Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BELDERBUSCH, Charles-Léopold VON HEYDEN, comte DE

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BELDERBUSCH, Charles-Léopold VON HEYDEN, comte DE



BELDERBUSCH (Charles-Léopold VON HEYDEN, comte DE), écrivain et homme d’État, naquit en 1749, au château de Terworm, près de Meersen, dans le Limbourg néerlandais. Appartenant à une ancienne et noble famille du pays de Cologne, il fit ses études en cette ville, où l’un de ses oncles occupait le poste élevé de grand-maître héréditaire de la cour électorale. Entré lui-même dans la carrière des emplois publics, il devint, en 1785, l’agent du prince-électeur Maximilien-François à la cour de Louis XVI. Jeune, spirituel, maître d’une fortune immense, prodigue dans ses encouragements aux arts et aux lettres, il ne tarda pas à se faire remarquer à Versailles et, plus encore, dans les salons et les cercles où la noblesse française, insouciante et dissipée, se livrait à tous les plaisirs, sans se douter que bientôt, dépouillée de ses honneurs et de ses richesses, elle aurait à opter entre l’échafaud et l’exil. Belderbusch, dont les fonctions diplomatiques n’exigeaient guère beaucoup de temps et d’efforts, prit largement sa part de cette insouciance et de ces plaisirs, jusqu’au jour où la prise de la Bastille et l’humiliation de la première des familles royales vinrent lui prouver qu’on se trouvait au début d’une ère pleine de catastrophes. Il quitta Paris avec de vifs regrets, lorsque l’Assemblée législative, jetant le gant à l’Europe monarchique, osa, le 20 avril 1792, déclarer la guerre à l’empereur d’Allemagne. Depuis cette époque, jusqu’à l’établissement du Consulat, il résida tour à tour au château de Terworm, à Cologne et en Suisse. Devenu Français par l’annexion de la Belgique et des provinces rhénanes, il retourna à Paris, aussitôt qu’il vit le premier Consul fermement décidé à mettre un terme au désordre. Le 23 germinal an X, grâce aux recommandations de quelques personnages influents, qu’il avait connus dans les dernières années du règne de Louis XVI, il fut nommé préfet du département de l’Oise. Dans ce nouveau poste, Belderbusch manifesta des qualités réellement éminentes. « Il déploya dans ces nouvelles fonctions, dit Michaud, tout ce que peut inspirer la philanthropie la plus éclairée. La mendicité extirpée, des comités de bienfaisance qui distribuèrent partout des secours, plus de vingt villages reconstruits après de funestes incendies, une nouvelle route de Calais, plus courte et plus sûre, tels furent les monuments de son administrations[1]. » L’éloge est mérité, mais incomplet. Il faut y ajouter que le préfet de l’Oise se voua, avec autant de zèle que de succès, à la diffusion de l’enseignement public, et que ce fut notamment pour atteindre ce noble but qu’il accorda une protection ouverte et constante aux anciens religieux qui se consacraient à l’éducation de la jeunesse. Il faut y ajouter encore qu’il fit les efforts les plus énergiques et même des sacrifices pécuniaires cousidérables, pour obtenir des populations rurales l’abandon des procédés incroyablement arriérés qu’elles suivaient dans la culture de leurs terres et dans l’élève de leur bétail.

Ce dévouement éclairé ne pouvait rester sans récompense. Déjà, au commencement de l’an XII, il fut présenté comme candidat au Sénat par le corps électoral de son département ; mais, malgré l’appui du ministre de l’intérieur, il ne fut pas nommé. En 1809, il fut de nouveau présenté par le corps électoral du département de la Roër (Aix-la-Chapelle). Enfin, par un décret du 8 février 1810, Napoléon le nomma sénateur et comte de l’empire[2].

Au mois d’avril 1814, Belderbusch eut le tort d’oublier cette bienveillance de l’empereur, en présence des baïonnettes étrangères. Cédant aux instances du prince de Talleyrand, il donna son adhésion à l’acte de déchéance, dont un autre de ses compatriotes, l’ancien professeur de Louvain Lambrechts, portait depuis plusieurs mois les « considérants » dans sa poche.

Cet acte de complaisance lui valut de la part de Louis XVIII des lettres de grande naturalisation ; mais il ne fut pas, comme plusieurs de ses collègues, appelé à prendre place dans la Chambre des pairs[3]. À partir de 1815, rentré dans la vie privée, il passait l’été au château de Terworm et l’hiver à Paris, consacrant, comme par le passé, une partie de ses richesses à des actes de bienfaisance et à l’encouragement des arts et des lettres.

Cependant cet administrateur éclairé, ce philanthrope sincère, cet amateur passionné de la belle et saine littérature, avait un défaut dont il ne sut jamais se corriger. La moindre contrariété le jetait dans des accès de colère, pour ne pas dire de fureur, dont il se repentait aussitôt, mais qui lui firent plus d’une fois commettre des actes très-regrettables. Nous en citerons un exemple. En 1825, se rendant de Maestricht à Meersen, il donna de vigoureux soufflets à un postillon qui lui avait réclamé quelques centimes de plus que la somme fixée par le tarif officiel de la poste ; puis, ses bons sentiments reprenant aussitôt le dessus, il remit à ce malheureux une pièce de vingt francs, en disant : « Maintenant que je vous ai puni, je ne vous en veux plus. — C’est bien, répondit le postillon, revenu de son étourdissement ; j’allais vous punir à mon tour, mais la pièce d’or me désarme. »

Le comte de Belderbusch mourut à Paris, le 23 janvier 1826, laissant à des collatéraux éloignés une fortune immobilière de près de deux millions de francs. Il a publié, sous le voile de l’anonyme, cinq écrits politiques, devenus aujourd’hui à peu près introuvables : 1° Sur les affaires du temps. Cologne, 1795, in-8o. — 2° Modifications du statu quo. Ibid., 1795, in-8o. — 3° La paix du continent comme acheminement à la paix générale, seul moyen de conserver l’équilibre en Europe. Lausanne, 1797, in-8o. — 4° Lettres sur la paix. Lausanne, 1797, in-8o. — 5° Le cri public, publié en 1814, sans indication de date ni de lieu.

Dans une notice écrite pour la Biographie universelle de Michaud, M. Weiss se trompe en faisant de l’historien Claude Beaulieu le secrétaire du comte de Belderbusch[4]. Beaulieu fut, en effet, appelé à Beauvais pour rédiger le journal de la préfecture ; mais le secrétaire du préfet était un de nos compatriotes, M. Cudell, devenu plus tard juge de paix à Hasselt, et cet homme modeste, dont nous avons pu apprécier les vastes connaissances, contribua largement à toutes les mesures qui valurent au comte de Belderbusch les éloges de l’empereur et la reconnaissance de ses administrés.

J.-J. Thonissen

Renseignements particuliers. — Moniteur universel. — Biographie universelle de Michaud.


  1. T. LVII de la première édition.
  2. Dans son Histoire chronologique du Consulat et de l’Empire, p. 870 (en note), M. Ad. Wouters se trompe en plaçant le comte de Belderbusch parmi les sénateurs nommés en 1813.
  3. Les lettres de grande naturalisation accordées au comte de Belderbusch furent transcrites sur les registres de la Chambre des députés, le 29 décembre 1814.
  4. T. LVII, p. 397, première édition.