Biographie nationale de Belgique/Tome 3/BUSLEIDEN, Jérôme

La bibliothèque libre.
◄  Tome 2 Tome 3 Tome 4  ►



BUSLEIDEN (Jérôme), HIERONYMUS BUSLIDIUS, écrivain latin et protecteur des lettres, conseiller d’État et dignitaire ecclésiastique, fondateur du collége des Trois-Langues, à Louvain, au commencement du XVIe siècle. Troisième fils de Gilles Busleiden et de Jeanne de Musset, il naquit à Arlon vers 1470, et il suivit les traces de son frère François qui s’était voué à de fortes études avant de se mettre au service de l’Église. Il avait montré un goût précoce pour les lettres, qui ne fit que se développer à Louvain, pendant ses cours de philosophie, de théologie et de droit. Il eut l’avantage de voyager en Italie dans sa jeunesse, et c’est à Bologne qu’il prit, vers 1498, le grade de docteur ès droits (J. U. Doctor). Sa carrière fut dès lors partagée entre deux vocations qui ne se contrarièrent pas l’une l’autre. De retour en Belgique vers l’an 1503, il jouit d’un grand crédit auprès de l’empereur Maximilien et de ses ministres; il fut bientôt appelé au conseil souverain de Brabant; il reçut tour à tour plusieurs titres ecclésiastiques qui lui assuraient des bénéfices, ceux de chanoine de Saint-Rombaut, à Malines, de Sainte-Waudru, à Mons, de Saint-Lambert, à Liége, celui de trésorier de Sainte-Gudule, à Bruxelles, et de prévôt de Saint-Pierre, à Aire, en Artois (prœpositus Ariensis); c’est ce dernier titre qu’il mit toutefois au-dessus de tous les autres. Homme d’une éducation distinguée, d’un esprit cultivé, versé dans les questions de droit public agitées alors dans les conseils des princes, Jérôme Busleiden était du nombre de ceux qui représentaient le mieux le souverain de leur pays dans le personnel d’une ambassade; il se rendit avec des missions diplomatiques de Maximilien dans plusieurs cours, à Rome auprès du pape Jules II, en France et en Angleterre an commencement du règne de François Ier et de Henri VIII. Mais le conseiller, le sénateur, comme on nommait les membres du grand Conseil, faisait place à l’érudit, à l’écrivain, dans les loisirs que lui laissaient ses correspondances et ses fonctions publiques. Ayant fixé sa résidence à Malines, Busleiden fit de sa demeure un musée fort riche en livres, en antiquités, en objets d’art, et c’est là qu’il reçut la visite de plusieurs savants étrangers, Thomas Morus, par exemple, qui rendirent hommage au savoir et au discernement du dilettante. Son hôtel était un bâtiment remarquable, qui a été affecté dans les derniers temps au mont-de-piété, et dont la façade gothique a été restaurée en 1862 aux frais de la commune de Malines, sous la direction de l’architecte Schadde. Il trouva moyen de satisfaire en même temps son vif amour des lettres classiques, en s’occupant de lectures dans les langues grecque et latine, et en composant lui-même grand nombre de pièces en vers et en prose, discours, inscriptions. épîtres, ayant trait à ses relations d’amitié dans le pays et à l’étranger. On a conservé un recueil assez complet de ses essais littéraires (Carmina, epistolœ, orationes) appartenant aujourd’hui aux manuscrits de la Bibliothèque royale de Bruxelles; peut-être sera-t-il donné à l’auteur de la présente notice de faire connaître un jour les pièces les plus remarquables de ce recueil qui justifient les nobles préoccupations de l’érudit. Le sénateur de Malines avait de fréquents rapports avec les maîtres de l’Université de Louvain, et il n’avait cessé en toute occasion d’exciter leur zèle pour la culture des belles-lettres lorsqu’elle se propageait du midi au nord de l’Europe à l’exemple de l’Italie. C’est sur eux qu’il comptait pour lui venir en aide dans ses généreux desseins de Mécène et de protecteur des études, suivant les ressources que ses différentes charges avaient accumulées entre ses mains. On en a pour preuve le testament qu’il prit soin de dicter à Malines avant de partir pour l’Espagne où il devait précéder, avec d’autres délégués de nos conseils, le jeune Charles-Quint, successeur du roi Ferdinand le Catholique. Jérôme Busleiden, atteint d’une violente pleurésie, mourut en route, à Bordeaux, le 27 août 1517, âgé d’environ quarante-sept ans. Mais ses intentions devaient recevoir un prompt accomplissement pour le progrès des hautes étude en Belgique, comme pour le plus grand honneur de sa mémoire. Les hommes qu’il avait chargés d’exécuter son testament s’empressèrent d’appliquer à la fondation d’un collége à Louvain la meilleure partie de sa fortune qu’il avait destinée expressément à une institution de ce genre. Dès le mois d’octobre 1518, ils réalisèrent le vœu de Busleiden en ouvrant les cours qu’il avait désignés dans son testament, les trois leçons de latin, de grec et d’hébreu, qui se firent d’abord dans la maison des Augustîns. Mais, en octobre 1520, ils inaugurèrent l’école spéciale qu’il avait voulu fonder, et la firent reconnaître comme établissement de l’Université sous le nom de Collége des Trois-Langues (Collegium trilingue) ou de Collége de Busleiden (Collegium buslidianum); ils trouvèrent un appui moral fort précieux dans les suffrages d’Érasme qui, ami et admirateur de Busleiden, encourageait les maîtres et les élèves et s’efforçait d’éclairer l’opinion publique ; ils furent également secondés par le frère du fondateur de l’œuvre, Gilles Busleiden, membre de la chambre des finances royales, et trésorier de Sainte-Gudule, mort seulement en 1536. L’institution qui devança de quelques années la fondation du Collége de France inspirée par le même dessein (1530), surmonta l’opposition qui ne manqua pas de se produire tout d’abord, et elle rendit d’immenses services aux sciences et aux lettres pendant le XVIe siècle ; restaurée après la crise qu’elle subit avec toutes les autres institutions universitaires à la fin de ce siècle, elle subsista, non sans utilité pour le maintien des bonnes études dans les deux siècles suivants, jusqu’à la suppression de l’Université même sous la domination française. Il ne reste aujourd’hui de l’œuvre de Jérôme Busleiden qu’un petit nombre de bourses, attribuées, par l’arrêté ministériel de l’an 1821, à des jeunes gens nés dans les localités du Luxembourg que le fondateur de l’ancien collége avait désignées dans son testament. En 1856, on a placé la statue de J. Busleiden, œuvre de M. Séverin van Aerschodt, entre celles de Thierry Martens et de Louis Vivès, dans la seconde série des statues historiques qui ornent la façade de l’hôtel de ville de Louvain.

Félix Nève.

Valère André, Fasti academici, pp. 275-285. — Paquot, Fasti academ. Lov. (Ms.), 2 vol. fol. — V. André, Collegii trilingui exordia ac progressus, etc. Lovanii, 1614, petit in-4o. — Vernulæi, Academia Lovan., éd 1667, p. 73 sq. — Mémoire hist. et litt. sur le collége des Trois-Langues. Bruxelles, 1856, chapitres II, III et IV, et parmi les pièces justificatives, les extraits du testament de Busleiden. — Molanus, Rerum Lovan. libri XIV, éd. de Ram, t. I, pp. 641-42.