Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BEUDIN, Corneille

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BEUDIN (Corneille) ou GODINEZ[1], missionnaire, né à Gravelines (ancienne Flandre), martyrisé dans la Nouvelle-Biscaye, le 4 juin 1650. Beudin manifesta dès sa jeunesse une piété ardente. A peine avait-il achevé ses humanités à Berghes-Saint-Winoc, qu’il demanda à être admis dans la Compagnie de Jésus, principalement dans l’espoir de remplir des missions lointaines, et qu’il entra dans le noviciat de Malines où il y fut chargé de donner l’instruction élémentaire aux enfants qui se destinaient aux études latines. En 1635, il prononça ses vœux et alla étudier la théologie à Louvain. Il revint peu de temps après à Malines pour y enseigner les humanités et s’y signala surtout par son habileté à diriger la musique de l’église conventuelle. Il obtint enfin la faveur de faire partie d’une mission de quinze religieux que les jésuites envoyaient dans les Indes occidentales. Beudin alla faire ses adieux au collége de Berghes où il avait passé sa première jeunesse, puis s’embarqua à Ostende avec ses compagnons de voyage pour l’Espagne. Il partit de Cadix pour les Indes le 12 juillet 1647. Pendant la traversée, il utilisa son talent de musicien en charmant les ennuis d’une longue navigation par les accords de son violon et de sa belle voix. Après un repos de quelques semaines, son navire reprit la mer, relâcha aux îles Fortunées, doubla le Cap-Vert et parvint dans le port de Vera-Cruz à la fin de septembre. De là les missionnaires se dirigèrent sur Mexico avec l’intention d’y séjourner quelque temps chez les jésuites établis en cette ville. Mais, Beudin impatient de se livrera ses travaux apostoliques, demanda et obtint d’être envoyé dans une partie éloignée du pays pour y aider le père Maes, Flamand comme lui, à catéchiser d’assez nombreux néophytes, nouvellement convertis. Il aspirait cependant à une plus haute destinée : il ambitionnait la couronne du martyr. Cédant à ses instances, ses chefs lui ordonnèrent d’aller prêcher la foi dans une contrée où aucune tentative de ce genre n’avait encore été essayée. Le pays des Taraumares, peuplade cruelle et barbare, aujourd’hui la Nouvelle-Biscaye (Nova-Cantabria), lui fut assigné. Il débuta avec bonheur dans ce poste dangereux, et après trois mois de séjour, il avait si bien appris la langue de ces sauvages qu’il en put formuler une grammaire avec les dessins des caractères qu’ils employaient. Afin que ce travail pût servir à ses successeurs, il en envoya une copie accompagnée d’un vocabulaire à la bibliothèque des religieux à Mexico. Au moyen de ce formulaire, Beudin commença à expliquer l’Évangile aux Taraumares, tout en les initiant en même temps aux cérémonies du culte. Sa propagande s’exerçait dans tous les rangs de cette population inculte ; il parcourait leurs différentes tribus, s’introduisait familièrement dans leurs habitations, usant de tous les moyens de persuasion, apprenait aux jeunes filles et aux enfants à réciter des chants sacrés, qu’il accompagnait en jouant du violon. Ainsi la musique, dans laquelle il excellait, ne resta pas étrangère à ses succès apostoliques. Tout à coup, par un revirement subit et prétendant avoir à se plaindre de la domination espagnole, ces sauvages renoncèrent à l’instruction de leur pasteur, se retirèrent de l’endroit où il avait planté la croix, firent alliance avec d’autres tribus, se précipitèrent sur les Espagnols établis dans les environs et en massacrèrent un grand nombre. Beudin crut à une révolte momentanée et chercha à préserver de la contagion le petit groupe de Taraumares qui lui étaient restés fidèles. On l’engagea à abandonner la dangereuse station où il s’était retiré, le gouverneur de la ville la plus voisine lui offrit même une escorte pour le ramener ; mais craignant que les brebis qu’il avait gagnées ne vinssent à se disperser, s’il les quittait, le courageux missionnaire voulut, comme un vaillant soldat, rester à son poste. Il paraissait même sans crainte pour sa propre personne, lorsque pendant la nuit du 4 juin 1650, les sauvages se jettent sur la hutte où il se trouvait avec quelques nouveaux convertis, l’entourent et y mettent le feu. Menacé par les flammes, il se précipite au dehors avec ses compagnons. Mais il est aussitôt saisi par ses assassins ; on lui attache une corde autour du cou, on le traîne jusqu’au devant de la croix qu’il a plantée, et on le massacre impitoyablement en le frappant à coups de pieux et en le perçant de flèches.

La fin tragique de Corneille Beudin, ainsi que l’histoire de sa mission, font l’objet d’un écrit fort curieux, intitulé : Relatio triplex de rebus Indicis ; Antverpiæ, J. Meursius, 1664, in-18 ; et en tête de laquelle se trouve son portrait.

Ce missionnaire nous a laissé une lettre datée de Cadix, du 2 mai 1647, publiée dans l’opuscule qui porte pour titre : Philippe Nutius à la cour de Suède. Bruxelles, 1858, in-8o.

Bon de Saint-Genois.

De Backer, Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus, VI, 44. — Destombe, Vie des Saints, etc., des diocèses de Cambrai et d’Arras, IV, 328.


  1. Nom d’emprunt qu’il prit dans les Indes.