Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BELLIARD, Augustin-Daniel, comte

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BELLIARD, Augustin-Daniel, comte



*BELLIARD (Augustin-Daniel, comte), lieutenant général français, ministre de France à Bruxelles. C’est à ce titre que ce diplomate doit figurer dans la biographie nationale.

Le comte Belliard naquit à Fontenay-le-Comte (Vendée), le 25 mai 1769 et mourut à Bruxelles, le 28 janvier 1832. Il débuta, lors des premiers troubles de la Vendée dans la carrière militaire qu’il devait parcourir avec tant d’éclat. Il avait été élu chef d’une compagnie de volontaires, mais il déclina cet honneur et voulut combattre d’abord en simple soldat. Envoyé à l’armée du Nord, il fut remarqué de suite par le général Dumouriez qui l’attacha à son état-major. Il se distingua aux affaires de Grand-Pré et de Valmy, à la bataille de Jemmape ainsi qu’à celle de Nerwinden. Arrivé au grade d’adjudant-général il fut disgracié peu de temps après et s’enrôla comme simple soldat dans un régiment de cavalerie ; mais il fut bientôt réintégré dans son ancien grade et alla, avec le général Hoche, aider à la pacification de la Vendée. En 1796, il fut employé à l’armée d’Italie sous le général Bonaparte et se distingua au siége de Mautoue par son activité infatigable et un courage supérieur à tous les périls. Il contribua puissamment au gain de la bataille de Castiglione par une habile manœuvre qu’il exécuta avec la division Serrurier dont il avait le commandement provisoire. A Caldiero, à Arcole, il se couvrit de gloire et reçut le grade de général et le commandement d’une brigade à la tête de laquelle il rendit les plus brillants services dans le Tyrol. Sa valeur et son caractère avaient fixé l’attention du général Bonaparte qui le désigna pour l’accompagner en Égypte. La journée des Pyramides, celle d’Héliopolis et tous ces grands combats qui illustrèrent cette immortelle campagne, fournirent au général Belliard des occasions de déployer ses talents militaires et son rare courage. Rentré en France, il reçut, en 1802, le commandement de la vingt-quatrième division militaire qui comprenait la Belgique et pendant deux ans qu’il résida à Bruxelles, il ne cessa de se concilier l’estime et la reconnaissance des populations.

En 1805, il fut appelé au poste de chef d’état-major du corps de cavalerie commandé par le prince Murat. Il fit la campagne d’Autriche, assista à la bataille d’Austerlitz et mérita par sa conduite d’être nommé grand-officier de la légion d’honneur. Il prit part aux campagnes de 1806 et de 1807 et combattit à léna, à Eylau, à Friedland. En 1808, il passa en Espagne, contribua à la reddition de Madrid et reçut le gouvernement de cette capitale. Il exerça ces fonctions dans les circonstances les plus difficiles, avec la douceur et la bienveillance qui distinguaient son caractère ; aussi son nom est-il resté honoré en Espagne. En 1812, il fit partie de l’expédition de Russie, en qualité d’aide-major général de cavalerie de la grande armée ; il se distingua à Kukoviacki, à Witepsk, à Smolensk, à Dorogoboutsch, à la Moskowa, à Mojaisk. Après cette campagne désastreuse, il fut nommé colonel-général des cuirassiers et réorganisa, en Prusse, toute la cavalerie française. A la bataille de Dresde, en 1813, il fit des prodiges de valeur, ainsi que pendant la campagne de France. Après la bataille de Craoune, il reçut le commandement de toute la cavalerie de l’armée et de la garde. Après l’abdication de Napoléon, le comte Belliard se trouva d’abord enveloppé dans la disgrâce qui frappa un grand nombre de généraux de l’empire, mais en 1819, une ordonnance de Louis XVIII le réintégra à la chambre des pairs où il siégea avec honneur jusqu’en 1830. Après les journées de Juillet, il fut chargé d’aller à Vienne notifier l’avénement au trône de la branche des d’Orléans. A peine avait-il rempli cette mission qu’il reçut l’ordre de se rendre à Bruxelles comme ambassadeur du roi Louis-Philippe.

La Belgique venait de rompre violemment le pacte qui l’avait unie à la Hollande depuis 1815 ; tourmentée par le froissement des factions et des systèmes rivaux, en proie à tous les dangers de l’incertitude et de l’intrigue, elle ne parvenait pas à constituer un gouvernement régulier et elle avait élu un régent (24 février 1831), ce qui n’avait empêché ni les conspirations de Grégoire et de Vandersmissen en faveur du prince d’Orange, ni les efforts des républicains ; elle avait repoussé les propositions de sa future indépendance, protesté contre les résolutions de la conférence de Londres des 20 et 27 janvier ; enfin elle avait renié pour ainsi dire le principe de l’indépendance nationale en offrant le trône à un prince français.

Ce fut dans ces circonstances critiques que le général comte Belliard fut accrédité à Bruxelles ; sa mission avait pour but de maintenir la paix si essentielle dans l’intérêt du nouvel État comme dans l’intérêt de l’Europe ; de convaincre le gouvernement que l’admission de la Belgique dans la grande famille des États européens, si elle lui créait des droits dont elle pouvait, à juste titre, se montrer jalouse, lui avait imposé, en même temps, des obligations qu’elle ne pouvait méconnaître sans injustice ni sans danger. Le nouveau ministre du gouvernement français devait surtout s’efforcer d’obtenir la levée du blocus de Maestricht ; il devait aussi amener le gouvernement du régent à adhérer aux dispositions du protocole du 20 janvier, qui assurait à la Belgique son indépendance, sa séparation définitive de la Hollande et l’exclusion de la maison de Nassau. Il lui était recommandé d’ailleurs de s’abstenir de toute intervention dans le choix d’un candidat à la royauté.

Les conseils pleins de sagesse, de prudence et de loyauté du comte Belliard parvinrent non sans peine à ramener vers des idées d’ordre et de paix les hommes qui étaient à la tête du mouvement et que de nombreux mécomptes avaient naturellement rendus irritables et soupçonneux ; il réussit, au milieu de tant d’écueils, de complications et de difficultés de toute espèce, à préserver l’État naissant de cet esprit de guerre et d’anarchie toujours prêt à compromettre sa cause. Il eut à lutter également contre les menées de l’Angleterre dont le représentant, lord Ponsomby, par ses manœuvres et ses intrigues, entretenait un état d’irritation et de violence qui eût pu devenir pour la Belgique une cause infaillible de désastre et de ruine. Enfin l’arrivée à Bruxelles du comte Belliard ramena bientôt la confiance ; ses paroles, qui devaient leur puissance à la droiture de son caractère et à la loyauté de ses intentions, exercèrent la plus salutaire influence ; elles ne parvinrent pas cependant à convaincre les Belges de la nécessité de s’organiser en forces régulières. Éblouis par les succès faciles qu’ils avaient obtenus sur les Hollandais, ils se figuraient que le patriotisme suffisait pour vaincre une armée en campagne. Ils furent cruellement désillusionnées à cet égard, lorsqu’au mois d’août 1831, les Hollandais envahirent brusquement la Belgique. Dans cette circonstance, comme toujours, le comte Belliard ne perdit pas un instant pour sauver la nationalité belge. Sur la demande du roi Léopold, il appela l’armée française et courut à Louvain, au quartier général du prince d’Orange, arrêter la marche de l’ennemi. Dans les négociations qui suivirent cet événement, le comte Belliard redoubla d’activité pour combattre les sérieuses difficultés que les intrigues de la diplomatie ne cessaient de faire renaître. Mais tant de travaux avaient profondément altéré sa santé ; le 28 janvier 1832, en sortant du palais du roi, il fut frappé d’une attaque d’apoplexie foudroyante. La Belgique, pour reconnaître les services éminents qu’elle devait au ministre français qui avait si puissamment contribué à fonder son indépendance, lui éleva une statue, dans le quartier du Parc, à Bruxelles.

Général Guillaume.

Mémoires du comte Belliard. — Correspondance officielle du comte Sébastiani. — Journaux du temps.