveau ils étaient après défoncer l’Auditorium.


Q. Avez-vous passé dans le milieu de la foule ?


R. J’ai passé dans le milieu de la foule.


Q. Avez-vous arrêté votre auto ?


R. Non je n’ai pas arrêté parce que les gens même m’ont fait des menaces en passant.


Q. Avez-vous connu ceux qui vous ont fait des menaces ?


R. Non.


Q. Avez-vous parlé à quelqu’un ?


R. Non, je me dépêchais trop ― je trouvais que ce qui était important c’était de faire sortir les troupes le plus tôt possible et je me rendais chez le Notaire Paradis du Faubourg St.-Jean et tâcher de le faire signer comme Juge de Paix pour faire sortir les troupes. Je suis passé vite et je suis revenu la même chose aussi vite pour me rendre chez M. Foley pour avoir sa signature.


Q. Lorsque vous êtes passé à l’Auditorium c’était illuminé comme d’habitude ?


R. Oui.


Q. Dans le moment il n’y avait rien de brisé ?


R. Non.


Q. Et vous n’avez reconnu absolument personne ?


R. Absolument personne, mais les deux fois que j’ai passé j’ai passé très vite comme je vous l’ai dit. J’ai passé une couple de fois mais je n’ai reconnu personne. Ceux que j’ai reconnu c’étaient des citoyens qui étaient sur le trottoir comme spectateurs, mais parmi les manifestants je n’ai reconnu personne. J’ai vu là des jeunes gens, des enfants qui étaient en avant.


Q. Était-ce des enfants qui sont entrés dans l’Auditorium ?


R. Je n’y étais pas lorsqu’ils sont entrés.


INTERROGÉ par M. Fanning Gosselin.


Q. Dimanche soir vous étiez chez vous à recevoir des rapports ? Vous avez reçu un rapport que M. Armand Lavergne adressait la foule sur la Place Jacques Cartier n’est-ce-pas ?


R. Oui.


Q. Avez-vous reçu un rapport que la foule se dispersait après les paroles de M. Lavergne ?


R. Oui.


Q. Combien de temps après ?


R. Presque immédiatement. Du moment que M. Lavergne eut parlé. J’ai reçu d’abord un rapport que M. Lavergne parlait et que tout était bien calme, et du moment qu’il eut parlé que toute la foule s’est dispersée bien tranquillement, que ce n’a été rien du tout.


Q. Croyiez-vous que le lendemain soir, si M. Lavergne s’était rendu là qu’il aurait eu un bon résultat ?


Le major Barclay s’objecte à cette question comme n’étant pas pertinente.


Le Coroner. — Vous voulez savoir l’opinion de M. Lavigueur sur ce qui serait arrivé ?


Le Major Barclay ? Avez-vous jamais retiré votre propre écrit qui disait que ce n’était pas en votre pouvoir de faire face à l’émeute à Québec ?


R. Je ne l’ai pas retiré ― ça c’est pour le dimanche soir ― mais pour vendredi soir d’après les informations que je recevais des citoyens de Québec on ne croyait pas qu’il y aurait du trouble.


INTERROGÉ par M. Fanning Gosselin


Q. Est-ce que la nuit du dimanche au lundi a été paisible ?


R. Très paisible.


Q. Les troupes ont-elles été retirées ce soir là ?


R. Je ne sais pas ce qui est arrivé. J’ai su que les troupes devaient rencontrer et réprimer les manifestants mais au lieu de descendre par le chemin directe ils sont allés par la Basse-Ville et ça leur a pris plus qu’une heure de la Basse-ville pour se rendre à St.-Roch d’après les rapports que j’ai eu.


INTERROGÉ par le Major Barclay.


Q. Maintenant M. le Maire, d’abord le jeudi soir vous dites que vous avez entendu crier dans la foule qu’ils en voulaient à Bélanger ?


R. Oui.


Q. En réponse à une question qu’on vous a posée vous avez dit que vous aviez entendu cela depuis longtemps ?


R. Il y avait beaucoup de mécontentement dans Québec sur la manière dont les choses se passaient, au sujet des exemptions et surtout au sujet de la police, des détectives fédéraux.


Q. Alors on ne peut pas imposer à des étrangers que vous avez-vu ce soir là ces cris contre Bélanger ?


R………


Q. M. le Maire vous avez entendu qu’il y avait eu des menaces contre la police fédérale par les gens de Québec ?


Le Coroner. — Pas des menaces.


R. Je n’ai pas entendu des menaces contre la police x fédérales. J’ai entendu dire que les gens étaient mécontents de Bélanger, de la manière dont il agissait ― il y avait des plaintes.


Q. Après ces plaintes là est-il à votre connaissance qu’il a été attaqué, ― d’abord il était menacé et vous êtes allé au Poste No 3 et vous avez trouvé qu’il y avait du trouble n’est-ce-pas ?


R. Il y avait du trouble. …


Q. Il y avait du trouble du moment qu’ils ont fait des menaces contre ces trois officiers ?


R. Oui lorsque je suis arrivé ils ont fait des menaces contre ces trois officiers là.


Q. Alors vous êtes retourné chez-vous ?


R. Oui.


Q. Et encore une fois ce soir là ces gens là ont été non seulement menacés mais maltraités ?


R. Oui.


Q. Et chaque fois que vous avez été là vous n’avez vu personne que vous connaissiez ?


R. Oui j’ai vu des gens que je connaissais. x Comme je l’ai dit tantôt, j’ai vu M. Létourneau …


Q. Mais parmi la foule ?


R. Non pas parmi la foule.


Q. Prétendez-vous que dans toute la foule il y avait trois cent personnes qui étaient des étrangers à Québec ?


R. Non Monsieur.


Q. Alors il y a à Québec des gens que vous ne connaissez pas ?


R. Bien, je ne suis pas prêt à dire ça. Certainement qu’il y a des gens à Québec que je ne connais pas, mais je connais passablement la population de Québec, j’ai toujours vécu à Québec, je suis mêlé à la population et je connais nos gens.


Q. Dans une foule de trois cents personnes vous n’avez pas vu personne que vous connaissiez ?


R. Non, j’ai été entouré ― les gens m’ont entouré ― pour moi c’était des étrangers, des gens qui semblaient avoir intérêt à voir ce qui se passait, entendre ce que je dirais, à qui je parlerais, qui m’entouraient dans cette circonstance.


Q. Devant le Chronicle était-ce la même chose ?


R. Devant le Chronicle je n’ai pas pu constater, j’ai vu beaucoup d’enfants en avant qui charroyaient la glace et qui donnaient ça à des grandes personnes en arrière.


Q. Devant l’Auditorium vous n’avez pas connu des gens de Québec ?


R. Il y avait trop de monde, il pouvait y avoir douze à quinze milles personnes ― c’était bien difficile de reconnaître les gens.


Q. Vous ne savez pas si c’était des étrangers à Québec ou d’ailleurs ?


R. Je ne le sais pas personnellement, c’est mon impression tout naturellement, c’est mon humble impression que c’était des étrangers.


Q. Alors après les évènements de jeudi soir et avec les rumeurs de vendredi ― vous êtes intéressé dans la ville de Québec n’est-ce-pas ?


R. Oui monsieur.


Q. Et vous avez fait des démarches pour la sauvegarder ?


R. Oui.


Q. Même le matin vous avez reçu la rumeur par un téléphone de M. Gobeil qu’on était pour attaquer l’Auditorium ?


R. Oui.


Q. Quelles démarches avez-vous faites le matin pour le garder ?


R. J’ai donné, comme je l’ai dit tantôt, des ordres au chef de police et j’en ai fait part aux autorités militaires.

Maintenant j’ai reçu une demande de M. Gobeil, mais j’en ai reçu peut-être vingt cinq autres par d’autres citoyens qui me demandaient de faire protéger leurs vies et leurs propriétés. On me demandait protection un peu partout.


Q. Les citoyens ordinaires de Québec avaient peur pour leurs vies et leurs propriétés pendant ces jours là ?


R. Oui plusieurs.


Q. Avez-vous surveillé les arrangements pour protéger l’Auditorium ?


R. Oui.


Q. Êtes-vous allé à l’Auditorium pour savoir si la police était là ?


R. Je suis passé par là.


Q. Combien de polices avez-vous vu ?


R. J’ai vu de la police, je n’ai pas pu constater le monde.


Q. Vous ne vous y êtes pas intéressé ?


R. Je m’y intéressais, mais j’étais pressé pour rencontrer le général Landry que je devais rencontrer à mon bureau, je me dépêchais pour me rendre chez le général Landry. Le chef était avec moi.


Q. Vous n’avez pas considéré, ayant rencontré les émeutiers dans la rue que c’était plus prudent de laisser descendre le chef de police pour prendre charge de ses hommes ?


R. J’ai demandé au chef de police s’il n’était pas préférable pour lui de rester là et il m’a dit que non, qu’il fallait qu’il soit ailleurs. J’étais de l’opinion qu’il aurait dû rester là dans le temps et je le suis encore.


Q. Lui avez-vous dit ça ?


R. Oui je lui ai dit.


Q. Il a refusé ?


R. Il n’a pas refusé mais il m’a dit : Si vous voulez me donner l’ordre de rester, je vas rester, mais je ne dois pas être là, je dois être ailleurs.


Q. Si vous étiez d’opinion que c’était mieux pour lui de rester là pourquoi ne lui avez-vous pas dit alors ?


Q. Je me fiais plutôt à sa compétence qu’à la mienne.


Q. C’est la même chose avec les militaires ― vous vous fiiez à la compétence des militaires plutôt qu’à la vôtre plus tard aussi ?


R. Certainement oui Monsieur pour ce soir là.


Q. Avez-vous jamais retiré écrit ?


R. Non.


Q. Chaque fois que vous avez entendu des rumeurs vous avez téléphoné aux autorités militaires d’envoyer des troupes ?


R. Oui je les mettais au courant ― on m’avait dit qu’ils avaient tout en mains, qu’ils avaient les ordres voulus, qu’ils avaient les pouvoirs. Je les tenais au courant de se qui se passait.


Q. Maintenant voulez-vous dire s’il vous plaît comment vous expliquez le fait qu’une foule à Québec a monté saccager les Bureaux de l’Évènement et sans intervention quelconque de la part de la police municipale ils ont descendu encore saccager l’Auditorium sans qu’il y ait eu une rencontre quelconque entre la police et les émeutiers ― c’est à vous d’expliquer ça ― vous êtes le Maire en charge de la ville de Québec, en charge de la paix dans la ville de Québec.


R. Bien, les renseignements que j’ai, c’est que le nombre d’hommes de police n’était pas suffisant pour pouvoir supprimer la chose.


Q. Quand avez-vous constaté cela pour la première fois dans la journée de vendredi ?


R. Je l’ai constaté à l’Auditorium.


Q. Pas avant ça ?


R. À l’Auditorium, du moment qu’on m’a fait part qu’un de nos officiers avait été assommé.


Q. Vous avez constaté jeudi soir que vous n’étiez pas capable de contrôler la foule à Québec ?


R. J’ai constaté que je pouvais contrôler la foule ― le fait est que je l’ai contrôlé lorsque je suis allé là. Je leur ai parlé et xxxxxx j’ai été écouté très bien par deux fois, en arrivant et en partant.


Q. Savez-vous que le Poste a été défoncé et que les trois hommes ont été pris en dépit de vos dix hommes avec le sergent Létarte ?


R. Le Poste avait été défoncé lorsque je suis arrivé là.


Q. (Par Mtre. Lachance) Les hommes ont-ils été pris dans le poste ?


R. Non.


Q. Dans tous les cas vos xxxxhommes n’ont pas été capables de les empêcher de défoncer ?


R. C’est ce que je vous ai dit.


Q. Tout le dommage était fait, ils n’avaient pas besoin de continuer même que vous soyez arrivé ou non ?


R. Bien, quand je suis arrivé, la foule était très excitée et était en frais encore de saccager, de défoncer et de briser le Poste, de démolir le Poste. C’est pour ça que je suis arrivé que je me suis placé devant le Poste et que je leur ai parlé, et j’ai apaisé la foule et j’ai constaté qu’elle se dispersait.


Q. xxxx Alors ayant eu cette expérience de jeudi soir et ayant reçu des rumeurs pendant la journée de vendredi, tout ce que vous avez fait d’après vous c’était d’ordonner à votre Chef d’envoyer vingt cinq hommes à l’Auditorium ― vous n’avez pas assermenté de constables spéciaux et tout ce que vous avez fait ça été de rester content avec le rapport du chef que vingt cinq hommes seraient envoyés à l’Auditorium le soir ?


R. Non, pas rien qu’à l’Auditorium, on avait des demandes d’un bord et de l’autre et les rumeurs disaient qu’on voulait tuer M. Lespérance, l’Hon. Lespérance, il a fallu envoyer de la police, il a fallu en envoyer ailleurs, chez Terreau & Racine.


Q. Avez-vous cru ces rumeurs là ?


R. Je n’en n’ai pas cru aucune même à l’Auditorium.


Q. Vous étiez satisfait que tout était bien paisible à xxx Québec ?


R. Je ne croyais réellement pas que la chose se répéterait mais cependant j’avais donné des ordres sévères pour prendre toutes les précautions possibles.


Q. Étiez-vous devant l’Auditorium lorsqu’il y avait du tapage le soir le vendredi ?


R. Bien j’ai passé comme je vous l’ai dit lorsque je suis allé pour faire signer le Notaire Paradis.


Q. On était en train d’attaquer l’Auditorium ?


R. Oui.


Q. Vous êtes resté là pour regarder ?


R. Je xxxxxxxxxx me suis dépêché pour me rendre chez le Notaire Paradis pour avoir sa signature pour faire sortir les troupes.


Q. Le chef de police était avec vous ?


R. Le Chef de Police était avec moi.


Q. Lui non plus n’a pas descendu ?


R. Non, je lui ai demandé de descendre et il m’a dit que ce n’était pas nécessaire qu’il valait mieux qu’il soit ailleurs.


Q. Est-ce que c’était nécessaire pour lui de vous accompagner pour prendre la signature du notaire ?


R. Non.


Q. Vous avez passé, vous et le chef, les deux magistrats de Québec, avec l’émeute devant la porte de l’Auditorium, sans rien faire que d’aller chercher la signature d’un Juge de Paix ?


R. Bien je suis parti comme je vous ai dit avec le chef et je lui ai demandé de débarquer en passant xx près de l’Auditorium. Il m’a dit que ce n’était pas nécessaire, qu’il fallait qu’il voit à l’organisation générale, et là je suis parti pour aller chez le Général Landry. J’étais dans le moment tellement préoccupé d’avoir ces signatures que je n’ai pas remarqué s’il embarquait ou non. On s’est trouvé ensemble en automobile.


Q. Avez-vous demandé au Chef de Police pourquoi il considérait que c’était nécessaire pour lui de s’en aller loin du dommage ?


R. Non, je lui ai demandé ― j’ai dit qu’il devait rester sur les lieux et commander ses hommes et il ne l’a pas fait.


Q. xx Et vous comme son chef vous ne lui avez pas demandé de le faire ?


R. Non. Il m’a dit : Si vous me donnez ordre de le faire, je le ferai mais il vaut mieux que je sois ailleurs dans l’intérêt de la surveillance.


Q. Ailleurs où ?


R. Je crois ailleurs.


Q. Lui avez-vous demandé où ?


R. Non.


Q. Alors vers dix heures vous avez compris que c’était impossible pour vous de contrôler la population de Québec ?


R. Avant ça. Du moment que j’ai vu attaquer l’Auditorium j’ai constaté qu’il était impossible pour nous autres quand même nous aurions cent hommes de police là.


Q. Samedi vous étiez du même avis ?


R. Samedi, oui.


Q. Dimanche vous étiez du même avis ?


R. Oui.


Q. Lundi vous étiez du même avis ?


R. Lundi, non.


Q. Pourquoi ?


R. Parce que tel que je l’ai dit tantôt, après que M. Armand Lavergne eut apaisé la foule et après les renseignements que je recevais de partout on me disait ― on m’a téléphoné ― même des gens qui n’ont pas voulu se nommer ― ils m’ont dit qu’ils étaient des manifestants et ils m’ont dit : M. le Maire nous pouvons vous garantir qu’il xxx n’y aura rien ce soir. J’en ai fait par au général Landry.


Q. Comme Maire de Québec, vous voulez jurer, que comme Maire en dépit du fait qu’on avait saccagé le Chronicle, on avait saccagé l’Évènement, et qu’on avait saccagé l’Auditorium, en dépit de tout ce qui s’était passé vous étiez satisfait de laisser la ville de Québec sans protection parce que l’influence de M. Lavergne était suffisante pour apaiser la ville de Québec ?


R. Non, comme je l’ai expliqué tantôt j’ai fait part de la chose au général Landry ― j’en ai fait part au général Lessard dis-je, de tout ce que M. Lavergne m’a dit et de tout ce que d’autres citoyens m’ont dit j’ai dit au Général Lessard : Général, est-ce que vous ne croyez pas ― je vous fait part de la chose ― je n’ai pas d’ordre à vous donner…


Q. Vous lui avez dit ça ?


R. Oui ― je n’ai pas d’ordre à vous donner vous connaissez ce que vous avez à faire mais voici ce qu’on m’a dit ― si vous n’envoyez pas vos troupes sur le Marché Jacques Cartier ― les tenir prêtes par exemple, avoir des piquets militaires à différents endroits, et du moment que les rassemblements commenceraient d’appeler vos troupes à votre disposition si c’est nécessaire…


Par le Coroner. — N’est-il pas vrai M. Lavigueur que quand vous avez jugé les évènements de jeudi soir, vous comme bien d’autres étiez au courant des rumeurs qui circulaient dans la ville, xxxxxxmanifestant le mécontentement qu’il y avait contre la manière dont la loi sur le service militaire était exécutée ?


Q. Et que vous aviez la preuve par ce qui s’était passé à l’assemblée dimanche soir qu’en leur promettant que les troupes se retireraient que les gens se disperseraient et que la seule chose que le public ne voulaient pas voir était la présence des troupes dans les rues ?


R. Oui c’était mon opinion et j’en ai fait part au général.


Interrogé PAR LE MAJOR BARCLAY.


Q. Vous avez déclaré tout à l’heure que vous n’aviez pas d’ordres à lui donner. C’est à dire que vous étiez bien content de tout laisser aux militaires ?


R. Non ― le général m’avait dit qu’il n’avait pas d’ordre à recevoir de personne, qu’il avait ses ordres d’Ottawa et qu’il avait toutes les choses en main.


Q. Avez-vous protesté contre ces ordres d’Ottawa ?


R. Non ― du moment que le général Lessard avait des ordres…


Q. Vous étiez content de tout lui laisser à lui ?


R. Je ne sais pas, c’est parce que je croyais que peut-être on prenait des moyens trop rigoureux et je suis allé voir le général Lessard et je lui ai dit que je croyais que si on envoyait les troupes, le lundi soir, que ça serait peut-être préférable.


Q. Alors pouvez-vous expliquer pourquoi l’attaque a été faite sur le Drill Hall, le Manège Militaire, sur la Grande Allée ?


R. Non Monsieur.


Q. Ce n’est pas parce qu’il y avait des troupes dans la rue ?


R. Je ne peux pas dire.


Q.xxxxxxxxxx Savez-vous pourquoi l’Auditorium a été attaqué et saccagé ?


R. Je ne peux pas dire non plus.


Q. Savez-vous pourquoi le Chronicle a été attaqué et saccagé ?


R. Non.


Q. Savez-vous pourquoi l’Évènement a été attaqué et saccagé ?


R. Non Monsieur.


Q. En dépit de cette ignorance vous dites que vous pensiez que si les troupes s’étaient retirées il n’y aurait pas eu de difficultés ? dans la ville de Québec ?


R. Pour le lundi soir.


Q. Pourquoi est-ce que le lundi soir était différent des autres jours ?


R. C’était les renseignements que je recevais de partout, de nos principaux citoyens.


Q. Et vous pensiez, comme Maire, que la meilleure façon qu’il y a, que lorsque la population n’aime pas une certaine loi, que la meilleure façon de la faire respecter c’est d’ôter toute influence qui peut la contrôler ?


R. Non, il ne s’agit pas de cela. ― je recevais des rapports une foule de gens me disaient : Tâchez donc de voir à ce que les troupes ne descendent pas ce soir. Si les troupes ne descendaient pas, ces gens là étaient d’opinion que les choses se seraient passées plus calmes.


Q. Et tout cela en dépit du fait que vous avez déclaré à plusieurs reprises que la foule était menée par des étrangers à Québec ?


R. Oui.


Q. Étiez-vous satisfait que les étrangers étaient partis le lundi ?


R. Je ne sais pas, je vous donne les rapports que je recevais.


Q. Au lieu de compter sur les faits actuels qui se sont passés, vous vous êtes basé sur les rapports qui se donnaient ?


R. Tout était des rumeurs. Lorsqu’on a dit que l’Auditorium était pour être saccagé, je l’ai pris pour une rumeur.


Q. Lorsque vous avez trouvé que ce n’était que des rumeurs, pourquoi n’avez-vous pas pensé que les rumeurs qui continuaient le dimanche et le lundi n’étaient que des rumeurs ?


R. Je les prenais comme des rumeurs, mais vu que des citoyens assez importants, assez influents étaient de cette opinion là, c’est pour ça que j’ai cru demander une entrevue avec le général Lessard et lui faire part de la chose.


Q. Vous a-t-on demandé de lire le xxxxxx Riot Act ?


R. Non Monsieur.


Q. Jamais ?


R. Non.


Q. Avez-vous jamais pensé que c’était prudent de le faire ?


R. Non Monsieur.


Q. Jamais ?


R. Non.


Q. Avez-vous jamais pensé que c’était prudent de le faire ?


R. Oui Monsieur.


Q. Après les évènements de vendredi et de samedi ?


R. Oui.


Q. Qu’est-ce qui vous a empêché de le faire ?


R. C’était mon intention de le lire lorsque je suis arrivé à l’Auditorium avec les troupes et du moment que j’ai vu que la foule se calmait, après m’être rendu compte par moi-même, j’ai cru que ce n’était pas nécessaire par les circonstances.


Q. Pourquoi ― avez-vous pensé qu’après avoir saccagé l’Évènement et le Chronicle et l’Auditorium que les troubles étaient finis pour la nuit ?


R. Les gens me paraissaient tranquilles et la foule se dispersait. Il n’y avait que des curieux, des femmes et des enfants sur la place du marché Montcalm, qui regardaient travailler les pompiers comme ça se fait dans tous les incendies ordinaires.


Q. Le lendemain lorsqu’il y eut encore du trouble xxxx pourquoi n’avez-vous pas lu le Riot Act ?


R. Je me suis rendu sur les lieux près du Manège et là j’ai vu des officiers en charge je leur ai dit que j’avais le Riot Act en ma possession que j’étais prêt à le lire si c’était nécessaire. Il m’a dit que ce n’était pas nécessaire.


Q. Alors dans toutes ces occasions vous avez accepté sans questions les conseils qui vous ont été donnés ?


R. Non j’ai jugé la chose généralement par moi-même et j’ai pesé les conseils de citoyens aussi qu’on me donnaient.


Q. Vous n’avez pas agi ?


R. Je ne sais pas si j’ai agi ou si j’ai agi je suis parfaitement satisfait d’avoir agi de manière que je crois que j’ai épargné bien des choses en agissant de la manière que j’ai agi.


Q. La manière dont vous avez agi était de tout laisser aux militaires ?


R. Du moment qu’on m’a dit que les militaires avaient les choses en main et qu’on n’avait pas d’ordre à recevoir de moi…


Q. Vous étiez satisfait ?


R. Bien je ne voyais pas que je devais intervenir.


INTERROGÉ par Mtre. Chapleau.


Q. Monsieur le Maire ― je n’ai qu’une question ― pouvez-vous expliquer comment il se fait qu’à un moment donné il y aurait eu moins à l’Auditorium que réellement le Chef en avait placé ?


R. On m’a dit qu’ils avaient pris les hommes de police de l’Auditorium pour suivre la foule pour se rendre à l’Évènement et au Chronicle.


Q. Est-ce que vous croyez que les hommes de police, d’après les rapports que vous avez eus, ont eu le temps de revenir à l’Auditorium lorsque l’Auditorium a été saccagé ?


R. Je ne peux pas dire. Je ne crois pas qu’ils ont eu le temps de revenir, pas tous, j’en ai vu au Chronicle en passant là.


INTERROGÉ par le Major Barclay.


Q. J’ai une question que j’avais oublié de vous demander. Vous dites que vous dites que vous avez ordonné au chef de mettre quarante ou cinquante hommes ?


R. Oui.


Q. Dans quel but ?


R. Dans le but de…


Q. De tirer si c’était nécessaire ?


R. Oui oui, de tirer si c’était nécessaire, de faire tout ce qui serait possible de faire pour protéger l’Auditorium.


Q. Et ils n’ont pas tiré et l’Auditorium a été saccagé ?


R. Ce n’est pas à ma connaissance qu’ils aient tiré.


INTERROGÉ par le Coroner.


Q. Vous avez répondu à M. le Major Barclay qui vous a demandé si vous saviez pour quelle raison la foule a saccagé le Chronicle ― si vous saviez pour quelle raison la foule a saccagé l’Évènement et a saccagé l’Auditorium. À toutes ces questions vous avez répondu : non. Je crois que si vous y pensez un peu sérieusement vous pouvez donner une réponse satisfaisante.


R. Bien la cause principale c’est que les gens étaient montés au sujet des exemptions et de la manière dont la police fédérale agissait.


Q. Et ces journaux là faisaient la sourde oreille à toutes leurs récriminations ?


R. Justement ― xxxxx surtout le Chronicle ― d’après le rapport qui avait été publié le lendemain de l’émeute, cela n’avait pas plu aux manifestants je suppose.


INTERROGÉ par le Major Barclay.


Q. Pourquoi avez-vous dit que vous ne le saviez pas tout à l’heure ?


R. Je ne savais pas la cause directement ― je le présume. Une chose certaine c’est qu’ils n’ont pas attaqué le Telegraph. Ils ont passé devant le Telegraph et ils n’ont pas attaqué le Telegraph.


INTERROGÉ par le Coroner.


Q. Vous avez dit tout à l’heure dans votre opinion, lundi soir, après les évènements de lundi soir, alors que M. Lavergne avait fait son assemblée et avait harangué la foule, que la foule s’était dispersée satisfaite ― vous avez cru, et cela sur l’avis de plusieurs citoyens éminents de Québec que si les troupes restaient en dehors qu’il n’y aurait pas de trouble parce que pour vous, dans votre opinion alors c’est que la cause des troubles xxxxx venait justement à cause de la présence des militaires étrangers dans Québec ?


R. Oui.


Q. C’était votre opinion ?


R. Oui. ― J’ai offert au général Landry d’aller rencontrer les manifestants et d’aller leur parler.


Q. Et c’est sur l’avis de plusieurs citoyens éminents de Québec que vous avez pensé vous-même que si les troupes ne sortaient pas ce soir là que M. Lavergne ferait son assemblée et que tout serait tranquille ?


R. C’était l’opinion de plusieurs hommes éminents de Québec.


Q. Et on a déclaré que vous n’aviez rien à voir là-dedans et que c’étaient eux-autres qui avaient la situation en mains ?


R. Oui c’est ça qu’on m’a répondu.


INTERROGÉ par le Major Barclay.


Q. Avez-vous reçu des opinions d’hommes éminents qu’il fallait déclarer la loi martiale ?


R. Non Monsieur.


Jamais ?


R. Non Monsieur.


Q. On ne vous a jamais dit ça ?


R. Non.


Q. Avez-vous reçu des opinions de personnes éminentes qu’il ne serait pas sage de faire retirer les troupes ?


R. Non.


Q. Vous n’avez rien entendu de personnes qui vous on dit que ça serait mieux de ne pas les faire retirer ?


R. Pas pour lundi soir. ― les opinions que j’ai eues, des citoyens, d’un grand nombre de citoyens c’est qu’il aurait été préférable que les troupes ne descendent pas ce soir là.


Q. Vous insistez toujours sur la distinction entre le lundi soir et les autres journées ?


R. Oui Monsieur.

INTERROGÉ par le Coroner.


Q. C’est lorsque vous avez eu le résultat de l’assemblée de M. Lavergne que vous avez eu cette opinion là ?


R. Oui Monsieur.


Et le témoin ne dit rien de plus.


Je soussigné sténographe assermenté
certifie que ce qui précède est la transcription
fidèle de mes notes sténographiques.
Alexandre Bélinge
  1. Titre ajouté par Wikisource pour fin de présentation.