Biographie universelle ancienne et moderne/1re éd., 1811/Thier (Jean du)

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THIER (Jean du), chevalier, seigneur de Beauregard, naquit, dans les premières années du xive siècle, à Sens (Yonne), où son père, Olivier du Thier, était receveur des domaines. Dès sa jeunesse il s’attacha au célèbre Anne de Montmorenci, depuis connétable ; fut son secrétaire et travailla sous lui aux affaires les plus importantes de l’Etat jusqu’en 1541, époque de la disgrâce de ce haut personnage. Il le suivit en exil et, l’année suivante, n’en fut pas moins pourvu d’une charge de secrétaire du roi. Il remplaça aussi son père comme receveur à Sens, et garda ces deux emplois jusqu’à la mort de François Ier. A l’avénement de Henri II, en 1547, le connétable, rappelé à la cour, et jouissant de la plus grande faveur auprès du nouveau monarque, n’oublia pas du Thier, et le récompensa de sa fidélité, en le faisant nommer l’un des quatre conseillers et secrétaires des commandements et finances que le roi établit pour expédier seuls les affaires de son royaume. Plus tard, en avril 1559, ces fonctionnaires reçurent le titre de secrétaires d’Etat, et furent ainsi les premiers en France honorés de ce nom. Du Thier eut dans son département le Piémont, Rome, Lyon, le Dauphiné, Venise et tout le Levant. Il donna tant de preuves de sa capacité et de son intégrité, qu’en 1553, le roi le nomma encore contrôleur-général des finances. Il mourut en septembre 1559, n’ayant eu de sa femme Marguerite de Pelletan, qu’une fille, Jeanne du Thier, qui ne se maria point et fut dame d’honneur de la reine Catherine de Médicis. (Pour des détails plus circonstanciés, consultez l’Histoire des secrétaires d’Estat, par Fauvelet du Toc.) Les grandes places qu’occupa du Thier ne l’empêchèrent point de cultiver la littérature. Il savait l’italien, faisait des vers, protégeait les poètes, et se montrait en général le Mécènes des gens de lettres de son temps. C’est le témoignage que lui rend Ronsard, qui le loue dans plusieurs de ses ouvrages, et dit, dans un Discours en vers qu’il lui adressa :

Tu n’es pas seulement poète très-parfait ;
Mais si en nostre langue un gentil esprit fait
Epigramme ou sonnet, épistre ou élégie,
Tu lui as tout soudain ta faveur eslargie, etc. »

Joachim du Bellay ne parle pas moins avantageusement de du Thier (Voy. l’Epître qui est en tête de ses jeux rustiques[1]. Les poésies que notre secrétaire d’Etat peut avoir composées n’ont jamais vu le jour. On n’a de lui qu’un opuscule facétieux en prose, publié sept ans après sa mort, et que les amateurs recherchent, mais ne trouvent qu’assez difficilement. Il est intitulé : Les louanges de la Folie, traicté fort plaisant en forme de paradoxe traduict d’italien, etc., Paris, Hertman Barbe, 1566 ; aussi Poitiers, chez les de Marnef et Bouchet frères, même date, petit in-8º. Le Bulletin du bibliophile, 6e série, p. 95, en annonce une édit. de Lyon, Benoist Rigaud, 1567, également petit in-8º. On l’a aussi réimprimé dans le recueil de Paradoæes, traduit en grande partie d’Ortensio Landi (Voy. ce nom, gr. cap. 331), édit. de Rouen, Nic. Lescuyer, 1583, in-16, et dans une ou deux autres édit. du même recueil. L’auteur original du petit écrit dont du Thier a donné la version ou plutôt l’imitation, est Ascanio Persio, comme on l’a déjà dit d’ailleurs à son article (ger. cap. 497). Cette bagatelle, plus rare encore que la traduction française, a paru en Italie sous le titre de la Pazzia, stampata in India pastinaca[2], per messer non mi biasimate, etc., petit in-8º, sans date ; autre édit. en 1551 , sans nom de lieu (Voy. le Man. du libr, au mot Pazzia). — Jean du Thier eut un neveu auquel Lacroix du Maine, dans sa Bibliothèque, à l’article de l’oncle, donne le prénom d’Olivier, et, à l’article qu’il lui a spécialement consacré, celui de Julien[3]. Ce gentilhomme qui florissait en 1574, était, suivant l’ancien bibliothécaire, un excellent poète latin et français, et un grand musicien. Il avait aussi traduit en notre langue l’histoire romaine de Velleius Paterculus ; mais il paraît qu’on n’a imprimé de lui que le mauvais sonnet qui se trouve à la fin de la Bibliothèque que nous venons de citer (édit. in-4º), parmi les pièces destinées à la célèbrer ainsi que son auteur. B—l—u.


  1. Dans une de ses harangues, le célèbre Ramus vante la générosité de du Thier, qui, ayant été chargé d’expédier les ordres du roi en faveur de l’Université, après la fameuse affaire du Pré-aux-Clercs, « ne voulut, dit-il, aucun salaire de sa peine, sinon que l’Université lui en sceust gré, et en eust souvenance. » Crévier, Histoire de l’Université de Paris, vi. 36. « Ainsi, ajoute l’Historien, les secrétaires d’état se faisaient payer alors de leurs expéditions, comme les greffiers des cours de justice. » C’est possible ; mais il est bon de remarquer que les quatre secrétaires d’alors faisaient le travail des neuf ou dix ministres d’aujourd’hui, et n’avaient chacun que trois mille livres tournois par an, pour leurs gages, pensions et entretenement.
  2. Ce mot, au propre, veut dire panais, et au figuré, jaserie, babil, etc. suivant le vocabulaire de la Crusca, on le joint alcuna volla per is chezzo all’India (l’Inde joyeuse, babillarde). Ficcar pastinache signifie à peu près la même chose que ficcar carote, c’est-à-dire, hâbler, craquer, en faire accroire, en donner à garder.
  3. Fauvelet du Toc nous apprend qu’à la mort de Jean, ses biens passèrent aux enfants de Marie Thier, sa sœur, qui avait épousé Antoine le Crec, écuyer, sieur des Grands-Maisons. Ces enfants reprirent probablement le nom et les armes de leur oncle ; mais parmi eux et leurs descendants mentionnés par Fauvelet, nous ne voyons aucun individu portant le prénom de Julien.



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