Bakounine/Œuvres/TomeIII3

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Œuvres, Texte établi par James GuillaumeP.-V. Stock (Bibliothèque sociologique, N° 39)tome III (p. 3-5).

AVERTISSEMENT


Je place sous ce titre, L’Empire Knouto-Germanique et la Révolution sociale, seconde livraison, conformément aux intentions de l’auteur, le contenu des derniers feuillets (à partir de la ligne 27 du feuillet 138) du grand manuscrit de Bakounine (moins la note des feuillets 286-340, note qui a été publiée par Max Nettlau au tome Ier des Œuvres). Cette suite du manuscrit aurait dû être imprimée par mes soins dès l’été de 1871, et elle l’eût été si les ressources matérielles n’eussent manqué. Elle paraît enfin, au complet et en sa forme authentique, trente-six ans après le moment où l’auteur avait espéré qu’elle pourrait voir le jour.

En tête de cette partie du manuscrit, Bakounine a écrit, comme titre de chapitre, les mots : Sophismes historiques de l’École doctrinaire des communistes allemands. Mais ce titre ne répond pas au contenu de cette seconde livraison.

L’auteur commence (feuillets 139-142) par énoncer le principe « qui constitue le fondement essentiel du socialisme positif », à savoir que « les faits donnent naissance aux idées », et que « parmi tous les faits, les faits économiques constituent la base essentielle, le fondement principiel, duquel dérivent nécessairement tous les autres faits, intellectuels et moraux, politiques et sociaux » ; il rappelle que ce principe « a été pour la première fois scientifiquement formulé et développé par Karl Marx ». Bakounine donne naturellement lui-même son adhésion au matérialisme économique, en faisant toutefois une réserve : « Ce principe — dit-il — est profondément vrai lorsqu’on le considère sous son vrai jour, c’est-à-dire à un point de vue relatif ; mais lorsqu’on le pose d’une manière absolue, comme l’unique fondement de tous les autres principes, ainsi que le fait l’école des communistes allemands, il devient complètement faux ».

Là-dessus, au lieu d’aborder immédiatement le sujet annoncé, — l’exposé et la réfutation des « sophismes historiques » de l’école de Marx, — l’auteur constate, tout d’abord (feuillets 143-149), qu’en opposition directe au principe proclamé par les matérialistes on trouve celui des idéalistes de toutes les écoles : les idéalistes « prétendent que les idées dominent et produisent les faits ». Alors, au nom du matérialisme, Bakounine attaque la doctrine idéaliste : « Sans nul doute, les idéalistes ont tort, et seuls les matérialistes ont raison. Oui, les faits priment les idées ; oui, l’idéal, comme l’a dit Proudhon, n’est qu’une fleur dont les conditions matérielles d’existence constituent la racine ». Il consacre donc les feuillets 149-286, et la longue note inachevée des feuillets 286-340, à une réfutation préalable de l’idéalisme, sous ses diverses formes religieuses d’abord, puis sous la forme que lui a donnée au dix-neuvième siècle Victor Cousin : l’éclectisme. Chemin faisant, il se rappelle parfois que toute cette longue polémique contre l’idéalisme n’est qu’une introduction, et qu’il lui faudra traiter ensuite son véritable sujet : à deux reprises, aux feuillets 213 et 229, il mentionne de nouveau l’école des communistes allemands, l’école des « matérialistes doctrinaires, qui n’ont pas su se défaire de la religion de l’État », comme pour montrer qu’il n’a pas perdu de vue la promesse, faite au début, d’en combattre les « sophismes historiques ». Mais le manuscrit est resté inachevé, et s’interrompt avant que Bakounine ait pu seulement terminer sa réfutation de l’idéalisme.

J. G.