Biographie nationale de Belgique/Tome 3/BROUCHOVEN, Jean DE

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BROUCHOVEN (Jean DE), comte de Bergeyck, baron de Leefdael, homme d’État, était fils de Jean-Baptiste et de Hélène Forment. Il vit le jour à Anvers, le 9 octobre 1644, fut nommé conseiller et commis des domaines et finances(1668) et trésorier général (1688). Pendant son administration, il prit une part très-active aux efforts que fit à cette époque le gouvernement dans le but de relever le commerce du pays. Les conférences qui eurent lieu à cet effet en la ville de Bruxelles, pendant l’année 1699, furent souvent tenues chez lui; mais il réclama à tort l’exécution de plusieurs mesures qui froissaient quelques intérêts privés. Ses ennemis, et ils étaient puissants et nombreux, s’en prévalurent et le tracassèrent à tel point, qu’il se retira complètement des affaires. Malgré la démission qu’il avait donnée de ses fonctions, le gouvernement ne le consulta pas moins lorsqu’il s’agissait d’affaires importantes. A la mort de Charles II, roi d’Espagne, les Pays-Bas catholiques passèrent à Philippe V, petit-fils de Louis XIV, qui envoya à Bruxelles des ministres chargés de diriger l’administration du pays. Le maréchal De Boufflers, De Puységur et De Bagnols y trouvèrent dans De Brouchoven un homme dévoué au nouveau souverain, un fonctionnaire parfaitement au courant des affaires et dont les principes s’accordaient entièrement avec les idées françaises de centralisation. Dans un mémoire que les commissaires adressèrent au marquis de Torcy, ils déclarèrent que De Brouchoven était actif, vif, pénétrant, connaissant parfaitement la situation de chaque province et de chaque ville, et le parti que l’on pourait en tirer. De leur aveu, il exerçait sur les chefs des États et des villes une grande influence et jouissait auprès de tout le monde de la réputation d’un homme juste, équitable et bienveillant. Le marquis de Bedmar et le duc de Saint-Simon en font un portrait non moins favorable que celui des ministres français, mais à leur point de vue bien entendu. D’après le secrétaire Richard, le comte de Bergeyck évitait tout ce qui aurait pu déplaire aux ministres de France; aussi, trouvant en lui un instrument docile, ils lui donnaient tout crédit et toute autorité. Doué d’un pareil caractère et de dispositions semblables, le comte ne put manquer de faire facilement, son chemin. En 1702, le roi le nomma surintendant général des finances et de la guerre dans les Pays-Bas. Cette confiance se justifiait par les connaissances que De Bergeyck avait en fait de finances, et par les services qu’il avait rendus, en 1685, lorsqu’il dirigeait le recrutement de l’armée. Elle centralisait en sa personne pour ainsi dire tous les pouvoirs, et comme le disait le comte de Kinigsegg, il avait une autorité despotique et des troupes françaises à sa disposition. En qualité de surintendant, il prit une part bien large aux réformes que la France voulait introduire dans le gouvernement des Pays-Bas espagnols. Par un diplôme daté du 2 juin 1702, Philippe V centralisa toute l’administration, substitua, un conseil unique aux trois conseils collatéraux, et introduisit dans la direction des affaires un changement complet et radical, un système tout à fait français. Le maréchal de Boufflers et le marquis de Bedmar avaient même confié à De Bergeyck l’organisation du projet de réforme. Il ne demandait pas mieux. Depuis longtemps il voulait faire table rase des vieilles institutions de nos provinces, les anéantir complètement et réglementer tout au profit de l’administration centrale; et lorsque les députés des états venaient réclamer la mise à exécution de leurs priviléges, il tournait leurs plaintes en ridicule. Si ces changements avaient le privilége de plaire aux partisans de la France, ils répugnaient profondément à la généralité des habitants des Pays-Bas, toujours attachés à leurs anciennes institutions. Lorsque, pendant la guerre de la succession, les armées des alliés s’avancèrent dans nos provinces, elles y furent accueillies, non comme conquérantes, mais plutôt en libératrices. Les masses désiraient la chute de la domination que les Français exerçaient dans les Pays-Bas au nom de l’Espagne. Tout le monde la demandait; chacun la présageait. Enfin, la bataille de Ramillies décida la question. Battus de toutes parts, les Français opérèrent leur retraite et le gouvernement établi au nom de Philippe V fut obligé de quitter Bruxelles le 26 mai 1706. En vain, les vaincus voulurent-ils, en 1708, soulever la Flandre contre les impériaux par les intelligences que le comte de Bergeyck entretint avec les villes de Gand et de Bruges; ils eurent beau reprendre momentanément ces deux cités, rien n’arrêta leurs revers. A la prise de la ville de Mons par les alliés (1709), De Brouchoven fut retenu en qualité d’ôtage, afin de le forcer à payer les dettes qu’il avait contractées en son nom et celui de l’électeur de Bavière. Lorsqu’il fut relâché, il rejoignit Philippe V en Espagne. Tant de revers forcèrent enfin la France à songer à la paix. Dans ce but, Philippe V chargea De Brouchoven (1711) de traiter avec les puissances coalisées, en qualité d’ambassadeur extraordinaire et ministre plénipotentiaire du roi d’Espagne. Lorsque les ministres des parties belligérantes se réunirent, en 1712, à Utrecht, dans le but d’y signer la paix, De Bergeyck n’y parut point. Son étoile commençait à pâlir, même en Espagne, et il fut remplacé à Utrecht par des nobles espagnols. Malgré la paix et la soumission complète des Pays-Bas à Charles VI, De Brouchoven ne retourna dans sa partie qu’en 1714, après avoir perdu, par les intrigues de la princesse des Ursins, toute influence sur Philippe V. Complètement retiré des affaires publiques, il vécut isolé dans ses terres, testa à Malines le 2 août 1724, et mourut le 21 mai de l’année suivante. Son corps fut enterré à Leefdael, dont il avait été créé baron par lettres du 15 juin 1679. Il avait épousé en premières noces Anne-Françoise Helman, fille unique de Philippe, baron de Leefdael, et en secondes noces, par contrat du 3 mars 1685, Livine-Marie de Beer, fille du baron de Meulebeke. Du premier mariage, il eut fille, et du second, deux fils et deux filles.

Ch. Piot.

Wauters, Histoire des environs de Bruxelles. — Suite du supplément au Nobilitaire des Pays-Bas. — Gachard, Une visite aux Archives et à la Bibliothèque de Munich. — Saint-Simon, Mémoires. — Gachard, Documents inédits. — Actes et mémoires touchant la paix d’Utrecht. — Butkens, Trophées de Brabant.