Bas les masques/Chapitre IV

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Imprimerie de « L’Événement » (p. 20-26).

IV

Cette mesure est tout à fait opportune

Les noms de Copin-Albancelli et Jean Bidegain resteront célèbres dans l’histoire de la guerre que l’on fait à la Franc-Maçonnerie. Ils ont eu des imitateurs en Canada. L’influence de ces révélations a été profonde. Une lumière plus abondante a été projetée sur la secte, ses membres et ses travaux. Aussi en ont-ils fait une grimace, puis une colère…

Ils ont protesté de toutes leurs forces, crié à la persécution, à la calomnie, ressassé les mensonges traditionnels, pour détourner les regards de leur piteuse détresse. Mais le public a pu constater à loisir combien ils étaient méprisables, et, qu’ils n’étaient en somme, ici comme partout, que d’insignes malfaiteurs.

Ces puissantes projections lumineuses nous ont permis de faire plusieurs découvertes fort intéressantes.

La première, mais non la moins curieuse, c’est le peu de valeur intellectuelle de l’ensemble. La masse se compose d’individus qui n’ont pas de haine bien spéciale, mais beaucoup d’ambition et de cupidité. Les vaniteux et les orgueilleux, les ratés et les naïfs, les badauds et les bonshommes fatigués de la vieille et austère morale de l’Église forment le plus grand nombre.

Ils sont la masse, masse inerte, qui serait parfaitement inoffensive si elle n’était conduite par un petit groupe animé d’une haine féroce, sans doute parce qu’ils ont vécu de la charité de l’Église, qui les a élevés gratuitement comme nous tous.

Ces quelques-uns sont doués d’une activité fébrile, on les trouve partout à la fois ; ils sont alliés aux pires sectaires de France et de Belgique, ils en ont l’audace et l’hypocrisie.

Ainsi ont-ils visé d’abord l’école. C’est un point capital. — Depuis longtemps déjà on conspire contre l’école dans la Province de Québec. — Ils avaient réussi à glisser des adeptes dans quelques-unes de nos écoles. Oh ! nous ne prétendons pas qu’ils y ont fait beaucoup de mal, ils n’en ont pas eu le temps, mais ils s’y étaient installés, et peu à peu les positions se prenaient.

L’un des plus combatifs parmi nos maçons canadiens n’a-t-il pas essayé de forcer la porte du Conseil de l’Instruction Publique ? Il s’est heurté un peu plus tard à la porte d’un autre Conseil. Mais, on sait avec quel insuccès.

La campagne scolaire anticatholique est menée par les mêmes hommes dans une certaine presse à leur merci. Que de sophismes et d’idées fausses ont été répandues dans l’esprit de nos populations depuis quelques années !

Nous avons encore constaté, grâce toujours à l’abondance de cette lumière nouvelle, que la police était l’objet de leurs prédilections. C’était bien trouvé. Quel splendide poste d’observation !

Qui ne sait que la police voit tout et entend tout ? Il y a beaucoup à voir et à entendre, le soir, la nuit, dans les affaires ténébreuses, comme dans celles qui se passent en plein jour, et sur lesquelles il faut jeter un voile épais et faire silence.

La police connaît tout le monde, et bien peu voudraient être connus du public comme la police les connaît.

Voilà qui est précieux pour la secte. On pourra facilement organiser un petit système de fiches très utile, pour se renseigner sur tel ou tel individu… si on voulait lui faire un petit scandale… et tel autre qui passe pour un fort et un brave, qui n’est qu’un poltron ou un saltimbanque…

Enfin, ils sont innombrables les services que la police peut rendre à ces messieurs.

Leur activité s’est portée partout, dans tous les coins et recoins de la vie municipale de la métropole, mais, n’insistons pas davantage aujourd’hui.

Ils sèment aussi leur prose maçonnique, ou à esprit maçonnique, dans les journaux ; ils fondent des cercles soi-disant neutres, comme l’Alpha et Omega ; ils organisent des funérailles scandaleuses, où ils essaient de compromettre de respectables citoyens. Ils s’agitent autour des sociétés ouvrières, etc. etc.

Ce sont là quelques-uns des traits de cette activité dévorante et méchante que certaines révélations ont surtout mis en lumière.

Non seulement nous connaissons maintenant leurs projets, mais même le terrain sur lequel ils manœuvraient de préférence et avec un certain succès. Il nous est loisible de les y rencontrer, car nous y avons accès, nous aussi : c’est le terrain électoral.

Grosse question, me direz-vous. C’est vrai, mais à quoi serviraient toutes ces dénonciations si elles devaient dormir sous la poussière des archives ? Non, elle n’y resteront pas, car elles serviront à dresser la liste noire de nos ennemis, elle servira à les montrer du doigt, afin que les électeurs les connaissant bien par leur nom, puissent les éliminer de l’administration des affaires publiques.

C’est par l’élection qu’ils ont voulu se hisser au pouvoir, soit en se présentant eux-mêmes, soit en y poussant leurs amis. N’ont-ils pas essayé de se faire des protecteurs dans le monde politique au moyen de promesses, de compromis et de bons offices réciproques ?

C’est bien dans les mœurs maçonniques : « Les Loges, sont des comités démocratiques permanents, et c’est à elles qu’il appartient principalement dans les départements menacés par l’influence territoriale ou personnelle des candidats cléricaux ou monarchistes, de donner au suffrage universel, l’impulsion, la discipline et l’organisation qui lui sont indispensables pour faire sortir de l’urne, une chambre républicaine, radicale, progressive et anti-cléricale ».[1]

Il importe donc de manœuvrer hardiment sur le terrain électoral. Alors dans aucune élection ne votez pour un franc-maçon notoire, et pas davantage pour ses amis et ceux qui le soutiennent.

N’oublions pas qu’ils ont failli, un jour, imposer leur volonté, ou à peu près, dans Montréal. Ces temps-là ne doivent pas, ne peuvent pas revenir.

Nous ajouterons : faisons bonne garde autour de nos sociétés de bienfaisance et même nos sociétés en général ? Elles sont nombreuses et florissantes. Qu’on ne laisse pas introduire dans leur sein, des hommes qui ne seront jamais des éléments d’ordre, d’union et de prospérité. Ils paraissent inoffensifs de prime-abord, mais ils resteront toujours les instruments de la Franc-Maçonnerie, elle leur dictera ses volontés, et ils feront son œuvre. Ne les laissez pas entrer, opposez-leur votre boule noire, si jamais on les présente. Jamais non plus, ne leur donnez votre voix dans l’élection de vos officiers.

Les règlements de la plupart de nos sociétés exigent de leurs membres la pratique des devoirs religieux. Les F∴-M∴ ne sont pas en état de les faire, à moins qu’ils n’agissent en fourbes et en hypocrites. Vraiment, vous n’avez aucun intérêt à vous entourer de menteurs de cette espèce.

On voit déjà de quelle utilité seront ces listes noires que nous pourrons préparer, grâce aux révélations qui nous seront faites.

Il est temps d’agir, maintenant que notre peuple est encore chrétien. Bien sûr qu’il ne veut pas de cette engeance dans les affaires publiques. Il n’en veut pas davantage dans nos institutions ni dans nos sociétés de bienfaisance.

Il ne faut pas lui permettre de s’endormir comme le peuple français. Il est plus facile d’arrêter le semeur d’ivraie sur le bord du champ que de réparer les dégâts une fois qu’il a répandu la mauvaise semence.


  1. Le monde maçonnique, cité par les Annales Catholiques, 7 mai 1885.