Biographie universelle ancienne et moderne/1re éd., 1811/Thiard (Anne-Louis de)

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THIARD (Anne-Louis de), marquis de Bissy, fils de Anne-Claude et de Thérèse de Chauvelin, naquit à Paris le 6 mai 1715. Mousquetaire à quinze ans, il eut une compagnie dans le régiment de Villars cavalerie, qu’il rejoignit au camp de la Saône. A dix-sept ans il fut nommé colonel du régiment d’Anjou cavalerie ; servit en cette qualité à l’armée du Rhin et se trouva au siége de Philisbourg. En 1736, il obtint la charge de commissaire-général de la cavalerie, l’une des plus importantes de l’armée, en remplacement du marquis de Clermont-Tonnerre, nommé mestre-de-camp général de cette arme ; et, le même jour, il fut nommé brigadier des armées du roi. La guerre s’étant rallumée en 1741, il fut employé dans l’armée du maréchal de Maillebois, et désigné pour commander la cavalerie, il hiverna avec elle en Westphalie. L’année suivante, il fut chargé du commandement de la cavalerie bavaroise, et la rejoignit au camp de Nider-Altkirch commandé par le duc d’Harcourt et ensuite par le comte de Saxe. Il s’y distingua dans plusieurs occasions et rejoignit ensuite l’armée de Maillebois sur les frontières de Bohème où il contribua à la levée du siége de Braunau. Le 20 février 1743 il fut fait maréchal de camp ; lorsque son père et son grand père étaient également officiers généraux en activité, de manière que Delille aurait pu dire de cette famille ce qu’il a dit de celle des Condé :

Trois générations vont ensemble à la gloire.

Désigné pour continuer à conduire la cavalerie de l’armée de Bavière, sous le duc de Broglie qui fut bientôt obligé de quitter ce pays pour se rapprocher du Necker, le comte de Bissy, ayant commandé l’arrière-garde, supporta tout le poids de la retraite. Il ramena néanmoins ses troupes en Alsace sans être entamé, et acheva la campagne sous les ordres du maréchal de Noailles. En 1744 il fut nommé gouverneur de Pontarlier, lorsque déjà il avait reçu des lettres de service pour commander la cavalerie de l’armée d’Italie, sous les ordres du prince de Conty. Le 1er avril, il se trouva au passage du Var, à la prise des châteaux d’Apremont, de Nice, de Castel Novo, de la Turbie, etc., opérations préliminaires de la grande attaque que le prince de Conty et l’infant don Philippe, qui commandaient l’armée combinée, méditaient sur les retranchements de Villefranche et du mont Alban. Le 19, à six heures du soir, l’armée se mit en marche pour commencer l’action avant le jour. Bissy, quoique le plus jeune maréchal de camp, eut le commandement de la colonne qui devait soutenir les Espagnols sous les ordres du marquis del Campo Santo. Le 20, l’attaque commença, dès le matin sur toute la ligne. Bissy s’empara d’abord des batteries qui flanquaient la gorge de Villefranche, et il pénétra jusqu’au haut du col ; puis, ayant fait un mouvement par sa gauche, il s’empara des hauteurs du mont Gros, d’où il prit à revers la seconde ligne de l’ennemi. Cinq bataillons piémontais qui les défendaient, y furent faits prisonniers, ainsi que le comte de la Suze, fils naturel du roi et général en chef de l’armée ennemie. Les drapeaux et l’artillerie restèrent aux mains des vainqueurs. Les troupes espagnoles et les autres colonnes ne prirent qu’une légère part à l’action, dont tout le poids resta sur le marquis de Bissy. En rendant compte à son souverain de ce combat, le général espagnol qui avait combattu à ses côtés, écrivit : « Il se présentera des occasions où nous ferons aussi bien que les Français, car il n’est pas possible de faire mieux… » La reddition de Villefranche et de Montalban fut la suite naturelle de cette victoire. Le 2 mai la nouvelle en arriva au roi qui avait déjà ouvert en personne la campagne de Flandre. Le marquis de Bissy s’était conduit avec tant de valeur et de présence d’esprit dans les différents ordres qu’il eut à donner, que le roi le nomma chevalier de ses ordres, quoiqu’il eût à peine atteint sa vingt-neuvième année et qu’il fût bien éloigné de l’âge requis par les statuts. Le ministre de la guerre donna connaissance de cette faveur au marquis de Bissy et à son père, par des lettres qui sont conservées précieusement dans la famille. L’affaire de Montalban entraîna la soumission de tout le comté de Nice, et l’on procéda aussitôt à l’investissement de Cony. Les Piémontais, ayant risqué une attaque pour dégager cette place, furent battus, et le marquis de Bissy se distingua encore dans cette occasion. Ce fut lui que le prince de Conti chargea d’en porter la nouvelle au roi, qu’il rejoignit à Strasbourg, où il venait d’arriver après la maladie dont il avait été atteint à Metz. Toutes les troupes que commandait le prince de Conti ayant été réunies à l’armée du maréchal de Saxe, le marquis de Bissy les suivit ; mais il n’arriva en Flandre qu’après la bataille de Fontenoi, qui avait été livrée le 30 avril 1745. Il assista à celles de Baucoux et de Laufeld. En 1747, il fut renvoyé sur le théâtre de ses premiers exploits, et désigné pour commander la cavalerie du maréchal de Belle-Isle. Dès l’ouverture de la campagne, il trouva occasion de se signaler. L’armée française, ayant passé le Var, se porta avec rapidité sur Nice, et la colonne de Bissy qui avait la tête de l’attaque engagea l’affaire avec tant de vivacité que le comte de Lintrum, général en chef de l’armée ennemie eut à peine le temps de sortir de Nice avec les cinq bataillons qui en formaient la garnison, non sans avoir perdu beaucoup de monde. Cette affaire ayant amené la première évacuation du comté de Nice, le maréchal de Belle-Isle se porta sur la rivière de Gênes pour forcer le général autrichien, de Schullenburg, à lever le siége de cette ville, dont la population, fatiguée des exactions autrichiennes, s’était révoltée contre la garnison et l’avait chassée de ses murs. Aussitôt que le maréchal en eut connaissance, il y envoya le marquis de Boufflers qui mourut subitement à Gênes. Bissy fut désigné pour le remplacer, mais les Anglais étant maîtres de la mer, il fut contraint de suivre la voie de terre, et ne parvint à son poste qu’après une marche pénible et difficile. « Les premiers soins (dit l’historien des Révolutions de Gênes), furent de réprimer les courses que faisaient les ennemis, qui occupaient encore divers postes au delà des montagnes. Il envoya des partis lever des contributions dans le Parmesan, le Montferrat et le Lortonois. Rassuré sur les dangers présents, il songea à prévenir ceux de l’avenir, et donna des ordres pour réparer et augmenter les défenses de Gênes et de ses postes extérieurs. Enfin il tourna son attention vers l’îsle de Corse, dont il n’avait pas été possible de s’occuper, tant qu’il s’était agi du salut de la capitale. » En conséquence, il fit passer en Corse le comte de Choiseul avec cinq cents hommes, qui battirent les rebelles aussitôt après leur débarquement, et leur firent lever le siége de Bastia. « Ainsi (continue le même historien) les affaires des Génois se rétablissaient partout. Les rebelles de Corse étaient réduits à la dernière extrémité, les Etats de la république étaient délivrés, dans leur meilleure partie, des Autrichiens et des Piémontais ; les troupes du maréchal de Belle-Isle avaient forcé le château de Vintimille de se rendre le 1er juillet. Quels que fussent les efforts des ennemis, Gênes était en état de ne plus craindre leurs attaques. Lorque le duc de Richelieu s’y rendit, il trouva cette ville bien fortifiée, pourvue de munitions, et défendue par vingt-cinq mille hommes tant des troupes de la république que des détachements de l’armée de France et d’Espagne, et redoutant peu que les Autrichiens osassent tenter encore une fois le siége, comme ils affectaient de le puublier. » Le lendemain, M. de Belle-Isle se rendit à Paris, où il reçut le grade de lieutenant général. Le 9 avril suivant, le roi lui conféra le régiment et la charge de mestre-de-camp général de la cavalerie, vacante par l’élévation du marquis de Clermont-Tonnerre à la dignité de maréchal de France. Le 15 du même mois il fut appelé à l’armée de Flandre, et investi du commandement de toute la cavalerie, comme sa charge lui en donnait le droit. L’hiver s’était passé en négociations, et la paix pouvait être considérée comme certaine. On a dit alors que Mme de Pompadour l’avait signifié aux plénipotentiaires avant leur départ. La diplomatie ne différait plus que sur des choses insignifiantes ; cependant pour hâter la paix, le maréchal de Saxe, qui commandait l’armée de Flandre, voulut faire quelques démonstrations, et vint mettre le siége devant Maëstricht. La tranchée ayant été ouverte, Bissy, quoique commandant en chef de la cavalerie, réclama son jour ; et le 29 avril, il releva la tranchée. « Dans la nuit suivante, il fit attaquer la flèche de droite qui fut emportée. L’angle saillant du chemin couvert fut couronné ; on prolongea le débouché de la droite vers la troisième parallèle, et on combla une espèce d’avant fossé qu’on rencontra à la gauche. » Dans cette situation la place ne pouvait plus tenir, mais un boulet fracassa la jambe du marquis ; l’amputation fut indispensable, et le lendemain la paix fut proclamée !… Le maréchal de Saxe, ayant jugé la blessure mortelle, avait expédié à Versailles un courrier qui en rapporta le cordon bleu pour le malheureux marquis ; mais il ne put le recevoir, car il était mort, le 3 mai, à l’âge de trente-trois ans, universellement regretté, dans l’abbaye de Hocht. près Maëstricht, où son père lui fit élever un superbe mausolée. Le boulet qui le frappa fut le dernier de cette guerre. Avant d’expirer, entendant les salves tirées en réjouissance de la paix, qui venait d’être proclamée, il s’en inquiétait auprès du maréchal, qui le visitait souvent : ce sont des housarderies, répondit celui-ci; et il expira peu d’instants après. Le roi, voulant reporter sur la famille la bienveillance dont il honorait le marquis, l’autorisa à joindre le collier de l’ordre à ses armoiries, et aujourd’hui ce collier entoure le frontispice de la grille, placée à l’entrée du château de Pierres, résidence de ses descendants. Les désordres et le vandalisme de 1793 et de 1830 n’ont pu atteindre ce glorieux trophée, il subsiste encore dans son intégrité. Le marquis de Bissy ne brilla pas uniquement par sa bravoure chevaleresque, il se fit encore remarquer par son esprit, par les grâces de sa personne et cette magnificence dont l’influence, en ce temps-là, agissait sur toutes les classes de la société. A la fortune que sa famille possédait en Bourgogne, son père avait joint celle plus considérable encore des Harancourt, dont il avait été, par sa mère, l’unique héritier. Son père la lui avait abandonnée, et il en jouissait avec une grande libéralité. Le marquis de Bissy ne fut pas marié, il avait refusé les plus riches partis. Une liaison qui, à la cour, n’etait un secret pour personne, l’attachait depuis longtemps à une dame d’une famille illustre ; mais un obstacle insurmontable jusque-là s’était opposé à l’union des deux amants. Cet obstacle venait d’être levé, et l’union allait être enfin célébrée quand la mort vint frapper le marquis de Bissy.M—dj.


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