Biographie nationale de Belgique/Tome 3/BRUXELLES, Philibert DE

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BRUXELLES, Philibert DE



BRUXELLES (Philibert DE), dit PHILIBERTUS BRUSSELIUS, DE BRUXELLA ou VAN BRUSSEL, chevalier, seigneur de Heysbroeck, Grandreng, etc., jurisconsulte, conseiller de Charles-Quint et de Philippe II, naquit à Malines vers 1518, de Raoul de Bruxelles et de Marguerite Vandernoot, et mourut à Anvers le 21 octobre 1570. Il s’appliqua à l’étude du droit à l’Université de Louvain, à l’exemple de son père qui devint conseiller au grand conseil de Malines le 18 avril 1518 et qui lui résigna sa place, du consentement de Sa Majesté, le 25 septembre 1539. Le 1er mai 1543, il y remplaça Pierre de Breul en qualité de conseiller et d’avocat fiscal. Ses profondes connaissances, son talent oratoire, son zèle religieux et ses manières distinguées le firent apprécier par Charles-Quint qui le nomma, en 1549, conseiller ordinaire du conseil privé et commis aux causes fiscales. Le 17 avril 1552, l’empereur le chargea de remettre à Hermès de Winghe le procès-verbal des Chartres de Rupelmonde que Viglius, l’ancien garde, avait dressé. Il paraît même avoir fait une étude spéciale de cette partie à en juger par la place de garde des chartres du conseil d’Artois qui lui fut conférée plus tard.

En 1555 la carrière politique s’ouvrit pour Brusselius. Le 25 octobre de cette année, les états généraux furent assemblés à Bruxelles pour recevoir communication de l’abdication de Charles Quint. L’empereur jugeait sans doute Brusselius le plus apte à expliquer sa politique, ses dernières volontés, ses espérances, ainsi que les motifs qui le déterminaient à remettre au roi Philippe, son fils, la souveraineté des Pays-Bas. Jamais réunion plus solennelle n’eut lieu : elle comptait plus de trois cents députés envoyés par les états des dix-sept provinces des Pays-Bas (à l’exception de l’Over-Yssel, de Drenthe et de Lingen); l’éclat de l’assemblée était rehaussé par la présence des chevaliers de la Toison d’Or, des membres des conseils collatéraux et des principaux seigneurs du pays, et c’est à Brusselius, un des plus jeunes conseillers du conseil privé, que fut réservé l’honneur d’être l’organe du souverain le plus puissant de cette époque! A en juger par la version de Strada, la harangue prononcée donnerait une médiocre idée de l’éloquence de l’orateur. Cet historien fait remarquer que Charles-Quint, voyant que Brusselius s’échauffait en parlant, voulut qu’il se couvrit, ce qu’il le lui fit dire jusqu’à trois fois. Mais le texte du discours ayant été retrouvé, presque entier, dans ce dernier temps, nous l’estimons comme un bon morceau littéraire, eu égard au goût du temps. Il est certes supérieur à la réponse faite au nom des États par Jacques Maes, le pensionnaire d’Anvers. Ce qui prouve d’ailleurs, que ce début de l’orateur fut considéré comme très-heureux, c’est que depuis lors il devint l’organe habituel du gouvernement. Ainsi dans l’assemblée des États généraux tenue à Bruxelles le 12 mars 1556, il défendit le projet pour la levée du centième denier de la valeur des biens immeubles et du cinquantième denier de la valeur des biens meubles. Ainsi encore il fut chargé de demander les moyens pour défendre le territoire et de signaler les sacrifices faits par les autres États, quand la trêve de Vaucelles ayant été rompue par les Français, Philippe II réunit les mandataires des provinces à Valenciennes, le 3 août 1557.

La politique ne le détourna pas de ses études de droit : il acheva en 1558 son ouvrage sur les Conditions qu’il avait commencé à Malines. C’est le premier traité spécial sur cette matière, qu’il a tiré de la confusion dans laquelle les auteurs l’avaient laissée; les questions les plus difficiles des contrats et des testaments y sont expliquées d’une manière lucide et le livre, réimprimé en 1659 et 1700, a établi sa réputation de bon jurisconsulte. A partir de l’année 1560 jusqu’à sa mort, Brusselius prit une part plus large encore au gouvernement de son pays. Il assista régulièrement aux séances très-longues, très-laborieuses que le conseil d’État tint pendant cette époque si mémorable, si orageuse, du XVIe siècle, et ce avec les premiers personnages de l’État et très-souvent sous la présidence des gouverneurs généraux. Lui et Christophe d’Assonleville (voir ce nom) exercèrent alors une grande influence dans les conseils des gouvernements; tous les deux jurisconsultes très-instruits, ils rédigèrent à peu près tous les rapports, toutes les dépêches, lettres et proclamations qui émanèrent du pouvoir. Le secrétaire Berty constate son appel au conseil d’État à partir du 8 mars 1560 (n. s.) en indiquant les travaux dont on l’a chargé. Aussi, dès le 19 avril 1562, fut-il au nombre des candidats proposés pour la place de trésorier de la Toison d’Or; mais Charles Tisnacq l’emporta sur lui. Sa personne et se plume paraissent dans toutes les phases de la fameuse question du Compromis des nobles. C’est lui qui rédigea et fit adopter la réponse de Marguerite à la première requête des confédérés, 6 avril 1565. Il était d’avis qu’on exécutât avec modération les placards sur l’hérésie (séance du 6 avril 1565); que l’autorité du roi ne devrait pas être soumise au consentement des états; que le conseil d’État ne devrait pas être réorganisé et devrait avoir l’autorité et superintendance supérieure et des finances et de tous aultres consaulx (séance du 23 avril 1566); que grand bien résulterait de l’arrivée du roi, non accompagné de troupes étrangères (séance du 24 avril 1566); que la suppression de l’inquisition (moyennant que l’office des évêques demeurât stable) et la modération des placards, serait le souverain remède (séance du 9 juillet 1566); qu’on devrait donner quelques contentements aux confédérés et ne pas assembler les États généraux, cette dernière chose étant trop longue et ne remédiant pas assez vite au mal (séances des 9 juillet et 22 août 1566); qu’on devrait laisser partir les hérétiques sans les molester pour le passé (séance du 17 février 1566). Lorsque, au mois de juillet, les confédérés présentèrent leur ultimatum à la Régente, celle-ci le députa vers eux avec le comte d’Egmont et d’Assonleville pour les entendre dans leurs explications. Enfin, dans la séance du 31 décembre 1566, d’Arschot, Berlaimont, d’Egmont, Mansfeld, de Meghem, Viglius, d’Assonleville et Brusselius prirent l’engagement de se lier irrévocablement à la cause catholique, à celle du roi, et d’employer la force contre le parti révolutionnaire.

A l’arrivée du duc d’Albe, Brusselius conserva ses fonctions et continua à être l’un des serviteurs les plus dévoués du parti espagnol. Dans l’assemblée des États généraux réunie le 21 mars 1569, en présence du duc, il fut derechef l’organe du gouvernement pour la demande de nouveaux impôts. L’année suivante il eut l’honneur d’être désigné pour complimenter la reine Anne d’Autriche, fille de l’empereur Maximilien II, à son arrivée dans le pays. Il prononça sa harangue, tête nue, en plein air, à bord d’un vaisseau du port d’Anvers et il y gagna un refroidissement suivi de fièvre qui l’emporta au bout de quatorze jours. Sans cette mort prématurée, Brusselius aurait sans doute atteint aux plus hautes positions sociales, soit celle de président du conseil privé pour laquelle il avait déjà été proposé le 5 octobre 1565, soit celle de chancelier du Brabant. Il jouissait en dernier lieu d’un avantage spécial au conseil privé en ce qu’il touchait quarante-quatre sols par jour et probablement encore des mercedes, tandis que ses collègues Micault et Hermès de Wynghe ne recevaient que quarante sols.

De l’avis de ses biographes, Brusselius était savant jurisconsulte, bon orateur, habile homme d’État; il se distinguait par son érudition, sa modestie et, ajoute Sweertius, sa piété. Par son habileté et l’entente parfaite des affaires, jointes à la douceur de son caractère, il se faisait aimer de toute la Cour.

Son tombeau, qui existait chez les Carmes de l’ancien institut, dans la chapelle des seigneurs d’Enguin de Kestergat, fut détruit lors du bombardement de Bruxelles. De sa femme, Jeanne de Locquengien, il laissa six enfants dont un, Gaspard de Bruxelles, devint vice-président du conseil d’Utrecht et mourut le 8 octobre 1596.

Britz.

Valère André, Bibl. Belg., p. 767. — Swertius, Athen. Belg., p. 639. — Foppens, Bibl. Belg., p. 102. — Tombeaux des hommes illustres, pp. 27 et 28. — Trophées de Butkens, suppl. II, pp. 317, 319. — Paquot, Mém., I. p. 321. — Chalmot, Woord., 73 — Molananus, Hist. Lovan. éd. Deram, p. 555. — Notules de Berty, séances du Conseil d’État de 1559 à 1577 (dans les Archives de l’État à Bruxelles). — Manuscrit 17637 (Van Ghistel, Ill. Machlin.). — Wagenaar, Nederland. histor. V, f. 430, VI, 10. — Gachard, Correspondance de Guillaume le Taciturne, passim. — Id., Correspondance de Philippe II, passim. — Id., Analectes Belg., pp. 70 et suivantes. — Foppens, (dans le manuscrit 9939, p. 55) lui donne pour mère Marguerite de Longueville.