Biographie universelle ancienne et moderne/2e éd., 1843/APEL (Jean-Auguste)

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A. Thoisnier Desplaces (Tome 2p. 101-103).

APEL (Jean-Auguste), légiste allemand qui s’est plus occupé des belles-lettres que de la jurisprudence, était né à Leipsick en 1771, d’une famille patricienne. Son père, bourgmestre de la ville, soigna son éducation, et voulut qu’il étudiât la jurisprudence, parce qu’il le destinait à la carrière des emplois publics, dans laquelle sa famille s’était dès longtemps distinguée. Le jeune homme, après avoir terminé ses études à Leipsick, alla suivre les cours de la faculté de droit de Wittemberg. En 1791, il y soutint une thèse de Discrimine inter delicta atrocia et levia statuendo (imprimée la même année à Leipsick, in-4o) ; et en 1795 sur une nouvelle thèse : Quædam de origine rusticorum dotalium eorumque inprimis in Saxonia conditione, il reçut les titres de docteur en droit, etc. Cette dissertation inaugurale est fort médiocre, et témoigne de son peu d’aptitude et d’application à l’étude de la jurisprudence. Cependant il revint à Leipsick pour s’y livrer à la pratique de cette science ; et quelques opuscules, publiés dans les années suivantes (Progr. de leg. in delicta circa arbores, ib., 1796, in-4o ; Dissertationes duo de causis matrimonii annulandi, ib., 1798-1799, in-4o), montrent qu’il continua de s’en occuper un peu, et donnent à penser qu’il visait a quelque fonction ; mais il était riche ; il aimait les beaux-arts, la musique, la poésie, la peinture ; il était passionné pour la scène ; il faisait des vers, des expériences de chimie, de physique, de mécanique : on juge bien que de tels goûts, dans un homme maître de ses loisirs, empiétèrent promptement sur des études qu’ils faisaient trouver arides et rebutantes, et finirent par régner sans partage. Bien que dominé par son penchant littéraire, Apel éprouve d’abord quelque confusion de donner tout entière à des futilités poétiques une vie que la volonté de son père avait destinée à des travaux plus graves ; mais la lecture des écrits philosophiques de M. Schelling, alors dans leur nouveauté, le guérit de ces derniers scrupules ; la philosophie et la poésie, souvent confondues dans les écrits du philosophe, se marièrent dans son esprit ; la première rendait a l’autre, en gravité, ce qu’elle en recevait d’agréments et d’attraits ; Apel se persuada que la fantaisie poétique était aussi un mode d’investigation de la vérité, et le panthéisme mystique de M. Schelling eut en lui un enthousiaste dont la ferveur ne s’est jamais démentie. Il débuta dans la littérature par des articles de critique et quelques essais d’esthétique insérés dans le Leipziger Literaturzeitung, dans le Musikalische Zeitung et dans le Deutsch. Merkur (1800-1802). Pendant les années suivantes, il continua d’insérer dans plusieurs journaux et recueils périodiques ses essais poétiques et philosophiques, et des morceaux de divers genres. On cite comme enrichis de ses productions l’Allg. Literzeit. d’Iéna, le Journ. fur deutsch. Frauen, rédigé par Rochlitz, et continué sous le titre de Selene, le recueil du pote Kind, intitulé Malven, d’autres encore (Aglaia ; Taschend. für Liebe mund Freundschaft, etc.). Il travaillait avec facilité, et il ne cessa de faire paraître chaque année des poésies lyriques, satiriques, élégiaques, sérieuses, badines, des légendes, des drames, des contes et des romans. La plupart de ces ouvrages trop nombreux eurent du succès lorsqu’ils parurent ; quelques-uns excitèrent des discussions par leur forme nouvelle ; aucun n’a joui d’une renommée durable, et la réputation de l’auteur, établie sur ces titres frivoles, sera sans doute éphémère comme eux. En 1804, il publia des ballades et des contes ; puis il mit successivement au jour des nouvelles, parmi lesquelles on distingue : les Portraits de famille (1805) ; le Jugement de Dieu ; les Pierres tombées de la lune ; le Coq dans un panier, etc. ; des légendes, St. Jean et son chat ; les Lamentations déplorables du père Anselme ; un joli conte, l’Enfant paisible ; un recueil de ballades et de légendes(1806). En 1807, il fit paraître un livre sur le beau et le romantique, dans lequel il prenait la défense des littératures classiques. Un poëme qu’on cite avec éloge, Inès et Pédro, et un recueil d’élégies, parurent la même année. En 1809, il publia, avec F. Laun, un volume intitulé le Livre des fantômes, dans lequel on remarquait surtout ses deux contes : le Franc-Archer et la Dame des morts ; le premier a fourni le sujet d’une pièce de théâtre à laquelle la musique de Weber a donné beaucoup de vogue. Il a été réimprimé à part, Leipsick, 1825, in-8o. Ce recueil eut du succès, et les auteurs en ont fait paraître six nouveaux volumes jusqu’en 1817. Parmi les productions qui suivirent, nous nous bornerons à citer : 1810, la Visite du fiancé, Clara Montgomery, nouvelles ; les Cigales, recueil de poésies en 4 vol., dans lequel il a reproduit la plupart de ses opuscules poétiques déjà cités ; le 3e et le 4e volume n’ont paru qu’en 1811 et 1812 ; 1811, le conte intitulé : Der Schatzgraber, qui passe pour son chef-d’œuvre en ce genre ; 1812, l’Anneau nuptial ; l’Amour magique, contes, etc. En 1814 il donna, avec Laun, le Livre des merveilles (Wunderbuch), la Demoiselle d’argent, et d’autres contes ; en 1810, à Berlin, Zeitlosen, contes et poèmes. Il convient de s’arrêter un peu plus sur les pièces de théâtre qu’Apel a fait paraître, mais dont aucune n’a subi l’épreuve de la représentation. Après avoir longtemps étudié l’art dramatique, il lui vint à l’esprit de reproduire, dans une série de compositions, les caractères distinctifs des époques principales de l’histoire de cet art, autant qu’on peut les saisir dans les grands écrivains dont chacun peut être considéré comme le représentant d’une de ces époques. Il résumait ainsi, dans un seul drame, tout ce qui distingue une période de l’art, ou la manière d’un maître ; et la série de ses pièces devait offrir une suite de tableaux de ces périodes, représentées avec une scrupuleuse fidélité dans tout ce qu’elles ont de plus sensible, la contexture, la poésie et même la forme métrique des ouvrages. D’après ce plan, il donna en 1805 son drame de Polyidoa comme copie de la manière d’Eschyle ; en 1806, parurent les Ètoliens comme représentation de l’âge d’Euripide, et Callirhoé représentant la transition de la forme ancienne à la forme moderne. Conrad de Kauffungen, mis au jour en 1809, résume en lui les qualités et les défauts de la tragédie shakespearienne. Apel avait préparé une pièce a la manière de Sophocle, intitulée Thémistocle ; un drame satirique, Hercule en Lydie, sur le modèle sans doute du Cyclope d’Euripide ; une tragédie de Faust et quelques autres essais destinés à compléter le cercle de ses imitations. Ces derniers ouvrages n’ont point vu le jour, et ceux qu’a publiés l’auteur paraissent n’avoir été reçus du public qu’avec indifférence. Cependant ces études ingénieuses donnèrent naissance au plus important de ses écrits. Contraint d’approfondir, puisqu’il voulait le calquer dans ses imitations, le mécanisme de la prosodie grecque, les premiers ouvrages de M. Godefroi Hermann sur ce sujet furent d’abord ses guides ; puis il imagina, sur la cadence ou la mesure dans la versification grecque et sur les points de liaison de la musique et de la poésie, d’après le système poétique de l’antiquité, une théorie opposée a celle de son maître. À la suite de sa pièce les Étoliens (1806 ; nouv. éd., 1811), il exposa ses idées principales sur ce sujet ; elles firent quelque sensation, et il les reproduisit avec des développements dans l’Allg. musik. Zeitung de 1807 et 1808. M. Godefroi Hermann répondit dans le même journal (1809, no  19), et n’eut pas de peine à prouver que si les idées d’Apel étaient ingénieuses, ses connaissances dans la philologie étaient assez peu profondes, et ses conjectures sur le rhythme et la mélodie des anciens purement systématiques. Apel, entraîné par la contradiction à défendre ses opinions, et à les étayer sur de nouvelles recherches, composa un livre tout entier sur la métrique, et en fit paraître le 1er volume en 1814 (in-8o, Leipsick). M. Hermann n’y répliqua qu’avec beaucoup de ménagements et d’une manière détournée dans quelques passages d’une nouvelle édition de sa prosodie latine, qui parut la même année. Apel soutint la polémique jusqu’au bout ; il revint sur les dernières objections de son adversaire, et il allait faire paraître le 2e volume de sa Melrik, dont les dernières feuilles s’imprimaient, quand il fut atteint d’une esquinancie qui l’enleva subitement, le 9 août 1816. Ce 2e volume parut presque aussitôt ; mais il eut peu de succès. M. Godefroi Hermann, dans son bel ouvrage Elemento doctrima metricæ, publié quelques semaines auparavant, avait à peu près mis son adversaire hors de combat, en faisant voir que ceux qui avaient attaqué ses opinions ne les avaient pas suffisamment comprises. Les critiques allemands accordent des éloges au style d’Apel pour sa correction et son élégance. — Frédéric-Auguste-Ferdinand Apel, frère aîné du précédent, né à Leipsick le 8 juillet 1768, étudia la jurisprudence, et paraît avoir préféré des loisirs studieux dans ses terres de Dœlitz, près Leipsick, à la pratique des affaires. On cite de lui : 1o Dissertatio (præs. Biener) sistens histor. et jura suffragii electoralis saxonici et archimareschallatus S. Imp. rom., Leipsick, 1789, in-4o. 2o Dissertatio inaug. de juribus singularibus clericor. in Saxonia, ibid., 1791, in-4o. Cette thèse est fort augmentée et corrigée dans la traduction allemande qui en fut publiée l’année d’après, in-4o. 3o Sur la nourriture artificielle des abeilles (Ueber kunstliche Bienenfuetterungen, etc.), ibid., 1805, in-8o. F—ll.